La puissance de la Russie repose sur son vaste territoire, sa richesse énergétique et son appareil militaire modernisé.
D’une superficie de 17 Mkm2 sur 11 fuseaux horaires, la Fédération de Russie compte 144,5 millions d’habitants répartis en 160 ethnies et 194 nationalités. La partie asiatique occupe 75 % du territoire avec seulement 20 % de sa population, ce qui explique la culture principalement européenne de la Russie. Les ventes de pétrole et de gaz, qui constituent 68 % de ses exportations, représentent 29 % de son produit intérieur brut. Le reste provient de l’industrie, de l’agriculture et de la technologie, à la suite d’investissements massifs dans la recherche et le développement…pour moins dépendre des hydrocarbures. La Russie exporte 85 % de son gaz vers l’Union européenne (UE), qui assure ainsi 30 % de ses importations de gaz à égalité avec ses achats à la Norvège. Les ports baltes, qui constituaient l’unique débouché du pétrole russe par la Baltique en 1999, sont remplacés, en 2020, par quatre ports russes ainsi que trois oléoducs en construction. En se brouillant avec la Russie, l’Ukraine a perdu l’accès à un gaz bon marché et est approvisionnée par l’Europe de l’Ouest avec du gaz..acheté en Russie ! Elle a aussi perdu le charbon bon marché extrait du Donbass, où la sécurité des populations des deux Républiques auto-proclamées est garantie par…la Russie. Celle-ci attend que l’écroulement économique et politique de l’Ukraine fasse comprendre à sa population qu’elle n’a rien attendre de l’Occident, peu enclin à mobiliser ses forces pour permettre à l’Ukraine de remporter une hypothétique victoire à l’Est. A la destitution du président ukrainien pro-russe, dénoncée comme un coup d’Etat par Moscou, succède, en 2014, un referendum en Crimée. Les électeurs se prononcent à 96,77 % pour son rattachement à la Russie. Pour assurer sa sécurité et son influence dans l’espace eurasiatique, celle-ci veut conserver la Crimée, conquise au XVIIIème siècle et dont le port militaire de Sébastopol héberge sa flotte de la mer Noire. Elle entend arrêter l’expansion géopolitique et idéologique de l’Occident, amorcée par l’intégration à l’UE et à l’OTAN des anciens Etats satellites de l’URSS, malgré les promesses faites à Moscou peu avant la chute de l’empire soviétique (1991). La campagne militaire occidentale du Kosovo (1998-1999) contribue à l’affaiblissement de la nouvelle Russie. En 2008, celle-ci réagit militairement contre la Géorgie (destruction de 90 % de sa flotte), jugée trop proche des Etats-Unis et de l’UE. Son multiculturalisme (18 millions de musulmans russes), facilite son action diplomatique au Moyen-Orient. Devant la menace terroriste d’Al Qaïda et pour maintenir l’unité fédérale, la Russie soutient les classes politiques ralliées en Tchétchénie et au Daghestan. En 2015, elle intervient en Syrie contre Daech, qui compte 7.000 combattants venus des ex-Républiques soviétiques et dont beaucoup ont été formés en Afghanistan et au Pakistan. Elle se rapproche de la Turquie après la tentative de putsch (2016), vraisemblablement soutenue par la CIA, et le risque, pour Ankara, de voir les Kurdes disposer d’un sanctuaire militarisé en Syrie. Cela se concrétise par la construction du gazoduc Turkish Stream, pour alimenter l’UE, et la commande de missiles anti-aériens S400 russes par la Turquie…membre de l’OTAN. Enfin, la Russie augmente son budget militaire de 4 % par an depuis 2011, notamment pour remplacer ses missiles balistiques stratégiques en 2022 et reconstruire sa Marine.
Loïc Salmon
« Géopolitique de la Russie », ouvrage collectif. Editions SPM, 384 p. 33 €.
Chine et Russie : affirmations de puissance et difficultés internes
Proche-Orient : retour en force de la Russie dans la région
Cyber : instrument de la puissance russe en Baltique