Représenter la France à l’étranger constitue un métier mais aussi un art, exercé par des personnels de talent dans leur ensemble. Cela n’empêche pas certaines dérives ou négligences, couvertes souvent par la loi du silence, sauf en cas de gravité exceptionnelle.
C’est ce qui ressort de cette enquête très fouillée auprès de sources internes au ministère des Affaires étrangères (MAE), mais aussi extérieures, à savoir parlementaires, universitaires ou même judiciaires. Alors que les grandes lignes de la politique étrangère se décident à l’Elysée, le Quai d’Orsay et son réseau diplomatique, le 2ème du monde après celui des Etats-Unis, doivent composer avec un discours à l’ambition planétaire, contredit par des moyens budgétaires régulièrement réduits. En effet au nom de la rigueur comptable, le ministère de l’Economie et des Finances dénonce le laxisme du MAE, soupçonné de cultiver les mœurs aristocratiques de ses origines. Si le poids des anciens de l’Ecole nationale d’administration (ENA) reste quantitativement limité parmi les chefs de missions à l’étranger, il se fait sentir dans les ambassades les plus prestigieuses (Washington, Pékin, Berlin, Moscou, Londres, Tokyo, Rome et Madrid), qui influencent la politique de la France et constituent des tremplins pour les postes majeurs de secrétaire général du Quai d’Orsay, directeur du cabinet du ministre ou conseiller diplomatique du président de la République ou du Premier ministre. Les autres ambassades sont surtout dirigées par les lauréats des concours de conseiller et de secrétaire des Affaires étrangères, dits du « cadre d’Orient » car diplômés de l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris. Cette double filière suscite deux visions de la fonction diplomatique, l’une plus technocratique et interministérielle (ENA) et l’autre plus traditionnelle valorisant le contact avec le terrain (cadre d’Orient). S’y ajoutent des nominations « politiques » du gouvernement en place soucieux de recaser des recalés du suffrage universel, des ex-permanents de partis politiques…ou des « amis ». Toutefois, le métier de diplomate ne se réduit pas aux réceptions mondaines. En effet, environ trois millions de Français, y compris le binationaux, séjournent à l’étranger et tous ne s’enregistrent pas aux consulats de France. Si la plus grande partie se concentre en Europe occidentale et en Amérique du Nord, certains vivent dans des « pays à risques » au Proche-Orient, en Afrique ou en Amérique latine. Le centre de crise du MAE doit alors procéder, dans l’urgence, à des rapatriements de ressortissants en cas de révolution, guerre, catastrophe naturelle ou épidémie, sans compter les prises d’otages. Si les fonctionnaires expatriés ne font que passer quelques années dans une ambassade, les agents recrutés localement sur des compétences spécifiques (ressortissants du pays hôte ou Français y résidant) en constituent la mémoire, très importante, alors que leur fonction, dévalorisée, sert souvent de variable d’ajustement budgétaire. De son côté, un diplomate peut être rappelé en France à la demande du pouvoir politique du pays hôte, pour des raisons diverses, ou voir sa carrière compromise à la suite d’un incident lors d’une visite officielle. Une autre réalité, mal vécue par les personnels d’encadrement supérieur du MAE, consiste à se trouver sans affectation ou à des postes sans rapport avec leur qualification, parcours professionnel, grade ou expérience. D’autres, disposant d’un solide carnet d’adresses, entrent dans des cabinets d’avocats ou des sociétés de conseil.
Loïc Salmon
« Les diplomates », Franck Renaud. nouveau monde éditions, 520 p, 9 €.
Les diplomates, acteurs de la politique étrangère et représentants de la France