Capables de mener des opérations ciblées, discrètes mais non clandestines, les 4.500 hommes et femmes des 16 unités spéciales, issues des composantes Terre, Air, Mer et Service de santé, agissent en tout temps, tout lieu et dans tous les milieux.
Ces opérations, déclenchées sur ordre des plus hautes autorités politiques et militaires, sont planifiées et conduites par l’état-major du Commandement des opérations spéciales (COS), pour atteindre des objectifs d’intérêt stratégique. Les forces spéciales s’adaptent à l’évolution des conflits et aux méthodes et techniques de l’adversaire. Débriefings et retours d’expérience aux niveaux des unités et des équipiers incitent à une remise en question permanente, vitale pour conserver l’ascendant en opération.
Modes d’action et techniques. Les forces spéciales doivent pouvoir intervenir en quelques heures avec des moyens de déplacement spécifiques. Ainsi, l’hélicoptère Caracal peut transporter une vingtaine de commandos, évacuer des blessés ou apporter un appui feu avec une mitrailleuse ou un canon de 20 mm. Ravitaillable en vol par l’avion de transport tactique C-130 Hercules américain ou bientôt l’avion polyvalent A400M européen, il peut recevoir en 7 minutes suffisamment de carburant pour voler 3 à 4 heures supplémentaires. S’il ne peut pas se poser, les commandos en sortent le long d’une corde lisse d’une vingtaine de mètres. Leur récupération se fait par grappe, où chacun s’accroche avec des mousquetons sur une corde spécifique, ou par nacelle. Un hélicoptère Tigre, armé d’un canon de 30 mm, de roquettes, de missiles air-air et de missiles antichars, escorte les hélicoptères de manœuvre et appuie les commandos lors de leur mise en place et pendant les combats au sol. Par ailleurs, un chuteur opérationnel (photo) effectue, sous oxygène, des sauts en parachute à ouverture entre 4.000 et 8.000 m d’altitude, afin de réaliser une infiltration de plusieurs dizaines de km sous voile en profitant des vents pour atterrir derrière le lignes adverses. Il est équipé d’appareils de navigation (compas boule et GPS) et d’un altimètre de poignet. En mer, les commandos, équipés de tenue néoprène, masque, tuba et palmes, effectuent des sauts à ouverture automatique avec un matériel contenu dans une gaine étanche. La moto tout terrain améliorée, utilisée dans le cadre de l’opération « Barkhane » au Sahel, permet des patrouilles en milieu désertique. Le « buggy » (jeep d’aujourd’hui), tout terrain, aérotransportable et aérolargable, transporte 680 kg (3 personnels et charge) jusqu’à 100 km/h. Projetable par tous les moyens de transport terrestres, aériens, maritimes ou sous-marins, le propulseur sous-marin, option silencieuse mise en œuvre par deux nageurs de combat, franchit de longues distances ou emporte de grandes quantités d’explosifs ou du matériel vers ou hors d’une zone sensible. Le drone Reaper (480 km/h), armé de bombes à guidage GPS et de missiles air-sol, est utilisé dans la lutte contre les groupes armés terroristes. Un blessé est pris en charge dans une antenne spécialisée proche de la zone de combat.
