Renseignement : la DGSE souhaite être connue

La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) utilise les réseaux sociaux pour améliorer son recrutement et présenter ses diverses formations.

Le diplomate de haut rang qui la dirige, Bernard Emié, l’indique dans une interview à la revue Politique internationale de printemps 2019. Il s’agit de renforcer l’attractivité de la DGSE, d’attirer des jeunes « brillants » et de faire venir ceux qui, par intuition, ne se tourneraient pas vers elle. Selon un sondage qu’elle a commandé fin 2018, sa notoriété s’accroît : 77 % des Français en ont entendu parler, contre 63 % en 2012 ; 89 % lui font confiance (69 % en 2012) ; 82 % s’en remettent à elle pour assurer la sécurité de la France face aux menaces étrangères. La série télévisée Le Bureau des légendes, traduite en 70 langues et vendue dans le monde entier, a constitué pour elle « un formidable vecteur d’influence, de réputation et de recrutement ». Composée d’un tiers de militaires et de deux tiers de civils, elle combine exigence et rigueur, grâce aux premiers, et variété de profils parmi les seconds. Héritière du Bureau central de renseignement et d’action de la France libre créé en 1940, la DGSE reste le seul service « spécial » de l’Etat à mener des actions clandestines. A ce titre, ses unités militaires, regroupées au sein du 44ème Régiment d’infanterie et du « Service Action », ont reçu la fourragère de l’ordre de la Libération en 2018. Parmi les 1.038 compagnons de la Libération, 129 étaient membres des services spéciaux, dont 43 sont morts pendant la guerre. Les personnels civils de la DGSE incluent notamment des médecins, des juristes, des ingénieurs issus des grandes écoles comme Polytechnique ou Supaéro Toulouse, des linguistes de l’Institut national des langues et civilisations orientales et des diplômés de l’Institut des sciences politiques de Paris. La DGSE emploie 6.500 agents pour assurer les fonctions de la CIA (renseignement extérieur et opérations clandestines) et de la NSA (renseignement d’origine électromagnétique) américaines, contre environ 8.700 pour le MI-6 (renseignement extérieur et opérations clandestines) et le GCHQ (renseignement d’origine électromagnétique) britanniques et plus de 6.000 pour le BND allemand. La coopération dans ce domaine entre Paris, Berlin et Londres ne devrait pas être affectée par le « Brexit » britannique, car l’article 4.2 du traité de l’Union européenne précise que « la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque Etat membre ». La DGSE contribue, avec la Direction générale de la sécurité intérieure, à identifier et suivre les acteurs de la menace terroriste à l’étranger, dans le cadre du continuum défense et sécurité. Elle identifie, suit et entrave des filières de prolifération d’armes de destruction massive, pour éviter que certains pays acquièrent des technologies dangereuses. Chaque jour, elle présente aux hautes autorités politiques et militaires des renseignements sur l’état de la menace sur les intérêts et la souveraineté de la France, dans le cadre de la fonction « connaissance et anticipation », priorité stratégique. Grâce à des systèmes compliqués, elle détecte l’origine des « fake news » (informations tronquées ou même fausses), relayées sur les réseaux sociaux à des fins politiques. Elle peut supprimer, en quelques heures, les vidéos de propagande djihadiste ou les appels au meurtre pour en limiter l’influence. Enfin, souligne son directeur, la DGSE doit faire comprendre aux dirigeants, publics et privés, les risques liés à l’espionnage et promouvoir la « culture du renseignement ».

Loïc Salmon

DGSE : le renseignement à l’étranger par des moyens clandestins

Rendre le renseignement plus efficace dans la lutte contre le terrorisme

Renseignement : indispensable à la souveraineté et garant de l’indépendance nationale




Grande Guerre : le camp de représailles de Flabas

Entre le 15 janvier et le 30 avril 1917, près du front, les autorités allemandes ont établi un camp de représailles, où 200 prisonniers français sont morts de maladies, de brimades et d’éclats d’obus.

L’ultimatum. En 1916, le gouvernement impérial allemand apprend, par des renseignements, que des prisonniers de guerre allemands travaillent sur la « Voie sacrée » reliant Bar-le-Duc à Verdun. Le 21 décembre, par l’intermédiaire de l’ambassade des Etats-Unis à Berlin, il invoque le droit international sur les prisonniers de guerre et formule quatre exigences auprès du gouvernement français, d’ici au 15 janvier 1917 : la relève immédiate de la ligne de feu de tous les prisonniers allemands, qui seront évacués sur des camps présentant une installation appropriée, et situés sur une distance d’au moins 30 km du front ; interdiction de faire appel au travail des prisonniers de guerre à moins de 30 km du front ; autorisation que ces prisonniers correspondent par la voie postale avec l’Allemagne, à cet effet, il sera nécessaire d’indiquer les noms des camps où ils sont internés ; délivrance aux délégués de l’ambassade américaine à Paris d’une autorisation leur permettant de visiter ces camps. Il précise qu’en cas de refus, des prisonniers de guerre français en Allemagne, de tous grades, seront dirigés vers la zone de feu.

