Les opérations « spéciales » emploient un minimum de moyens et visent un maximum de résultats dans un but stratégique. Elles sont réalisées par des forces dites « spéciales », dont l’action, sur décision politique, doit être fulgurante et facilement réversible.
Ce domaine a fait l’objet d’un rapport d’information de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat et d’un document du cercle « Prospective Terre », publié par le GICAT (groupement des industries d’armements terrestres), tous deux rendus publics en mai 2014.
Concepts. Le glossaire de l’OTAN, sur lequel s’appuie le rapport sénatorial, distingue divers types d’opérations militaires, visibles ou secrètes, et menées par des acteurs spécifiques. Une opération classique, préparée, planifiée et conduite sans dissimulation par des troupes conventionnelles, constitue le socle de toute campagne militaire importante et cherche un effet tactique sur le déroulement d’une bataille. Une opération « commando », menée par des unités d’élite sans discrétion, vise à neutraliser un point décisif lors d’une bataille. Une opération discrète, conduite par tous types de forces, n’est pas dissimulée, mais ne fait l’objet d’aucune communication par l’État commanditaire. Elle devient secrète quand l’accent est mis sur sa dissimulation. Une opération spéciale, destinée à influer de façon décisive sur la suite du conflit et menée par des forces non conventionnelles, peut être revendiquée par l’autorité politique, comme l’action américaine « Trident de Neptune » pour neutraliser Oussama Ben Laden. Une opération « clandestine » se différencie de la précédente par l’absence de preuve de son lien avec l’État commanditaire : l’identité de l’exécutant doit être dissimulée ou permettre un déni possible. Enfin, une opération « numérique », entreprise contre les infrastructures vitales d’un pays, s’apparente aux opérations spéciales et clandestines, avec lesquelles elle pourrait se combiner. Elle frappe « au cœur » de l’adversaire et démultiplie les effets obtenus par rapport aux moyens employés et sans identification de l’origine, par des actes de sabotage, déstabilisation, malveillance, manipulation ou d’espionnage : Estonie, 2007 ; Géorgie, 2008 ; Iran, 2010 ; affaire Wikileaks, 2010 ; ONU, Inde, Canada, États-Unis, Corée du Sud, Comité olympique international et 72 entités, 2006-2010 ; France, 2011 ; Arabie saoudite et Qatar, 2012.
Organisations et missions. En incluant le soutien et les troupes d’élite, les forces spéciales américaines (USSOCOM) se montent à environ 60.000 personnels, qui devraient passer à 69.700. Elles se répartissent entre les armées de Terre et de l’Air, la Marine et le Corps des Marines avec un commandement interarmées. L’agence de renseignement CIA dispose de ses propres forces spéciales (environ 1.000 personnels) pour ses activités clandestines. Suite à la réforme de 2013, les forces spéciales britanniques (UKSF) devraient passer de 3.500 personnels à 1.750. Utilisables indifféremment pour les opérations spéciales ou clandestines, elles viennent des trois armées et peuvent recourir aux unités commandos SAS (1.000 hommes) d’active et de réserve. En France, le Commandement des opérations spéciales (COS) est interarmées et placé directement sous les ordres du chef d’État-major des armées. Il ne s’occupe pas des opérations clandestines, menées sous une fausse identité par les agents du service action de la Direction générale de la sécurité extérieure. L’armée de Terre met à sa disposition : le 13ème Régiment de dragons parachutistes, pour l’acquisition du renseignement (photo) ; le 1er Régiment parachutiste d’infanterie de marine, pour action dans la profondeur, entrée en premier sur un théâtre, infiltration, raid de neutralisation, combat en zone urbaine et opération d’influence ; le 4ème Régiment d’hélicoptères des forces spéciales, pour aérocombat, infiltration et exfiltration des équipes de commandos, surtout de nuit. Tous dépendent de la Brigade des forces spéciales terre, chargée de leur organisation, équipement et mise en condition opérationnelle. La Marine compte 5 unités de forces spéciales, appelées « commandos » et portant un nom comme les bâtiments de combat. Chaque commando compte 3 groupes répondant au socle commun des forces spéciales et 1 correspondant à sa dominante particulière : assaut de navires pour Jaubert et Trépel ; reconnaissance maritime et côtière pour Penfentenyo ; appui et neutralisation d’objectifs pour Monfort ; guerre électronique pour Kieffer ; action sous-marine pour Hubert. L’armée de l’Air met 2 unités à la disposition du COS : le Commando parachutiste de l’air N°10 pour mise en œuvre de zones aéroportuaires et guidage d’aéronefs dans la profondeur ; l’escadron de transport 03/61 « Poitou » pour infiltration, aérolargage et poser d’assaut, surtout de nuit.
Suremploi et limites. Le rapport sénatorial note le suremploi des forces spéciales depuis 2006, en raison de leur adaptation aux formes d’engagement d’aujourd’hui, et l’usure des hommes : sur 3.000 personnels, plus de 600 se trouvent en permanence en opérations ! Dans le bulletin du « Cercle Prospective terre », le général de division (2S) Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre et professeur associé à l’Institut d’études politiques de Paris et à HEC, souligne la nécessité et la spécificité des forces spéciales. Leur emploi s’apparente à de la projection de puissance plutôt que de forces et ne peut produire d’effet politique, finalité de toute action militaire. Mais le recours aux forces spéciales présente certains avantages : contrôle politico-militaire étroit pour limiter les dérives ; exposition médiatique faible et modulable ; interventions très en amont, tout en préservant la liberté d’action politique du pays hôte et de celui qui intervient ; désengagement aisé et discret. En revanche, estime le général, les forces spéciales ne peuvent contrôler l’espace aérien, maritime ou terrestre, ni durer sur zone en assurant leur propre protection, ni interdire une invasion territoriale face à des troupes nombreuses. Ces missions resteront du ressort des forces conventionnelles, également vivier du recrutement des forces spéciales.
Loïc Salmon
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Fin 2013, les forces spéciales françaises comptent un peu plus de 3.000 personnels d’active des armées de Terre et de l’Air et de la Marine, auxquels s’ajoutent 400 réservistes. Son parc aérien inclut : 2 avions de transport tactique Hercules C130 ; 3 avions de transport tactique Transall C160 ; 2 avions Twin Otter DCH6, équipés de roues, skis ou flotteurs ; 41 hélicoptères de l’Aviation légère de l’armée de terre ; 2 hélicoptères de l’armée de l’Air. La loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit d’accroître les effectifs d’environ 1.000 personnels. Parmi leurs équipements futurs, figurent le programme « Melchior » de transmissions sécurisées et la livraison des premiers véhicules adaptés aux opérations spéciales (programme d’ensemble VLFS/PLFS). L’ensemble de la flotte d’hélicoptères Caracal des armées sera regroupé sur un seul site, sous l’autorité du Commandement des opérations spéciales.