Marine nationale : dissuasion, protection, intervention et partenariats extérieurs

La Marine française doit se préparer à des engagements plus durs dans une guerre imposée et probablement d’une marnière très brutale.

Son chef d’état-major, l’amiral Nicolas Vaujour, l’a expliqué lors d’une rencontre organisée, le 27 septembre 2023 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

L’environnement opérationnel. Le contexte mondial se caractérise d’abord par l’accélération du désordre. En cas de crise et selon l’évolution de la situation, des actions robustes et résilientes permettront de consolider une stratégie d’accès mondial. En outre, une tectonique des puissances se manifeste au large avec des débordements en mer Noire et en Asie, qu’il faut connaître, comprendre et contenir. S’y ajoutent les missions de protection des approches maritimes, comme le déminage des plages, le sauvetage en mer, la lutte contre les trafics de drogue et d’armes et la surpêche. La multiplication des usages de la mer, avec les énergies renouvelables et l’augmentation du trafic commercial, entraîne une sorte de territorialisation des mers. Les préfets maritimes assurent la coordination interministérielle sur ces usages, afin de garantir l’entraînement dans les zones d’exercices, les essais des armes, l’emploi du groupe aéronaval et les évolutions dans des endroits dangereux au large. Enfin, la guerre en cours en Ukraine s’accompagne du retour de la menace nucléaire russe, face à laquelle la Marine française doit maintenir une dissuasion crédible. La possibilité de débordement du combat en mer, réelle en mer Noire, peut survenir ailleurs. Dans cette guerre d’usure, l’Ukraine se défend en y contestant la capacité russe par des attaques de drones contre des frégates et des sous-marins à quai. Ce contournement de la bataille aéroterrestre par une puissance non navale ne constitue pas une menace immédiate. Toutefois, des organisations malveillantes pourraient déployer des essaims de drones, en vue de perturber la circulation en mer.

Les partenariats. Selon l’amiral Vaujour, la puissance navale repose sur le nombre de navires, la technologie, le savoir-faire et les partenariats. Ces derniers apportent la cohérence de la réponse et la capacité de performance dans certaines zones. L’échange d’informations permet de s’organiser entre Marines alliées, notamment avec celle des États-Unis. Toutefois, les intérêts souverains imposent parfois le recours au « caveat », à savoir la limite de la participation à certaines missions à préciser au chef militaire de la coalition sur zone. La France et la Grande-Bretagne ont développé en commun des travaux sur la force de dissuasion, les porte-avions, les sous-marins et la guerre des mines. En Méditerranée, la Marine française travaille avec ses homologues italienne, grecque et espagnole pour éviter de s’épuiser seule sur une mission. En Asie, elle coopère avec d’autres Marines pour améliorer la persistance de sa présence et sa capacité de compréhension et d’analyse, en vue d’obtenir un effet militaire supérieur. Elle dispose d’une base navale aux Émirats arabes unis d’où partent les missions « Agénor », contributions à l’initiative européenne de liberté de navigation dans le golfe Arabo-Persique. Dans le Pacifique, elle dispose de points d’appui robustes et accessibles en tout temps. L’Australie reste son principal partenaire par sa situation dans la zone stratégique d’accès et sa grande capacité d’accueil portuaire. Des partenariats spécifiques se développent avec le Japon, la Corée du Sud, Singapour, l’Indonésie, la Malaisie et les Philippines.

Loïc Salmon

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Marine nationale : la TF 50 américaine sous commandement français




Indo-Pacifique : éviter l’escalade nucléaire malgré la compétition stratégique accrue

Russie, Chine, Inde, Pakistan et Corée du Nord, détenteurs de l’arme nucléaire et aux intérêts stratégiques divergents, fondent leur dissuasion sur l’ambiguïté, mais adoptent des mesures pour réduire le risque de conflit nucléaire dans la zone Indo-Pacifique aux territoires contestés.

Emmanuelle Maitre, chargée de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, l’explique dans une note publiée en mars 2023 à Paris. L’accord militaire AUKUS, conclu entre l’Australie, la Grande-Bretagne et les États-Unis en septembre 2021, témoigne de la compétition stratégique dans la zone. En effet, la Chine développe son arsenal nucléaire sur les plans quantitatif et qualitatif et la dissuasion nucléaire de la Corée du Nord devient opérationnelle.

Les arsenaux. Selon le rapport annuel 2021 de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, les États-Unis disposent de 5.550 têtes nucléaires, réparties entre les composantes terrestre, aérienne et sous-marine, chiffre en diminution par rapport à l’année précédente. Cette tendance apparaît aussi pour la Russie, qui compte 6.255 têtes réparties entre les mêmes composantes. Les chiffres restent stables pour trois pays : France, 290 ogives (composantes aérienne et sous-marine) ; Grande-Bretagne, 225 ogives (composante sous-marine) ; Israël, 90 ogives (composantes terrestre, aérienne et probablement sous-marine). En revanche, ils progressent pour quatre pays asiatiques : Chine, 350 têtes (composantes terrestre, aérienne et sous-marine) ; Pakistan, 165 têtes (composantes terrestre et aérienne) ; Inde, 156 têtes (composantes terrestre, aérienne et sous-marine) ; Corée du Nord, 45 ogives (composantes terrestre et sous-marine). Les diplomates chinois, indiens et pakistanais répètent régulièrement que la maîtrise des armements ne doit être envisagée que si elle ne diminue en rien la sécurité d’aucune des parties (voir encadré). En conséquence, souligne Emmanuelle Maitre, Chine, Inde et Pakistan considèrent certaines propositions en ce sens comme inacceptables, vu qu’ils estiment ne pas avoir encore développé de capacités suffisantes à leur protection. En raison d’intérêts militaires, politiques ou de prestige, la constitution d’une force de dissuasion nucléaire vise à renforcer davantage les capacités de défense, plutôt qu’à réduire la menace adverse. En outre, l’asymétrie des arsenaux conduit généralement le pays le plus faible à refuser toute mesure susceptible de pérenniser son infériorité et le pays le plus fort à rejeter tout cadre juridique prévoyant l’égalisation de capacités. Cela s’observe entre l’Inde et la Chine et entre l’Inde et le Pakistan. De plus, la Chine et l’Inde excluent d’envisager des limites à leurs arsenaux, alors que les États-Unis et la Russie continuent de posséder des arsenaux très importants. La supériorité des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine se manifeste par leurs armes stratégiques, missiles à vocation duale de portée intermédiaire, armes nucléaires tactiques, défense antimissile et capacité de frappe conventionnelle à longue portée. La Chine estime que sa participation à un traité, similaire à celui sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI, 1987-2019) entre les États-Unis et l’l’URSS puis la Russie, éliminerait 95 % de ses capacités missiles sans contrepartie notable. La Chine craint une première frappe massive des États-Unis, dont la Russie redoute la défense antimissile. Le mélange des armes conventionnelles et nucléaires par la Chine inquiète les États-Unis, dont la Russie souligne le développement de nouveaux types d’armes nucléaires.

