Stratégie : éviter le déclassement de l’Europe

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Les affirmations de puissance de la Russie, de la Chine, de l’Iran et de la Turquie ainsi que les confrontations hybrides et multiformes mettent en péril la sécurité internationale, avec un risque de déclassement stratégique pour l’Europe. En conséquence, la France réactualise sa « Revue stratégique ».

Alice Guitton, directrice générale des relations internationales et de la stratégie du ministère des Armées, a présenté le document « Actualisation stratégique 2021 » (AS 2021) à la presse, le 21 janvier 2021 à Paris. Dans la préface, la ministre des Armées, Florence Parly, souligne que le bouleversement social et économique majeur dû au Covd-19 a approfondi les clivages et rapports de forces, suscitant de nouvelles tensions sur les ressources et surtout catalysant les menaces.

Amplification des menaces. L’AS 2021 confirme les grandes menaces déjà identifiées dans la Revue stratégique de 2017, indique Alice Guitton : terrorisme djihadiste ; prolifération des armes de destruction massive NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) ; intensification de la compétition militaire de la Russie et de la Chine, qui exploitent l’intégralité des champs de confrontation, dont le cyber et l’espace. En outre, se généralisent des stratégies hybrides, pratiquées notamment par l’Iran et la Turquie, pour exploiter les vulnérabilités des sociétés ouvertes, démocratiques et tolérantes. Pour y faire face, la défense de la France remonte en puissance avec trois objectifs. D’abord, un modèle d’armée complet permettra d’agir dans les champs matériels et immatériels et sur le spectre d’intervention le plus large possible pour conserver la liberté d’action et entraîner des pays partenaires. Ensuite, la base industrielle et technologique de défense joue un rôle majeur dans l’économie française. Enfin, il s’agit de renouveler les capacités nécessaires pour préparer la guerre de demain, y compris un conflit de haute intensité.

Intérêts occidentaux partagés. Dans leur majorité, indique Alice Guitton, les pays européens partagent la vision stratégique de la France ainsi que les Etats-Unis pour la liberté d’action en mer. Les administrations américaines ont maintenu un dialogue en vue de relations équilibrées sur l’ensemble des théâtres. Toutefois, souligne l’AS 2021, l’incertitude de la volonté politique des Etats-Unis à s’engager dans des crises régionales aux frontières de l’Union européenne (UE) rend nécessaire de bâtir un véritable pilier européen de défense et de sécurité, en cohérence avec les évolutions de l’OTAN. Cela implique de consolider l’Europe de la défense, de réduire ses dépendances extérieures et d’élaborer des réponses communes aux agressions hybrides. L’insuffisance des engagements opérationnels de l’UE en Méditerranée et en Afrique pourra être comblée par : l’amélioration des structures européennes de commandement ; le renforcement de l’action commune dans les domaines maritime et aérien ; le partage de moyens opérationnels et de points d’appui dans les zones stratégiques ; l’amélioration des outils d’appréciation de situation et la mise en place de la « Facilité européenne pour la paix ». Afin d’accroître leur interdépendance technologique et industrielle pour assumer leurs responsabilités partagées, les Etats membres bénéficieront du Fonds européen de défense destiné à mettre en cohérence leurs outils capacitaires, grâce à de nouveaux équipements et technologies. La nécessité, pour l’UE, d’une plus grande indépendance se vérifie déjà dans la téléphonie mobile 5 G, l’intelligence artificielle et l’énergie.

Loïc Salmon

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