Grand maître de trois ordres nationaux, dont deux fondés par lui, le général Charles de Gaulle, chef de la France libre, de gouvernement puis de l’Etat, aura été le Français le plus décoré à l’étranger. Il a reçu les plus hautes distinctions de 13 pays d’Europe, 15 d’Afrique, 12 du continent américain et 12 d’Asie.
Lors de la première guerre mondiale, le lieutenant de Gaulle, blessé trois fois et gazé, reste prisonnier en Allemagne pendant 32 mois, dont plus de 200 jours d’arrêts de rigueur pour cinq tentatives d’évasion. Capitaine et titulaire de la croix de Guerre (2 citations), il reçoit, en 1919, celle de chevalier de la Légion d’honneur pour laquelle il avouera sa fierté. Envoyé en 1921 en Pologne en guerre contre la Russie bolchévique, ses états de service lui valent l’attribution de la croix de Guerre des Théâtres d’opérations extérieurs. En 1934 dans son ouvrage « Vers l’armée de métier », le lieutenant-colonel de Gaulle, promu officier de la Légion d’honneur, développe sa théorie de la guerre de mouvement avec l’alliance chars-aviation…qui sera appliquée par l’armée allemande en Europe de 1939 à 1942. En mai 1940, à la tête de la 4ème Division cuirassée, le colonel de Gaulle reçoit la croix de Guerre 1939 avec palme après ses succès à Montcornet, Crécy-sur-Serre et Abbeville face à la Wehrmacht. Le 1er juin 1940, promu général de brigade, à titre temporaire, il entre au gouvernement comme sous-secrétaire d’Etat à la Défense nationale et à la Guerre le 5 juin mais n’y reste que 11 jours, car son chef, Paul Raynaud, démissionnaire, est remplacé par le maréchal Philippe Pétain. Ayant rejoint Londres le 17 juin, de Gaulle lance son appel à la résistance sur les ondes de la BBC le lendemain. Le 22 juin, une mesure disciplinaire annule sa promotion de général et le met à la retraite immédiate. Condamné à mort par contumace par un tribunal militaire le 3 août, il considère sa carrière militaire comme terminée le 18 juin 1940. Après sa reconnaissance par le Premier ministre britannique Winston Churchill le 27 juin, il endosse en effet les habits de chef politique, parce que c’est à lui « d’assumer la France », écrit-il dans ses « Mémoires de guerre ». Il ne portera plus ses décorations sur son uniforme à l’exception des insignes de la France libre. Pour affirmer ses prérogatives régaliennes, il crée, le 16 novembre à Brazzaville, l’ordre de la Libération au grade unique de « compagnon ». Cet ordre comptera 1.038 membres, dont plus de 300 à titre posthume, 18 collectivités militaires et 5 communes. Forclos en 1946, l’ordre sera rouvert pour Churchill (1958) et le roi George VI à titre posthume (1960). En 1943, de Gaulle assoit sa légitimité d’unique chef de la Résistance par l’instauration de la médaille de la Résistance française (2 classes). En 1941, déchu de la nationalité française et exclu de la Légion d’honneur, il recouvre ses droits et est réintégré dans l’ordre en 1944 puis élevé à la dignité de grand-croix et déclaré grand maître de l’ordre en 1945. Il en reformera le code plus tard, notamment par la création de l’Ordre national du Mérite (1963) avec 3 grades et 2 dignités comme celui de la Légion d’honneur. Les étrangers, y compris les chefs d’Etat décorés pour des motifs diplomatiques, ne font pas partie de ces deux ordres. Réaliste dans sa politique étrangère pour garantir l’indépendance de la France (avec la dissuasion nucléaire), de Gaulle a toujours refusé les distinctions de pays communistes (bloc soviétique et Chine).
Loïc Salmon
« Une certaine idée de la France et du monde », ouvrage collectif. Éditions Peter Lang, 352 pages, nombreuses illustrations, 34,95 €