Exposition « Indochine, des territoires et des hommes, 1856-1956 » aux Invalides

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A l’occasion de l’Année France-Viêt Nam  (2013-2014), une exposition du musée de l’Armée met en scène un siècle d’histoires croisées de la France, du Cambodge, du Laos et du Viêt Nam avec le double processus de colonisation et de décolonisation.

Lors de sa présentation à la presse le 26 septembre 2013, le directeur du musée de l’Armée, le général de division (2S) Christian Baptiste, en a souligné la finalité : permettre de parler de l’ancien ennemi sans vision unique de l’Histoire. « Le musée de l’Armée, dit-il, n’est ni un avocat ni un procureur, il projette un regard scientifique sur les faits et leurs enchaînements pour comprendre l’Histoire ».

De la conquête à la « pacification ». Située au carrefour de l’Inde et de la Chine, la péninsule, qui tire son nom de ces deux pays, intéresse les puissances européennes dès le XVème siècle. Le pape y envoie des missionnaires et le Portugal, la Hollande et la Grande-Bretagne y établissent des relations commerciales. De son côté, la France cherche des points de ravitaillement pour les navires de la Compagnie des Indes orientales, fondée en 1664. Des officiers français vont moderniser la Marine vietnamienne et édifier des citadelles style Vauban. À l’époque, les royaumes « indianisés » du Cambodge et du Laos sont dominés par le Siam (Thaïlande) et le Viêt Nam se trouve dans l’orbite de la culture politique chinoise. Ces pays sont peuplés de diverses ethnies, qui entretiennent entre elles des relations tendues. Pendant la première guerre de l’opium (1839-1842) entre la Grande-Bretagne et l’Empire chinois, la France intensifie sa présence maritime en mer de Chine. En fait, la conquête de la péninsule indochinoise résulte de la rivalité franco-britannique dans la région, des intérêts économiques liés au marché chinois et des persécutions des chrétiens par l’empereur du Viêt Nam, Tu Duc. Entre 1856 et 1867, la Marine française conquiert la province méridionale de Cochinchine, étend son influence sur le Cambodge et contrôle le bassin inférieur du Mékong. La corvette Catinat, qui donnera son nom à la principale rue de Saigon, arrive dans la baie de Tourane. Après l’échec des négociations diplomatiques avec les mandarins, elle bombarde les forts de la ville de Tourane (aujourd’hui Da Nang). Le corps expéditionnaire français passe de 2.000 hommes en 1858 à 6.000 en 1862 et se renforce par la levée d’unités indigènes composées de catholiques des environs de Saigon. De 1873 à 1897, la  IIIème République poursuit l’action de Napoléon III et envoie un corps expéditionnaire conquérir l’Annam (Centre de la péninsule) et le Tonkin (Nord), à la suite des pressions des milieux d’affaires (le « Parti Colonial ») et au nom de la grandeur et de la « mission civilisatrice » de la France. Mais, la pénétration française se heurte à la résistance militaire du Viêt Nam, aidée par des bandes chinoises dont celle des « pavillons noirs », et à l’intervention  de la Chine elle-même. Dès 1887, « l’Union indochinoise » regroupe la colonie de Cochinchine et les protectorats du Cambodge, de l’Annam et du Tonkin. Un 4ème protectorat, le Laos, la rejoint en 1893. Dès le début, les militaires érudits étudient les populations et les civilisations et cartographient les terres et les fleuves. Les officiers de santé luttent contre les pandémies. Ces « savoirs coloniaux » permettront de contrôler et d’administrer toute l’Indochine. Cela ne se fera pas sans mal, en raison de révoltes rurales et du soulèvement des élites mandarinales après la perte de souveraineté de l’empereur du Viêt Nam. La « pacification », presqu’achevée en 1897, ne devient définitive qu’après la première guerre mondiale. Toutefois, dès la fin du  XIXème siècle, la construction d’un réseau ferré, de routes et d’infrastructures, l’extension des surfaces cultivées, l’exploitation des ressources minières et l’implantation d’industries transforment la colonie indochinoise en « perle de l’Empire ». En 1910, quelque 20.000 Français y vivent, dont 75 %  dans les villes de Saigon, Cholon et Hanoï. Après le premier conflit mondial, les élites mandarinales ruinées sont remplacées par une bourgeoisie de commerçants et propriétaires fonciers vietnamiens et chinois et une nouvelle « intelligentsia » formée en France et dans les écoles de l’Union indochinoise. Cette élite intellectuelle choisit le nationalisme radical puis le communisme naissant, qui s’appuie sur le mécontentement des paysans et le malaise des ouvriers après la crise économique de 1929.

De la guérilla à la guerre conventionnelle. Après l’invasion de la Chine en 1937, le Japon instaure une politique de collaboration avec le représentant du gouvernement de Vichy en 1940. Pourtant, le 9 mars 1945, il prend le contrôle de l’Indochine par un coup de force surprise… cinq mois avant sa capitulation. Dès 1941, le parti communiste vietnamien crée l’organisation politique et paramilitaire « Viêt Minh » pour obtenir l’indépendance de la péninsule. Deux ans plus tard, afin de rétablir l’autorité de la France dans l’Indochine occupée par les troupes japonaises, le Comité français de libération nationale, installé à Alger, crée le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO). Commandé par le général Leclerc, il y débarque en 1945 et reprend le contrôle de la Cochinchine, du Cambodge et du Laos. La même année, le Viêt Minh a repris les points stratégiques du Tonkin sous contrôle chinois et, le 2 septembre à Hanoï, Ho Chi Minh proclame la « République démocratique du Viêt Nam ». Le 6 mars 1946, les accords « Ho Chi Minh-Sainteny » entérinent le retour des troupes françaises au Tonkin et reconnaissent « l’Etat libre » du Viêt Nam  au sein de l’Union française. Toutefois, les incidents se multiplient et une insurrection éclate à Hanoï le 19 décembre. La « guerre d’Indochine » dure jusqu’à la chute du camp retranché de Dien Bien Phu le 7 mai 1954. Suite aux accords de cessez-le-feu à Genève (juillet 1954), le CEFEO rentre en France en avril 1956.  Entre 1943 et 1954, il aura perdu environ 100.000 hommes, dont plus de 20.000 métropolitains, 11.000 légionnaires, 15.000 Africains et Maghrébins et 4 .000 Indochinois.

Loïc Salmon

INDOCHINE, des territoires et des hommes, 1856-1956

Angkor, naissance d’un mythe

L’exposition intitulée « Indochine, des territoires et des hommes, 1856-1956 » se tient du 16 octobre 2013 au 26 janvier 2014 au musée de l’Armée aux Invalides à Paris. Quelque 350 objets, armes, costumes, uniformes, peintures, photographies, affiches, films et documents proviennent d’archives de particuliers et de diverses institutions, dont l’INA, l’ECPAD, les Archives françaises du film (CNC), les Archives nationales d’outre-mer, le Service historique de la défense, la Bibliothèque nationale de France, le ministère des Affaires étrangères et le musée du quai Branly. Parallèlement, l’Indochine fait l’objet de deux autres expositions : « Angkor, la naissance d’un mythe » au musée Guimet à Paris (16 octobre 2013 – 13 janvier 2014) ; « Indochine 1920-1950 Voyages d’artistes » au musée des Années Trente à Boulogne-Billancourt (23 octobre 2013-16 février 2014). Renseignements : www.musee-armee.fr; www.guimet.fr; www.boulognebillancourt.com.

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