La guerre est un comportement social pour régler un problème politique, estime Caroline Galactéros-Luchtenberg, directeur de séminaire à l’Ecole de guerre et auteur du livre « Manières du monde, manières de guerre ». Elle s’en est expliquée au cours d’un débat avec le général de division (2S) Vincent Desportes, professeur associé à l’Institut d’études politiques de Paris et ancien directeur de l’Ecole de guerre.
Ce débat a été organisé, le 26 juin 2013 à Paris, par des auditeurs de la 59ème session nationale de l’Institut des hautes études de défense nationale. Le livre « Manières du monde, manières de guerre » dresse un parallèle entre l’évolution du monde et la façon dont les nations conduisent les guerres depuis la chute du mur de Berlin (1989) et l’accès généralisé à internet. De son côté, le général Desportes met en garde contre deux fantasmes : celui de la toute puissance militaire et stratégique, fondée sur la technologie, et l’assimilation de la puissance à l’information dominante. « La guerre de destruction à outrance ne peut produire un succès politique ». Par ailleurs, l’invasion de l’information dans les sphères civile et militaire a démontré « la réversibilité des points de vue politiques et la perte de l’aura morale obtenue par l’emploi de la force pour des raisons louables ». Dans son livre, Caroline Galactéros-Luchtenberg dénonce les références anglo-saxonnes devenues les normes en matières économique et comportementale pour deux raisons : l’application du rapport de force militaire ou de la menace de son usage comme moyen de pression ; le « soft power » américain, « dont les pratiques de lobbying culturel, politique, économique et juridique se sont progressivement imposées comme les standards naturels de l’évolution souhaitable à l’échelle planétaire ». Au cours du débat, elle déclare que, dans un monde où tout se voit et tout se sait, il s’ensuit « un vide de légitimité, un discrédit moral en croyant qu’on va tout régler avec la technologie », notamment par la guerre essentiellement aérienne que privilégient les Etats-Unis. En revanche, l’intervention française au Mali a provoqué « un regain de légitimité politique par son engagement au sol, en raison de la réciprocité de prises de risques de part et d’autre ». Par ailleurs, selon Caroline Galactéros-Luchtenberg, le héros d’aujourd’hui n’est plus le défenseur de la patrie, mais le capitaine d’industrie dont les intérêts n’ont plus de frontière. Aux yeux des jeunes Français, écrit-elle, les militaires ne font plus leur « devoir » ni ne remplissent de « mission » d’exception, mais exercent leur « job ». S’ils meurent au combat, ils sont « accidentés du travail », et non plus « tombés au champ d’honneur ». Devant le déclin des notions d’intérêt national et de bien commun, elle estime impératif pour eux de cultiver l’esprit de corps et la fraternité d’armes, spécificités du métier militaire.
Loïc Salmon
La guerre : nécessité d’une cohérence militaire et politique
Etre militaire européen aujourd’hui : quel métier !