DGA : la révolution numérique et industrielle de l’impression 3D

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Les applications de la fabrication additive (FA) ou impression tridimensionnelle (3D) de pièces complexes d’équipements “sensibles” font l’objet d’un schéma directeur national pour éviter une dépendance de pays étrangers.

Joël Rosenberg, responsable de l’innovation à la Direction générale de l’armement (DGA) en a présenté les enjeux au cours d’une conférence-débat organisée, le 24 novembre 2016 à Paris, par l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale.

Les avantages. La FA transforme un fichier numérique à 2 dimensions en un objet physique par assemblage, à températures élevées, de couches successives du même matériau : matières biologiques, polymères, céramique, bétons et métaux (aluminium, titane, nickel, cobalt ou magnésium). Elle permet de réaliser des pièces impossibles à fabriquer selon les procédés classiques et avec des caractéristiques mécaniques identiques. Ainsi, Airbus DS a conçu et fabriqué un support d’équipement en titane, une première mondiale, pour le satellite Atlantic Bird 7 mis en orbite en octobre 2011. La FA raccourcit les délais de la conception à la production. Un moteur d’avion se fabrique en 40 heures, contre plusieurs semaines auparavant. Plus écologique que l’usinage, elle remplace la machine-outil et réduit les pertes de matière : 4 % de copeaux pour une pièce d’aéronautique en titane contre 96 % précédemment. La FA est utilisée pour des prototypes, qu’il est possible de refaire dans toutes leurs phases autant de fois que nécessaire. L’Agence spatiale européenne passe aujourd’hui du concept au prototype du lanceur Ariane 6 en quelques semaines, contre 18 mois auparavant. La FA permet de relocaliser les lieux de production au plus près du client. Par exemple, différents monoblocs fabriqués en Chine sont assemblés au Japon pour un montage final de l’objet en Europe. La FA permet de s’affranchir de la main d’œuvre à basse qualification et de réduire le coût de la logistique. Mais, il reste à régler la question de la protection de la propriété industrielle (contrefaçon).

Recherche et développement. Il s’agit de former des personnels, dont la qualification évolue dans les domaines des nouveaux matériaux et du numérique. En effet, la chaîne numérique de la FA commence par la modélisation (scanners et bibliothèques 3D) et continue par la conversion en divers formats. La préparation nécessite des logiciels génériques industriels pour la visualisation, l’analyse, la réparation des défauts, l’édition et la modification éventuelle. Ensuite, des logiciels intégrés traitent la FA et procèdent à l’orientation du modèle, à la génération de supports, au “tranchage”, à la génération des parcours intérieurs et extérieurs de la tranche et enfin à la compensation des dérives de fabrication (hauteur et retrait). Pour la fabrication proprement dite, des systèmes FA assurent le pilotage des machines et le contrôle du processus selon les diverses méthodes (SLA, SLS, FDM, SLM, Strato, imprimante 3D etc). En outre, le savoir-faire ou secret industriel repose sur la maîtrise de la bonne santé de la matière, en vue d’obtenir la meilleure qualité possible, celle des standards aéronautiques et spatiaux. Investissements et compétences permettent de lancer des recherches dans de nombreux domaines : santé ; enseignement/formation ; alimentation ; architecture/construction ; distribution ;  textile/mode ; infrastructure ; produits industriels ; produits grand public ; services ; outillage/machine/moule ; restauration ; réparation ; bijouterie-luxe ; nanotechnologies ; bio-ingénierie ; énergie/mines/forage ; loisirs ; transport/mobilité ; automobile ; création/design/artisanat ; meubles/habitat ; électronique ; maquettage/prototypes ; culture/patrimoine ; robotique ; aéronautique/espace.

Applications militaires. Le Service des matériaux de la DGA partage les connaissances et les besoins communs en FA de l’armée de l’Air et de la Marine nationale pour les composants du “Neuron”, démonstrateur de drone de combat furtif européen qui vole déjà. Les études amont de la DGA portent sur : les poudres ; la micro-électronique ; les nouveaux concepts d’intégration ; les nouvelles architectures d’antenne et les matériaux spécifiques correspondants ; de nouveaux alliages. En outre, des procédures du dispositif RAPID (régime d’appui à l’innovation duale) sont en cours sur la possiblité d’effectuer des réparations de pièces détachées à très haute valeur ajoutée puis de leur qualification aux normes aéronautiques, ou sur de nouvelles méthodes de conception de pièces pour les parties chaudes de moteur d’avion. La FA permet de refaire des pièces anciennes, dont les plans ont disparu, et qui seront requalifiées pour éviter tout danger pour les utilisateurs. Par ailleurs, des études de faisabilité sont en cours sur la logistique des pièces détachées, une fois leur certification effectuée. Enfin, la nourriture “imprimée 3D” est étudiée pour les armées en opérations.

