J’étais Fusilier Marin à Bir Hakeim

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Paul Leterrier (96 ans), combattant de la France libre, témoigne de la bataille de Bir Hakeim où la résistance des Français a permis aux Britanniques de se replier et triompher à El Alamein, empêchant les Allemands d’atteindre le canal de Suez.

Élevé dans un quartier populaire du port du Havre, Paul Leterrier veut lui aussi prendre le large et s’engage à 15 ans sur le paquebot Normandie. Jeune matelot, il sert en 1ère classe dans des croisières, découvre New-York, Rio de Janeiro et mène une vie exigeante à « l’âge d’or de la navigation ». La guerre bouleversera son existence au service de la Compagnie Générale Transatlantique. Retourné au Havre après le début des hostilités, il subit l’occupation ennemie et décide, très vite, de rallier les Forces françaises libres. C’est le début d’un périple qui le fait passer par Marseille, où ses qualités de marin lui permettent d’embarquer sur un cargo chargé de civils fuyant la guerre pour l’Afrique du Nord. Patient, il profite d’une escale à Beyrouth en 1941 pour déserter au nez et à la barbe de ses gardiens vichystes. Il rejoint le 1er Peloton de fusiliers marins comme servant sur un canon anti-aérien. Il y apprend le métier des armes, campe dans le désert et connaît très vite le feu et le terrible Afrika Korps, « sarabande infernale » à laquelle son unité ne peut opposer que quelques canons et beaucoup de courage. Jour et nuit, la déferlante de chars, d’avions et de soldats ennemis tente de briser ses retranchements à Bir Hakeim. Soufflé par une bombe, Paul doit être évacué d’urgence à l’hôpital de Tobrouk. Ses blessures l’y laissent hors de combat pendant deux mois. Mais à peine sorti de convalescence, il ne tarde pas à réintégrer son unité, où sous le commandement du général Koenig, lui et ses camarades continuent de tenir tête à une force considérable dirigée par le général Rommel. Malgré le manque d’eau, de munitions et de renforts, l’unité garde le moral, refuse les offres de reddition et tente de rendre coup pour coup aux bombardements incessants des Stukas et des tirs d’artillerie. Paul est à nouveau blessé par un éclat d’obus dans la cuisse, qu’il conservera en souvenir. En outre, il contracte une dysenterie qui lui fait perdre 20 kg. Encerclés par un ennemi dix fois supérieur, les Français de Bir Hakeim n’ont plus d’autre choix que d’abandonner la position le 10 juin 1942. Evacués vers l’hôpital français du Caire, les blessés reçoivent la visite du général de Gaulle le 10 août. Malgré cette défaite, la France est restaurée dans son honneur et son statut de nation belligérante. Paul doit néanmoins rester loin des champs de bataille pour reprendre des forces. Début janvier 1943, il repart avec les Alliés dans la campagne de Tunisie. Alors qu’il visite les ruines de Carthage avec un camarade, il rencontre par hasard…Churchill, qui leur fait le « V » de la victoire en réponse à leur salut réglementaire ! En avril 1944, le 1er Bataillon de fusiliers marins s’embarque pour l’Italie. Paul conduit le véhicule de pointe de son peloton, cible privilégiée des mines, canons antichars et des éléments retardateurs de l’armée adverse, bref « le sacrifié ». Mais il a la « baraka » (chance en arabe) et s’en sort à chaque fois. Le 13 août, son unité quitte le Sud de l’Italie à destination de la France et débarque le 16 août à Cavalaire, près de Saint-Tropez. La remontée vers Paris est ponctuée d’escarmouches meurtrières. Ainsi, à la sortie d’un village, Paul est blessé au cou, à la main et au mollet. Son « pifomètre infaillible » lui évite toujours le pire au moment critique. Ses camarades n’ont pas tous eu la même chance. Il perd son meilleur ami, abattu par un Allemand. Il a aussi contracté la dysenterie, la jaunisse et le paludisme. A la Libération, seule sa mère parvient à le persuader de ne pas s’engager pour l’Indochine, considérant qu’il « en avait assez fait comme ça ». Titulaire de la croix de guerre 1939-1945, il reçoit celle de chevalier de la Légion d’honneur en 1983. Le 11 juin 2002, Paul, promu officier de la Légion d’honneur, est décoré dans la cour d’honneur des Invalides par le président de la République, Jacques Chirac. Il se souciait peu de « passer au grade supérieur ou de recevoir des décorations ». Revenu à la vie civile, il sert dans la police, notamment à la Direction de la surveillance du territoire en Algérie. En 2012, il revient en pèlerinage, solitaire, sur le site de la bataille de Bir Hakeim, « disparu sous le désert, redevenu ce qu’il était lors de notre arrivée en février 1942 ».

Pierre Wachel

« J’étais Fusilier Marin à Bir Hakeim », Paul Leterrier, Éditions Pierre de Taillac, 190 pages, 16,90€

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