Du photojournalisme à la conquête de l’opinion publique, la guerre se photographie dans tous ses aspects, à savoir militaire, politique, économique, social, culturel et esthétique.
Dès l’origine, les arts représentent la guerre avec ses combats, ses héros et ses horreurs. A la photo argentique prise par le combattant d’hier a succédé la capture d’écran du téléphone portable du soldat, laquelle circule sur les réseaux sociaux avant d’arriver sur les médias traditionnels. Dès le XIXème siècle, la presse envoie ses propres correspondants sur le terrain, où la censure est moins organisée. Dans les années 1980, l’arrivée du numérique bouleverse le marché de l’image car des gens sur place fournissent des instantanés en grandes quantités, peu onéreux et quasi anonymes. Mais à l’époque de la pellicule, le photographe de guerre doit produire des images tout en se protégeant, maîtriser sa technique et s’en remettre au hasard. En effet, l’instantané permet à la photographie de s’installer au cœur des combats, de saisir l’émotion d’un visage ou la douleur d’un blessé. Avec le temps, les guerres sont oubliées ou célébrées, alors que la photographie demeure. Son invention, dans les années 1820-1830, survient au moment où émergent un désir d’exploration du monde, une forme de rationalisme et la notion d’objectivité. Progressivement avec l’évolution technique, la photographie de guerre acquiert un statut de document. Les journalistes, gens de plume, doivent prendre en compte son attrait et son intérêt commercial. Réticents, les militaires s’adaptent selon les guerres et les pays, enclins à un contrôle total ou à une grande liberté de la presse. Peu sensibles à sa valeur informative, les historiens l’ont longtemps ignorée. Aujourd’hui, les moyens numériques permettent d’exploiter massivement les archives mondiales, négligées ou redécouvertes. Parfois la technique photographique va de pair avec celle d’une arme. Pendant la première guerre mondiale, l’armée de l’Air britannique utilise un appareil photographique identique à une mitrailleuse pour l’entraînement au tir à partir d’un avion. Chaque tir, enregistré sur une pellicule en rouleau, permet de valider les performances de l’opérateur. Pendant le second conflit mondial, un dispositif similaire, installé sur les avions américains, se déclenche au moment du tir pour valider les victoires aériennes. Pendant la guerre du Golfe (1990-1991), les caméras embarquées prennent des images destinées à illustrer le discours d’une « guerre propre », réalisée par des « frappes chirurgicales ». Pendant la guerre civile espagnole (1936-1939), les deux camps se battent aussi avec des images de propagande, facilitée par l’emploi d’appareils photographiques moins lourds et plus maniables et l’envoi des images par bélinographe (transmission par circuit téléphonique ou par radio). A partir de 1938, deux idées vont s’imposer : le photographe doit contrôler la publication de ses images et des légendes qui l’accompagnent ; il doit conserver la propriété de ses négatifs. En 1947, elles donnent naissance à l’agence Magnum, première coopérative de photographes. Pendant le conflit du Viêt Nam, considéré comme une guerre d’images influentes, la puissance de la photographie de presse repose sur sa capacité à résumer les événements. Dans les années 2010, les groupes terroristes inspirent la peur en diffusant photos ou vidéos de décapitations directement sur internet.
Loïc Salmon
« Photographies en guerre », ouvrage collectif. Editions Rmn-Grand Palais et Musée de l’Armée Invalides, 328 pages, 320 illustrations, 39 €
Exposition « Photographies en guerre » aux Invalides
Exposition « Images interdites de la Grande Guerre » à Vincennes