Les doctrines. Pendant la guerre froide (1947-1991), les États-Unis et l’URSS ont choisi une stratégie de volume et de redondance, qui leur a permis de disposer d’arsenaux nucléaires massifs. Par la suite, les efforts de Washington et de Moscou en faveur de la non-prolifération ont été perçus comme leur volonté de conserver leur hégémonie, indique Emmanuelle Maitre. En outre, tous les États d’Asie se méfient des exemples de maîtrise des armements tirés de l’Occident et estiment les expériences européennes ou américano-russes inadaptées à leurs cultures stratégiques nationales. Pour l’Inde, l’arsenal nucléaire joue surtout un rôle politique vis-à-vis du Pakistan, avec qui toute ouverture diplomatique peut être interprétée comme un signe de faiblesse du gouvernement en place. Pour le Pakistan, son infériorité en armement conventionnel justifie le rôle de l’arme nucléaire dans la politique de défense et toute négociation passerait pour une concession indue. Afin de garantir la survie de son arsenal nucléaire, la Chine entend l’accroître et rester discrète sur ses armes et leurs sites de déploiement. La visite d’inspecteurs internationaux et l’envoi de notifications sont perçus comme des risques pour la crédibilité de la dissuasion…en rendant possible une première frappe adverse dévastatrice ! En outre, les décisions des États-Unis de mettre fin à des régimes de maîtrise des armements (Traités ABM, FNI et Open Skies) sont interprétées comme des reniements pour maximiser leur puissance. La maîtrise des armements est décrite comme un outil de pouvoir, pour prolonger leur avantage sur les puissances émergente et non pas pour rechercher des intérêts mutuels pour accroître la sécurité commune. Pour la Corée du Nord, la maîtrise des armements permet de gagner du temps et de poursuivre ses intérêts de sécurité sans concession majeure.

Les cadres bilatéraux. En dehors des accords multilatéraux ou unilatéraux de maîtrise des armements, précise Emmanuelle Maitre, les États asiatiques détenteurs de l’arme nucléaire ont adopté des mesures de confiance, non contraignantes, pour réduire les risques. Depuis 1991, un accord entre l’Inde et le Pakistan permet l’échange d’informations sur les coordonnées de leurs installations nucléaires. La même année, un deuxième accord porte sur la pré-notification des exercices militaires, manœuvres et mouvements de troupes et un troisième sur la prévention de violations des espaces aériens nationaux. Un accord de 2005, reconduit en 2011, exige la notification, avec 72 heures de préavis, des tirs de missiles balistiques et limite leurs trajectoires et les zones d’impact visées. Un autre concerne les risques d’accidents liés aux armes nucléaires. Comme avec le Pakistan, l’Inde connaît des tensions frontalières avec la Chine. Dans les années 1990, New Delhi et Pékin ont adopté des mesures de confiance, sans aborder le niveau nucléaire, pour limiter ces tensions par l’interdiction d’exercices majeurs à la frontière ou d’ouvrir le feu le long de la ligne de contrôle et par la mise en place d’une communication opérationnelle. En 1994, la Chine et la Russie ont signé une déclaration mutuelle de non-emploi de l’arme nucléaire en premier et de non-ciblage. Un accord de 2010, renouvelé en 2020 pour dix ans, porte sur la notification, avec un préavis de 24 heures, d’un tir de missile balistique de plus de 2.000 km de portée ou d’un lancement spatial. Enfin, des mesures de confiance existent entre la Chine et les États non nucléaires, à savoir le Japon, la Corée du Sud et l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (dix pays).

Loïc Salmon

Il existe neuf traités et mécanismes de maîtrise des armements : Traité sur l’espace ; Traité de non-prolifération (TNP) ; Convention d’interdiction des armes chimiques (CIAC) ; Convention d’interdiction des armes biologiques et des toxiques (CIABT) ; Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) ; Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques (HCoC) ; Convention sur la sécurité nucléaire (CSN) ; Convention sur la protection physique des matières nucléaires (CPPMN) ; Convention sur la notification des accidents nucléaires (CNAN). La Russie a ratifié tous ces traités et adhère à tous ces mécanismes. La Chine n’a pas ratifié le TICE et n’adhère pas au HCoC. Le Pakistan n’a pas ratifié le TNP ni le TICE et n’adhère pas au HCoC. L’Inde n’a pas ratifié le TNP ni le TICE. La Corée du Nord a ratifié uniquement le Traité sur l’espace.

Forces nucléaires : l’enjeu stratégique de la prolifération des missiles balistiques

Indo-Pacifique : convergence stratégique possible entre les Etats-Unis et la France

Indo-Pacifique : les partenariats de sécurité des Etats insulaires




OTAN : actualisation du concept stratégique et complémentarité navale franco-américaine

Le resserrement du partenariat stratégique entre la Russie et la Chine est perçu par l’OTAN comme déstabilisateur de l’ordre international. Pour les Etats-Unis, l’importance de la présence navale française dans la zone indopacifique contribue de façon significative à la sécurité régionale.