Le camp. En l’absence de réponse du gouvernement français et pour faire pression sur lui, les autorités militaires allemandes regroupent 500 prisonniers français, dont 6 officiers, près du village de Flabas, exposé aux tirs de l’artillerie française. Aujourd’hui, l’emplacement de ce camp de représailles est signalé par trois cyprès et un panneau rédigé en français et en allemand, au milieu d’un champ. Des soldats du 173ème Régiment d’infanterie, capturés dans le secteur, ont édifié le camp de 50 m de long et 30 m de large, entouré de barbelés A l’intérieur, ils ont bâti une petite cabane pour la cuisine, une baraque servant d’infirmerie et de salle mortuaire et un bâtiment sans fenêtre, au toit laissant passer la pluie et d’une capacité d’accueil de 200 prisonniers. Les 300 autres dorment dehors, en plein vent, pendant tout le rigoureux hiver de 1917. Dans cette zone de « non-droit », un officier, un adjudant, deux caporaux et une quarantaine de soldats allemands des troupes d’assaut font preuve d’une brutalité contraire au droit de la guerre, dont leur gouvernement se prévaut. Les prisonniers punis sont bastonnés ou attachés à un poteau et les pieds ne touchant pas le sol, châtiment en vigueur dans l’armée allemande. Léon Cuvelle, officier français rescapé du camp, relate les faits dans son livre « Les représailles », publié en 1929, et sculpte, en 1934, un soldat supplicié sur une stèle, que des soldats allemands casseront en 1940. Une partie restaurée se trouve au village (photo). Les prisonniers réparent les routes et transportent des caisses de munitions. N’ayant droit qu’à un ersatz de café le matin, rien à midi et une soupe d’orge et de « substances inconnues » le soir, certains en sont réduits à manger leurs propres poux et des herbes. Dysenterie et typhus se propagent dans le camp.

L’épilogue. Dès que les autorités françaises donnent suite aux exigences allemandes, le calvaire des prisonniers prend fin. Désinfectés plusieurs fois, ils prennent une douche et sont transférés à pied (10 km) puis en train à l’hôpital militaire de Montmédy ou de Longuyon. Ils sont ensuite expédiés dans différents camps en Allemagne. Le 18 juillet 2001, des jeunes pompiers allemands du Kreis de Limbourg-Weilburg ont offert le panneau d’information de Flabas, lequel a été restauré le 1er août 2015.

Loïc Salmon

Exposition « 7 millions ! Les soldats prisonniers dans la Grande Guerre » à Verdun

Exposition « Le nouveau visage de la guerre » à Verdun

323 – Dossier : « La bataille de Verdun, 21 février – 18 décembre 1916 »




Les Français du jour J

Parachutistes, fusiliers-marins commandos, aviateurs et marins, soit plus de 3.000 militaires français participent au débarquement du 6 juin 1944 (15 tués) en Normandie et plus de 20.000 dans la bataille éponyme qui suit (plusieurs centaines de morts).

L’opération « Overlord » a mobilisé des milliers d’aviateurs (227 Français à bord de 135 appareils) pour assurer la maîtrise du ciel, 196.000 marins (environ 2.600) qui arment les navires, 24.000 parachutistes (38) largués derrière les lignes allemandes et 132.715 hommes (177) pour le débarquement proprement dit. La modicité des effectifs français, issus surtout des anciennes Forces françaises libres, s’explique par la nécessité de conserver le gros des troupes françaises stationnées en Afrique du Nord et en Italie pour le débarquement de Provence, qui aura lieu le 15 août suivant. La participation française doit beaucoup à la compréhension des chefs militaires britanniques, qui parviennent à convaincre leurs homologues américains, réticents au début, d’engager la 2ème Division blindée dans la bataille de Normandie et la libération de Paris le 25 août. Le général de Gaulle, chef de la France libre, avait pourtant demandé, à la fin de 1943, un engagement terrestre d’au moins une ou deux divisions le jour J. Prévenu la veille, il a été profondément déçu de la faiblesse de la participation française, reflet selon lui d’un manque de considération des Alliés et d’une représentativité de la force reconstituée de la France insuffisante pour asseoir sa légitimité dans le monde. En fait, sur le plan opérationnel, les Alliés n’informent pas les Français par crainte que le renseignement parvienne aux oreilles des Allemands. Sur le plan politique, le président américain Roosevelt et le Premier ministre britannique Churchill tiennent de Gaulle à l’écart, car ils ne lui reconnaissent pas encore la légitimité de gouverner les territoires français qui seront libérés. Pourtant, les premiers soldats alliés à fouler le sol de France seront les 177 Français du 1er Bataillon de fusiliers marins au béret vert avec l’insigne orné de la croix de Lorraine. Le jour J, la participation française inclut : plus de 1.500 marins des croiseurs Georges-Leygues et Montcalm, venus d’Afrique du Nord ; 500 parachutistes intégrés au 4ème Régiment de la Brigade SAS (Special Air Service) britannique ; des navires d’escorte, à savoir les corvettes Aconit, Renoncule, Roselys et Commandant-d’Estienne-d’Orves et les frégates Aventure, Découverte, Escarmouche et Surprise ; les groupes de chasse « Alsace » et « Ile-de-France » des Forces aériennes françaises libres (FAFL) et les groupes de chasse « Cigognes » et « Berry », venus d’Afrique du Nord ; le groupe de bombardement « Lorraine » (FAFL) ; les combattants de l’ombre de la Résistance, qui entreront en action sur les arrières des troupes allemandes. Pendant les années de pouvoir du général de Gaulle (1944-1946 et 1958-1969), le jour J sera exclu de la mémoire française de la Libération. Cela s’explique par l’effectif français, trop petit pour coller au grand récit de « la France libérée par elle-même », à savoir à peine 3.000 hommes par rapport aux 150.000 Résistants et 250.000 hommes des forces françaises du débarquement de Provence. Abondamment documenté, l’ouvrage relate, à partir de nombreux témoignages, les péripéties diplomatiques, la préparation et la conduite des opérations du jour J concernant la participation française.

Loïc Salmon

« Les Français du jour J » par Benjamin Massieu. Editions Pierre de Taillac, 418 pages, nombreuses illustrations, 24,90 €.

Jour-J

Churchill De Gaulle

Provence 1944

 




Marines : outils de combat et affirmation de puissance

La supériorité navale a retrouvé son application dans les opérations à terre : Balkans, 1986 ; Irak, 1991 et 2003 ; Libye, 2001. Parallèlement, se manifeste une appropriation des océans, où le nombre de sous-marins est passé de 350 en 2000 à 500 en 2018.

