Marines : l’approche globale, indispensable à la sécurisation future du milieu maritime

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Militarisation des eaux internationales, piraterie, migrations de masse, trafics illicites, terrorisme, pollution marine, catastrophes naturelles et pêche illégale peuvent déboucher sur des crises maritimes, dont l’origine se trouve dans des rivalités géopolitiques terrestres.

Cette globalisation sans précédent a été  abordée lors d’un colloque international organisé, le 18 octobre 2016 au salon Euronaval du Bourget (banlieue parisienne), par  le Groupement des industries de construction et activités navales, l’Agence européenne de défense, l’Institut pour les études de sécurité de l’Union européenne et l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire. Y sont notamment intervenus : l’ingénieur général François Maistre, Direction générale de l’armement (DGA) ; le préfet Vincent Bouvier, secrétaire général de la Mer ; le vice-amiral britannique Clive Johnstone, chef du Commandement maritime de l’OTAN ; l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la Marine nationale.

Menace complexe et moyens futurs. Selon l’ingénieur général Maistre, un constat s’impose : contestation de la souveraineté maritime de certains pays par d’autres ; emploi de forces régulières ou irrégulières ; activité de l’État remise en cause par des organisations, qui mêlent actions civiles et militaires et maîtrisent l’utilisation de médias. La défense du territoire passe par la sécurité de ses approches maritimes, de ses ports et des flux de marchandises avec des moyens adaptés. Le combat aéromaritime va de l’opération de basse intensité à la confrontation directe. Pour le mener, il faut disposer d’un accès autonome à l’information et de capacités de ravitaillement à la mer, de lutte anti-sous-marine et anti-aérienne ainsi que d’actions autonomes ou interalliées. Outre les drones, il faut pouvoir compter sur des systèmes résilients et sommaires à terre. L’interopérabilité entre la terre et la mer, quoique difficile à établir, devient incontournable. Elle nécessitera : de disposer de davantage d’espace à bord des navires pour l’équipage ; d’identifier les moyens d’analyse des menaces dans un contexte d’emploi de nouvelles technologies ; de passer de la connectivité croissante sur le même navire à la logique de réseaux. La DGA conçoit les référentiels de modélisation structurelle, avec des scénarios opérationnels, pour des effets recherchés dans un cadre optimal établi. Elle mobilise l’état-major de la Marine et les industriels pour imaginer les équipements futurs. Avec la mise en commun des informations des capteurs, le combat « collaboratif » intègre bâtiments de surface, sous-marins, aéronefs et drones dans un ensemble global. Leurs systèmes de détection et de combat devront être en cohérence avec ceux de la guerre des mines, des drones sous-marins et de l’ISR (renseignement, surveillance et reconnaissance) en interarmées.

Sécurité maritime d’aujourd’hui. L’action de l’État en mer se militarise en raison de l’incertitude à l’arrivée sur le lieu d’un sinistre, explique le préfet Bouvier. En raison de la porosité de la menace et pour plus d’efficacité, la coordination entre la Marine nationale, les Affaires maritimes, la Douane et le ministère de l’Intérieur se fait sous l’égide des préfets maritimes. La stratégie nationale de sûreté, adoptée en 2015, porte sur la lutte contre le terrorisme afin de rendre le trafic maritime plus sûr : embarquement de fusiliers marins sur les grands navires à passagers ; plan Vigipirate mer ; autorisation de gardes privées à bord de navires marchands ; radars plus performants ; mutualisation des moyens de secours maritimes et côtiers. Toutefois, les contraintes budgétaires incitent l’État à recourir au secteur privé, notamment pour le contrôle à l’embarquement des navires à passagers. La sécurité et la sûreté maritimes nécessitent un partage de l’information et la construction d’une fonction garde-côte à l’échelle européenne. Ainsi, l’opération militaire « Sophia » (EUNAVFOR Med) d’observation et de renseignement a été lancée le 22 juin 2015 par les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne pour lutter contre le trafic de migrants en Méditerranée, dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense commune. Son champ d’action pourrait s’élargir après une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU.

Guerre navale de demain. L’OTAN se trouve confrontée à des scénarios de basse intensité, indique l’amiral Johnstone. Quoique adhérente aux valeurs démocratiques, la Russie agit de façon déstabilisante en Syrie, en Ukraine et en Atlantique Nord. Zone instable de la Syrie à la Libye, la Méditerranée est devenue un théâtre de terrorisme, de trafics d’armes et de migrations massives. L’OTAN, qui défend ses États membres en termes de capacités et de compétences, a pris conscience de ces défis et doit agir maintenant et quotidiennement. Elle intègre les innovations civiles dans l’intelligence artificielle, l’analyse en temps réel de l’action de l’adversaire et la classification des données. Mais elle doit être plus résiliente dans la logistique, la gestion des stocks et la formation des personnels, afin de mobiliser davantage de navires plus rapidement. Son commandement maritime se concentre sur la surveillance de la flotte russe du Nord au Sud et prévoit des exercices communs de lutte anti-sous-marine avec les Marines de l’Union européenne. De son côté, l’amiral Prazuck souligne le pouvoir de nivellement de la technologie face à une menace plus « aisée » : un système de géolocalisation (GPS) et un lance-grenades portatif (RPG7) permettent de devenir un redoutable pirate. La sécurité maritime, multiforme, induit une action internationale, un besoin de savoir (radars, satellites et échanges d’informations) et une présence sur zone. Par ailleurs, le combat naval futur pourrait se produire en haute mer avec des navires spécialisés à haute technologie. La Marine nationale doit convaincre les autorités politiques et l’opinion publique  de la nécessité de la mise au point des hautes technologies dans les 20 ans à venir. Au cours de l’Histoire, sécurité maritime et combat naval ont été privilégiés tour à tour. Pour répondre aux menaces, le meilleur équilibre entre les besoins implique développement de savoir-faire communs, coopération internationale, couverture des espaces maritimes, formation et entraînement.

Loïc Salmon

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Le 18 octobre 2016 à l’occasion du salon Euronaval du Bourget, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian (au centre), a dévoilé la maquette de la future frégate de taille intermédiaire (FTI) de 4.200 t. Armée par un équipage de 125 personnes, détachement aéronaval compris, la FTI disposera des capacités de projection de forces spéciales et de luttes anti-sous-marine, anti-aérienne et antinavire. Premier bâtiment « tout numérique », elle pourra embarquer un hélicoptère et/ou un drone aérien. Son radar de nouvelle génération à panneaux fixes sera intégré à une mâture unique. Les 5 FTI prévues, dont la première sera livrée en 2023, complèteront les 8 frégates multimissions et les 2 frégates anti-aériennes de type Horizon vers 2030. Une FTI pourra être déployée seule ou au sein d’une force interarmées ou interalliés, comme le groupe aéronaval centré sur le porte-avions Charles-De-Gaulle.

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