La lutte contre le terrorisme et l’islamisme radical nécessite détermination politique, planification et action militaires, renseignement et sanctions judiciaires.
Ce thème a été traité au cours d’un colloque tenu les 22 et 23 novembre 2016 à Paris, à l’occasion du 110ème anniversaire du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Y sont notamment intervenus : le Premier ministre Manuel Valls ; le général Pierre de Villiers, chef d’État-major des armées ; Thierry Matta, adjoint au directeur général de la sécurité intérieure ; Véronique Degermann, procureur de la République adjoint près le Tribunal de grande instance de Paris ; Jean Mairesse, directeur adjoint de l’Institut des sciences de l’information et de leurs interactions.
Adaptation permanente. « L’ennemi n’est plus seulement à nos frontières, il se trouve au cœur de notre société et peut faire irruption à tout moment », déclare Manuel Valls qui rappelle les moyens d’y faire face. En 2013, ont été créés la Direction générale de la sécurité intérieure et le Service central du renseignement territorial, qui échangent et partagent leurs informations. S’y ajouteront, d’ici à 2017, 9.000 postes de policiers et gendarmes et une allocation de plus de 1,1 Md€, dont 290 M€ d’investissements. Les lois des 24 juillet et 30 novembre 2015 accordent aux services de renseignement des moyens légaux avec la mise en place de mécanismes de contrôle pour préserver les libertés individuelles. L’administration pénitentiaire sera dotée de son propre service de renseignement, car le milieu carcéral constitue l’un des incubateurs de la radicalisation islamiste. La section antiterroriste du Tribunal de grande instance de Paris a été renforcée de 13 magistrats et bientôt de 11 juges d’instruction spécialisés, en vue d’une judiciarisation systématique et la plus rapide possible envers les associations de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Au 23 novembre 2016, 365 dossiers judiciaires sur 1.400 personnes sont ouverts et 313 individus mis en examen. L’état d’urgence, déclenché en novembre 2015, est prolongé jusqu’aux élections présidentielle et législatives du printemps 2017. La même année, la Garde nationale, composée de volontaires, viendra en soutien des 10.000 militaires de l’opération « Sentinelle » pour la protection du territoire. Enfin, la France mettra 170 personnels des Douanes et des ministères de l’Intérieur et de la Défense à la disposition de l’agence Frontex pour le contrôle de l’espace Schengen.
Outil de défense. Terrorisme djihadiste et certains États-puissances, traditionnels ou émergents, présentent des liens et des ressorts communs, estime le général de Villiers. Le premier porte la violence dans les champs matériel et immatériel, politique, social, culturel, économique et militaire, dans les zones grises ou au cœur du territoire national. Les seconds étendent leur influence par le rapport de force et le fait accompli, avec un risque majeur de déstabilisation. Forces armées et de sécurité sont confrontées à l’usage très fréquent de la violence, par un adversaire qui cherche à entraver la liberté d’action et de circulation. La dispersion des zones d’intervention et les élongations inter et intra-théâtres d’opérations extérieurs rendent primordiales les capacités de projection, de commandement et de renseignement. De même, certains groupes terroristes réalisent des attaques coordonnées et simultanées sur le territoire national. La technologie numérique permet à Daech d’être ici et là-bas, instantanément et au même moment. Mais aujourd’hui, la France se situe dans le peloton de tête dans le domaine du cyber. Par ailleurs, la multiplication des engagements de longue durée (jusqu’à 10 ans) use rapidement les ressources humaines et matérielles et exige la résilience des forces armées et de la nation toute entière. La planification, à savoir comprendre et concevoir, s’impose sur le plan militaire. Il s’agit de transformer l’intention du chef en une succession d’actions conduites par des forces complémentaires, pour atteindre des objectifs en acceptant une prise de risque mesurée. Une situation complexe nécessite l’intervention d’acteurs différents. Enfin, prévoir l’impensable exige notamment d’étudier l’adversaire, d’examiner les cas « non conformes », de confronter les divers modes d’action, d’identifier les contraintes et les risques et d’analyser les opportunités.
Renseignement et intervention. Surveillance, renseignement technique et coopérations nationales et internationales se complètent, explique Thierry Matta. Toutes les informations sont recoupées, analysées et enrichies par l’action. Le spectre couvert va de la prévention à la riposte via des mécanismes bilatéraux. Ainsi, la Direction générale de sécurité intérieure (DGSI) participe à la lutte anti-terroriste en cohérence avec celle de la sécurité extérieure, dont certaines équipes viennent chez elle, et les autres services de renseignement, pour une analyse commune avant la prise de décision. L’intervention inclut l’interdiction d’accès ou de sortie du territoire et l’assignation à résidence de suspects. Aujourd’hui, la rapidité d’action entre l’ouverture d’une enquête et la neutralisation de terroristes augmente.
Action judiciaire. Le terrorisme a pour finalité le trouble à l’ordre public par l’intimidation et la terreur, souligne Véronique Degermann. Le parquet de Paris compte 140 magistrats spécialisés, dont une cellule de crise (60 magistrats) qui intervient en cas d’événement majeur (attentat de Paris en 2015 et de Nice en 2016). Partenaire du ministère de la Défense, il travaille en totale confiance avec la DGSI : action en amont dans les réseaux pour les démanteler ; possibilité de perquisition de nuit avec garantie d’autorisation du juge des libertés ; prolongation de la détention préventive ; accès aux données cryptées et téléphones de dernière génération. Depuis janvier 2015, les individus vivant sur le territoire national et qui se sont rendus en Syrie ou en reviennent sont passibles d’une cour d’assises, composée de magistrats professionnels, et risquent 20 ans de prison. Les mineurs de moins de 15 ans sont envoyés en détention avec un suivi éducatif. Enfin, la coopération internationale (Union européenne et États-Unis) passe par des techniques communes d’enquête.
Loïc Salmon
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Selon Jean Mairesse, le « numérique » ou science de l’information inclut informatique, robotique, traitement de données, physique, chimie et sciences humaines. Elle nécessite donc une formation pluridisciplinaire. L’intelligence artificielle consiste en une machine capable d’apprendre et de prendre la meilleure décision possible, grâce à une puissance de calcul exponentielle avec des capteurs de moins en moins chers et des algorithmes plus performants. Sa progression exponentielle la rend plus efficace qu’un être humain. Les cyberattaques progressent en sophistication. Les plus efficaces perturbent le tissu social en recueillant notamment des informations sur le style de hauts responsables, en vue de comprendre leurs éléments de langage pour duper leurs subordonnés par de « faux » ordres aux conséquences graves ou même criminelles.