Ce thème a fait l’objet d’un colloque organisé, le 22 octobre 2018 à Paris, par le Groupement des industries de construction et activités navales et la Fondation pour la recherche stratégique. Y sont intervenus : le vice-amiral d’escadre Denis Béraud, major général de la Marine ; l’amiral Steve Allen, sous-chef d’état-major et commandant l’aviation navale britannique ; le vice-amiral Rainer Brinkmann, major général de la Marine allemande ; Alexandre Sheldon-Duplaix, chercheur à l’Ecole de guerre.

Evolution du contexte naval. Depuis 2010, indique l’amiral Béraud, se manifestent le développement de missiles anti-missiles, la construction accrue de sous-marins en Asie et…le retour des puissances ! Un sous-marin français lanceur d’engins (SNLE) effectue la 500ème patrouille de la dissuasion depuis 1972. L’emploi de la force est à nouveau envisagé à partir de la mer. La logique de captation pour l’accès aux ressources va de pair avec le contrôle de l’espace maritime et l’ambiguïté des intentions. Quelque 3.000 navires surveillent les côtes et archipels. Le détroit de Bab el-Mandeb, passage obligé vers l’océan Indien, est menacé par les mines, drones de combat et missiles, en raison de la guerre au Yémen. Le missile antinavire redevient d’actualité, notamment contre Israël et l’Egypte. Au large de la Syrie, une frégate française renseigne sur les présences aériennes russe, turque et iranienne. Les sous-marins algériens peuvent utiliser des missiles de croisière russes. Le nivellement technologique profite aux acteurs étatiques ou non. Le recueil d’informations par des drones navals permet d’identifier ce qui aura été détecté au radar et de limiter le risque de surprise. Chaque navire de guerre en sera doté dès 2030. La fusion des données obtenues par les navires, hélicoptères et drones facilite l’intervention tactique en temps réel. L’informatique permet le maintien en condition opérationnelle d’un bâtiment à la mer et en optimise l’emploi. Parmi les informations « officielles » fournies obligatoirement par un navire marchand, l’intelligence artificielle détecte les anomalies, qui permettront de déterminer sa destination effective et donc ses intentions véritables.

Capacités navales. En 2018, la Chine arrive à la 2ème place mondiale en nombre de navires et en tonnage, derrière les Etats-Unis, indique Alexandre Sheldon-Duplaix. Elle dispose de 60 sous-marins à propulsion diesel-électrique (SMD), 7 sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) et 7 SNLE, dont les deux plus récents lui donnent la capacité de frappe en second et d’atteindre les Etats-Unis, la Russie et l’Inde. Ses 6 transports de chalands de débarquement (TCD) et 2 porte-avions (PA) à tremplin (4 autres à catapultes électromagnétiques programmés) lui donnent une capacité de projection de puissance transrégionale. La Russie la suit avec 22 SMD, 24 SNA, 12 SNLE, 1 PA à tremplin et des missiles de croisière supersoniques. Le Japon (22 SMD et 3 TCD) met en service 4 porte-hélicoptères (PH) et 50 frégates. La Grande-Bretagne (voir encadré) arrive à la 5ème place et la France à la 6ème. L’Inde (14 SMD, 1 SNA, 1 SNLE, 1 PA à tremplin et 1 TCD) peut aussi déployer des missiles balistiques nucléaires à courte portée, à partir de patrouilleurs de haute mer. La Corée du Nord peut lancer un missile nucléaire balistique à courte portée (2.000 km), à partir d’un SMD. La Corée du Sud (12 SMD) déploie 1 PH, de même que le Brésil (5 SMD et 2 TCD) et la Turquie (13 SMD). Le Pakistan et Israël seront bientôt capables de tirer un missile de croisière à tête nucléaire, à partir d’un SMD. Chine, Russie, Corée du Nord et Iran disposent de Marines aux capacités défensives et de déni d’accès. Chine, Japon, Corée du Sud, Italie et Espagne utilisent leurs Marines pour protéger leurs approches maritimes commerciales. En outre, Chine, Russie, Inde, Brésil et Turquie veulent établir une prééminence régionale ou au moins faire face aux Marines plus puissantes, seules ou combinées, à leurs frontières.

Stratégies et technologies. Selon Alexandre Sheldon-Duplaix, la montée en puissance navale de la Chine vise notamment à dissuader ou combattre toute intervention militaire américaine pour soutenir Taïwan, au cas où Pékin déciderait une réunification par la force. Ses capacités de lutte anti-aérienne, antinavire et anti-sous-marine lui permettent d’agir jusqu’à 1.000 milles marins (1.852 km) de sa première chaîne d’îles. Elle déploie aussi un réseau de surveillance par drones sous-marins et poursuit des recherches sur la catapulte électromagnétique pour PA et le « navire tout électrique ». La Russie se sent menacée à ses frontières par l’OTAN et redoute une déstabilisation mondiale ou régionale, consécutive au déploiement des systèmes américains antimissiles en Europe, en Asie-pacifique et au Moyen-Orient, couplé à des systèmes d’armes de précision et au déploiement d’armes dans l’espace. Elle remplace ses SNLE et construit des frégates et corvettes lance-missiles. Son missile hypersonique Zircon, opérationnel vers 2022, pourrait neutraliser les nouveaux PA britanniques (encadré). Pour contourner le bouclier antimissile américain déployé en Roumanie et en Pologne, elle développe une torpille capable de rendre radioactive toute la côte d’un pays, lui causant des dommages économiques inacceptables. Enfin, elle va déployer des drones sous-marins en Baltique et dans l’océan Arctique. L’Inde étend sa zone d’intérêt maritime à la mer Rouge, le Sud-Ouest de l’océan Indien, la Méditerranée, la côte ouest-africaine et le Pacifique-Ouest incluant la mer de Chine du Sud. Pour contrer la Chine, elle noue des partenariats stratégiques avec les Etats-Unis, le Japon, l’Australie, le Viêt Nam, la France et la Grande-Bretagne. La Turquie entend manifester sa présence maritime dans le golfe Arabo-Persique, en océan Indien, Afrique, Asie-Pacifique et Amérique latine. Elle construit un PA et dispose de bases militaires en Somalie et au Qatar. Enfin, l’Iran déploie des drones au-dessus des PA américains dans le golfe d’Oman et en mer d’Arabie.

