La Mission européenne d’entraînement au Mali (EUTM Mali), qui répond aux attentes des autorités maliennes, constitue un laboratoire pour la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne.
Telle est l’opinion de son chef, le général de brigade Bruno Guibert, qui a présenté la situation à mi-mandat à la presse le 29 août 2013 à Paris.
Réactivité et adaptabilité. L’Union européenne (UE) a manifesté une réactivité certaine : la formation sur le terrain a commencé moins de trois mois après la prise de décision. L’EUTM Mali, constituée en janvier 2013, a investi 13 M€ dans la rénovation du camp d’entraînement de Koulikoro. Elle compte 560 personnels de 23 pays, dont 120 Français. Ses missions de formation et d’expertise/conseil visent à aider à la reconstruction complète de l’armée malienne. Chacune des 15 nations participant à la formation des unités combattantes assure seule la responsabilité de l’instruction d’une spécialité où son excellence est reconnue. Il y a 200 instructeurs en tout. Cela entraîne une plus-value sur le plan opérationnel et permet une répartition des efforts entre toutes les nations participantes. L’entraînement de quatre bataillons maliens avec des hommes déjà engagés sur le terrain concerne toutes les spécialités, mais aussi l’exercice de l’autorité, condition essentielle pour que l’armée malienne reprenne confiance en elle. Il inclut le droit humanitaire, des règles de comportement, l’adaptation au contexte et la formation globale tactique.
L’approche française, explique le général, différente de l’américaine, consiste à prendre en compte un bataillon complet, du soldat au chef, pour maintenir sa cohérence et améliorer sa capacité opérationnelle. Le chef malien, en situation, donne des ordres à ses hommes, renforçant ainsi sa confiance en lui et celle qu’il leur inspire (leadership). « Nous, nous donnons des conseils », souligne le général. Cette formation dure 11 semaines, fait considéré comme exceptionnel à l’échelle de l’armée malienne. « Ça marche ! Ce sont des soldats qui parlent à d’autres soldats, il n’y a pas de divergences ». Ensuite, l’EUTM Mali apporte son expertise et ses conseils dans la construction d’une chaîne de commandement opérationnelle malienne.
Résultats et perspectives. Six mois après le lancement de l’EUTM Mali, le premier bataillon formé a été déployé dans le Nord du pays et le deuxième achève son entraînement. Le troisième commencera sa formation le 30 septembre. Le quatrième fera de même début janvier 2014. Un détachement d’assistance opérationnelle d’une vingtaine de militaires français accompagne les bataillons maliens déployés sur le terrain. Les résultats sont encourageants, estime le général Guibert, qui a constaté une adhésion enthousiaste des militaires maliens, qui font des efforts significatifs.
Un audit sévère avait été réalisé auparavant sur l’armée malienne, dont la défaite contre les djihadistes en janvier 2013 avait entraîné le déclenchement de l’opération « Serval » par les forces françaises. Pourtant, le président malien par intérim Dioncounda Traoré avait promu général de corps d’armée le capitaine Amadou Sanogo, responsable du coup d’Etat de mars 2012, et lui avait confié la direction d’un Comité militaire de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité. Toutefois, le 28 août, le gouvernement intérimaire a abrogé la nomination du général Sanogo, à la suite de la victoire d’Ibrahim Boubacar Keita à l’élection présidentielle du 11 août. Le général Sanogo avait proposé des recommandations… qui ne seront guère prises en considération. En effet, le général Guibert a souligné qu’il ne traite qu’avec les autorités légales. Le nouveau président Ibrahim Keita entend poursuivre ce qui a été entrepris avec l’ONU, l’UE et la France. Il s’agit de pérenniser les acquis, renforcer l’action de formation et restructurer l’armée. Le détachement de liaison et d’expertise (ALTF en anglais) regroupe une équipe pluridisciplinaire d’une vingtaine de conseillers militaires dans les domaines du cadre général de la défense, du commandement et de la préparation opérationnels, du soutien logistique et des ressources humaines. L’ALTF assiste également les états-majors de l’armée malienne dans la rédaction des textes fondamentaux. Une loi de programmation militaire (2014-2018), élaborée par l’EUTM Mali à la demande des autorités intérimaires maliennes, sera présentée au président Keita, puis validée par la prochaine Assemblée nationale. D’autres pays européens peuvent encore compléter l’EUTM Mali, qui bénéficie déjà du savoir-faire des nations participantes et dont la mission s’inscrit dans l’approche globale de l’UE au Sahel. A cet effet, le général Guibert doit se rendre à Bruxelles et aussi à Vilnius (Lituanie), lors de la réunion informelle des ministres de la défense de l’UE (6 septembre).
Sécurisation. Selon l’Etat-major des armées, les djihadistes se sont repliés vers le Nord. Une opération de sécurisation, dénommée « Anaconda 2 », a été lancée dans le Nord du Mali et consiste à reconnaître les axes et contrôler la zone. La phase 1, menée au Nord de la ville de Gao du 13 au 25 août, a mobilisé 160 personnels du Groupement tactique interarmes « Désert », des hélicoptères, un appui aérien, des moyens de renseignement et des gendarmes, dont 3 Maliens. Grâce aux renseignements d’opportunité fournis par la population elle-même, de l’armement, des munitions, grenades, explosifs et détonateurs ont été saisis dans des caches anciennes. La phase 2, menée au Sud d’Almoustarat du 27 août au 2 septembre, a mobilisé 170 personnels français, surtout de l’infanterie, et 2 gendarmes maliens. Elle avait pour objectifs de marquer la présence de Serval de façon imprévisible dans des endroits déjà inspectés et de détruire la présence et la structure des djihadistes. Ces opérations de sécurisation visent à faire pression sur leurs capacités logistiques, afin d’éviter qu’ils reprennent pied dans la boucle du Niger.
Loïc Salmon
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Le dispositif « Serval » et la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA) assurent la sécurité de la Mission européenne d’entraînement au Mali. Selon l’Etat-major français des armées, « Serval » va passer de 3.200 hommes début septembre à 1.000 hommes cet hiver. Ses moyens aériens se composent de : 6 Rafale et 3 Mirage 2000D pour les frappes ; 1 avion de reconnaissance ATL2 et des drones pour le renseignement ; 1 avion ravitailleur C-135 ; 1 C-160 Transall, 1 C-130 Hercules et 1 Casa CN 235 pour le transport tactique. Les forces françaises sont réparties entre les villes de Bamako, Gao et Kidal ainsi que le massif de l’Adrar-Tessalit. Les forces africaines déployées dans le pays comprennent 8 bataillons maliens et des unités de la MINUSMA (Burkina-Faso, Ghana, Bénin, Tchad, Sénégal, Niger et Togo). Elles sont accompagnées de détachements français de liaison et d’appui.