De leur rencontre en 1940 à leurs héritages, de leur « mésentente cordiale » à leur admiration réciproque, le catalogue de l’exposition « Churchill-De Gaulle » retrace le parcours de ces personnages historiques.
Leur heure de gloire sonne le 9 juin 1940, quand Winston Churchill (65 ans), qualifié dans ses mémoires de « romantique » par Charles De Gaulle (49 ans), rencontre celui qu’il appellera plus tard « l’Homme du Destin ». Dans son enfance, Winston souffre du manque d’affection de ses parents. Son père, grand aristocrate, ne pense qu’à sa carrière politique, et sa mère, riche héritière américaine, est accaparée par ses amants. Charles naît dans une famille bourgeoise de Lille. Son père, professeur, lui fait découvrir l’Histoire et sa mère voue à la patrie une passion égale à sa piété religieuse. Élève exemplaire, Charles se transforme en intellectuel doté d’une solide formation classique, alors que Winston, « cancre » aux lectures éclectiques et hétéroclites, devient un autodidacte brillant. Nantis d’une mémoire phénoménale, tous deux partagent la même passion pour le métier des armes et l’histoire militaire de leurs pays respectifs et entament une carrière militaire. Pour Churchill, ce ne sera qu’un tremplin pour réussir très jeune en politique, où De Gaulle, soldat par vocation, n’entrera que par défaut et sur le tard. Ce dernier portera des jugements mitigés sur Napoléon, que le premier admirera profondément toute sa vie. Leur formation initiale d’officier les prépare à servir l’État avec passion. La première guerre mondiale est leur première expérience commune. Premier Lord de l’Amirauté dès 1911, Churchill a modernisé la flotte, amélioré les conditions de vie des marins et créé une aviation navale, mais porte, en 1915, la responsabilité de l’échec de l’expédition des Dardanelles. Il rejoint alors le front en Flandre, de novembre 1915 à mai 1916. Le lieutenant De Gaulle, trois fois blessé et fait prisonnier en 1916, ne sera libéré que le 11 novembre 1918. Une vingtaine d’années plus tard, l’accès aux responsabilités suprêmes les transforme en chefs de guerre, où le pouvoir civil décide en dernier ressort en matière militaire. Tout en reconnaissant en De Gaulle « la France en lutte », le gouvernement britannique maintient des contacts avec celui de Vichy en 1940 et 1941. La méfiance entre le général et le Premier ministre s’installe après l’échec du débarquement à Dakar en 1940 et les conquêtes, réalisées uniquement sous commandement britannique, de la Syrie (sous tutelle française) en 1941 et de Madagascar (colonie française) en 1942. Elle sera exacerbée après l’entrée en guerre des États-Unis en 1941, dont le président, Franklin Roosevelt, ignore De Gaulle. Comme pour le débarquement en Afrique du Nord en 1942, Roosevelt refuse de l’associer aux préparatifs de celui du 6 juin 1944 en Normandie. Toutefois, l’accueil enthousiaste des Français réservé au général le 14 juin incite Roosevelt à reconnaître le chef du gouvernement provisoire de la République française en octobre. Le 11 novembre suivant, Churchill et De Gaulle descendent ensemble les Champs-Élysées (photo) et s’inclinent devant la statue de Clemenceau, la tombe du maréchal Foch et le tombeau de Napoléon. A son retour au pouvoir en 1958, De Gaulle exprimera sa reconnaissance à Churchill en lui décernant la croix de la Libération. Ce dernier aurait déclaré un jour que la croix de Lorraine…aurait été « la plus lourde » des croix qu’il ait eu à porter !
Loïc Salmon
Exposition « Churchill-De Gaulle » aux Invalides
« CHURCHILL DE GAULLE », ouvrage collectif de 35 auteurs. Fondation Charles De Gaulle, Musée de l’Armée et Éditions de La Martinière, 288 pages, 28 €