Loïc Salmon

L’amiral Allen a présenté le retour de la Grande-Bretagne dans la projection de puissance aéronavale pour exercer une diplomatie coercitive vis-à-vis d’Etats côtiers et décourager l’escalade d’un conflit, dans le cadre de l’OTAN. Le porte-avions Queen-Elizabeth, mis en service en 2018, sera suivi du Prince-of-Wales en 2019, pour maintenir une présence permanente à la mer à partir de 2021. D’un déplacement de 65.000 t à pleine charge, chacun est équipé d’un tremplin pour avions américains multi-missions F-35B à décollage court et atterrissage vertical (photo). Selon l’amiral Brinkmann, la Marine allemande participe à toute opération maritime de l’OTAN, notamment sur le front Nord de l’Europe et coopère avec toutes les Marines des pays riverains de la Baltique, sauf la Russie. Elle participe aux opérations européennes « Atalante » de lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden et l’océan Indien et « Sophia » (trafics de migrants) en Méditerranée.

Marine nationale : le fait nucléaire, dissuasion politique et actions militaires

331 | Dossier : « La France, puissance maritime »

Marines : l’approche globale, indispensable à la sécurisation future du milieu maritime




A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923

Les cartes et analyses de spécialistes de quinze pays différents expliquent pourquoi, cent ans après l’armistice de 1918, la paix n’est pas encore vraiment instaurée à l’Est de l’Union européenne et aux Proche et Moyen-Orient.

Les traités. Pourtant, la page de la Grande Guerre aurait dû être tournée avec les divers traités, rédigés en français, anglais et parfois italien, mais dont seule la version française fait foi : Versailles, 28 juin 1919, avec l’Allemagne ; Saint-Germain-en Laye, 10 septembre 1919 avec l’Autriche ; Neuilly-sur-Seine, 27 novembre 1919 avec la Bulgarie ; Trianon, 4 juin 1920 avec la Hongrie ; Sèvres, 10 août 1920 avec la Turquie, non appliqué et remplacé par celui de Lausanne, 24 juillet 1923. Outre le rétablissement de la paix en Europe et dans le monde, ces traités devaient redessiner la carte des Etats formés après la disparition des Empires allemand, austro-hongrois et ottoman, considérés comme responsables du conflit. Ces traités multilatéraux résultent d’un processus juridique complexe mis au point entre l’Acte final du congrès de Vienne (9 juin 1815), élaboré à l’issue des guerres napoléoniennes, et le premier traité multilatéral mettant fin à la guerre de Crimée (30 mars 1856). Hôte de la Conférence de la paix en 1919, la France devient la dépositaire des traités multilatéraux rédigés à l’issue des négociations. Un seul exemplaire étant signé par tous les Etats membres, le gouvernement français établit les procès-verbaux des dépôts de ratification des traités, remet des copies certifiées conformes aux pays signataires et indique leur date d’entrée en vigueur. Il doit rassembler les pièces constitutives de chaque traité, en vérifier la validité et en suivre l’exécution. Ainsi, le ministère français des Affaires étrangères conserve tous les documents signés par les chefs d’Etat et souverains des pays concernés par la première guerre mondiale. Il s’agit de la Belgique, de la Bolivie, du Brésil, de la Chine, de Cuba, de l’Equateur, de la Grèce, du Guatemala, de Haïti, du Hedjaz intégré aujourd’hui à l’Arabie saoudite, du Honduras, du Liberia, du Nicaragua, de Panama, du Pérou, de la Pologne, du Portugal, de la Roumanie, de l’Etat serbe-croate-slovène dont les composantes sont aujourd’hui indépendantes, du Siam (Thaïlande), de la Tchécoslovaquie (aujourd’hui scindée en deux) et de l’Uruguay. Tous ces documents sont désormais consultables sous forme numérique.

« Atlas raisonné ». L’ouvrage « A l’Est, la guerre sans fin 1919-1923 », catalogue de l’exposition éponyme au musée de l’Armée, présente un aperçu du destin de vingt-cinq pays concernés. Ces entités politiques, étendues ou minuscules, anciennes ou récentes, durables ou éphémères, restituent la grande variété des situations. Une carte de synthèse, établie par les ingénieurs géographes du Centre des archives diplomatiques rappelle les frontières de 1923, avec des éléments antérieurs pour une meilleure mise en perspective. L’histoire de chaque pays, entre 1918 et 1923, présente sa participation aux divers conflits avec les conséquences en termes de territoires, de nationalités et d’instabilité politique (révolutions et contre-révolutions). Les interventions militaires françaises, significatives, sont parfois mentionnées. En effet, forte de sa prépondérance militaire en 1918, la France a tenté, avec ses soldats, ses diplomates et ses alliés, de mettre en place un nouvel ordre stratégique.

