OTAN : synergie pour traiter les symptômes et causes des crises

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Aucun pays n’est à même de gérer les crises actuelles, caractérisées par leur simultanéité et l’accélération de leur tempo. La solution repose sur la coordination et la capacité des États membres de l’OTAN à travailler ensemble.

Telle est l’opinion du général Jean-Paul Paloméros, chef du « Commandement suprême allié de la transformation » de l’OTAN. Il l’a exprimée, le 8 septembre 2015 à Paris, devant l’Association des journalistes de défense et avant la fin de son mandat de trois ans à la fin du mois.

Dangerosité accrue. Le général Paloméros estime que la paix et la sécurité du monde sont plus menacées qu’au début de son mandat. En 25 ans, la guerre du Golfe, la fin de la guerre froide et les opérations dans les Balkans, en Afghanistan et en Irak se sont succédé. En 2012, sous l’effet des coupes budgétaires et des engagements militaires, les armées de plusieurs pays membres de l’OTAN avaient réduit les nombres d’heures de vol et de jours à la mer ainsi que les grands exercices. Depuis, ces derniers ont été multipliés par trois, avec les mêmes objectifs que l’entraînement des armées de chaque pays membre. Aujourd’hui, les causes et les solutions des crises sont interdépendantes. Les acteurs non étatiques des guerres « hybrides » profitent des nouvelles technologies. L’OTAN définit la guerre hybride comme un conflit sans but clairement défini, mais qui combine actes politiques, diplomatiques, économiques, militaires, médiatiques et cyberattaques, en s’affranchissant des règles établies. Plusieurs États pratiquent cette stratégie hybride qui devient la norme, en vue de contourner les accords et l’ordre établi après la seconde guerre mondiale. Cette stratégie menace le continuum « sécurité/défense ». Or, les citoyens des pays occidentaux sont devenus plus sensibles à la sécurité. Les interventions au Mali (2013) et en Irak (2014) visent à anticiper les crises avant qu’elles affectent les populations occidentales. Dès 2013, l’OTAN avait identifié des crises majeures à ses frontières Est et Sud avec l’impact lourd des flux de réfugiés. Le conflit hybride en Ukraine met en évidence le besoin de défense collective, où chaque pays membre doit comprendre les préoccupations des autres. Au Sud, la menace, plus diffuse, se manifeste par les grands flux migratoires vers l’Europe. Des gens fuient leurs pays pour des raisons sécuritaires, sociales et sanitaires. De son côté, la Russie soutient le régime de Bachar el Assad, car la Syrie constitue sa dernière frontière pour lutter contre l’organisation État islamique (Daech). Selon le général Paloméros, une crise pouvait être circonscrite à un pays il y a encore quelques années. Aujourd’hui, elle se démultiplie dans une région à la puissance 10 ou 100. Enfin, certains pays s’investissent militairement pour dénier l’accès à différents théâtres, menaçant les déploiements de l’OTAN.

Réflexions et actions. Il faut mettre en synergie les forces de l’OTAN pour tirer parti de sa puissance globale, souligne le général. Il a donc fixé des priorités au début de son mandat : travaux de réflexions stratégiques sur les tendances lourdes pour les vingt ans à venir ; jeter les bases des capacités futures ; améliorer l’anticipation et la connaissance stratégique par le partage du renseignement. Il s’agit, entre autres, de déterminer les causes de la création de Daech et l’évolution climatique à l’origine d’exodes massifs de populations. L’OTAN doit aussi améliorer la souplesse d’emploi de ses forces pour les projeter plus rapidement, grâce à une interopérabilité accrue. Les pays membres doivent réinvestir dans la résilience en identifiant les failles dans leur sécurité : protection des infrastructures étatiques contre les cyberattaques ; élaboration d’une communication stratégique pour contrer la propagande adverse en cas de menace hybride. Cela nécessite des moyens budgétaires, un engagement politique constant dans la durée et une plus grande solidarité avec l’Union européenne. Depuis la fin de la guerre froide (1991), l’OTAN a été appelée en renfort comme outil de dernier recours dans les Balkans (1999), en Afghanistan (2001) et en Libye (2011). Elle doit rester prête à mener l’ensemble de ses missions sans délai, en donnant la priorité à la préparation opérationnelle par des exercices à grande échelle, car les crises peuvent dégénérer rapidement (voir encadré). Dans une guerre hybride, l’emploi de forces complexes nécessite des moyens techniques de plus en plus efficaces. Ainsi, les drones armés sont très utiles pour la reconnaissance et la frappe…si nécessaire. Dans l’Est de la Syrie, les forces de Daech, très mobiles, utilisent toutes les possibilités de cette vaste région. En revanche, la situation dans le Nord de l’Irak devrait se stabiliser, car la Turquie participe à la coalition internationale et déploie des missiles tactiques à sa frontière. États-Unis, Grande-Bretagne et France apportent un soutien aérien aux forces locales au sol pour faire peser une pression permanente sur Daech, en limitant les dommages collatéraux. Il s’agit de reconquérir du terrain et de déterminer ce qui peut unir les peuples de cette région, dévastée par la guerre. Enfin, l’OTAN assure la police du ciel des États baltes, pour faire comprendre à la Russie l’importance accordée à leur sécurité, rappelle le général Paloméros.

Permanence américaine. Les États-Unis continuent d’assumer leur rôle de superpuissance sur toute la planète. Mais cela implique des choix pour mener des actions durables, en concentrant leurs forces sur les théâtres de crise. Ils apportent leur soutien à l’OTAN du côté de l’Ukraine. Ils font de même sur le front Sud, au sein d’une coalition montée en quelques jours grâce aux normes d’intégration de l’OTAN. Leur coopération avec les forces françaises n’a jamais atteint un tel niveau, souligne le général. L’action de la France en Afrique, avec un vrai partage de responsabilités, une volonté et des capacités, correspond à ce qu’ils attendent des autres États membres. Ce que fait la France sur le front Sud est considéré comme très important pour tous les pays de l’OTAN. Cette dernière reste un organe politico-militaire, où tous discutent de ce qui dépasse ses frontières et implique certains pays membres. Ses structures permanentes de commandement à Naples et Izmir restent disponibles si nécessaire.

Loïc Salmon

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L’exercice « Trident Juncture 2015 » mobilise, du 3 octobre au 6 novembre 2015,  36.000 militaires des armées de Terre et de l’Air, de la Marine et des forces spéciales de plus de 30 pays membres ou partenaires de l’OTAN. Cet exercice, auxquels sont connectés divers exercices nationaux, se déroule en Italie, en Espagne, au Portugal, dans l’océan Atlantique et en Méditerranée, au Canada, en Norvège, en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Il porte sur la cyberguerre, la défense anti-missiles, la guerre hybride et la réaction rapide. Y participent également une douzaine d’organisations internationales, dont l’Union européenne et l’Union africaine. A l’issue de l’exercice, le personnel du quartier général du Commandement commun des forces à Brunssum (Pays-Bas) obtient la certification officielle d’aptitude à diriger, pour l’année 2016, la Force de réaction rapide de l’OTAN, si elle devait être mise en œuvre.

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