Un marché en expansion. Dans les domaines médical et aéronautique, 50.000 imprimantes et 10.000 machines industrielles ont été vendues en 2013 pour réaliser des prototypes et pièces finales en polymères. Ces chiffres ont atteint respectivement 140.000 et 10.000 l’année suivante. Pour la fabrication de prototype à haute valeur ajoutée et de pièces finales métalliques, le nombre de machines vendues est passé de 350 en 2013 à 543 en 2014. De façon globale, la croissance des FA devrait se monter à 35 %/an , dont 70 %/an pour les métalliques, dont la valeur ajoutée est supérieure à celle des polymères. Les États-Unis, la Chine, l’Allemagne, le Japon, la Grande-Bretagne et l’Australie en font une priorité du développement industriel. En France, les travaux de “l’Alliance industrie du futur”, lancée en 2015 pour transformer le modèle industriel par le numérique, portent sur divers thèmes : chaîne numérique ; matériaux/procédés/machines ; post-traitement/finition ; qualité/contrôle ; normes/standards ; hygiène/sécurité/environnent ; certification ; éducation/formation ; structuration des marchés ; soutien à la diffusion et à l’interopérabilité de l’offre française. Enfin, selon le cabinet Wholers Associates, le chiffre d’affaires de la FA devrait passer de 3 Md$ en 2013 à 21 Md$ en 2021.

Loïc Salmon

Les procédés de fabrication additive correspondent à l’impression d’objets pour une application industrielle. Le dessin d’un objet sur un écran, à l’aide d’un outil de conception assistée par ordinateur, premet de réaliser un fichier 3D. Celui-ci est alors envoyé vers un logiciel spécifique qui le découpe en tranches et l’envoie à son tour à l’imprimante, laquelle dépose ou solidifie la matière, couche par couche, jusqu’à l’obtention de la pièce finale. L’empilement de ces couches crée le volume de l’objet. Parmi diverses méthodes, celle dite “FDM” effectue un modelage par dépôt de matière en fusion. Selon une autre dénommée “stéréolithographie” (SLA), une lumière ultraviolette solidifie une couche de matière plastique liquide. Une troisième, le “frittage sélectif” (SLS), agglomère une couche de poudre par laser.

Les applications de la fabrication additive (FA) ou impression tridimensionnelle (3D) de pièces complexes d’équipements “sensibles” font l’objet d’un schéma directeur national pour éviter une dépendance de pays étrangers.

Joël Rosenberg, responsable de l’innovation à la Direction générale de l’armement (DGA) en a présenté les enjeux au cours d’une conférence-débat organisée, le 24 novembre 2016 à Paris, par l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale.

Les avantages. La FA transforme un fichier numérique à 2 dimensions en un objet physique par assemblage, à températures élevées, de couches successives du même matériau : matières biologiques, polymères, céramique, bétons et métaux (aluminium, titane, nickel, cobalt ou magnésium). Elle permet de réaliser des pièces impossibles à fabriquer selon les procédés classiques et avec des caractéristiques mécaniques identiques. Ainsi, Airbus DS a conçu et fabriqué un support d’équipement en titane, une première mondiale, pour le satellite Atlantic Bird 7 mis en orbite en octobre 2011. La FA raccourcit les délais de la conception à la production. Un moteur d’avion se fabrique en 40 heures, contre plusieurs semaines auparavant. Plus écologique que l’usinage, elle remplace la machine-outil et réduit les pertes de matière : 4 % de copeaux pour une pièce d’aéronautique en titane contre 96 % précédemment. La FA est utilisée pour des prototypes, qu’il est possible de refaire dans toutes leurs phases autant de fois que nécessaire. L’Agence spatiale européenne passe aujourd’hui du concept au prototype du lanceur Ariane 6 en quelques semaines, contre 18 mois auparavant. La FA permet de relocaliser les lieux de production au plus près du client. Par exemple, différents monoblocs fabriqués en Chine sont assemblés au Japon pour un montage final de l’objet en Europe. La FA permet de s’affranchir de la main d’œuvre à basse qualification et de réduire le coût de la logistique. Mais, il reste à régler la question de la protection de la propriété industrielle (contrefaçon).

