James Bond n’existe pas

image_print

Le renseignement permet d’établir une vision du monde. Sa recherche dépend de spécialistes, disposant de moyens techniques très sophistiqués ou rompus à la manipulation des « sources » humaines, rôle de « l’officier traitant ».

L’auteur du livre, aujourd’hui retraité, dévoile cette fonction qu’il a exercée dans les années 1980-1990 au Etats-Unis, en Ethiopie, au Sénégal, en Tunisie et au Pakistan. Saint-Cyrien à l’origine, il commence une carrière dans les transmissions puis décide, à 32 ans, d’entrer au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, qui deviendra la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en 1982. Cet organisme, surnommé la « Centrale », compte surtout des analystes qui ne vont jamais sur le terrain. L’officier traitant (OT) agit avec discrétion et minutie pour recueillir, de façon illégale, des renseignements d’ordres économique, technique et politique, parfois dans des pays « sensibles » : secrets d’Etat, processus de fabrication, contrats de vente, caches d’armes etc. Il travaille avec des « agents », qu’il doit corrompre, et des « honorables correspondants », qui lui apportent des aides ponctuelles, notamment logistiques. Toutefois, l’OT ne participe pas aux opérations du « Service Action », seul habilité à éliminer des personnes physiques et à effectuer des actes de sabotage ou de soutien à des rebellions.  Sa « cible » varie selon l’intérêt correspondant aux attentes du gouvernement : fonctionnaire, cadre supérieur, universitaire scientifique ou même…simple employé. Le recrutement prend de plusieurs mois à deux ans, nécessitant parfois le recours à d’honorables correspondants, en vue d’établir des liens de « confiance » et non une relation d’intérêt. Pour crédibiliser sa démarche lors d’une mission courte à l’étranger, l’OT se forge une « légende » où tout est faux : profession, documents d’identité et situation de famille. En revanche, il conserve son vrai nom pour des séjours de plusieurs années sous couverture diplomatique. Invité à tous les cocktails et repas et officiels, il recueille des informations ou effectue des recoupements, sans dévoiler ses intentions. Toutefois, il doit mener en parallèle son activité officielle à l’ambassade. S’il est découvert, il ne risque que l’expulsion par les autorités locales en raison de son statut diplomatique. Tout ambassadeur, qui recueille aussi du renseignement dans ses activités quotidiennes, reçoit également une formation à la Centrale avant de rejoindre son poste. L’OT ne juge pas de la qualité du renseignement obtenu, du ressort de la Centrale qui en évalue la pertinence et en décide la rémunération, souvent principale motivation de la « source ». Dans la diplomatie comme dans le commerce international, la réussite dépend de la qualité du renseignement. Une information, une fois analysée, pesée et mesurée, devient un renseignement susceptible de faciliter une prise de décision importante par son destinataire. En 2017, la DGSE compte recruter des « crypto-mathématiciens », des « hackers » et des spécialistes du « traitement du signal » ou des langues orientales. Bien entendu, l’OT rencontre ses homologues du pays de résidence et se sait épié par son service de contre-espionnage. Lui, qui ressemble à n’importe qui, doit toujours se méfier des jolies femmes souriantes, qui ne se trouvent jamais sur son chemin…par hasard ! Par contre, James Bond, trop séduisant, charismatique, idéaliste et pressé, n’aurait jamais pu devenir OT.

Loïc Salmon

James Bond dans le spectre géopolitique

DGSE : le renseignement à l’étranger par des moyens clandestins

Les diplomates, acteurs de la politique étrangère et représentants de la France

 

« James Bond n’existe pas » par François Waroux. Mareuil Editions, 224 pages, 17,95 €.

image_print
Article précédentCorée du Nord : « royaume ermite » et facteur de crise en Asie du Nord-Est
Article suivantLa Corée du Nord (en 100 questions)