Loïc Salmon

« A l’Est, la guerre sans fin 1919-1923 », ouvrage collectif. Éditions Gallimard/Musée de l’Armée, 336 pages, 300 illustrations, 29 €

Exposition « A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923 » aux Invalides

Exposition « 1918, armistice(s) » aux Invalides




Exposition « A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923 » aux Invalides

La Grande Guerre se termine le 11 novembre 1918 à l’Ouest, mais se poursuit jusqu’en 1923 dans les Empires russe, allemand, austro-hongrois et ottoman. Leurs populations se trouvent prises dans des révolutions et des guerres civiles, entraînant des modifications de frontières et même la naissance de nouveaux Etats.

Les nationalités. Malgré leur puissance apparente, ces empires subissent, à partir de 1916-1917, d’importants revers militaires à l’origine de tensions internes grandissantes. En Russie, la révolution bolchévique de 1917 renverse le régime impérial. En 1918, les grandes défaites des armées allemandes, austro-hongroises et ottomanes provoquent l’éclatement des empires. Ces derniers gouvernaient des peuples aux langues diverses, essentiellement romanes, germaniques, finno-ougriennes, slaves, baltes, caucasiennes, altaïques et perses. Dès mai 1916, la Grande-Bretagne et la France envisagent la création d’Etats arabes dans la région syrienne sous domination ottomane. Les « Accords Sykes-Picot » prévoient trois types de statut : administration directe ou indirecte par l’une ou l’autre ; Etats indépendants sous l’influence de l’une ou de l’autre ; zone sous administration internationale. Ces ambitions et la déclaration Balfour sur l’installation d’un foyer national juif en Palestine (2 novembre 1917) empêchent la naissance d’un vaste Etat arabe indépendant. Par ailleurs, le 8 janvier 1918 et après l’armistice entre la Russie soviétique et les Empires allemand et austro-hongrois (15 décembre 1917), le président Woodrow Wilson présente au Congrès américain un plan de paix en 14 points, recommandant un nouveau tracé des frontières selon le sentiment des populations et non par le sort des armes. Ainsi, après la guerre, la sécurité des Etats pourrait reposer, non plus sur des alliances, mais sur un multilatéralisme garanti par une « Société des Nations ». Mais ce plan ne rencontre guère l’adhésion du Congrès, qui refuse les traités de paix et l’intégration de la Société des Nations. Celle-ci inaugurera quand même son siège à Genève en1924. Les armistices, conclus en septembre et octobre 1918, entre les puissances alliées et l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Turquie contraignent l’Allemagne à faire de même le 11 novembre. Les forces du IIème Reich se trouvent en effet seules face aux offensives de celles de « l’Entente » (France, Grande-Bretagne, Italie depuis 1915 et Etats-Unis depuis 1917), en Italie, dans les Balkans et en Thrace (aujourd’hui partagée entre la Grèce, la Bulgarie et la Turquie). Ensuite, les négociations de paix s’avèrent difficiles en raison des tensions nationales. La politique idéaliste des nationalités de l’Américain Wilson se heurte à la tradition de l’équilibre européen du Britannique Lloyd George et à la hantise d’une menace allemande persistante du Français Clemenceau. De son côté, l’Italie s’estime mal récompensée de son engagement. Les diplomates doivent imaginer et négocier la suite d’empires multiethniques disloqués alors que les réalités territoriales et nationales enchevêtrées s’accordent mal avec le modèle de l’Etat-nation homogène. Des peuples, longtemps dominés, tentent de retrouver leur indépendance. Vaincus, l’Empire ottoman, l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie et la Bulgarie, tenus à l’écart des négociations, en éprouvent du ressentiment. La Russie, en pleine révolution, en est exclue. Les résultats des consultations occasionnelles, mais non systématiques, des populations, sont parfois faussés pour des motifs stratégiques. La Conférence de la paix, tenue à Paris de janvier 1919 à l’été 1920, réunit une trentaine d’Etats et des groupes de pression plus ou moins officieux. L’occupation de larges territoires de l’Empire ottoman par les Alliés leur permet de projeter la création de nouveaux Etats et des cessions territoriales. Le sentiment national turc se focalise sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et démontre statistiquement la part majoritaire de la population turque au sein des zones disputées. La Hongrie, issue de l’Empire austro-hongrois, a perdu les deux tiers de son territoire et son accès à la mer.

Les révolutions et guerres civiles. En janvier 1918, la République soviétique russe remplace l’Armée impériale par l’Armée rouge, qui affronte les troupes allemandes à Pskov (Russie) et Narva (Estonie) le 23 février. En mars, elle dissout l’éphémère République populaire du Kouban (Nord de la Géorgie) peuplée de Cosaques, dont une partie soutient l’Armée blanche russe et l’autre l’Ukraine qui intégrera l’URSS en 1922. L’Armée rouge a pour mission de combattre les ennemis de la révolution et de la Russie, à l’extérieur mais aussi à l’intérieur. Dès le 8 novembre 1917, le gouvernement bolchévique avait proclamé le droit à l’autodétermination de toutes les nationalités de l’Empire des tzars. Le 20 novembre, la partie ukrainienne se proclame République populaire d’Ukraine et se sépare de la Russie. Il en est de même pour la République démocratique de Moldavie qui sera réunie à la Roumanie, de la Lituanie, de la Finlande, de l’Estonie, de la Biélorussie qui intégrera l’URSS et de la Lettonie. La Révolution bolchévique a débouché sur une guerre civile en Russie (1917-1922) avec des répercutions en Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Ukraine, Biélorussie et…Allemagne. Hormis en Russie, toutes les forces contre-révolutionnaires l’emportent sur les insurrections communistes. Guerres interétatiques et intra-étatiques ses recoupent, au cours desquelles les minorités sont prises à partie, surtout les juifs régulièrement victimes de pogroms. En raison de l’hostilité, ouverte ou masquée, de la Russie et de l’Allemagne, Pologne, pays baltes et Ukraine s’affrontent parfois entre eux pour conforter leurs frontières.