Un document de l’OTAN, rendu public lors du sommet des 29-30 juin 2022 à Madrid, réactualise le concept stratégique de 2010. Le 11 juillet, une source de l’Etat-major de la Marine française a indiqué les perspectives navales avec les Etats-Unis. Le même jour, l’Etat-major des armées (EMA) a exposé la situation du conflit en Ukraine.

Situation en Ukraine. Les gains territoriaux au Nord de la Crimée et à l’Ouest du Donbass augmentent (stries rouges sur la carte). Selon l’EMA, les frappes russes (astérisques jaunes) demeurent intenses sur toute la ligne de front et dans la profondeur, surtout sur le Donbass, et ciblent à nouveau les régions de Sumy et Chernihiv. L’artillerie ukrainienne vise les dépôts logistiques russes. Sur le front Nord, les frappes ont repris au Nord-Ouest et les combats se poursuivent autour de Kharkiv (1). Sur le front Est, les forces russes poursuivent leur offensive, lente et méthodique, vers les localités de Sloviansk et Kramatorsk. Les forces ukrainiennes tiennent leurs lignes de défense (2). Sur le front Sud, la situation s’est stabilisée. Les forces ukrainiennes font face aux dernières lignes de défenses russes dans les régions de Kherson et Zaporizhia, ciblant leurs approvisionnements sur leurs arrières (3). Selon la source navale française, cette guerre permet d’exploiter les erreurs de la Russie et d’évaluer ses capacités tactiques terrestre et navale (Île aux Serpents). Elle souligne le risque de chantage alimentaire en Afrique, en raison du contrôle russe de la mer Noire. Au 11 juillet, la Russie avait tiré plus de 1.000 missiles de croisière, dont une centaine depuis la mer. En conséquence, la Marine française portera ses efforts sur la lutte contre les drones et le brouillage des communications.

Russie et Chine. Pour l’OTAN, la Russie constitue la principale menace pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique. Avec des moyens conventionnels, cyber ou hybrides, elle tente d’exercer un contrôle direct et d’établir des sphères d’influence par la coercition, la subversion, l’agression et l’annexion. Brandissant la menace nucléaire, elle modernise ses forces nucléaires et développe de nouveaux vecteurs à capacités conventionnelle et nucléaire aux effets perturbateurs. Outre la déstabilisation des pays situés à l’Est ou au Sud du territoire de l’Alliance atlantique, elle entrave la liberté de navigation dans l’Atlantique Nord, zone d’acheminement de renforts militaires vers l’Europe. Son intégration militaire avec la Biélorussie et le renforcement de son dispositif militaire en mer Baltique, mer Noire et Méditerranée sont considérés comme portant atteinte à la sécurité et aux intérêts des pays de l’Alliance atlantique. Toutefois, estimant ne pas présenter une menace pour la Russie, l’OTAN ne cherche pas la confrontation et souhaite maintenir des canaux de communications pour gérer et réduire les risques, éviter toute escalade et accroître la transparence. Par ailleurs, selon l’OTAN, la Chine renforce sa présence dans le monde et projette sa puissance par des moyens politiques, économiques et militaires. Elle cible notamment les pays de l’Alliance atlantique par des opérations hybrides ou cyber malveillantes, une rhétorique hostile et des activités de désinformation. Elle tente d’exercer une mainmise sur des secteurs économiques et industriels clés, des infrastructures d’importance critique, des matériaux (terres rares) et des chaînes d’approvisionnements stratégiques. En outre, elle sape l’ordre international fondé sur des règles, notamment dans les domaines spatial, cyber et maritime (entraves à la liberté de navigation).

NRBC, cyber, technologies, climat. Selon l’OTAN, des Etats et des acteurs non-étatiques hostiles recourent à des substances ou des armes chimiques, biologiques radiologiques ou nucléaires, qui menacent la sécurité des pays de l’Alliance atlantique. Ainsi, l’Iran et la Corée du Nord poursuivent leurs programmes d’armement nucléaire et de missiles. La Syrie, la Corée du Nord, la Russie et des acteurs non-étatiques ont déjà employé des armes chimiques. La Chine développe son arsenal nucléaire à un rythme soutenu et met au point des vecteurs de plus en plus sophistiqués. Dans le cyberespace, théâtre d’une contestation permanente, des acteurs malveillants essaient d’affaiblir la défense de l’OTAN en cherchant à endommager des infrastructures d’importance critique, perturber le fonctionnement des services publics, dérober des renseignements, voler des contenus soumis à la propriété intellectuelle ou entraver des activités militaires. En outre, des pays compétiteurs stratégiques et des adversaires potentiels de l’OTAN investissent dans des technologies émergentes ou de rupture, capables d’endommager ses capacités spatiales, et de cibler ses infrastructures civiles ou militaires. Enfin, multiplicateur de crises et de menaces, le changement climatique provoque une montée du niveau des mers et des feux de végétations, désorganisant des sociétés. Souvent appelées à intervenir en cas de catastrophe naturelle, les forces armées doivent désormais agir dans des conditions climatiques extrêmes.

Zone indopacifique. Face à la Chine, les Etats-Unis ont besoin d’Alliés, indique la source navale française. Ils ont pris en compte l’implantation de la France dans la zone indopacifique, car ils partagent avec elle la même prudence vis-à-vis de la Chine, la nécessité de la prévention des combats dans la région et le souhait d’y limiter le développement des activités militaires. Depuis la seconde guerre mondiale, la Marine américaine domine les océans. Mais la Marine chinoise développe ses capacités de mener des opérations de coercition et de se déployer dans le monde, comme l’a démontré l’escale d’une frégate chinoise à Bata (Guinée). Elle a mis au point un porte-avions à catapulte et son avion spécifique et a loué des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) russes de la classe Akula. Autre alliée des Etats-Unis dans la région, l’Australie a annulé le contrat de sous-marins avec la France pour se tourner vers eux. Or le taux de remplacement dans la Marine américaine est passé de 2 unités par an à 1 par an, repoussant à 2040 la perspective pour l’Australie de prendre livraison de SNA opérationnels, à prélever sur la flotte américaine. Pour se renforcer dans le Pacifique, les Etats-Unis ont réduit de 70 % leur présence dans l’océan Indien, compensée par celle de la France, dont la posture stratégique dans la zone indopacifique complique l’analyse géopolitique de la Chine.

