Même si le général de Gaulle (1890-1970) estimait sa carrière militaire terminée en 1940, celle-ci s’est poursuivie jusqu’à sa retraite en 1952.
Le chef de la France libre se dit « être sorti de l’échelle des grades et investi d’un pouvoir qui ne se hiérarchise pas ». Il commande des militaires des trois armées de métropole et des territoires ralliés de l’Empire colonial français, des femmes servant sous l’uniforme et la Résistance en zone occupée. Or le colonel Charles de Gaulle, nommé général de brigade à titre temporaire le 1er juin 1940, avait été mis à la retraite d’office le 23 juin suivant par un décret présidentiel. Après son départ du gouvernement provisoire en 1946, il refusera une nomination au grade de général d’armée avec effet rétroactif. De même, le fondateur de l’Ordre de la Libération refusera des promotions dans celui de la Légion d’honneur en 1952. Admis 119ème sur 221 à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr en 1909, de Gaulle doit, conformément au règlement en vigueur, servir un an comme simple soldat puis sous-officier avant de commencer sa formation d’officier. Il sort 13ème de la promotion « Fez » (1910-1912) et choisit l’infanterie, « reine des batailles ». Lieutenant à 23 ans au 33ème Régiment d’infanterie d’Arras, il doit susciter l’obéissance chez les conscrits et les sous-officiers plus âgés. Ses conférences face à ses camarades et ses supérieurs attirent l’attention du chef de corps, le colonel Philippe Pétain. Le lieutenant de Gaulle connaît le baptême du feu lors de l’assaut d’un pont sur la Meuse le 15 août 1914. Blessé au genou parmi les cadavres de ses hommes, il commence à douter de la préparation de l’armée française à cette guerre et de la compétence de la hiérarchie militaire pour coordonner infanterie et artillerie.
Le capitaine de Gaulle participe à la bataille de Verdun, où il est à nouveau blessé, dans un bombardement le 2 mars 1916, et fait prisonnier par les Allemands. Il tente par deux fois de s’évader en 1917 et ne sera libéré qu’à l’armistice de 1918, avec le sentiment d’avoir été inutile pendant la Grande Guerre. L’année suivante, il rejoint la mission militaire française en Pologne comme instructeur parmi les troupes combattant l’Armée rouge en 1920. Pour lui, l’écriture, l’enseignement et l’exercice du commandement forment un tout. Les notations de ses supérieurs reflètent ses propres conceptions du chef, du prestige et du caractère, analysées dans son livre « Le Fil de l’Epée », paru en 1932. Dans le suivant, « La France et son armée » (1938), de Gaulle écrit : « Mais, s’il faut la force pour bâtir un Etat, réciproquement l’effort guerrier ne vaut qu’en vertu d’une politique. » Ce livre, qui aurait dû porter la signature du maréchal Pétain, son protecteur depuis 25 ans, marque la rupture entre les deux hommes. Commandant la 4ème Division cuirassée en mai 1940, le colonel de Gaulle teste ses théories dans les combats de Montcornet, de Crécy-sur-Serre et d’Abbeville contre la Wehrmacht. Nommé secrétaire d’Etat à la Guerre le 6 juin 1940, il négocie à Londres un soutien britannique le 16, pour continuer le combat depuis l’Empire colonial. Sa désobéissance, signifiée par l’appel du 18, lui vaut des condamnations par des juges militaires : quatre ans de prison le 4 juillet ; dégradation et peine de mort le 2 août.
Loïc Salmon
L’exposition « De Gaulle, une carrière militaire 1910-1952 » (7 septembre-23 décembre 2020), organisée par le Service historique de la Défense, se tient au château de Vincennes, Pavillon du Roi. www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr
Exposition « Eisenhower-De Gaulle » aux Invalides
Une certaine idée de la France…et du monde