Israël : réagir à toute menace directe pour continuer à exister

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Les services israéliens de renseignement entretiennent des relations avec leurs homologues des pays voisins et même avec ceux de l’Autorité palestinienne. Le professionnalisme des forces armées tempère tout risque d’extrémisme.

C’est ce qui ressort d’une rencontre organisée, le 1er juin 2016 à Tel Aviv, par l’Association des journalistes de défense avec Yossi Melman, éditorialiste au quotidien Jerusalem Post et spécialiste des questions stratégiques, de renseignement et de sécurité.

Environnement tendu. Le Hezbollah (mouvement politique et groupe armé chiite financé par l’Iran) contrôle l’État libanais, indique Yossi Melman. Il disposait de 40.000 combattants, dont une moitié de réservistes. Mais au cours des trois dernières années, il en a perdu environ 20 % (tués ou blessés) dans la guerre civile en Syrie et se trouve de fait paralysé. Les Libanais en sont réduits à enterrer leurs morts de nuit. En dix ans, le Hezbollah a acquis l’expérience du combat et a amélioré ses capacités militaires, notamment en matière d’armement. Sur ses quelque 10.000 roquettes et missiles à portées variables, 40 % n’atteindraient pas leurs cibles et 50 % seraient détruits dans leurs caches, connues des services de renseignement, par l’aviation israélienne. Seuls 10 % toucheraient probablement les aéroports, le ministère de  la Défense et le siège du gouvernement et feraient environ 1.000 victimes, surtout civiles. Une attaque réussie contre le réacteur nucléaire ou la résidence du Premier ministre entraînerait des représailles considérables. Des convois de camions transportent d’Iran des missiles et des systèmes de guidage. Le risque d’escalade existe, avec tirs et ripostes de part et d’autre. Mais en cas de véritable guerre, le Hezbollah serait écrasé par une frappe aérienne préventive, car 90 % des caches de leurs missiles et roquettes sont répertoriées, souligne Yossi Melman. Au cas où une centaine de roquettes seraient susceptibles d’atteindre Tel Aviv, la population, alertée, se précipiterait dans les abris de béton. La capitale doit être protégée par trois systèmes de défense anti-missiles : le « Dôme de fer » en service depuis 2010 pour intercepter les roquettes et obus à courte portée ; le « Sling », opérationnel en 2017 contre les missiles à moyenne et longue portées ; le missile antibalistique « Arrow », opérationnel vers 2017. Avec les Palestiniens, le commerce continue malgré le sentiment d’hostilité : 80.000 d’entre eux viennent travailler légalement en Israël et 50.000 sans permis. Ils constituent de fait une « force de retenue », car la police israélienne informe l’Autorité palestinienne, qui arrête les terroristes présumés. Le Hezbollah tente d’acheminer des produits chimiques composants d’explosifs et des éléments de drones par la bande de Gaza, via des tunnels. Mais ceux-ci sont détectés par le bruit du forage puis inondés avec de l’eau d’égout déversée par les garde-frontières égyptiens. En raison de la menace terroriste au Sinaï, l’Égypte a fermé ses trois portes d’accès à Gaza, qui n’a plus qu’une seule ouverture… vers Israël ! Ce dernier vend de la technologie aux Émirats arabes unis et entretient de bonnes relations avec l’Arabie saoudite, sunnite et adversaire de l’Iran chiite. En matière de cyber, Israël arrive juste après les États-Unis. Le ver informatique  « Stuxnet » (voir encadré) a été un coup à double détente estime Yossi Melman. Washington et Jérusalem ont en effet jugé ce mode opératoire contre le programme nucléaire iranien préférable à une frappe aérienne préventive, qui aurait suscité une réprobation internationale et des complications diplomatiques, en raison de l’alliance indéfectible entre les deux pays. Enfin, estime Yossi Melman, Daech devrait être expulsé d’Irak et de Syrie dans moins de cinq mois (soit d’ici fin octobre 2016). Le califat sera probablement remplacé par une nouvelle version du mouvement terroriste Al Qaïda.

Évolution des armées. Après la guerre des Six Jours de 1967, les militaires israéliens pensaient pouvoir gérer la situation dans les territoires conquis, puis négocier leur restitution en échange d’une paix durable. Au cours des vingt dernières années, ils ont pris conscience de deux choses : une occupation est plutôt un fardeau qu’un avantage ; les milieux politiques tiennent compte de leur comportement et de leur éthique en matière de sécurité. Ainsi le 21 février 2016, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a soutenu le chef d’État-major des armées, le général Gadi Eisenkot, critiqué par plusieurs membres du gouvernement pour avoir demandé à ses troupes de garder leur sang-froid, face aux jeunes auteurs d’agressions contre des Israéliens. Pendant les cinq mois précédents, les violences ont coûté la vie à 176 Palestiniens et 27 Israéliens. Environ 10 % des auteurs palestiniens d’attaques avaient moins de 16 ans et 37 % entre 16 et 20 ans. Le 4 mai, veille de la journée de commémoration de la Shoah (extermination de Juifs par l’Allemagne nazie), le chef d’état-major adjoint, le général Yaïr Golan, a invité ses concitoyens à un « examen de conscience national » et s’inquiétait de revoir en Israël les mêmes processus que dans l’Europe des années 1930 et 1940. Cette fois, le Premier ministre l’a rappelé à l’ordre, en raison du tollé soulevé au sein de la droite israélienne. Auparavant, certains avaient dénoncé des exécutions extrajudiciaires, par des militaires, d’auteurs d’agressions, surtout au couteau, et d’autres défendu leur droit à la légitime défense. Le 20 mai, le ministre de la Défense, le général Moshé Yaalon, ancien chef d’État-major des armées et partisan de l’application stricte de règles déontologiques, a démissionné. Depuis 1967, selon Yossi Melman, la religion a progressivement remplacé l’esprit des « kibboutz » (communautés collectivistes) du temps de la naissance de l’État hébreu (1948). A l’époque, les militaires votaient à gauche et voulaient sauver leur pays. Aujourd’hui, de plus en plus d’officiers subalternes se sentent proches d’une idéologie conservatrice. Les partis religieux, majoritairement à droite et toujours élus à la Knesset (Parlement) depuis 1948, représentent actuellement 15 % à 20 % de l’électorat. Enfin, les colons israéliens installés dans les territoires occupés sont plus attachés à la terre, parce qu’ils la cultivent, que par conviction religieuse pour l’Israël biblique, estime Yossi Melman.

Loïc Salmon

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Développé aux États-Unis sous les administrations Bush et Obama et découvert en 2010, le ver informatique « Stuxnet » a affecté 45.000 systèmes informatiques dans le monde, dont 30.000 en Iran (centrifugeuses d’enrichissement d’uranium). Il a été mis au point par la NSA américaine et l’unité 8200 israélienne (renseignement d’origine électromagnétique et de décryptage de codes). Lancée en 2005 par la société civile palestinienne, la campagne « « Boycott Désinvestissement Sanctions » demande un boycott économique, sportif, culturel et universitaire envers Israël. En 2015, l’Union européenne a décidé d’étiqueter les produits israéliens fabriqués dans les territoires encore occupés par Israël depuis 1967 (Cisjordanie, plateau du Golan et Jérusalem-Est). Il s’agit surtout de fruits, légumes, miel, huile d’olive et vin. Selon la Commission européenne, cela représente moins de 1 % des échanges commerciaux avec Israël.

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