Armée de Terre : l’arme blindée cavalerie de demain après l’intervention au Mali

image_print

L’arme blindée cavalerie a déployé presque tous ses matériels face à un adversaire asymétrique dans l’opération « Serval » au Mali. Pour son emploi futur, elle doit en tirer les conséquences en termes de doctrine, de coopérations et d’équipements.

Tel a été le thème des premiers « Ateliers de la cavalerie », tenus le 21 octobre 2013 à l’Ecole militaire à Paris.

Retour d’expérience spécifique. Le général de brigade Bernard Barrera, commandant de la brigade « Serval » (comme l’opération) de janvier à mai 2013, avait un cavalier comme adjoint. « Les blindés ont été indispensables pour une victoire tactique dans les trois premières semaines, dit-il, nous avons appliqué ce qu’on nous a appris à l‘Ecole de guerre pour une guerre qu’on n’attendait pas ». Il a fallu retrouver la capacité, la volonté et l’audace. Aucune unité ne s’est retrouvée sans appui feu, articulé entre les canons terrestres, l’aviation et les hélicoptères selon les circonstances. Toutefois, une instruction en amont s’avère nécessaire pour la coordination entre un chef d’unité terrestre et l’arme aérienne. L’opération « Serval » a été précédée par un entraînement de 18 mois en France avec parcours de tir et des chars Leclerc… qui seront remplacés par des véhicules à roues et canon. Finalement, les unités blindées engagées comprennent : 1 PC de groupement tactique interarmes, 2 escadrons d’AMX 10 RC, 1 escadron Sagaie (VAB) et 1 escadron d’aide à l’engagement (VBL). Tous les personnels reviennent d’Afghanistan, connaissent leur métier et sont heureux de servir. Le chef doit faire preuve d’imagination. Selon le général Barrera, les djihadistes ont commis l’erreur d’accepter le combat, alors que le Mali convient au combat de véhicules blindés dont l’allonge du canon suffit pour les affronter. Trop sûrs d’eux, ils pensaient que les troupes françaises n’iraient pas les chercher dans leurs repaires après un raid de plusieurs centaines de km par une forte chaleur. « Le pire aurait été qu’ils nous évitent. On arrivait sur une zone où on ne peut les détruire, car ils sont bien camouflés ». Malgré l’aide des drones américains et britanniques, 80 % des renseignements obtenus sont d’origine tactique et terrestre. Les grottes des djihadistes ont été repérées par les DRAC (drones portatifs de reconnaissance au contact) de la batterie de renseignement de brigade et les VBCI du 2ème Régiment de hussards, qui allaient directement dans les oueds. L’escadron d’aide à l’engagement est resté deux mois seul à Tombouctou, zone non sécurisée la nuit. Les combats ont eu lieu simultanément à Gao et dans le massif de l’Adrar. Les blindés ont effectué des reconnaissances et des combats offensifs en compagnie des troupes françaises et tchadiennes à pied. Sans les blindés, les avions et les hélicoptères, les soldats du 2ème Régiment étranger de parachutistes n’auraient disposé que de leurs fusils d’assaut pour se défendre. Les missions d’acheminement du carburant depuis la frontière algérienne duraient 2 jours. Les blindés roulaient à la vitesse des camions citernes, afin de tenir le terrain pendant 6 semaines. La rupture du pont aérien a été compensée par une noria de 70 camions, commandée par un lieutenant de 25 ans, pour la fourniture quotidienne de 20 t d’eau et de munitions. Les blindés ont été adaptés au terrain, indique le général, grâce à la complémentarité des moyens : infanterie légère dans les montagnes, blindés dans les grands espaces et infanterie blindée face aux unités motorisées du mouvement djihadiste Mujao. Un rapport de forces supérieur à celui de l’adversaire a toujours été recherché et optimisé par les appuis : un sous-groupement tactique interarmes étant préférable à un escadron de blindés. L’opération « Serval » a démontré : l’effet dissuasif des colonnes blindées ; l’efficacité des engins « roues canon », adaptés au rythme des véhicules plus lents ; l’usure des matériels et la nécessité des précautions logistiques (carburant) ; l’appui de l’infanterie, indispensable lors des reconnaissances des vallées ; la très bonne protection contre les armes légères, mais la vulnérabilité aux engins explosifs improvisés (mines) ; l’aptitude des chefs à l’autonomie et au combat interarmes. Enfin, conclut le général Barrera, « il faut toujours prendre des risques calculés ».

Perspectives. Trois tables rondes ont dégagé les contours de la future arme blindée cavalerie. La première a porté sur la doctrine, cet ensemble de notions fournissant une interprétation des faits et permettant de diriger l’action. L’intervention au Mali a révélé, au combat, l’efficacité du tir en roulant et à distance sur des cibles mobiles, la rapidité de l‘engagement sans temps mort et l’enchaînement des cycles tactiques. Les blindés partent plus loin que les fantassins, tiennent plus longtemps le terrain et rayonnent sur zone grâce à leurs moyens radio. L’état-major doit gérer le trop plein d’informations dû à la redondance des moyens. Le risque d’imbrication dans le dispositif ennemi existe. Le combat en zone urbaine implique de trouver les bons axes de pénétration. Enfin, il n’y a plus de prisonniers dans un combat asymétrique, mais des otages. La 2ème table ronde a examiné notamment les coopérations interarmes, interarmées, et interalliées en opérations extérieures (Opex). Le blindé se présente comme un compromis d’aptitudes d’observation, de mobilité, de protection et de puissance de feu. La cavalerie devra remplir ses missions de renseignement, de couverture des forces, de combat et d’exploitation du succès tactique. La multiplication des Opex accroît l’expérience pour développer l’interopérabilité des acteurs par la formation, l’entraînement et les échanges. La 3ème table ronde s’est intéressée aux équipements de demain. Le blindé, système d’armes (arme et munitions) d’une durée de vie de 40 ans avec un équipage plus réduit grâce à l’emploi de robots, embarquera des moyens ISTAR (renseignement, surveillance, désignation d’objectifs et reconnaissance). Il affronte déjà le petit drone, difficile à détecter et donc à détruire. Outre le recours accru à la simulation pour la formation et l’entraînement, l’utilisation des futurs engins de cavalerie devra rester simple et intuitive.

Loïc Salmon

Armée de Terre : retour d’expérience de l’opération « Serval » au Mali

L’opération « Serval » a permis à la cavalerie d’évaluer les performances de ses matériels. Parmi les plus récents, le véhicule blindé du combat d’infanterie (VBCI) se caractérise par son excellente mobilité, sa puissance de feu optimisée et ses bonnes conditions d’emploi. Le canon Caesar a manifesté sa très bonne mobilité et son tir précis et rapide. L’hélicoptère Tigre a révélé sa puissance de feu et sa qualité d’observation. Malgré le vieillissement du parc, les matériels anciens ont démontré leur capacité à durer dans des conditions climatiques éprouvantes (40-50 ° C). L’engin blindé de reconnaissance feu AMX-10 RC (roues et canon), entré en service en 1980, conserve ses qualités de mobilité et d’appui au contact. Le véhicule de l’avant blindé (VAB, 1976) maintient sa rusticité et sa bonne disponibilité, mais s’ensable fréquemment. Le véhicule blindé léger (VBL, 1990) assure encore une excellente mobilité et une très bonne disponibilité.

image_print
Article précédentMarine nationale : opérations de sûreté maritime en coopération avec Frontex
Article suivantMali : incident de Kidal et opérations « Hydre » et « Serval II »