Dictionnaire renseigné de l’espionnage

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L’espionnage inspire fiction et « coups tordus », tandis que le renseignement constitue une activité officielle, indispensable à la sécurité de la nation.

Autrefois, les espions, traîtres ou héros selon les cas, une fois démasqués, étaient punis de mort. Aujourd’hui, ce crime, imprescriptible, conduit encore à l’exécution, sous les régimes totalitaires, ou à l’emprisonnement, dans les nations démocratiques. Sur un mur blanc du siège de la CIA à Washington, plus de 130 croix représentent ses morts en service commandé. Toutefois, l’échange d’agents fait aussi partie de la guerre secrète. La « taupe », à savoir un membre d’un service de renseignement (SR) recruté par un SR étranger pour lui fournir des informations cruciales, cause toujours une perte de confiance en interne mais aussi à l’extérieur. Le cloisonnement, garantie du secret, se répercute au niveau administratif par le « besoin d’en connaître ». Il permet de limiter les dégâts causés par une taupe ou…par imprudence ! Sur le plan technique, la « cryptanalyse », qui consiste à déchiffrer les codes secrets de l’adversaire, mobilise 11.500 personnes, dont des mathématiciens et des linguistes des prestigieuses universités d’Oxford et de Cambridge, sur divers sites en Angleterre en 1943. Dans l’un d’eux, Bentley Park, converti aujourd’hui en musée, ont été « cassés » les codes « Enigma » des Wehrmacht, Luftwaffe et Kriegsmarine allemandes. Dès les années 1940, le programme américano-britannique « Venona » a permis aux Alliés de déchiffrer les messages des SR soviétiques et d’évaluer ensuite l’ampleur de leur pénétration en Occident. Il a servi à démasquer les physiciens nucléaires ayant transmis des informations sur la bombe américaine et quelques taupes britanniques. L’une d’elles, Kim Philby (1912-1988), qui a envoyé à la mort, sans le moindre remord, de nombreux agents infiltrés en URSS, a été honoré par la ville de Moscou, qui a renommé une place à son nom…en 2018 ! L’agent double britannique George Blake (né en 1922, réfugié en Russie), découvert grâce à un « défecteur » polonais, a cru naïvement que les Soviétiques tiendraient leurs promesses de ne pas exécuter les agents dont il avait donné les noms. De son côté, la CIA a dû demander l’aide du FBI (renseignement intérieur) pour démasquer la taupe en son sein, en l’occurrence Aldrich Ames (né en 1941, emprisonné à vie), arrêté en 1994. Outre la vente pendant dix ans d’informations confidentielles au KGB soviétique, il a compromis une centaine d’opérations de la CIA et du MI6 (SR britannique) et contribué à l’exécution d’une dizaine de militaires et agents russes, travaillant pour les pays de l’Ouest, et à l’emprisonnement de beaucoup d’autres. Alors que l’argent motive surtout en Occident, la perte de foi dans le régime de l’URSS, même si elle cachait parfois des entraves à la carrière ou des déboires domestiques, a souvent été évoquée pour expliquer la défection de membres de haut niveau de ses SR. Par ailleurs, dans un livre, un ex-directeur de la CIA conseille à ses successeurs « d’être circonspects lorsqu’ils présentent aux décideurs des renseignements liés à leurs objectifs politiques ». Enfin, le mythe de « l’espionne fatale », incarnée par la Néerlandaise Mata Hari (1876-1917) jugée « nulle » par les SR allemands mais fusillée pour l’exemple, perdure avec la Russe Anna Chapman (née Kouchtchenko en 1982), échangée une dizaine de jours après son arrestation à New York en 2010.

Loïc Salmon

« Dictionnaire renseigné de l’espionnage », Michel Guérin. Mareuil Éditions, 272 pages. 19 €

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