Interopérabilité navale. Selon la source navale française, des arrangements techniques entre les Marines américaine et française portent sur la validation, à différents niveaux, des systèmes d’informations concernant le commandement, les sous-marins et l’avion de chasse F-35 C. La 4ème génération de ce dernier en augmentera la furtivité, mais la 5ème entraînera un comportement différent, enjeu de la coordination avec le Rafale Marine

Loïc Salmon

Union européenne : présidence française, acquis de la défense

Ukraine : hégémonie navale russe en mer Noire

Stratégie : l’action de la France dans la zone indopacifique




Défense : tir réussi de l’ASMPA rénové et contrat ONERA

Le 23 mars 2022, le tir de qualification du missile stratégique ASMPA rénové a été réalisé avec succès au-dessus de l’Atlantique. Le 3 mars à Paris, le ministère des Armées et l’ONERA ont conclu un contrat d’objectifs et de performance sur cinq ans.

Modernisation des FAS. Le missile ASMPA (air-sol moyenne portée amélioré) rénové est destiné à équiper les Rafales biplaces des Forces aériennes stratégiques (FAS) de l’armée de l’Air et de l’Espace et les Rafales monoplaces de la Marine nationale embarqués sur le porte-avions à propulsion nucléaire Charles-de-Gaulle.  L’ASMPA actuel, entré en service en 2009-2010, a une portée d’environ 500 km à haute altitude et emporte une tête nucléaire de 300 kt. Le tir de qualification de la version rénovée fait partie d’un programme sous maîtrise d’ouvrage de la Direction générale de l’armement (DGA). Effectué par un Rafale de la base aérienne de Cazaux, il a été suivi pendant toute sa phase de vol par les moyens de DGA Essais de missiles à Biscarosse, Hourtin et Quimper et le bâtiment d’essais et de mesures Monge avec la participation de DGA Essais en vol. Outre le groupe européen MBDA, Dassault Aviation et l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) sont impliqués dans l’ASMPA rénové.

Partenariat ONERA-Armées. Le contrat d’objectifs et de performance (COP) couvre la période 2022-2026. Il résulte des travaux entrepris avec l’Agence de l’innovation défense et les partenaires institutionnels, académiques ou privés de l’ONERA. Il fixe une trajectoire financière d’équilibre visant à conforter l’assise économique de l’ONERA, à garantir l’embauche d’une cinquantaine de personnes dès 2023, sa dynamique contractuelle et sa capacité à investir. Cet équilibre repose la subvention pour charges de service public annuelle de 110 M€ dès 2022 et sur le financement de projets d’investissement à hauteur de 30,80 M€, notamment pour la modernisation des moyens de télédétection aéroportée ou de calcul intensif et pour l’activité de défense. Par ailleurs, le COP porte sur neuf objectifs opérationnels : mise en œuvre des feuilles de route déclinant les priorités thématiques poursuivies par l’ONERA ; réponses aux besoins d’expertise et d’essais ; développement de l’excellence scientifique pour relever le défi des ruptures en protégeant les savoirs et savoir-faire ; exploitation de la complémentarité de l’ONERA et du Centre national d’études spatiales ; renforcement des liens avec les universités et les écoles ; mise en place de nouveaux modes de valorisation de la recherche ; accroissement du rayonnement et du positionnement à l’international ; finalisation du regroupement géographique en Île-de-France et des autres grands chantiers, dont le projet ATP au profit des grandes souffleries ; établissement d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Dans le domaine de la défense et de la sécurité, la mission de l’ONERA s’articule autour de cinq programmes : dissuasion ; systèmes de défense ; connaissance et anticipation ; systèmes de combat aérien ; sécurité. Dans le domaine de l’aéronautique, sa mission porte sur les avions, les appareils à voilure tournante, la propulsion et l’environnement, le système de transport aérien, les drones et la plateforme logicielle elsA. Dans le domaine spatial, sa mission porte sur les lanceurs et les systèmes orbitaux. Sous tutelle du ministère des Armées, l’ONERA emploie environ 2.000 personnes et dispose d’un budget de 237 M€, dont plus de la moitié provient de ses contrats commerciaux.

Loïc Salmon

Dissuasion nucléaire : modernisation de la composante aéroportée

Marine nationale : le fait nucléaire, dissuasion politique et actions militaires

Défense : l’ONERA, acteur majeur de l’innovation




Technologie : une plateforme nationale de calcul quantique

Enjeu majeur pour la souveraineté et la supériorité stratégique de la France, le calcul quantique s’appuie sur des propriétés de la matière n’existant qu’à l’échelle de l’infiniment petit.

La nouvelle plateforme nationale de calcul quantique a été annoncée, le 4 janvier 2022 à Paris, par Florence Parly, ministre des Armées, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et Cédric O, secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique.

Caractéristiques. A pleine maturité, le calcul quantique devrait pouvoir effectuer des opérations complexes 1 milliard de fois plus vite que les supercalculateurs en service. Il permettra de traiter des problèmes impossibles à résoudre actuellement dans le temps humain. Le calcul quantique faciliterait la modélisation fine de nouveaux systèmes, la simulation précise de phénomènes physiques ou le traitement massif de données. Dans les vingt prochaines années, le calcul quantique pourrait enclencher révolutions technologiques et avancées majeures applicables aux domaines civils et militaires : observation de la Terre et anticipation de catastrophes naturelles ; modélisation d’un agent infectieux et de remèdes médicaux adaptés ; meilleure compréhension de la photosynthèse pour mieux capter l’énergie solaire et le gaz carbonique atmosphérique. Capable d’interconnecter systèmes classiques et ordinateurs quantiques, la plateforme nationale sera mise à la disposition d’une communauté internationale de laboratoires, de startups et d’industriels, afin d’identifier, de développer et d’expérimenter de nouveaux usages.