Dispositif interarmées. Renseignement, systèmes d’information et de commandement, logistique, soutien santé, appui et dimension aérienne font partie de la planification d’une opération spéciale. La première phase porte sur la recherche des informations, l’analyse et l’élaboration du renseignement. La deuxième phase concerne l’appréciation de la situation à partir des renseignements obtenus et selon les moyens disponibles, afin d’élaborer un plan soumis pour validation au général commandant des opérations spéciales. Après son accord, l’opération est déclenchée et suivie à partir du poste de commandement, les décisions relevant alors du chef de la « Task Force » (force opérationnelle mobilisée). Dans l’exposition aux Invalides, une vidéo présente un cas d’école. Un soir, dans une ville fictive dénommée Baloa, une dizaine de terroristes s’infiltrent dans un hôtel et prennent en otage l’ambassadeur français, sa famille et sa garde rapprochée. Ils exigent une rançon et la libération de terroristes sous 72 heures. A quelques mètres de là, d’autres terroristes s’emparent d’un bâtiment administratif. Un drone est alors envoyé sur place pour collecter du renseignement. Des équipiers du 13ème Régiment de dragons parachutistes sont largués sur les abords de Baloa, afin de poursuivre la phase de renseignement. Dès la mise en alerte, la Task Force s’apprête à déployer un dispositif adapté à la libération des otages et du bâtiment administratif. Le président de la République donne son feu vert pour l’assaut et l’opération spéciale. A bord d’un zodiac, des commandos Marine quittent une frégate, qui croise au large de Baloa. Au même moment à quelques kilomètres de là, un avion de transport tactique a effectué un poser d’assaut. Deux groupes action embarquent sur des véhicules armés pour rejoindre le bâtiment administratif. Un hélicoptère Tigre et deux hélicoptères Caracal complètent le dispositif. Les commandos se rapprochent de l’hôtel. Ils lancent l’assaut, neutralisent les terroristes et libèrent les otages. D’autres commandos, descendus des Caracal près du bâtiment administratif, neutralisent les terroristes et libèrent le bâtiment. Enfin, les autorités militaires, puis politiques, sont informées de la réussite de l’opération.
Longue histoire. En 1245 avant J.-C., Gédéon choisit 300 soldats israélites pour lancer une attaque surprise contre le camp des Madianites, pris de panique. Dans l’Odyssée, Ulysse fait construire un grand cheval de bois, offert à la cité de Troie assiégée depuis dix ans. Pendant la nuit, les soldats qui y sont cachés ouvrent les portes de la ville à l’armée grecque, qui l’envahit. En 217 avant J.-C., le général carthaginois Hannibal fait accrocher des torches enflammées sur 2.000 bœufs, qui partent dans une direction opposée à ses troupes, créant une diversion face à l’armée romaine. En 1350, pendant la guerre de Cent-Ans, déguisés en bûcherons et portant leurs armes dissimulées dans des fagots de bois, Bertrand du Guesclin et 30 hommes reprennent le château de Grand-Fougeray aux mains des partisans des Anglais. Au XVème siècle pendant les guerres civiles au Japon, les guerriers « ninjas », déguisés en paysans, prêtres ou moines, se spécialisent dans l’espionnage, le sabotage et l’assassinat. Pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763) pour la suprématie en Amérique du Nord, Grande-Bretagne et France emploient des trappeurs habitués au combat en forêt. Les fantassins « Rangers » se spécialisent dans les missions de reconnaissance et les opérations contre des cibles éloignées. En 1804, sur ordre du Premier consul Napoléon Bonaparte, 300 soldats franchissent le Rhin et enlèvent le duc d’Enghien à Ettenheim. Pendant la guerre des Boers (1899-1902) en Afrique du Sud, les « Kommandos » boers, unités à cheval, harcèlent les troupes britanniques. Pendant la première guerre mondiale, les unités d’élite allemandes « Sturmtruppen » créent des brèches dans les lignes ennemies pour faciliter l’assaut des troupes classiques. En 1916, l’agent britannique Laurence d’Arabie se comporte et vit comme les Bédouins pour mener la révolte arabe contre les Turcs. En 1941 en Égypte, l’officier écossais David Stirling crée le « Special Air Service » pour harceler, sur des Jeep armées, les arrières de l’ennemi. Dissoutes en 1945, les forces spéciales sont reconstituées lors de guerres de décolonisation puis des opérations extérieures. Le COS a perdu 28 hommes en mission depuis sa création en 1992.
Loïc Salmon
L’exposition « Forces spéciales » (12 octobre 2022-29 janvier 2023), organisée par le musée de l’Armée, se tient aux Invalides à Paris à l’occasion du 30ème anniversaire du Commandement des opérations spéciales. Elle présente des équipements, matériels, armements, archives, photographies et témoignages ainsi que des extraits de films, qui ont contribué à fixer l’image des forces spéciales dans le grand public. Visites guidées, conférences et concerts sont prévus. Renseignements : www.musee-armee.fr
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