Les interventions alliées. Pour garantir les traités et la stabilité politique, Les puissances alliées interviennent de multiples façons, y compris militaires. Le 1er juillet 1918, des détachements britanniques, français et américains débarquent à Mourmansk et Arkhangelsk (Russie), suivis, le 17 décembre, d’un détachement français à Odessa et Sébastopol (Ukraine). Une mission militaire française est envoyée en Pologne (février-avril 1919), une division navale française mise en place en Baltique (avril) et un bataillon de chasseurs alpins français envoyé au territoire de Memel/Klapeida (8 avril 1920). Des troupes françaises, britanniques et italiennes occupent Constantinople de novembre 1918 à septembre 1923. Cette année-là, le traité de Lausanne met fin au long conflit gréco-turc au prix d’un échange forcé de populations. La Grande Bretagne exerce son influence sur la Palestine, l’Irak et l’Arabie saoudite. Les mandats français syrien et libanais se stabilisent. A l’Est de l’Europe, la Pologne s’affirme comme puissance régionale.

Loïc Salmon

L’exposition « A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923 » (3 octobre 2018-20 janvier 2019), organisée par le musée de l’Armée, se tient aux Invalides à Paris. Outre des gravures, tableaux, documents, armes et objets, elle présente des images d’archives cinématographiques. Sont aussi prévus concerts, conférences et colloques. Renseignements : www.musee-armee.fr

A l’Est, la guerre sans fin 1918-1923

Armistice

Renseignement : opérations alliées et ennemies pendant la première guerre mondiale




Armistice

Cent ans après, 31 écrivains, hommes et femmes, français et étrangers, s’expriment sur ce que représente, pour eux, l’armistice de 1918, à l’origine une simple trêve dans des combats qui durent depuis quatre ans.

Inspirations religieuses et engagements pacifistes en soulignent la complexité. Pour accorder écrits et visuels, les illustrations d’artistes allemands sont placées en vis-à-vis de textes d’auteurs français, celles de femmes face à ceux d’hommes, ou inversement.

Les travailleurs chinois. L’académicien François Cheng rappelle le recrutement de travailleurs chinois pour remplacer les ouvriers et paysans français et britanniques, partis au front. En effet, depuis l’entrée en guerre de la Chine aux côtés des Alliés en 1917, la Grande-Bretagne en fait venir 100.000 et la France 40.000. Quoiqu’exclus de toute opération militaire par contrat, les travailleurs chinois ont payé un lourd tribut au conflit. Environ 10.000, morts de maladies ou d’accidents dans des travaux à haut risque près du front, sont enterrés sur place en Belgique et en France, dont 900 au cimetière de Noyelles-sur-Mer. Après l’armistice, 3.000 décident de rester en France, ouvrant la voie à la venue des générations suivantes. Pour eux, la France représente le « pays du Milieu » (les deux caractères pour Chine dans leur langue) de l’Europe occidentale. Les deux pays partagent le même goût pour les traditions littéraire, artistique et…culinaire. A la fin du XXème siècle, quelque 150.000 travailleurs, commerçants, artistes et intellectuels d’origine chinoise et leur famille vivent en France. La mémoire des défunts du cimetière de Noyelles-sur-Mer est célébrée lors de la fête des Morts chinoise, depuis 1998.

Le wagon de Rethondes. La romancière Sylvie Germain, lauréate de trois prix littéraires, narre l’histoire du wagon où fut signé l’armistice. Cette voiture-restaurant de la Compagnie internationale des wagons-lits n’aura roulé que quelques mois, par intermittence, entre juin 1914 et avril 1945. Après son dernier voyage civil de Paris à Thionville en août 1918, elle est réquisitionnée, transformée en wagon-bureau et incorporée au train de l’état-major du maréchal Foch, en vue de la signature de l’armistice. A l’automne, le convoi prend la direction de la forêt de Compiègne, lieu isolé, discret et célèbre par la capture de Jeanne d’Arc et les chasses royales de François 1er à Louis XVI. L’armistice est signé le 11 novembre à 5 h du matin. « L’aube devait être très noire, écrit Sylvie Germain. Pour les vainqueurs, un noir intense et beau malgré l’immensité du deuil régnant ; pour les vaincus, un noir amer comme une bile pleine de hargne et de rancœur. » L’Etat rachète le wagon à son propriétaire, en réaménage l’intérieur en « bureau de signature de l’armistice » et l’expose dans la cour d’honneur des Invalides pendant six ans, sans entretien. Le mécène américain Henry Fleming s’en émeut, prend en charge sa restauration et l’installe à Compiègne, à l’intérieur d’un édifice-musée. Un peu plus tard, une statue de Foch est érigée à proximité. Lors de la signature de l’armistice du 22 juin 1940, Hitler exige que le wagon serve à nouveau et au même endroit, pour que Foch (mort 11 ans plus tôt), assiste au renversement de la victoire. Tous les monuments du lieu rappelant la première guerre mondiale sont démontés, sauf la statue de Foch. Le wagon, exposé à Berlin puis emporté près du camp de concentration de Buchenwald, sera incendié en 1945. Un jumeau sera reconstruit, décoré à l’identique et installé à Rethondes.

Loïc Salmon

« Armistice », ouvrage collectif. Éditions Gallimard, 304 p, 54 illustrations, 35 €

Exposition « L’Armistice, 11 novembre 1918 : un document, une histoire » à Vincennes

Exposition « 1918, armistice(s) » aux Invalides




Exposition « L’ Armistice, 11 novembre 1918 : un document, une histoire » à Vincennes

La Convention d’armistice de 1918 a été hâtivement rédigée, en français, pour finir la guerre le plus tôt possible. Les généraux en chef allemands Ludendorff et Hindenburg refusent de la signer pour éviter la responsabilité de la défaite.