Recherche et développement. Il s’agit de former des personnels, dont la qualification évolue dans les domaines des nouveaux matériaux et du numérique. En effet, la chaîne numérique de la FA commence par la modélisation (scanners et bibliothèques 3D) et continue par la conversion en divers formats. La préparation nécessite des logiciels génériques industriels pour la visualisation, l’analyse, la réparation des défauts, l’édition et la modification éventuelle. Ensuite, des logiciels intégrés traitent la FA et procèdent à l’orientation du modèle, à la génération de supports, au “tranchage”, à la génération des parcours intérieurs et extérieurs de la tranche et enfin à la compensation des dérives de fabrication (hauteur et retrait). Pour la fabrication proprement dite, des systèmes FA assurent le pilotage des machines et le contrôle du processus selon les diverses méthodes (SLA, SLS, FDM, SLM, Strato, imprimante 3D etc). En outre, le savoir-faire ou secret industriel repose sur la maîtrise de la bonne santé de la matière, en vue d’obtenir la meilleure qualité possible, celle des standards aéronautiques et spatiaux. Investissements et compétences permettent de lancer des recherches dans de nombreux domaines : santé ; enseignement/formation ; alimentation ; architecture/construction ; distribution ;  textile/mode ; infrastructure ; produits industriels ; produits grand public ; services ; outillage/machine/moule ; restauration ; réparation ; bijouterie-luxe ; nanotechnologies ; bio-ingénierie ; énergie/mines/forage ; loisirs ; transport/mobilité ; automobile ; création/design/artisanat ; meubles/habitat ; électronique ; maquettage/prototypes ; culture/patrimoine ; robotique ; aéronautique/espace.

Applications militaires. Le Service des matériaux de la DGA partage les connaissances et les besoins communs en FA de l’armée de l’Air et de la Marine nationale pour les composants du “Neuron”, démonstrateur de drone de combat furtif européen qui vole déjà. Les études amont de la DGA portent sur : les poudres ; la micro-électronique ; les nouveaux concepts d’intégration ; les nouvelles architectures d’antenne et les matériaux spécifiques correspondants ; de nouveaux alliages. En outre, des procédures du dispositif RAPID (régime d’appui à l’innovation duale) sont en cours sur la possiblité d’effectuer des réparations de pièces détachées à très haute valeur ajoutée puis de leur qualification aux normes aéronautiques, ou sur de nouvelles méthodes de conception de pièces pour les parties chaudes de moteur d’avion. La FA permet de refaire des pièces anciennes, dont les plans ont disparu, et qui seront requalifiées pour éviter tout danger pour les utilisateurs. Par ailleurs, des études de faisabilité sont en cours sur la logistique des pièces détachées, une fois leur certification effectuée. Enfin, la nourriture “imprimée 3D” est étudiée pour les armées en opérations.

Un marché en expansion. Dans les domaines médical et aéronautique, 50.000 imprimantes et 10.000 machines industrielles ont été vendues en 2013 pour réaliser des prototypes et pièces finales en polymères. Ces chiffres ont atteint respectivement 140.000 et 10.000 l’année suivante. Pour la fabrication de prototype à haute valeur ajoutée et de pièces finales métalliques, le nombre de machines vendues est passé de 350 en 2013 à 543 en 2014. De façon globale, la croissance des FA devrait se monter à 35 %/an , dont 70 %/an pour les métalliques, dont la valeur ajoutée est supérieure à celle des polymères. Les États-Unis, la Chine, l’Allemagne, le Japon, la Grande-Bretagne et l’Australie en font une priorité du développement industriel. En France, les travaux de “l’Alliance industrie du futur”, lancée en 2015 pour transformer le modèle industriel par le numérique, portent sur divers thèmes : chaîne numérique ; matériaux/procédés/machines ; post-traitement/finition ; qualité/contrôle ; normes/standards ; hygiène/sécurité/environnent ; certification ; éducation/formation ; structuration des marchés ; soutien à la diffusion et à l’interopérabilité de l’offre française. Enfin, selon le cabinet Wholers Associates, le chiffre d’affaires de la FA devrait passer de 3 Md$ en 2013 à 21 Md$ en 2021.

Loïc Salmon

Sécurité : la contrefaçon et ses conséquences économiques, sanitaires et criminelles

DGA : valoriser l’audace et l’innovation de terrain

Les procédés de fabrication additive correspondent à l’impression d’objets pour une application industrielle. Le dessin d’un objet sur un écran, à l’aide d’un outil de conception assistée par ordinateur, premet de réaliser un fichier 3D. Celui-ci est alors envoyé vers un logiciel spécifique qui le découpe en tranches et l’envoie à son tour à l’imprimante, laquelle dépose ou solidifie la matière, couche par couche, jusqu’à l’obtention de la pièce finale. L’empilement de ces couches crée le volume de l’objet. Parmi diverses méthodes, celle dite “FDM” effectue un modelage par dépôt de matière en fusion. Selon une autre dénommée “stéréolithographie” (SLA), une lumière ultraviolette solidifie une couche de matière plastique liquide. Une troisième, le “frittage sélectif” (SLS), agglomère une couche de poudre par laser.

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