Technologie : futurs drones de combat au sein du SCAF

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L’avenir des capacités aériennes se construit autour du système de combat aérien futur (SCAF), combinant des avions pilotés de plus en plus performants et onéreux avec des drones moins chers. Tous vont évoluer dans un environnement de haute intensité, où les défenses antiaériennes améliorent leur efficacité.

Ce thème a fait l’objet d’un rapport publié, en avril 2024 à Levallois-Perret (banlieue parisienne), par la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) et rédigé par Philippe Gros, maître de recherche à la FRS, et Jean-Jacques Patry, ancien fonctionnaire au ministère des Armées.

Anticipation des évolutions. Les drones sont passés du statut de capteurs d’appoint à celui de pilier du renseignement puis de capteurs et effecteurs au cours des guerres récentes en Lybie (2011) et en Ukraine (depuis 2022). La robotisation du combat aérien se poursuit. Face à l’évolution de la menace, l’emploi des drones doit s’intégrer dans le concept d’opérations « multi-milieux et multi-champs », afin d’optimiser les synergies entre les plateformes ISR (renseignement, surveillance et reconnaissance), les plateformes effectrices aériennes, navales et terrestres ainsi que les munitions et autres charges utiles. Cela influe sur la doctrine tactique du C2 (commandement et contrôle) pour la mise en œuvre des drones, l’évolution des fonctions des chefs de patrouille, du commandement de la mission et de la gestion du combat aérien, mais aussi de la fonction C2 à l’échelle interarmées. Sur le plan opérationnel, les drones peuvent transformer toutes les missions. Pour celles de renseignement, ils fournissent des réseaux de capteurs pénétrants étendant la couverture ISR. Pour la supériorité aérienne, ils fournissent des capacités déportées de leurrage, de brouillage, de ciblage et d’engagement, en collaboration avec les chasseurs maintenus en arrière. Ils permettent des modes d’action de désorientation et de saturation, indispensables à l‘aveuglement et à la désintégration des défenses antiaériennes adverses, et créent des ciblages d’opportunité dans le temps long et dans un environnement d’intensité moyenne. Pour la supériorité terrestre, ils accroissent la masse pénétrante en début de campagne puis maintiennent plus longtemps le dispositif couvrant de grandes zones et ainsi démultiplier les capacités de ciblage d’opportunité nécessaires à l’appui aérien rapproché. Enfin, grâce à la fourniture de réseaux de capteurs avancés et de relais de transmission, les drones augmentent la portée et la robustesse de la fonction « gestion du champ bataille (échange d’informations sur le terrain), commandement et contrôle ». Par ailleurs, l’intelligence artificielle facilitera des évolutions technologiques : systèmes partiellement autonomes ; « cloud tactique » (réseau pour la distribution de données et le partage d’informations) permettant la décentralisation, au niveau des plateformes, des capacités de décision actuellement réservées à des postes de commandement à distance, voire hors théâtre ; services collaboratifs entre les systèmes de mission de diverses plateformes ; miniaturisation des équipement et armements. Enfin, la simulation nécessite moins d’heures de vol réelles pour la préparation opérationnelle. Par ailleurs, le combat collaboratif entre avions et drones nécessite un « « cloud de combat », dont la création, pour une coalition, dépend de la réalisation du projet de réseau multi-senseurs et multi-effecteurs et pose la question de l’interopérabilité. Or depuis la guerre du Golfe (1991), les dispositifs aériens de coalition s’accommodent mal des zones de responsabilité nationale. L’évaluation commune de la situation tactique exige de prendre en compte l’interopérabilité entre les systèmes américain NGAD, français SCAF, britannique GCAP et les autres dès leur conception, afin de développer des liaisons de données, des outils de traduction et surtout des procédures de partage du C2, comme pour la gestion de combat actuelle avec les avions de chasse.