Le document initial de 13 pages dactylographiées (il en comptera 254 ultérieurement) aura une validité de 36 jours et sera prolongé trois fois. Une ultime séance des négociations de détail se déroule pendant près de trois heures dans un wagon stationné à Rethondes, dans la forêt de Compiègne. L’armistice est finalement signé le 11 novembre à 05 h, pour entrer en application à 11 h par une sonnerie de clairon, répercutée sur la ligne de front.

Document unique. La page 13 du document original, présenté à l’exposition, porte les signatures du maréchal Foch, commandant en chef les armées alliées, de l’amiral britannique Wemyss, « First Sea Lord » (chef d’état-major de la Marine), et des quatre délégués allemands : le secrétaire d’Etat Erzberger, président de la délégation ; l’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, le comte von Oberndorff ; le général major (général de brigade à l’époque) von Winterfeldt ; le capitaine de vaisseau Vanselow. Le maréchal Foch emporte lui-même l’exemplaire français à Paris, conservé au Service historique de la défense depuis 1921. La délégation allemande est ramenée, à bord d’un avion français, à Spa (Belgique) où se trouve le Grand Quartier général allemand. L’exemplaire original allemand de la convention, qu’elle emporte, a été perdu. Afin d’empêcher toute reprise du combat par l’Allemagne, les Alliés, dont les intérêts divergent, lui imposent des conditions dépassant le strict cadre militaire. Pour sécuriser ses frontières et se relever de ses ruines, la France exige le retrait des troupes allemandes et l’occupation par les siennes de la rive gauche du Rhin, la livraison de matériel et le paiement des dommages de guerre. La Grande-Bretagne obtient des clauses destinées à renforcer sa maîtrise, militaire et commerciale, des mers. Depuis le 9 novembre, le mouvement révolutionnaire allemand s’est étendu à Berlin. Le lendemain, pendant les ultimes négociations de Rethondes, les plénipotentiaires allemands avouent l’épuisement de leur armée, privée de vivres et de munitions. Plus tard, Foch a déclaré que, avec 15 jours de plus, il aurait eu le temps de remporter une victoire incontestable en raison de l’offensive américaine, programmée pour le 14 novembre en vue d’empêcher le repli de l’armée impériale vers l’Allemagne. Selon les notes de l’officier interprète de son état-major, Foch redoutait que, plus tard, l’Allemagne impute sa capitulation à une révolution intérieure et non pas à une défaite militaire, puisque les Alliés n’ont pas franchi sa frontière.

Joie et recueillement collectifs. A l’annonce de l’armistice, les combattants se sentent coupables d’être encore en vie, après la mort de leurs compagnons d’armes, et reprochent aux civils leurs débordements de joie, jugés déplacés. Dès le 8 décembre, les plus hautes autorités de l’Etat se rendent en Alsace et en Lorraine, perdues pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871.

Loïc Salmon

L’exposition « L’Armistice, 11 novembre 1918 : un document, une histoire » (22 octobre 2018-22 janvier 2019), organisée par le Service historique de la défense, se tient au château de Vincennes (banlieue parisienne). Elle présente photos, objets, drapeaux et documents écrits et cinématographiques. Renseignements : www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr

Exposition « 1918, armistice(s) » aux Invalides

Armistice

Exposition « France Allemagne (s) 1870-1871 » aux Invalides




Armée de l’Air : « Pégase 2018 », projection lointaine dans le Pacifique

La mission de projection de puissance aérienne « Pégase 2018 » (19 août-4 septembre), en Asie du Sud et du Sud-Est, vise à maintenir les aviateurs expérimentés en condition opérationnelle et à entraîner les jeunes dans un dispositif complexe.

Le général de corps aérien (2S) Patrick Charaix, qui la conduit, l’a présentée à la presse le 7 juin 2018 à Paris. En effet, les officiers généraux en 2ème section peuvent être rappelés pour une mission ponctuelle, en fonction de leurs compétences et de leur disponibilité.

Projection d’envergure. Pégase 2018 consiste à ramener, d’Australie en France, des moyens aériens composés de : 90 aviateurs ; 3 Rafale B ; 1 ravitailleur C135FR sur certaines étapes ; 1 avion de transport tactique A400M ; 1 avion multi-rôles A310 ; 40 t et 190 m3 de lot technique et de fret. Ces moyens avaient été envoyés en Australie pour participer à l’exercice « Pitch Black » (présenté plus loin). Pégase 2018 montre que l’armée de l’Air peut déplacer un dispositif contraignant et contribuer à valoriser l’industrie aéronautique de défense de la France et à renforcer sa présence dans cette zone d’intérêt stratégique, explique le général Charaix. Les escales permettent de développer l’interopérabilité avec les forces aériennes des partenaires régionaux, à savoir l’Australie, l’Indonésie, la Malaisie, Singapour et l’Inde. Le dispositif aérien, gardé aux escales par des fusiliers-commandos de l’Air, atterrit sur des terrains peu connus et ne peut se permettre une panne de plus de 24 heures, d’où l’importance de l’A400M pour le transport logistique. Les coopérations locales facilitent, le cas échéant, les opérations de recherche et de sauvetage. Par ailleurs, l’armée de l’Air dispose de moyens prépositionnés en permanence dans la zone Indo-Pacifique : détachement air 181 avec des avions de transport tactiques Casa CN-235 de l’ET 50 « Réunion » à La Réunion ; base aérienne 188 avec les Mirage 2000-5 de l’EC 3/11 « Corse » et les avions de transport tactique C160 Transall et hélicoptères Puma de l’ET 88 « Larzac » à Djibouti ; base aérienne 104 avec les Rafale de l’EC 1/7 « Provence » à Al Dhafra aux Emirats arabes unis ; base aérienne 186 avec les Puma et Casa CN235  de l’ET 52 « Tontouta » à Nouméa en Nouvelle-Calédonie ; détachement air 190 avec les Casa CN235 de l’ET 82 « Maine » à Tahiti en Polynésie française.