Applic ations militaires. Les capteurs militaires en service mesurent le temps, la gravité ou le champ magnétique avec de très grandes précisions. Trois domaines du calcul quantique, spécifiques aux armées, ont été identifiés par Florence Parly lors du lancement de la plateforme. D’abord, les capteurs quantiques permettront : d’améliorer considérablement les performances de détection des systèmes d’armes ; de disposer de systèmes de navigation ne dépendant plus des signaux des satellites, grâce aux mesures des infimes variations de la gravité terrestre. Ensuite, une grande attention est portée aux communications et à la cryptographie quantique et post-quantique. Pour empêcher un futur ordinateur quantique de « casser » les algorithmes de chiffrement, des équipements de très haut niveau de sécurité sont développés pour protéger les données, stockées ou échangées, pendant plusieurs dizaines d’années. Enfin, la capacité de calcul quantique prolongera les travaux dans le domaine de la dissuasion nucléaire. Elle traitera très vite des milliards de données à des fins de renseignement, optimisera les trajectoires de milliers de véhicules ou de satellites, modélisera finement la géométrie d’une antenne ou simulera l’évolution d’un système dynamique.

Financement. La stratégie nationale dans le domaine quantique vise 16.000 emplois d’ici à 2030. Pour la période 2021-2025, elle disposera de 1,8 Md€, dont 1 Md€ de la part de l’Etat, pour le développement des technologies quantiques. Le Programme (public) d’investissements d’avenir a effectué un premier versement de 70 M€ sur un total de 170M€. Soutenue par l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, la plateforme sera hébergée dans le « Très Grand Centre de Calcul », implanté au Sud de Paris à la Direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables.

Loïc Salmon

DRM : des moyens de haute technologie pour le recueil de renseignements

Marine : technologie de pointe pour combattre partout

Défense : l’IA dans le champ de bataille, confiance et contrôle

 




Marine : technologie de pointe pour combattre partout

La préparation au combat de haute intensité, en interarmées et de façon synchronisée dans l’espace et le cyber, nécessite une technologie avancée et du personnel à motiver et fidéliser.

L’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine (CEMM), l’a expliqué au cours d’une rencontre organisée, le 12 juillet 2021 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

L’action en interne Outre une présence mondiale, la Marine assure des missions permanentes : patrouille d’au moins un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) pour la dissuasion ; patrouille d’un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) ; équipes spécialisées pour la connaissance et l’anticipation ; défense côtière et interdiction maritime par des équipes de fusiliers marins ; soutien aux opérations par les commandos Marine. Selon l’amiral Vandier, le plan « Mercator », lancé en 2018, doit d’abord développer la capacité offensive, à savoir retrouver l’initiative et l’audace. Ensuite, il porte sur l’investissement pour les « cas d’usage » à 2-3 ans, comme par exemple : la lutte anti-drones en combinant satellite et laser qui aveugle ; le traitement des méga données pour évaluer l’environnement électromagnétique ; la frégate de défense et d’intervention et son « jumeau numérique » pour développer la modélisation. Grâce à la gestion de carrière et la rémunération, « Mercator » vise à fidéliser le personnel compétent, notamment féminin qui subit une forte attrition après 10-12 ans de service.

La présence extérieure. En juin 2021, la Marine déploie 49 navires, 12 aéronefs et 3.083 marins dans l’océan Atlantique, en Méditerranée, en Manche et mer du Nord, en océan Indien et dans le Pacifique. Le CEMM estime nécessaire de développer également une stratégie défensive. Ainsi, l’appareil militaire contribue aux technologies maritime, spatiale et cyber, qui soutiennent la croissance économique. L’Occident, pénalisé par le coût du travail, doit reprendre la main par la technologie duale (civile et militaire). La Marine française a besoin de patrouilleurs pour assurer la sécurité du SNLE (au départ et à l’arrivée) et de frégates multi-missions pour gérer les perturbations et les tentatives de chantage de la Russie. Les frégates naviguent aussi en Méditerranée centrale, à cause de la situation dans l’Ouest libyen et des migrations, et orientale, en raison du conflit en Syrie, du canal de Suez et de l’activisme turc à proximité des gisements de gaz. La mer Rouge constitue une zone d’action militaire entre la Russie, les Etats-Unis et la Chine, déjà présente dans le détroit de Bab el-Mandeb. Les porte-avions américains ne vont plus dans le golfe Persique, où la mission française « Agénor » recueille du renseignement électromagnétique (cyber et radar tridimensionnel). Dans les océans Indien et Pacifique, la Chine manifeste un comportement agressif avec ses bateaux de pêche, navires garde-côtes et bâtiments militaires. La situation se complique dans le détroit de Taïwan, île que Pékin considère comme une province à conquérir sans guerre.

La troisième voie. Selon l’amiral Vandier, la Chine pratique déjà une forme d’assujettissement économique et financier en Asie du Sud-Est. La France prône un multilatéralisme efficace partout où elle l’estime nécessaire, indépendamment de la tension Washington-Pékin. Ainsi pour acquérir une dimension océanique face à la Chine, l’Australie a décidé de se doter de sous-marins français malgré les pressions politiques des Etats-Unis, car « acheter américain » aurait été considéré comme un acte offensif par Pékin.

Loïc Salmon

Marine nationale : s’entraîner pour anticiper le combat futur

Marine nationale : les enjeux de la Nouvelle-Calédonie

Marine nationale : opération « Agénor » et missions « Foch » et « Jeanne d’Arc »




Asie du Sud : Inde et Pakistan se veulent des puissances nucléaires responsables

Vecteurs de leur armes nucléaires, les missiles balistiques de l’Inde et du Pakistan affectent la sécurité régionale. La maîtrise des armements, réelle au niveau bilatéral, reste faible quant aux instruments juridiques internationaux.

