Défense : se réapproprier la question militaire

Sans aller jusqu’à une remilitarisation de la société, qui n’est ni souhaitable ni faisable, il s’agit d’inventer des outils pour retisser le lien entre la nation et son armée et susciter l’intérêt pour les questions de défense et de sécurité.

Telle est l’opinion que le Premier ministre, Edouard Philippe, a exprimée, le 18 octobre 2019 à Paris, devant les sessions nationales de l’Institut de hautes études de défense nationale et de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice.

Retour de la menace. La décision, prise en 1997 et effective en 2002, de suspendre le service militaire obligatoire a permis aux armées de se transformer en profondeur, véritable atout pour la nation. Toutefois, elle a conduit à un éloignement de la culture militaire, par une méconnaissance de ce milieu, de son fonctionnement, de ses missions, de ses réflexes et de ses valeurs. Les jeunes hauts fonctionnaires, qui n’ont plus accès à l’expérience de l’armée de conscription et vont assurer le fonctionnement de l’Etat, passent à côté de la chose militaire. Or, les opérations extérieures se sont multipliées depuis vingt ans. Aujourd’hui, la menace est devenue permanente, hybride, diffuse et aveugle aux ramifications internes et externes et devant lesquelles une démocratie prospère peut et doit réagir, souligne le Premier ministre. Cette question politique, qui porte sur la cohésion sociale, doit être évoquée dans des débats publics et pensée dans le temps long. La nation prévoit d’abord un effort financier croissant pour les armées avec une augmentation de 1,7 Md€ en 2020, pour combler leur retard et s’adapter. Ensuite, les réserves opérationnelles et citoyennes au profit des armées et des forces de sécurité mettent en avant la richesse de l’engagement. Cette notion est réaffirmée dans le Service national universel, non militaire et en expérimentation chez des jeunes volontaires de 16 à 18 ans, car la République implique des droits et des devoirs, rappelle le Premier ministre. Il leur fait prendre conscience des enjeux de défense et de cohésion des citoyens face à la menace. Le rendre obligatoire nécessiterait un amendement de l’article 34 de la constitution française.

Idées, initiative et audace. Fanatisme religieux et terrorisme prospèrent sur fond d’ignorance, de pauvreté et de déscolarisation, rappelle le Premier ministre, qui préconise trois mesures immédiates pour défendre les valeurs républicaines de liberté, d’égalité, de laïcité et de fraternité. La première consiste à faire bloc derrière : les victimes des attentats terroristes et leurs proches ; les soldats qui risquent leur vie dans les opérations extérieures ou sur le territoire national ; les services de renseignement qui déjouent des projets d’attentats terroristes ; les responsables politiques face à des situations très graves. La deuxième porte sur la vigilance des pouvoirs publics dans l’exercice de leurs missions, des ministères et directions centrales jusqu’aux échelons les plus proches du terrain. Depuis l’attentat du 3 octobre 2019 à la Préfecture de police de Paris, une revue générale des services de renseignement est en cours pour détecter les signaux faibles de l’islamisme radical. La vigilance repose plus sur le civisme que sur la surveillance généralisée et implique une évolution culturelle, difficile et potentiellement risquée. La troisième mesure concerne le discernement dans l’exercice des compétences, au bon niveau, en matière de défense et de sécurité. Cela exige appréhension collective des risques et connaissance des contraintes de la vie en commun.

Loïc Salmon

IHEDN : vision présidentielle de la défense et de ses moyens

Sécurité : « Orphé », plongée au cœur des cellules de crise

SNU : succès du module « Défense et mémoire »

 




Etats-Unis : stratégie d’influence et politique étrangère

Pour conserver leur suprématie acquise militairement après la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis exercent leur influence par des méthodes, affichées ou discrètes et adaptées à l’évolution des moyens de communications.

Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 25 septembre 2019 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM). Y sont notamment intervenus Maud Quessard, chercheur à l’IRSEM et auteur de l’ouvrage « Stratégies d’influence et guerres de l’information » ; le professeur Serge Ricard, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle ; le professeur Pierre Mélandri, Institut d’études politiques de Paris ; le général (2S) Jérôme Pellistrandi, Revue Défense Nationale.

