La Marine, outil militaire dans un conflit de haute intensité et chargée de l’action de l’Etat en mer, participe aussi à la stratégie d’influence visant à peser sur la scène internationale. Le concept de diplomatie navale est né de l’Histoire … et de l’expérience ! Tel a été le thème du colloque organisé, le 20 mai 2011 à l’Ecole militaire à Paris, par le Centre d’études supérieures de la Marine dans le cadre du Forum Bleu Marine. « La mer est un espace de liberté, la liberté, c’est la négociation, la négociation, c’est la diplomatie », a déclaré Gérard Longuet, ministre de la Défense et des Anciens Combattants. La France dispose du deuxième espace maritime du monde, après les Etats-Unis, avec une zone économique exclusive de 11 Mkm2. Le déploiement des bâtiments de projection et de commandement, avec leurs hélicoptères et chalands de débarquement, ou du porte-avions Charles-De-Gaulle, avec son aviation embarquée, exprime des intentions avec toute la gamme des interventions possibles dans un milieu changeant, ouvert ou confiné. « Les escales ont une valeur symbolique forte », souligne le ministre. Les bâtiments français en ont effectué 130 en 2010. Dans le passé, ils ont pratiqué la diplomatie « humanitaire » (boat people, années 1980), celle de « puissance » (golfe Persique, 1986) et celle de « protection » (Liban, 2006). « La permanence à la mer d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) est un facteur considérable d’équilibre », précise Gérard Longuet. Opérant de la mer vers la terre, les bâtiments de surface et les sous-marins d’attaque peuvent intervenir près des côtes et en profondeur dans 150 pays. Ils peuvent aussi pratiquer une diplomatie « réactive », c’est-à-dire réversible dans un délai de quelques heures. En outre, les bâtiments interceptent les communications et recueillent des renseignements, inaccessibles par d’autres moyens, « enjeu considérable », a souligné le ministre. Selon lui, 400 sous-marins de 46 pays sont en service et l’Inde et la Chine veulent se doter de porte-avions opérationnels. Cette dernière utilise sa Marine, devenue la quatrième du monde en 2000, à des fins diplomatiques, estime le vice-amiral d’escadre (2e S) Alain Dumontet. Elle multiplie se dépenses militaires par deux tous les trois ans pour rattraper son retard technologique. La Chine importe 80 % de son pétrole par le détroit de Malacca et 90 % de ses échanges commerciaux se font par la mer. En conséquence, elle sécurise des « point d’appui » en océan Indien : Pakistan, Sri Lanka, Bangladesh et Malaisie. Son Livre Blanc 2011 sur la défense prévoit tous les moyens d’une Marine de haute mer : 60 frégates équipées de missiles antinavires à longue portée, 40 bâtiments amphibies, 30 sous-marins et 20 en construction. Le SNLE de nouvelle génération emportera des missiles nucléaires de 8.000 km de portée. Le porte-avions Varyag, acheté à la Russie, est en cours de modernisation avec des avions embarqués Sukhoï 30.
Enfin, l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la Marine, a rappelé que « le centre du monde aujourd’hui, c’est le Pacifique et non plus l’Europe » et que la France est une nation du Pacifique, reconnue comme partenaire par les autres pays riverains. Pour lui, la Marine nationale est avant tout un « outil stratégique », la « contribution navale à la diplomatie globale ». Ses navires polyvalents et fortement armés doivent être servis par des équipages déterminés, courageux et combatifs, pour passer de la simple présence au combat de haute intensité.
Loïc Salmon