De la terreur à la lune

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Buts idéologiques, coût exorbitant, réussite scientifique, après de nombreux déboires, caractérisent les armes secrètes allemandes, à l’origine des missiles et des fusées spatiales.

Sur le plan militaire, dès 1232, des Chinois assiégés tirent des fusées improvisées contre les Mongols. L’idée, reprise par les Anglais entre 1802 et 1812, est abandonnée devant les progrès de l’artillerie. Il faut attendre les années 1920 pour que soient théorisé le principe de la fusée par l’Allemand Peter Wegener, à savoir une faible résistance à l’air, la stabilité par des ailerons à volets orientables et une trajectoire contrôlable. De son côté, le physicien américain Robert Goddard met au point une fusée à propergol liquide. Dès 1929, l’armée allemande s’intéresse au potentiel militaire de cet engin, qui lui permettrait de pallier l’absence de canons à longue portée proscrits par le Traité de Versailles (1919). Un centre d’essais de propulsion à réaction et de développement des fusées à combustible liquide est installé à Kummersdorf, dans le plus grand secret. Le savant Wernher von Braun (1912-1977), qui rêve d’exploration spatiale, et l’ingénieur et général Walter Dornberger (1895-1980) travaillent sur les projets d’armes secrètes allemandes, jusqu’à leur reddition aux forces armées américaines en mai 1945. Les recherches sur les fusées deviennent un secret d’Etat en 1933 et les chercheurs indépendants sont contraints d’y participer. L’année suivante, deux fusées atteignent 2.200 m d’altitude. Sont alors construits un site de tir et des infrastructures pour une soufflerie supersonique et un centre de mesures dans le petit port de Peenemünde, dans l’île d’Usedom (Baltique). Opérationnel en 1939, l’ensemble emploie 18.000 ingénieurs, scientifiques et techniciens qui développent, au cours des années suivantes, la « bombe volante V1 », avion sans pilote de la Luftwaffe, et la fusée « V2 » pour la Whermacht. Ces armes, dites de représailles par la propagande nazie, doivent briser le moral de la population britannique après l’échec de la Luftwaffe lors de la bataille d’Angleterre (1940). Les services de renseignement britanniques apprennent l’existence de Peenemünde, confirmée par des vols de reconnaissance qui découvrent, dans le Nord de la France, des structures bétonnées avec des rampes de lancement orientées vers Londres. Les bombardements aériens « Hydra » (britannique) et « Crossbow » (anglo-américaine) sont effectués de 1943 à 1945 contre les installations de V1, dont un grand nombre tombe sur Londres, Anvers et Liège. Dès août 1943, les SS s’approprient les V2, dont la production est assurée, dans une usine souterraine, par les détenus du camp de concentration de Dora dans des conditions inhumaines. A la date du 3 octobre 1944, 156 V2 ont touché 14 villes en Angleterre, France et Belgique pour saper le moral des populations civiles. Après l’arrivée de l’armée américaine à Peenemünde en 1945, des centaines de V2 sont envoyées par trains vers le port d’Anvers puis embarquées sur 16 navires avec 14 tonnes de plans à destination des Etats-Unis…juste avant l’arrivée des troupes soviétiques, car Peenemünde se trouve dans leur zone d’occupation décidée à la conférence de Yalta. Malgré leur impact limité sur l’issue de la guerre, les V1 et V2 vont bouleverser les rapports de forces dans les décennies suivantes, tant sur le plan tactique (missiles de croisière tirés d’avions, de navires ou de sous-marins) qu’au niveau stratégique (missiles balistiques intercontinentaux).

Loïc Salmon

« De la terreur à la lune », Hughes Wenkin. Editions Pierre de Taillac, 232 p, nombreuses illustrations, 29,90 €.

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