La « diplomatie publique ». La lutte idéologique contre l’URSS se déroule pendant trois présidences, selon une stratégie offensive de l’information. Dwight Eisenhower (1953-1961) passe de la guerre psychologique à la « diplomatie publique » avec un volet culturel, laquelle émerge…grâce à la formidable propagande soviétique ! Il crée à cet effet la United States Information Agency (USIA, 1953-1999) pour des campagnes de masse, vers les populations. Une exposition itinérante, destinée à vendre la « façon de vivre en Amérique », est présentée notamment en Roumanie. La radio officielle Voice of America, active depuis 1942 et sur laquelle le président s’exprime pour la première fois en 1957, s’adresse aux auditeurs au-delà du rideau de fer, en soutien des « radios libres » des pays satellites de l’URSS. L’effet s’en ressent en 1956, lorsque les insurgés hongrois brûlent la littérature russe, tandis que les chars soviétiques entrent à Budapest. En outre, les artistes américains se mettent au service du « capitalisme du peuple », pour ne pas laisser tout l’espace de la « haute culture » à l’URSS. De son côté, John Kennedy (1961-1963) cherche à séduire les masses et à convaincre les élites, face aux peurs du monde libre et à la défiance des pays alliés. Il fait appel au journaliste Edward Murrow, vedette de la radio pendant la seconde guerre mondiale, puis pionnier du journal télévisé. Diplomatie publique et sécurité nationale sont assurées par le comité « ExComm », qui se réunit à la Maison-Blanche à Washington pendant la crise des missiles nucléaires soviétiques à Cuba en 1962. En outre, le savoir-faire du cinéma hollywoodien contribue à la stratégie d’influence, face à l’offensive culturelle de l’URSS (ballets et expositions). Ensuite, la diplomatie publique diminue en intensité puis reprend avec Ronald Reagan (1981-1989). Ce dernier modernise l’appareil diplomatique au cours d’une guerre froide accrue et caractérisée par la désinformation et la course aux armements. La nouvelle diplomatie publique profite de la révolution des moyens de télécommunications (satellites et fibre optique) et de la mondialisation de l’information, pour diffuser à l’Est les idées de l’Ouest, à savoir libéralisation économique et liberté politique. Elle s’insinue dans les affaires intérieures de la Pologne (syndicat Solidarnosc) et triomphe avec la chute du mur de Berlin (1961-1989).

L’Europe ciblée. Dans le cadre de la doctrine de l’endiguement du communisme de l’Union soviétique, le président Harry Truman (1947-1953) crée la CIA et le Conseil national de sécurité, rappelle le professeur Ricard. Au coup d’état communiste en Tchécoslovaquie (1948), succèdent le blocus de Berlin par l’URSS (1948-1949) et l’instauration d’une république populaire en Chine (1949). La propagande culturelle américaine vise alors les élites européennes, pour contrer notamment l’influence des puissants partis communistes français et italien. La suprématie des Etats-Unis se trouve remise en cause sous Lyndon Johnson (1963-1969), pendant la guerre du Viêt Nam qui relègue l’Europe au second plan. Ses successeurs, Richard Nixon (1969-1974) et Gerald Ford, (1974-1977) mettent fin à la guerre par la diplomatie secrète. Toutefois, la diplomatie publique de l’USIA continue face aux agences de presse soviétiques Tass et Novosti. Selon Maud Quessard, le président Jimmy Carter (1977-1981) envisage la guerre froide et le conflit idéologique sur le temps long. Il s’intéresse surtout aux pays en développement, pour remplacer l’unilatéralisme des cultures par leur mutualisation. Mais pour Reagan, qui lui succède, l’Europe redevient l’enjeu central afin de contrer les mouvements anti-nucléaires soutenus par l’URSS, indique le professeur Mélandri. Outre la modernisation des moyens de Voice of America, le directeur de l’USIA, Charles Wick, multiplie par 6 les réseaux de télévision (câbles et satellites). Des téléconférences sont organisées auprès de groupes étrangers susceptibles de se faire l’écho de la politique américaine, qui vise la dislocation de l’URSS et non plus la coexistence avec elle. En répliques systématiques aux offensives psychologiques de l’URSS, la diplomatie publique porte sur la guerre des mots comme « l’Empire du mal ». Elle intègre celle des images avec un montage photographique pour démontrer que l’aviation soviétique a délibérément abattu l’avion de la Korean Airlines 007, qui s’était « égaré » dans son espace aérien en 1983. Puis, les Etats-Unis et l’URSS mettent fin en 1987 à la crise des euromissiles disposés à l’Est et à l’Ouest. A l’issue de la guerre froide en 1991, les Etats-Unis disposent d’une puissance incontestée, jusqu’aux attentats terroristes du 11 septembre 2001…sur leur propre territoire.