Seule l’Inde a adhéré, en 2016, au Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques (HCoC, voir encadré). Emmanuelle Maitre et Lauriane Héau, chargées de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, ont présenté la situation en Asie du Sud dans une note publiée à Paris en mars 2021.

Arsenaux balistiques. L’Inde a procédé avec succès à l’explosion d’un premier engin nucléaire en 1974 et le Pakistan en1998. Tous deux ont développé des technologies balistiques dès les années 1960. L’acquisition de missiles balistiques a été motivée par le statut et le prestige qui en résultent, la capacité d’infliger des dommages considérables, par l’emport d’armes de destruction massive (nucléaires, chimiques ou biologiques), et l’effet psychologique associé à une frappe éventuelle. Les tensions entre l’Inde et le Pakistan et entre l’Inde et la Chine ont contribué au développement des arsenaux dans la zone Asie-Pacifique. Parallèlement à la recherche et au développement dans le domaine spatial, l’Inde a lancé des programmes de missiles dans les années 1970 et 1980. Dans la catégorie des missiles balistiques à courte portée (SRBM, jusqu’à 1.000 km), elle a mis au point, à partir de 1988, les Prithvi-I, II et III, Agni-1 et Dhanush et développe le Prahar. Elle dispose aussi du missile Agni-2 à moyenne portée (MRBM, de 1.000 à 3.000 km). Les missiles Agni-3 et 4 ont des portées intermédiaires (IRBM, de 3.000 à 5.000 km). Les Agni- 5 et 6, en développement, entrent dans la catégorie des missiles intercontinentaux (ICBM, au minimum 5.500 km). Le Sagarika K-15, réalisé, et le Sagarika K-4, en développement, pourront être tirés d’un sous-marin (SLBM, plus de 5.500 km). En outre, l’Inde a lancé un programme de défense anti-missile. De son côté, le Pakistan a poursuivi simultanément ses recherches spatiales et balistiques. Dès 1989, il a commencé les essais des SRBM Haft-1 et 2, suivis de ceux des Haft-3, 4 et 9. Dans la catégorie des MRBM, il dispose des Haft-5 et 6 et met au point les Ababeel et Shaheen 3. En outre, il développe plusieurs IRBM avec l’aide de la Corée du Nord (technologie Nodong) et de la Chine (achat de missiles M-11). De plus, il investit dans le système chinois LY 80 de défense aérienne à basse et moyenne altitudes et aurait acquis des « MIRV », à savoir des ogives de missiles capables d’emporter plusieurs bombes nucléaires et de les envoyer sur diverses cibles parfois distantes de centaines de km les unes des autres. Par ailleurs, dans la catégorie des missiles de croisière, l’Inde développe les BrahMos et Nirbay et le Pakistan les Ra’ad et Babur. Tous seront capables d’emporter une arme nucléaire ou une charge militaire conventionnelle.

Domaine spatial. A l’exception des Maldives, tous les Etats d’Asie du Sud possèdent au moins un satellite ou participent à sa mise en œuvre. Ainsi, l’Inde a construit le centre spatial Satish Dharwan à Sriharikola et la station équatoriale de lancement de fusées à Thumbo-Thiruvananthapuram. Sa présence s’affirme sur l’ensemble du spectre du domaine spatial : lanceur ; fusée sonde ; satellite de communications ; satellite d’observation terrestre ; satellite à vocation scientifique ; satellite militaire ; vol interplanétaire. Le Pakistan s’en rapproche : fusée sonde ; satellite de communications ; satellite d’observation terrestre ; satellite à vocation scientifique. Le Sri Lanka exploite des satellites de communications et à vocation scientifique. Le Bangladesh se limite aux satellites de communications ou à vocation scientifique. Actuellement, les satellites à vocation scientifique suffisent au Népal et au Bhoutan et ceux de communications à l’Afghanistan. L’exploitation pacifique des satellites porte notamment sur l’agriculture ou la réponse aux catastrophes naturelles. Toutefois, l’essai réussi d’une arme antisatellite par l’Inde en 2019 inquiète la communauté internationale, car tout nouvel essai d’une telle arme rendrait l’espace dangereux pour les entreprises civiles. Avec l’émergence du « New Space », industrie spatiale née aux Etats-Unis, des entités privées peuvent en effet utiliser des constellations de petits satellites en vue de développer des produits commerciaux. En conséquence, des petits systèmes de lancement pourraient envoyer dans l’espace des objets, dont certains risqueraient d’être confondus avec des missiles.

Freins limités à la prolifération. Afghanistan, Bangladesh, Bhoutan, Inde, Maldives, Népal, Pakistan et Sri Lanka ont ratifié (ou adhéré à) la Convention internationale sur les armes chimiques et à celle sur les armes biologiques. Tous ont envoyé un rapport initial au « Comité 1540 », créé en application de la Résolution 1540 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée à l’unanimité le 28 avril 2004. Cette résolution stipule « que tous les États doivent s’abstenir d’apporter un appui, quelle qu’en soit la forme, à des acteurs non étatiques qui tenteraient de mettre au point, de se procurer, de fabriquer, de posséder, de transporter, de transférer ou d’utiliser des armes nucléaires, chimiques ou biologiques ou leurs vecteurs, en particulier à des fins terroristes. » Toutefois, aucun n’a soumis au Comité 1540 de plan national de mesures de prévention de la prolifération de ces armes et de leurs vecteurs. Par ailleurs, l’Inde et le Pakistan n’ont pas ratifié le Traité sur la prolifération des armes nucléaires ni le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et ni le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Cependant, l’Inde a signé un protocole additionnel avec l’Agence internationale de l’énergie atomique, ouvrant la voie à un accord de coopération avec les Etats-Unis en 2006. Quant à la lutte contre la prolifération de missiles balistiques, le Pakistan s’abstient systématiquement lors des votes des résolutions bi-annuelles de l’ONU en faveur du HCoC. Toutefois, l’Inde et le Pakistan ont conclu un accord en 2005, prolongé en 2011 et portant sur un préavis de 72 heures des essais en vol de missiles balistiques, en fixant des limites géographiques et des trajectoires claires pour ces essais.

