Deux généraux contemporains, l’Américain Dwight Eisenhower (1890-1969) et le Français Charles de Gaulle (1890-1970), ont vu leur destin se croiser pendant la seconde guerre mondiale, puis au cours de leur carrière politique à la tête de leur pays.
Le jeune Charles ressent très tôt une vocation militaire et entre à Saint-Cyr en 1909. La même année, Dwight, qui travaille pour financer son entrée à l’université, apprend qu’elle est gratuite pour les écoles d’officiers et sera admis à l’Académie militaire de West Point en 1911. Tous deux sortis de leur école sous-lieutenant, de Gaulle en 1912 et Eisenhower en 1915, sont frustrés des combats de la Grande Guerre. Blessé plusieurs fois puis capturé en mars 1916 à Douaumont, le premier reste prisonnier en Allemagne jusqu’à l’armistice de 1918. Le second, instructeur aux Etats-Unis, n’obtient pas d’affectation sur le front européen. Le retour à la paix leur permet des affectations à l’étranger : de Gaulle en Pologne (1919-1921), en Allemagne (1927-1929) et au Liban (1929-1931) ; Eisenhower au canal de Panama (1922-1924), à Paris (1929) et aux Philippines (1933). Tous deux commencent une carrière d’écrivain militaire et préconisent l’arme blindée, pour éviter l’enlisement des tranchées. En 1929, Eisenhower profite de son affectation à Paris pour parcourir l’Europe, mais surtout les zones des combats de 1914-1918 en France, afin de réviser le « guide de la Commission des champs de bataille américains en Europe ». Persuadé d’une reprise de la guerre avec l’Allemagne, de Gaulle publie une analyse de sa défaite dans « La discorde chez l’ennemi » (1924) et plaide pour une armée professionnelle (effective en 2002 !) dans « Le fil de l’épée » (1932), « Vers l’armée de métier » (1934) et « La France et son armée (1938). La hiérarchie militaire n’apprécie guère leurs idées avant-gardistes et Eisenhower risque même la… cour martiale ! La seconde guerre mondiale les trouve généraux. En 1942, malgré l’inexpérience des troupes américaines, Eisenhower commande, avec succès, le débarquement des Alliés en Afrique du Nord. En 1943 à Alger, il rencontre de Gaulle, entré en politique depuis l’appel du 18 juin 1940. Contre l’avis de son gouvernement, il reconnaît les qualités d’homme d’Etat du chef de la France combattante soutenu par la Résistance intérieure, lequel apprécie sa valeur militaire et son sens de la diplomatie. Cette estime réciproque perdurera jusqu’à la fin de leur vie. En 1944, à la demande du chef de la France libre, le commandant en chef des forces armées en Europe accepte d’engager une division française au débarquement en Normandie et d’envoyer la 2ème DB libérer Paris. Tous deux exerceront deux fois la magistrature suprême : de Gaulle comme chef du gouvernement provisoire (1944-1946) et président de la République (1959-1969) ; Eisenhower comme président des Etats-Unis (1953-1961). Après l’avoir fait « compagnon de la Libération » (photo) en 1945, de Gaulle avait remis à Eisenhower une épée ayant appartenue…au général Bonaparte ! Trois autres Américains, engagés dans la France libre, seront faits compagnons de la Libération : John Hasey (1916-2005) qui fera carrière à la CIA ; l’acteur de cinéma Jacques Tartière (1915-1941), qui sera tué en Syrie ; l’ambulancier James Worden (1912-2004).
Loïc Salmon
L’exposition « Eisenhower-De Gaulle » (1er juin-29 septembre 2019), organisée par le musée de l’Armée, la Fondation Charles de Gaulle et la Eisenhower Presidential Library, se tient aux Invalides à Paris. (www.musee-armee.fr)