« Pitch Black ». Les 3 Rafale, l’A400M et le C135FR sont partis de France le 20 juillet pour atteindre les Emirats arabes unis. Ensuite, un avion MRTT australien a ravitaillé les Rafale et l’A400M jusqu’à Singapour. Finalement, le groupe aérien a atterri en Australie, où les a rejoints un Casa CN235 venu de Nouvelle-Calédonie, pour participer à l’exercice biennal « Pitch Black ». Du 27 juillet au 17 août, les bases aériennes de Darwin et Tindal ont accueilli 140 aéronefs de 16 pays : pays régionaux déjà cités ; Allemagne ; Canada ; Corée du Sud ; Japon ; Nouvelle-Zélande ; Pays-Bas ; Philippines ; Suède ; Thaïlande ; Etats-Unis. Les équipages se sont entraînés à la mission d’entrée en premier sur un théâtre face à un Etat-puissance, dans un environnement tactique non permissif et réaliste. « Pitch Black » a consisté à planifier, exécuter et débriefer des missions complexes. Il a mis en œuvre un avion d’alerte avancée AWACS et a inclus ravitaillements en vol, aérolargages, leurres, équipements infrarouges et bombardements réels. Les manœuvres ont été mémorisées à bord des avions pour faire « rejouer » les participants au retour. Enfin, les pilotes ont pu échanger leurs retours d’expériences (Mali pour les Français).

Loïc Salmon

Marine nationale : « Jeanne d’Arc 2018 », missions opérationnelles et de formation

Asie-Pacifique : la France partenaire de sécurité




Exposition « 1918, armistice(s) » aux Invalides

Alors que la Grande Guerre a connu sept armistices entre le 5 décembre 1917 et le 13 novembre 1918, seul celui du 11 novembre est resté dans les mémoires.

Une exposition (24 juillet-30 septembre 2018), labellisée par la Mission Centenaire 14-18 et organisée par le musée de l’Armée et Arquus (ex-Renault Truck Defense), en retrace les péripéties en une vingtaine de panneaux. Arquus a notamment financé la restauration d’un char Renault FT, à nouveau exposé dans la cour d’honneur des Invalides à Paris. La période, entre l’avant et l’après 11 novembre 1918, marque en particulier l’étonnement du passage de l’état de guerre à une situation normale, la communion entre le front et l’arrière, la démobilisation et les conséquences politiques dans plusieurs pays.

Les tentatives de paix. La fin du premier conflit mondial est envisagée dès 1916 au cours de plusieurs tractations, plus ou moins secrètes, par différents camps. Elles échouent, car chacun campe sur ses positions. Le 1er février 1917, l’Allemagne déclenche la guerre sous-marine à outrance, qui entraîne la rupture de ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis le 3 février et leur entrée en guerre le 6 avril aux côtés des Alliés (France, Empire russe et Grande-Bretagne). Le 17 juillet, le Reichtag (Parlement allemand) vote à une très forte majorité une résolution de paix. Des négociations similaires ont lieu de la part de l’Empire austro-hongrois. Mais elles achoppent en avril 1918 sur la question de la restitution de l’Alsace-Lorraine à la France, car l’Allemagne a lancé de grandes offensives en mars. Parvenir à la paix nécessite l’établissement d’une convention, entre deux ou plusieurs parties, qui se déroule en plusieurs phases : négociations par des plénipotentiaires représentant les Etats ; adoption d’un texte ; son authentification par les Etats ; sa signature par un ministre ; sa ratification par le Parlement, qui confirme les engagements pris par le chef de l’Etat, le chef du gouvernement ou une personne officielle dûment autorisée et après accord du Parlement.

Les armistices. La suspension des combats se matérialise par un cessez-le-feu communiqué aux combattants par la sonnerie d’un clairon. L’armistice, signé par des plénipotentiaires (militaires et civils), correspond à une période donnée et renouvelable, pour engager des négociations en vue de la paix. Le premier armistice de la Grande Guerre, qui débouchera sur le traité de paix de Brest-Litovsk, est signé le 5 décembre 1917 entre la Russie soviétique et les Puissances centrales (Royaume de Bulgarie et Empires allemand, austro-hongrois et ottoman). Le 2ème armistice, conclu le 9 décembre 1917 entre la Roumanie et les Puissances centrales, aboutit au traité de Bucarest, non ratifié. Le 3ème est signé le 29 septembre 1918 à Salonique (Grèce), par le général français Louis Franchet d’Espérey, entre les Alliés et la Bulgarie. La capitulation de cette dernière entraîne la chute de l’Empire ottoman, qui signe le 4ème armistice le 31 octobre à bord d’un cuirassé britannique. Cela aboutit aux traités de Sèvres et de Lausanne. Le 3 novembre, le 5ème armistice, entre l’Empire austro-hongrois et les Alliés rejoints par l’Italie en 1915, est signé uniquement par des généraux à Villa-Giusti (Italie). Le 6ème armistice, entre la France et l’Allemagne, est conclu le 11 novembre 1918 à Compiègne, dans un wagon de la clairière de Rethondes, et débouche sur le traité de Versailles. Le 7ème est signé le 13 novembre, à Belgrade et à nouveau par le général Franchet d’Esperey, entre les Alliés et la Hongrie, qui devient une République trois jours plus tard.

Loïc Salmon

Exposition « Le nouveau visage de la guerre » à Verdun

« La Nuit aux Invalides », spectacle du centenaire de 1918