Loïc Salmon

Seul instrument multilatéral centré sur les vecteurs d’armes de destruction massive, le Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques (HCoC), créé en 2002, compte 143 Etats signataires en décembre 2020. Ceux-ci s’engagent à : respecter les traités de l’ONU et les conventions internationales sur la sécurité spatiale ; soumettre une déclaration annuelle sur leurs capacités en matière de missiles balistiques et leur politique nationale sur la non-prolifération et le désarmement ; envoyer des notifications préalables à tout lancement de missile balistique ou de lanceurs spatial. L’Autriche, qui assure le contact central immédiat du HCoC, met ces informations en ligne sur une plateforme réservée aux Etats signataires. Ceux-ci s’engagent à la plus grande retenue dans le développement de leurs capacités balistiques, sans pour autant y renoncer. Le HCoC permet d’accroître la transparence, d’éviter tout malentendu et de développer pacifiquement des activités spatiales.

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14 juillet 2021 : engagements de haute intensité, technologies de pointe et anniversaires

L’édition 2021 du défilé du 14 juillet à Paris porte sur les combats possibles de haute intensité, une technologie élevée, la résilience et le rappel du passé.

Présentée le 4 juin 2021 par le général de corps d’armée Christophe Abad, gouverneur militaire de Paris, elle reprend son format traditionnel d’avant la pandémie du Covid 19. Le défilé du 14 juillet 2021 met ainsi en œuvre : 5.000 participants, dont 4.300 à pied ; 71 avions et 25 hélicoptères ; 221 véhicules ; 200 chevaux de la Garde républicaine. Dans le cadre de l’opération « Takuba » au Mali, les forces spéciales sont mises à l’honneur avec un détachement de 81 soldats d’Italie, des Pays-Bas, de Belgique, d’Estonie, de République tchèque, de France, du Portugal et de Suède.

L’action dans les airs. Le défilé des avions, ouvert par la Patrouille de France, met en scène les missions de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) et de la Marine nationale. La dissuasion nucléaire est représentée notamment par les Forces aériennes stratégiques avec 1 avion ravitailleur multi-rôles A330 MRTT et 6 chasseurs Rafale B. La maîtrise de l’espace aérien est matérialisée par 1 AWACS E3F (détection et commandement aéroporté), 4 chasseurs Mirage 2000-5 et 2 Mirage 2000 B. L’action dans la profondeur se manifeste avec 1 A330 MRTT, 6 Mirage 2000 D, 4 Rafale C et 2 Rafale B. La Marine nationale déploie le Groupe aérien embarqué avec 1 avion de guet aérien Hawkeye et 8 Rafale Marine. S’y ajoutent 2 ATL2 de la patrouille maritime, pour les opérations extérieures, et 1 Falcon 50 Marine, pour la lutte contre les trafics illicites. Les trois armées montrent aussi leurs hélicoptères. L’armée de Terre présente ses missions : protection du territoire national avec 3 appareils (Puma, Caïman et Cougar) ; opération « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne avec 3 appareils (1 Tigre et 2 Caïman). Celles de l’AAE consistent en interventions extérieures et sur le territoire national, présentées par 2 Caracal, 1 Fennec canon et 1 Fennec TE. La Marine nationale montre 2 Caïman, 2 Panther et 1 Dauphin pour la maîtrise des espaces aéromaritimes et le combat naval.

La sécurité par les airs. L’AAE montre ses moyens d’engagement, de projection et de soutien par trois types d’avions de transport, représentés par 1 A400 M, 1 Transall C160 et 2 Casa CN235. S’y ajoute, pour le renseignement, 1 avion léger de surveillance et de reconnaissance. L’AAE présente 2 Pilatus PC 21 et 2 Xingu destinés à la formation, l’entraînement et la préparation. La Direction générale de l’armement déploie le nouvel avion de soutien d’essais en vol TBM 940. La Sécurité civile montre 1 Beech B200, 1 Canadair et 1 Dash Q400 dédiés à la lutte contre les incendies et 1 hélicoptère d’intervention. La Gendarmerie déploie 3 hélicoptères (1 EC145 et 2 EC135), destinés à l’assistance, le sauvetage, la surveillance, le renseignement et l’intervention.

Les anniversaires. L’année 2021 rappelle les 80 ans du « serment de Koufra » (division Leclerc), les 80 ans des Forces aériennes françaises libres, les 75 ans de la base aéronavale de Lann Bihoué, les 60 ans de la Direction générale de l’armement, les 30 ans de la division « Daguet » et les 10 ans du Service interarmées des munitions.

Les cérémonies. En ouverture, la musique de la Garde républicaine souligne la concorde nationale. La clôture met en exergue une jeunesse engagée, représentée par une chorale de 120 jeunes. Le Chœur de l’armée française entonne la « Marseillaise ».

Loïc Salmon

14 juillet 2019 : coopération européenne et innovation

14 juillet 2018 : l’engagement citoyen et patriote

14 juillet 2017 : « opérationnels ensemble » en interarmées, interministériel et international




Défense : les infrastructures, de la construction à l’expertise

Le Service d’infrastructure de la défense (SID) intervient, partout et en tout temps, pour assurer la résilience du ministère des Armées, des hébergements aux grands programmes d’armement et sites nucléaires.

Son directeur central, le général de corps d’armée Bernard Fontan, l’a présenté à la presse, au cours d’une visioconférence à Paris le 27 mai 2021.

Eventail complet de capacités. Placé sous l’autorité du Secrétariat général pour l’administration, le SID construit et adapte les infrastructures des forces armées, directions et services, en métropole, outre-mer et opérations extérieures (Opex). Outre la maintenance lourde des infrastructures communes, il réalise celles destinées à l’entraînement des forces et à la collecte de données. En Opex, il met en œuvre centrales électriques, installations pyrotechniques, centres médico-chirurgicaux et unités de traitement de l’eau (captage, filtrage, distribution, retraitement des eaux usées et leur rejet dans la nature). Ses 6.600 personnels (67 % civils et 33 % militaires) traitent 4.100 immeubles et 2,7 Mdsm2 de terrain, 30,5 Mm2 de surface bâtie et 230 M€ d’achat d’énergie. Leurs domaines de compétences incluent les ports, installations nucléaires, centres de traitement des déchets, monuments historiques et forêts.

