La Résistance en Europe, les combattants de l’ombre

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La résistance à l’occupation allemande en Europe, d’abord civile, est devenue armée en 1943, date de l’instauration du service du travail obligatoire en Allemagne pour les jeunes Français, de la levée en masse en Union soviétique et de l’unification de la Résistance française (intérieure et de Londres) suivie de sa fusion avec l’armée d’Afrique. En France, cette période n’a été véritablement étudiée par les historiens qu’après l’ouverture des archives en 1979. Elle a donné lieu à une journée d’étude sur ces « combattants de l’ombre » organisée, le 1er octobre 2011 à l’Ecole militaire à Paris, par le ministère de la Défense et des Anciens Combattants.

Des universitaires ont animé deux tables rondes sur l’engagement et l’action en Europe : Olivier Wieviorka, Jean-Pierre Azéma, Jean-François Muracciole et Anne Simonin pour la France, Masha Cerovic (URSS), Gabriella Gribaudi (Italie), Chantal Kesteloot (Belgique) et Julian Jackson (Université de Londres).

France : sur une population métropolitaine de 41 millions d’habitants, les résistants sont estimés à 300.000 dans l’ensemble, dont 50.000 de la France Libre à Londres, 20.000 « coloniaux » et 3. 000 étrangers de 59 nationalités différentes. Ce sont surtout des hommes jeunes (90% nés entre 1918 et 1922 et 50 % orphelins de père) pour qui il est plus facile de rallier la Grande-Bretagne, les femmes constituant 16 % de la Résistance intérieure, mais à peine 3 % de la France Libre. Tous s’engagent par patriotisme, pour des valeurs communes avec les Alliés et contre les « collaborateurs » et miliciens du régime de Vichy. L’Afrique équatoriale française et les comptoirs français de l’Inde se rallient à la France Libre, l’Afrique occidentale française reste très majoritairement fidèle à Vichy et la Marine garde une neutralité absolue. Parmi les Français Libres, les volontaires juifs, proportionnellement plus nombreux que les non juifs, viennent surtout d’Afrique du Nord et rejoignent la 2ème Division blindée de Leclerc (10-15 % des effectifs). La Résistance intérieure s’organise dans les maquis, tandis que la France Libre monte des réseaux à la demande de la Grande-Bretagne, soucieuse de récupérer les équipages de ses avions abattus. Avec l’Holocauste, la résistance civile (grèves, presses clandestines et aides aux Juifs) prend une dimension militaire (renseignements, sabotages et exécutions de militaires allemands). En matière de lutte clandestine, la France Libre sépare le renseignement de l’action et tente de contrer la propagande de Vichy, très forte car les bombardements alliés frappent indistinctement civils français et militaires allemands. Le parti communiste, qui organise des attentats contre les arrières de la Wehrmacht à la demande de Moscou dès 1941, se méfie des maquis et va surtout se battre dans les villes. Son objectif est de prendre le pouvoir avec l’aide de l’armée Rouge.

Union soviétique : quelque 700.000 combattants, dont 300.000 en Biélorussie, s’engagent surtout par patriotisme (souvenir de la 1ère guerre mondiale), très peu pour l’idéal multiethnique de l’URSS et enfin en réaction à la terreur allemande, qui fait 80.000 morts en six mois. Les membres du parti communiste, fonctionnaires de l’URSS, sont plus souvent du côté de la collaboration que de la résistance. En revanche, de jeunes officiers de l’armée Rouge, qui ont l’expérience du combat et du commandement, organisent les réseaux et la guérilla dans les forêts, car les villes sont surveillées par les Allemands. Les commandants sur le terrain refusent d’intégrer les femmes dans leurs rangs, pourtant nombreuses à se porter volontaires. Les attentats à la bombe et les exécutions de dignitaires allemands se multiplient.

Italie : après l’entrée des troupes allemandes et l’instauration de la République de Salo (Nord et Centre) en 1943, la résistance s’organise surtout à Naples. Elle est patriotique, antifasciste pour des raisons économiques liées au rationnement généralisé, sociale contre les grands propriétaires fonciers, alliés du parti fasciste, et bénéficie de l’aide des Alliés. Les jeunes, ouvriers et paysans, désertent l’armée et se réfugient dans les montagnes. L’assistance apportée par les femmes, surtout des transferts de messages, ne sera pas reconnue après la guerre.

Belgique : la Résistance reste minoritaire, essentiellement civile et financée secrètement par le gouvernement en exil à Londres. Les Britanniques y réactivent leurs réseaux constitués lors de la 1ère guerre mondiale. La Résistance sauve la moitié de la population juive et organise, en 1944, 400-600 sabotages par mois.

Le mot de la fin revient au résistant français Raymond Aubrac, présent dans la salle : « Tous les résistants de France et d’Europe, qui ont décidé de désobéir et de prendre des risques, l’ont fait parce qu’ils pensaient que ça servirait à quelque chose ».

Loïc Salmon

Les chaînes Arte France et Cinétévé, l’Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD) et la société Toute l’Histoire ont coproduit une série télévisée en six épisodes de 52 minutes sur la résistance en Europe, intitulée « Les combattants de l’ombre ». Tournée dans 14 pays, ce document-fiction mêle témoignages d’acteurs de l’époque encore en vie, archives publiques et privées et reconstitutions. Diffusé dans toute l’Europe et dans d’autres pays, il s’articule en six parties : les difficiles débuts de la résistance (1939-1941) ; la résistance s’organise (1941-42) ; la résistance face au génocide (1942-43) ; la résistance se radicalise (1943) ; la résistance dans la tourmente (1943-44) ; illusions et désillusions de la résistance (1944-45). Un livre portant le même titre est coédité par Arte Editions, Albin Michel et le ministère de la Défense. Enfin, une exposition de 25 panneaux effectuera une tournée nationale dans le circuit scolaire.

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