Renseignement : importance croissante en France depuis la première guerre mondiale

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Le renseignement d’intérêt stratégique, avec ses dimensions militaire, économique et politique, s’est développé en France au cours du 1er conflit mondial. Ses ressources humaines, techniques et financières ont considérablement augmenté depuis.

Un colloque sur l’espionnage et le renseignement pendant la 1ère guerre mondiale a été organisé, le 26 novembre 2014 à Paris, par l’Académie du renseignement, l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire et la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives. Y ont notamment participé : Olivier Forcade, professeur à la Sorbonne ; le commandant Michaël Bourlet, professeur à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan ; le préfet Alain Zabulon, coordonnateur national du renseignement.

Carences et évolution structurelle. Après la défaite de 1870 devant l’armée prussienne, le renseignement militaire français a été réorganisé. Mais la notion de planification annuelle du renseignement n’existe pas. Le 2ème Bureau se concentre sur les intentions adverses d’invasion du territoire national. Après l’affaire Dreyfus (1899) l’espionnage a mauvaise presse, explique Olivier Forcade. La défiance est générale à l’égard du renseignement : l’information brute est préférée au renseignement élaboré, suspect de déformation et de politisation. En 1914, la communauté du renseignement regroupe quelques centaines de personnes sans organisation institutionnelle, qui s’échangent des informations de façon informelle. Elle se répartit entre les ministères de l’Intérieur, de la Guerre et des Affaires étrangères. Contrairement à la Grande-Bretagne, le renseignement n’est pas encore perçu comme une ressource de la décision politique. Pourtant, les armées assurent une formation au renseignement, notamment la reconnaissance de la cavalerie et les investigations des sapeurs. Mais ce savoir-faire tactique ne débouche pas sur une technique professionnelle. L’attentat terroriste de Sarajevo (28 juin) contre l’héritier de l’Empire austro-hongrois, prémisse de la guerre, constitue une surprise diplomatique et stratégique. Par ailleurs, depuis 1857, la police collecte des informations bancaires et installe une vingtaine de postes le long des frontières pour anticiper les intentions adverses et prévenir les crises, savoir-faire qui perdure jusqu‘en 1914. En outre, dès 1880, des agences privées collectent des informations commerciales et économiques. Les consulats à l’étranger font de même et disposent de moyens techniques d’écoute. Les attachés militaires s’intéressent aux industries d’armement. En 1914, ces recueils deviennent systématiques pour la poursuite de la guerre. Ensuite, un contrôle des informations téléphoniques et télégraphiques des entreprises et établissements bancaires est instauré, en raison du blocus du ravitaillement résultant de la « guerre totale ». Les interceptions et écoutes portent sur les flux de marchandises entre pays neutres (Espagne et pays scandinaves) et belligérants, qui pourraient en réexporter vers les Empires centraux. Après l’invasion de la Belgique et d’une dizaine de départements français par les troupes allemandes, des réseaux se constituent parmi les milliers de réfugiés et de personnes déplacées, afin de collecter des renseignements sur l’ennemi et influencer les populations. En outre, la diffusion de fausses « bonnes » nouvelles devient un enjeu en soi pour la désinformation des États neutres (Espagne, Grèce et Pays-Bas).

Les 2ème et 5ème Bureaux. Alors que le 2ème Bureau s’occupe du renseignement militaire, l’état-major général crée le 5ème Bureau fin 1915, pour l’information et la propagande en métropole et la coopération interalliée dans le renseignement, explique le commandant Michaël Bourlet. Tous deux recrutent des personnels très diplômés : 70 % viennent des Grandes Écoles et 30 % de l’Université. Le 2ème Bureau se présente ainsi : 60 personnes au début ; 77 % d’officiers, surtout supérieurs brevetés de l’École de guerre et issus principalement de l’École Polytechnique ; 45-46 ans d’âge moyen. Le 5ème Bureau compte : 220 personnes militaires et civiles ; 20 % d’officiers subalternes venus de Saint-Cyr et surtout de la réserve ; 40 % d’agrégés en langues ou histoire ; 40 ans. Les gens du 5ème Bureau ont participé au combat, sont cités ou décorés et ont été blessés au moins une fois (30 % sont inaptes au front). Ils doivent rédiger avec rigueur et avoir l’esprit de synthèse : les linguistes pour tout ce qui concerne l’étranger (interrogatoires de prisonniers et analyse de la presse) et les « historiens » pour les états-majors. Le 5ème Bureau compte peu d’espions (8 % en 1916), essentiellement envoyés sur le terrain pour organiser des réseaux. La fonction prime le grade : des professeurs militaires du rang commandent à des officiers moins compétents ! Ces élites ainsi formées pendant la 1ère guerre mondiale serviront l’État par la suite.

Le renseignement aujourd’hui. La 1ère guerre mondiale constitue une période charnière pour le renseignement avec les effets induits de l’avion, du char, du sous-marin et de la communication sans fil, rappelle le préfet Alain Zabulon. En outre, les menaces ont évolué. Alors que les grandes puissances s’affrontaient directement, elles se trouvent aujourd’hui impliquées dans des conflits régionaux (Irak, Syrie, Israël et Territoires palestiniens). S’y ajoutent : le terrorisme avec des acteurs non étatiques (Daech, Al Qaïda et groupes djihadistes) ; les atteintes au patrimoine scientifique et technologique national par des puissances étrangères (espionnage) ; les cyberattaques contre les établissements d’intérêt vital. Les services de renseignement assurent des missions essentielles pour l’autonomie stratégique, la conduite des opérations militaires et la sécurité intérieure. Le Comité interministériel du renseignement élabore les directives nationales sous l’autorité du Premier ministre et assure synergie et transversalité des services concernés. Le Conseil national du renseignement, présidé par le président de la République, s’est réuni trois fois depuis 2012 pour définir les orientations et priorités. Le contrôle parlementaire du monde du renseignement a été renforcé. En 2014, l’ancienne Direction centrale du renseignement intérieur, dépendant du ministère de l’Intérieur, s’est étoffée en Direction générale de la sécurité intérieure correspondant à la Direction générale de la sécurité extérieure, rattachée au ministère de la Défense.

Loïc Salmon

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Le « renseignement » est une information estimée pour sa valeur et sa pertinence, alors que la « donnée » se réfère à la précision de l’information et le « fait » à sa constatation objective. Collecté et traité par des services militaires et civils, il est destiné à un gouvernement ou une institution pour guider les prises de décision et les actions. En revanche, « l’espionnage », accompli au profit d’une puissance étrangère, est considéré comme un crime et une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Commis par un Français ou un militaire au service de la France, il constitue une trahison.

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