Femmes dans les armées : la réussite devient possible

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La carrière des femmes militaires dépend de leur compétence, clé du commandement qui est respecté même si une femme l’exerce. Leur réussite inclut leur épanouissement familial.

Ce thème a fait l’objet d’un colloque organisé, le 8 mars 2017 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM). Y sont notamment intervenus : la générale de division Isabelle Guion de Meritens, commandant l’Ecole des officiers de la gendarmerie nationale ; la lieutenante-colonelle Catherine Busch, commandant le 2ème bataillon de l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr ; Claude Weber, maître de conférences en sociologie aux écoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan ; Nathalie Legrand, consultante à Abonea Coaching.

Cœur, passion et raison. Mariée à un collègue et mère de famille, passée par Saint-Cyr et 1ère femme officier affectée à la Gendarmerie mobile, la générale Guion de Meritens a construit sa carrière au ministère de la Défense puis à celui de l’Intérieur depuis 2009. Elle se définit  comme un chef militaire qui exerce un métier de service public, qui a connu une aventure opérationnelle en métropole et outre-mer et qui doit gérer des ressources matérielles et humaines. Cela nécessite de travailler beaucoup et de réussir dans les postes opérationnels, qui vont notamment du commandement de 400 gendarmes dans un quartier urbain à l’interpellation à 6 h du matin, l’arme au poing, et à une action de force contre des sans-papiers. En tant que chef, elle exclut tout féminisme et se sent responsable de l’épanouissement de ses subordonnés, hommes et femmes. Elle a vécu l’adaptation de l’institution à l’arrivée des femmes, qui perturbait les gendarmes… et leurs épouses ! Aujourd’hui, l’égalité professionnelle et l’équité sont de mise. Les femmes ont accès à tous les métiers, y compris, pour les sous-officiers, dans la  Gendarmerie mobile auparavant réservée aux officiers féminins. Totalisant 19 % des 100.000 personnels de la Gendarmerie, les femmes constituent 13 % des sous-officiers et 7 % des officiers. Ces dernières sont issues des écoles militaires, du corps des sous-officiers ou directement du monde civil. Depuis 2002, la Gendarmerie recrute en effet au niveau universitaire 25 à 30 candidats par an, dont la moitié de femmes qu’il s’agit ensuite de « fidéliser ». Satisfaites de leur parcours, celles-ci recherchent un équilibre en matière de disponibilité, car l’ambition professionnelle s’use au profit de la vie de famille. Les femmes célibataires et sans enfant représentent 41 % des officiers et les hommes 13 %. Le succès, conclut la générale, repose sur la continuité dans l’action, l’implication des hommes, la communication et la poursuite d’une politique facilitant les carrières des deux sexes et pas seulement celles de femmes.

Symbole, alibi, hors de l’ordinaire. Le choix de Saint-Cyr correspond à celui d’une carrière militaire longue et à celui de commander, rappelle la lieutenante-colonelle Busch. Le contexte politique actuel de discrimination positive a pesé dans sa désignation à la tête du 2ème bataillon de Saint-Cyr, reconnaît-elle en précisant que ses compétences ont été validées pour le poste. L’institution a placé la femme qu’il faut là où ça va moins bien. Mais mener une carrière militaire en même temps que des vies de femme et de famille reste un choix difficile et implique des sacrifices à consentir. Beaucoup de femmes y renoncent, surtout parmi les sous-officiers. Même si l’institution essaie de faire les choses bien, la maternité n’est guère compatible avec les temps de commandement. La tentation est grande d’utiliser les femmes pour illustrer la politique menée. Celles-ci doivent rester vigilantes pour ne pas se trouver entraînées à des responsabilités non souhaitées et à exposition médiatique trop élevée. Parfois, il faut savoir dire « non », afin de préserver sa famille et ne pas s’autocensurer dans la volonté de maternité, souligne la lieutenante-colonelle. Enceinte de son 2ème enfant lorsqu’elle a préparé le concours de l’Ecole de guerre, période lourde à gérer, elle a accepté le risque d’échouer. Son accouchement a eu lieu entre les épreuves écrites (août) et orales (octobre). Lors d’une affectation à un poste sensible, elle recommande aussi de se méfier du perfectionnisme, pression personnelle supplémentaire. Enfin, elle rend hommage à… la compréhension de son mari !

Le monde civil. Nathalie Legrand a vécu une première carrière de « trader » dans la bourse où les décisions, toujours rapides, font gagner, ou perdre, beaucoup d’argent. Elle n’entrevoit guère de parité avant une dizaine d’années dans les hautes fonctions des entreprises privées, où les femmes représentent aujourd’hui 33 % des cadres supérieurs et 20 % des dirigeants. Quoique majoritaires parmi les diplômés de l’enseignement supérieur (55%), celles-ci voient leur carrière freinée par différents facteurs : efficacité des réseaux masculins ; insuffisance de mentors pour les former et de « sponsors » pour les tirer vers le haut ; manque de confiance en elles pour poser leur candidature à un poste à responsabilité ; doute sur leur légitimité. S’y ajoutent : la maternité, qui les exclut pendant quelques mois du monde de l’entreprise en évolution permanente ; la culpabilité vis-à-vis du conjoint et des enfants. Alors que les hommes demandent la reconnaissance de leurs compétences, les femmes l’attendent. Toutefois, selon un rapport (2011) du cabinet d’audit Mc Kinsey, les entreprises dont le comité exécutif compte le plus de femmes obtiennent un taux de rendement financier supérieur de 41 % à celles dont l’équipe dirigeante est exclusivement masculine. Les réseaux féminins se renforcent, dont Ladies First, Elles@Coke, Financi’elles et Grandes Ecoles au Féminin. Nathalie Legrand conseille aux femmes d’oser !

Constat et pistes possibles. La culture militaire aboutit à une division sexuelle des tâches découlant du combat, finalité des armées, estime Claude Weber. Les hommes ont tendance à voir la femme avant le soldat et plutôt de façon négative ou bien de considérer la femme militaire en décalage par rapport aux autres femmes de la société civile. Les femmes réagissent par la discrétion, l’évitement ou la lutte, facteurs perturbateurs de la cohésion qui devrait reposer sur la complémentarité et non sur l’identité. Claude Weber recommande : de développer les études sur les catégories de métiers, les opérations extérieures et les effets générationnels ; tenir compte des expériences d’autres pays ; observer la société civile et les autres professions ; inclure les hommes dans les réflexions.

Loïc Salmon

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Selon le ministère de la Défense, les armées comptent environ 60.000 femmes (plus de 15 % des effectifs en 2015), soit deux fois plus qu’en 1995. Les femmes représentent 58 % des effectifs du Service de santé, 29 % de ceux du commissariat, 22 % de ceux de l’armée de l’Air, 14 % de ceux de la Marine nationale et 10 % de ceux de l’armée de Terre. Très nombreuses dans les ressources humaines (48 %), elles le sont beaucoup moins dans les activités opérationnelles (3 %), quoique 1.500 soient actuellement déployées sur les théâtres extérieurs. En 2016, tous services et armées confondus, les officiers généraux comptaient 30 femmes dans leurs rangs. En 2017, 5 autres devraient les rejoindre, en vue d’un objectif de 7 % en 2019.

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