Devoir de distinction, goût du prestige, grandeur du statut guerrier et éclat du triomphe se manifestent par la beauté de la tenue du soldat, que ses décorations valorisent. L’arme, outil du combat, peut devenir œuvre d’art et même cadeau diplomatique.
« Etre élégant participe d’une forme de dissuasion, une troupe à l’allure martiale impressionne l’adversaire. Le message est puissant » (Général Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de Terre). En son temps, le général Marcel Bigeard (1916-2010) avait amélioré la coupe des treillis des parachutistes et créé la casquette qui porte son nom, renforçant ainsi leur aura. L’uniforme apprend au jeune officier à être regardé et à assumer le regard des soldats. Repéré par tous, il doit montrer l’exemple en temps de paix et surtout de guerre. Sur le terrain ou au milieu des combats, le chef militaire d’aujourd’hui se distingue difficilement, pour éviter d’être une cible prioritaire pour l’adversaire. Les moyens modernes de transmission et une position géographique adaptée lui offrent une meilleure vue d’ensemble sur le terrain, ses soldats souvent dispersés et l’ennemi. En France, l’uniforme s’est imposé par une réforme de 1662. A l’époque, le chef doit être vu en train de payer de sa personne. Il est signalé par des soldats portant bannières, étendards ou drapeaux. Ses ordres doivent être entendus par des sonneries, rapidement réglementées, ou des roulements et battements de tambour pour donner le rythme de la marche et le style de l’action. Au Moyen-Age, le roi de France cumule les fonctions de souverain et de chef militaire sur le champ de bataille. Pour éviter une crise politique majeure en cas de revers, la charge de « connétable » est instituée en 1060, donnant à un gentilhomme, devenu premier officier du royaume, délégation pour commander les armées en l’absence du roi. Au cours d’une investiture solennelle, il reçoit une épée au fourreau et au baudrier ornés de fleurs de lys, soulignant sa valeur symbolique. La dignité de connétable sera remplacée par celle de « maréchal » en 1626. Toutefois pour rappeler leur prééminence, les rois se font représenter avec une épée d’apparat au côté. Lors de l’ouverture des Etats généraux en 1789, Louis XVI en porte une décorée de diamants. En 1798, le Directoire réglemente l’uniforme des chefs militaires et généralise le don d’armes d’honneur comme « récompense nationale ». En 1804, Napoléon reçoit de Suède un sabre richement ouvragé, rappelant ses exploits militaires en Europe et en Egypte, comme jeune général puis Premier consul. L’empereur l’emporte à Sainte-Hélène en 1815 et, à sa mort, le confie au général Bertrand, qui le remettra à Louis-Philippe en 1840. Le maréchal Joffre, quoiqu’écarté des responsabilités militaires en 1916, jouit d’une réputation internationale intacte. Elle se manifeste par les épées d’honneur qu’il reçoit au cours de ses voyages aux Etats-Unis en 1917, à Paris et Perpignan en 1919, en Roumanie, en Serbie, au Portugal et en Espagne en 1920, en Indochine, au Siam, au Japon, en Corée et en Chine en 1921. L’ambassadeur d’Argentine lui offre un sabre en 1922. Les armes à feu de luxe deviennent aussi objet de cadeaux. Ainsi, le Premier consul distribue des fusils d’honneur avant de créer, en 1802, l’ordre national de la Légion d’honneur. Son neveu, Napoléon III, institue la Médaille militaire en 1852, réservée aux sous-officiers et…aux maréchaux de France ayant commandé en chef au feu.
Loïc Salmon
« Les canons de l’élégance », ouvrage collectif. Editions Faton et Musée de l’Armée, 384 pages, 49 €