Marine : interopérabilité et résilience, plus vite et plus fort
Avec ses innovations technologiques et ses talents, la Marine se prépare aux futures interventions en interarmées et en coalition. L’Europe va se projeter au-delà de la Méditerranée, jusqu’à l’arc Iran-Pakistan et l’Afrique.
L’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine (CEMM), l’a expliqué au cours d’une rencontre organisée, le 8 mars 2022 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.
Bouleversement géopolitique. Le monde vient d’entrer dans une logique de puissance remettant en cause l’architecture de sécurité internationale, souligne le CEMM. L’intervention russe en Ukraine ne constitue pas une crise, comme au Proche-Orient, mais un changement profond sur les plans militaire et économique affectant les approvisionnements en pétrole, gaz (russe) et blé (russe et ukrainien). Elle ne se réduit pas à la mer Noire, mais s’inscrit dans un ensemble cohérent du port de Sébastopol (Crimée) à celui de Mourmansk (Nord du cercle polaire arctique). Déployé en Méditerranée orientale en support de la mission OTAN, le groupe aéronaval lance deux patrouilles de chasseurs Rafale et une de l’avion de guet aérien Hawkeye chaque jour. Un Rafale peut effectuer un aller-retour jusqu’en Roumanie en 1h30. Un sous-marin nucléaire d’attaque se trouve en océan Indien et la frégate de surveillance Vendémiaire en mer de Chine. Selon le document Brèves Marines (octobre 2021) du Centre d’études stratégique de la marine, des Etats historiquement maritimes renforcent leurs capacités en sous-marins et navires de surface et de débarquement. Plusieurs puissances émergentes, dont la Turquie, acquièrent des capacités de protection, d’intervention et parfois de projection océanique. En outre, l’Asie rassemble 55 % des sous-marins en service dans le monde, d’abord en Chine, au Japon, en Corée du Sud, en Australie, en Inde et au Pakistan, puis au Viêt Nam, en Birmanie, en Thaïlande et au Bangladesh. Faute de pouvoir mettre en œuvre un porte-avions, des Etats se dotent de bâtiments d’assaut amphibies.
Combat aéromaritime. L’exercice « Polaris 2021 » a permis de renforcer les capacités en combat aéromaritime de haute intensité. Du 18 novembre au 3 décembre 2021 sur les façades méditerranéenne et atlantique, il a mobilisé plus de 6.000 militaires français (130 soldats de l’armée de Terre) et étrangers et, notamment, le porte-avions nucléaire Charles-de Gaulle et le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre. « Polaris 21 » a provoqué un changement de la manière de penser, estime le CEMM. Il a mis en œuvre deux forces symétriques, qui ont dû gérer leurs ressources en pétrole et en munitions et innover sur le plan tactique. Les commandants d’unités ont dû utiliser de nouvelles technologies et de nouveaux concepts, afin de surprendre l’adversaire pour conserver leur liberté d’action. Habitué à se préparer à la guerre selon une doctrine et par l’entraînement, le chef d’aujourd’hui doit faire face à l’incertitude, l’imprévu et la vulnérabilité consécutive à une perte de communication par satellite ou un dysfonctionnement du GPS, indispensables aux missiles de croisière. Il s’agit de maintenir le combat au même niveau, mais en mode dégradé, grâce à la résilience globale où chaque opérateur doit pouvoir être remplacé par un autre. Des marins « ambassadeurs internes » expliquent à d’autres marins comment changer de métier en cours de carrière. Sur le plan technique, le drone naval mode hélicoptère, véritable œil déporté, sera expérimenté mi-avril pendant la mission « Jeanne d’Arc 2022 ».
Loïc Salmon
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