Projet américain. Après des années d’atermoiements, l’armée de l’Air et la Marine américaines développent l’aéronef de combat collaboratif (CCA en anglais) pour renforcer leurs flottes aériennes de combat, considérée comme insuffisantes face à une agression chinoise. Ces CCA s’intégreront dans le système de systèmes dénommé « dominante aérienne de nouvelle génération » (NGDA) centré sur un avion de chasse. Cette vaste architecture de combat collaboratif doit permettre d’acquérir la supériorité aérienne en remplissant diverses missions, dont la chasse, la neutralisation des défenses antiaériennes ennemies, le déni d’accès, l’appui aérien rapproché et le relais de communications. Deux projets sont en cours de réalisation et concernent surtout des engins récupérables basés à terre, à savoir le drone de combat furtif XQ-58, fabriqué par Kratos, et le drone furtif multi-rôles, construit par Boeing. L’armée de l’Air devrait acquérir au moins mille exemplaires du modèle retenu, destinés à opérer avec l’avion furtif multi-rôles F-35, puis le chasseur NGAD. Ces futurs systèmes reposeront sur une architecture ouverte modulaire et sur le drone Skyborg, piloté par l’intelligence artificielle et déjà mis au point. Des travaux sont aussi en cours sur des drones consommables aérolargués.

Projet français. Les réflexions d’Airbus et de MBDA sur le SCAF français rejoignent celles sur le NGAD américain. Selon la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire 2024-2030, le SCAF devrait bénéficier de multiples avancées capacitaires, notamment pour réaliser le chasseur de nouvelle génération, successeur du Rafale. En matière de drones, il s’agira de réduire le « coût par effet » en utilisant des systèmes consommables ou récupérables avec des mises à poste variées. Cela implique de développer : des équipements et des munitions spécifiques ; l’architecture de connectivité ; des solutions d’autonomie pour la plateforme habitée, dont l’équipage gérera les missions des drones, et pour les drones ailiers eux-mêmes mais selon des règles d’engagement très strictes. Tout dépendra du contexte opérationnel, notamment de l’environnement électromagnétique plus ou moins déconnecté ou intermittent et qui affecte le fonctionnement du « cloud de combat ».

Projets d’autres pays. La Grande-Bretagne développe le programme de combat aérien global (GCAP). BAE Systems met au point deux types de drones, lancés depuis le sol et récupérables mais avec des niveaux technologiques différents. L’Australie coopère avec Boeing pour la fabrication du drone furtif multi-rôles MQ-28 Ghost Bat, selon un concept similaire à l’aéronef de combat collaboratif américain. La Corée du Sud s’en inspire aussi pour développer un drone ailier pour accompagner les nouvelles versions de son chasseur polyvalent KF-21 Boramae. Avec l’aide des États-Unis, le Japon développe un drone capable d’opérer avec son futur chasseur F-X dans les années 2030. De son côté, la Russie développe le drone ailier S-70 Okhotnik, lourd (25 t) et furtif, et le Kronshadt Grom destiné à opérer avec l’avion de défense aérienne Su-35 et le chasseur furtif multi-rôles Su-57. Toutefois, ces programmes sont ralentis en raison des sanctions de pays occidentaux et de l’absence de solution quant au mode de propulsion. La Chine développe une famille de systèmes de combat aérien collaboratif avec le chasseur J-20, le drone FH-95 Feihung, dédié à l’ISR et à la guerre électronique, et le drone de combat FH-97, tous deux proches des modèles américains récupérables. L’Inde développe le système de systèmes CATS de Hindoustan Aeronautics Limited, comprenant le chasseur Tejas et plusieurs drones, dont le CATS Warrior, proche des MQ-28 et XQ-58 américains, et un drone de type missile de croisière récupérable, ainsi que des munitions rôdeuses (drones suicides) Alfa. La Turquie développe son propre chasseur F-X Kaan, le drone supersonique Kizilelma, le drone furtif Anka-3 et les drones consommables Super Simsek et Autonomous Wingman Concept.

Loïc Salmon

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