L’OTAN est la seule organisation politico-militaire apte à mener des opérations d’envergure et « la France y a une position influente et respectée ». Tel est l’avis du général Stéphane Abrial, chef du « Commandement suprême allié de la transformation » (CSAT) de l’OTAN.
Au cours d’une conférence organisée, le 13 septembre 2012 à Paris, par l’Association des journalistes de défense, il a souligné l’importance d’en faire vivre les réseaux et d’utiliser cette influence au mieux.
La perception américaine. Le fait que la France soit le deuxième pays contributeur de l’état-major du CSAT, après les Etats-Unis, est considéré à Washington comme une meilleure prise en compte du fardeau de leur défense par les Européens. « Les Etats-Unis souhaitent une Europe forte ». Le renforcement de leur intérêt pour l’Asie-Pacifique ne signifie pas un abandon de l’Europe : le Corps de déploiement rapide de l’OTAN y reste implanté (bases en Italie, Allemagne et Espagne). Par ailleurs, la France a toujours maintenu son intérêt pour la zone Pacifique. En ce qui le concerne, le général Abrial peut s’adresser directement au Pentagone (secrétaire à la Défense, chef d’Etat-major interarmes et leurs adjoints), au département d’Etat (ministère des Affaires étrangères), au Congrès (Parlement), au monde universitaire et aux « Think Tanks » (institutions privées à but non lucratif regroupant des experts en matière de politiques publiques).
Les partenariats. La relation de l’OTAN avec la Russie, son principal partenaire, fonctionne bien malgré quelques passages à vide (Géorgie) et divergences (Libye), précise le général Abrial. Toutefois, la coopération dans la lutte anti-missiles est difficile, car la Russie estime que cette défense donne à l’OTAN une trop grande visibilité sur sa dissuasion nucléaire. Pourtant, le CSAT est parvenu à développer des échanges au niveau Ecole de guerre (officiers supérieurs élèves), au cours des trois dernières années. En mars 2012, son chef s’est rendu à Moscou et y a noué de « bons contacts » avec le ministre de la Défense et le chef d’Etat-major des armées… qu’il a invité à venir à Norfolk. L’OTAN coopère avec l’Agence européenne de défense dans les domaines de la capacité médicale en opération et du ravitaillement en vol, pour éviter les duplications et renforcer les capacités européennes (voir rubrique archives : AED, 15-8-2012). La Grande-Bretagne compte sur l’OTAN (28 pays) pour compenser la réduction importante de ses moyens militaires. Depuis le 1er juillet, le CSAT est responsable de l’entraînement collectif, en vue d’une plus grande cohérence et, à terme, d’une plus grande efficacité. Il apporte son soutien aux exercices demandés par le « Commandement allié Opérations » (planification, exécution et évaluation). Chaque pays membre organise la formation et l’entraînement de ses forces armées. Mais, seule l’OTAN peut monter des exercices de grande ampleur dans un cadre multinational. En ce sens, l’opération « Unified Protector » au large de la Libye en 2011 a constitué un test en vraie grandeur (revue téléchargeable septembre 2011 p.11-12). Selon le général Abrial, elle a démontré que l’OTAN peut décider en quelques jours, alors qu’il lui a fallu des mois pour les opérations au Kosovo (1999) et en Bosnie (1995). Ensuite, les Etats-Unis ont constaté, avec satisfaction, que des Etats européens sont prêts à s’engager et même à prendre la direction des opérations. Enfin, les pays européens devront combler leurs lacunes capacitaires constatées en matière de drones, ravitailleurs en vol, renseignement, surveillance, ciblage (désignation d’objectifs, attaque et évaluation des effets) et stocks de munitions de précision. Celles-ci concernent tout ce qui permet une frappe d’une précision d’un mètre avec la garantie de réduire au minimum les dégâts collatéraux. En Afghanistan, en dix ans et à un prix élevé, les forces de l’OTAN ont atteint un niveau inégalé d’interopérabilité au combat. Il s’agit désormais de le maintenir et de l’adapter aux nouvelles menaces par la formation, l’entraînement et les exercices majeurs, malgré la crise économique.
Les conséquences. Depuis trois ans, les autorités militaires françaises ont pris en compte le retour au commandement militaire intégré de l’OTAN, notamment dans la formation à l’Ecole de guerre de Paris (archives : Coalition 2012, 25-4-2012). A ces stagiaires qui occuperont des fonctions élevées d’état-major, le général Abrial fait plusieurs recommandations : être à l’aise en anglais, à l’écrit et à l’oral, afin d’être lu et écouté ; pouvoir débattre en public en anglais, pour faire passer ses idées au bon moment ; examiner les documents OTAN pour saisir comment les questions sont traitées ; nouer des contacts avec les officiers stagiaires étrangers ; demander une affectation à l’OTAN pour comprendre d’autres modes d’action, car « ce qui est évident pour nous ne l’est pas pour d’autres ».
Budget en baisse. Alors que, presque tous les pays augmentent leurs dépenses militaires, les pays occidentaux les diminuent. L’OTAN en subit les conséquences. La révision globale de la structure de commandement, entreprise depuis dix-huit mois, conduit à la suppression de onze agences de l’Alliance atlantique. Au 1er décembre 2012, il n’en restera que trois : acquisition et suivi des matériels ; systèmes d’information et de combat ; soutien des forces. A la même date, les effectifs auront été réduits de 30 % pour descendre… en dessous de 9.000 personnes !
Loïc Salmon
Le général d’armée aérienne Stéphane Abrial dirige le « Commandement suprême allié de la transformation » (CSAT) de l’OTAN depuis le 9 septembre 2009, année où la France a décidé de participer pleinement aux structures de l’OTAN après son retrait de la structure militaire intégré en 1966. Sa fonction a été attribuée, à partir du 28 septembre, au général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros, son successeur à la tête de l’état-major de l’armée de l’Air. Le CSAT dirige la transformation continue des structures, des forces, des capacités et des doctrines militaires de l’OTAN, menée pour en améliorer l’efficacité. En coopération avec le Commandement allié Opérations, il analyse les besoins opérationnels de l’OTAN, afin de déterminer la nature et l’importance des besoins futurs en matière de capacités d’interopérabilité et de les classer par ordre de priorité, dans le but de contribuer au processus global d’établissement des plans de défense de l’OTAN. Chargé de l’étude de nouveaux concepts et doctrines d’emploi, le chef du CSAT supervise les expériences effectuées et le soutien apporté à la recherche, au développement et à l’acquisition de nouvelles technologies et capacités. Enfin, au 1er décembre 2012, le CSAT, qui a son siège à Norfolk (Etats-Unis), comptera 1.050 personnels, dont 100 Français.