Programmes majeurs. Dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025, le SID réalise notamment les infrastructures d’accueil et de soutien des sous-marins d‘attaque Barracuda à Toulon et les travaux à l’Ile Longue (Brest), base de la Force océanique stratégique. Pour l’armée de l’Air et de l’Espace, il adapte les infrastructures des bases de Mont-de-Marsan et d’Orange pour le soutien des avions de chasse Rafale. Il reconfigure la base d’Istres pour l’accueil des Airbus A330 MRTT de la 31ème Escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégique dédiée à la dissuasion nucléaire. Pour l’armée de Terre, le SID réalise les infrastructures relatives au programme de combat collaboratif Scorpion (écoles, centres de maintenance et régiments).

Organisation. Créé en 2011, le SID a réalisé un maillage fin du territoire, indique le général Fontan. Son réseau s’articule autour d’une direction centrale, d’un centre d’expertise et d’un centre national de production à Versailles et de sept établissements répartis en métropole. Ces derniers comprennent 49 unités de soutien au plus près des bases de défense, qui disposent d’antennes pour soutenir les régiments, bases aériennes et navales ainsi que les centres de la Direction générale de l’armement. A ces quelque 200 sites s’ajoutent les unités implantées hors du territoire métropolitain, à savoir à Cayenne (Guyane), Fort-de-France (Martinique), Nouméa (Nouvelle-Calédonie), Papeete (Polynésie française), Saint-Denis (La Réunion), Abou Dhabi (Emirats arabes unis), Abidjan (Côte d’Ivoire), Dakar (Sénégal), Libreville (Gabon) et Djibouti. Le SID suit les consommations d’énergie et optimise les contrats d’achat d’électricité et de gaz. Il assure la transition énergétique globale en identifiant les sites les plus gourmands, afin de diminuer leur consommation, respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de recourir aux énergies alternatives. Cela implique le remplacement des chaudières à gaz, l’arrêt du charbon en 2024 et l’installation de panneaux photovoltaïques. Depuis 2017, le SID recrute plus de 400 personnes par an. Son budget est passé de 1,5 Md€ en 2015 à 2,1 Mds€ en 2020.

Loïc Salmon

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Les ors de la République

Maillon de la chaîne de commandement, l’Etat-major particulier (EMP) du président de la République se caractérise par sa compétence et sa loyauté. Apolitique, il se situe au-dessus des divergences partisanes.

Le général Henri Bentégeat y a servi pendant sept ans, d’abord comme adjoint « Terre » auprès de François Mitterrand (1993-1995) et de Jacques Chirac (1995-1996) puis comme chef (1999-2002), avant d’assumer les fonctions de chef d’Etat-major des armées (2002-2006). Il a vécu les cohabitations, où ces chefs d’Etat ont dirigé la France avec un Premier ministre d’une sensibilité politique différente de la leur. L’EMP participe à la gestion des crises et des conflits selon une procédure de décision réactive, sans frein de la part du Parlement, informé d’une opération militaire dans les trois jours puis qui doit autoriser sa prolongation au-delà de quatre mois. En outre, toutes les administrations sont concernées et les chefs militaires y sont associés de bout en bout. L’EMP assiste à toutes les réunions de crise au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et du ministère des Affaires étrangères, quand les intérêts de la Défense peuvent se trouver mis en cause. L’émotion, l’hypermédiatisation et l’information en continu effacent le recul et négligent le temps long, où se mesure l’efficacité. Chaque matin, les adjoints de l’EMP (Terre, Marine et Air) lisent notes des services de renseignement, messages des attachés de défense, analyses du SGDSN et de la Délégation aux affaires stratégiques, études de l’Etat-major des armées et télégrammes diplomatiques, pour traquer l’information destinée au chef de l’Etat, un fait inattendu demandant confirmation ou les signes d’une menace potentielle nécessitant une vigilance accrue. Le soir et les week-ends, ils prennent à tour de rôle l’astreinte à domicile. Tenus informés par le centre de transmission militaire de la présidence, ils doivent être en mesure de rédiger une note urgente pour le chef de l’Etat ou de rejoindre l’Etat-major des armées pour y suivre les développements d’une situation de crise potentiellement explosive. Le secrétaire général de l’Elysée gère alors la suite à donner à tout événement qui exige une réaction immédiate de la présidence de la République. L’ordre protocolaire place le chef de l’EMP juste derrière lui, pour souligner l’importance de la responsabilité de chef des armées, qui ne se partage pas. Ainsi, le lendemain de son intronisation, le nouveau président est informé, en tête à tête, des plans et procédures des codes nucléaires par le chef de l’EMP. Ces plans ne sont accessibles qu’à « ceux qui ont à en connaître ». La dissuasion nucléaire, socle de l’indépendance stratégique de la France, vise désormais, non plus les grandes villes d’un Etat adverse, mais ses centres de pouvoirs politiques, militaires ou économiques, en limitant les dégâts collatéraux. La protection des intérêts vitaux, jamais explicites, de la France serait affirmée par un tir d’ultime avertissement. Le chef de l’EMP, qui ne dépend que du chef de l’Etat, éclaire ses choix en amont. Son influence dépend des relations qu’il a su établir avec lui. Les décisions présidentielles sont prises en conseil de défense ou en conseil restreint, où tous les participants peuvent s’exprimer. Leur mise en œuvre relève du ministre ou du chef d’état-major des Armées. Parmi les administrations, seules celles de la Défense et des Affaires étrangères appliquent intégralement les décisions du chef de l’Etat…sans tergiverser !

Loïc Salmon

« Les ors de la République » par le général d’armée Henri Bentégeat. Editions Perrin, 220 pages, 17 €.

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Guerre : complexité des approches politique et militaire