La « diplomatie numérique ». Pour retrouver leur influence et contrer toute menace, les Etats-Unis relancent alors la course aux armements, estime le général Pellistrandi. Selon lui, ils n’arrivent plus à définir un « ennemi » à intégrer dans un système stratégique. Le cas de la Chine s’avère compliqué, en raison des importantes relations commerciales bilatérales. Toutefois, leurs adversaires potentiels s’inspirent de leur exemple. La Chine met son porte-avions en images, comme dans le film américain Topgun (1986) qui a connu un succès planétaire. Pour sa propagande, Daech recourt au mode d’expression américain avec musique et effets spéciaux. La Corée du Nord utilise des outils fabriqués aux Etats-Unis. Pour conserver son avance, le Pentagone privilégie l’innovation et renforce ses relations avec les startups de la Silicon Valley et les géants de l’internet (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

Loïc Salmon

Selon Maud Quessard, la propagande vue des Etats-Unis, accompagne le fonctionnement démocratique, avec des dimensions politique et culturelle dans un contexte pluraliste. Dès ses débuts, elle a pour objectif de convaincre les personnalités politiques, les « dissidents » (contestataires du système politique de leur pays), les jeunes et les « leaders d’opinion » (experts ou célébrités susceptibles d’influencer le point de vue d’un grand nombre d’individus). Ainsi, le « Committee on Public Information » (1917-1919) a été établi pour soutenir l’effort de guerre pendant le premier conflit mondial, en utilisant l’héritage des crises et conflits ouverts. « L’Office of War Information » (1942-1945) a coordonné les nouvelles de la seconde guerre mondiale pour le public américain et engager une campagne de propagande à l’étranger. Cette dernière sera transférée au « Département d’Etat » (ministère des Affaires étrangères) en 1945.

OTAN : évolution, partenariat, élargissement et cyber

États-Unis : une politique ambiguë de défense et de sécurité

Chine : routes de la soie, un contexte stratégique global




OTAN : évolution, partenariat, élargissement et cyber

L’OTAN s’adapte aux transformations de l’espace stratégique, qui inclut aussi le cyber. La dynamique politique, commerciale, civile et militaire de ce dernier multiplie les moyens d’actions discrètes et indirectes, rendant difficile l’établir la responsabilité d’un Etat.

Ce domaine a fait l’objet d’un colloque organisé, le 16 septembre 2019 à Paris, par la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à l’occasion du 70ème anniversaire de l’OTAN. Y sont notamment intervenus : le général (2S) Michel Yakovleff, titulaire de différents postes à l’OTAN de 2009 à 2016 puis enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris ; Guillaume Lasconjarias, délégué défense au ministère de l’Education nationale ; Camille Morel, Université Lyon 3. En outre, la FRS a diffusé une note de recherche intitulée « Du cyber et de la guerre », écrite par son chercheur associé, le général (2S) Olivier Kempf.

Alliance militaire évolutive. L’OTAN consiste en exercices et partenariats qui produisent du dialogue et de la sécurité, mais a tendance à militariser la situation du monde, explique le général Yakovleff. Depuis 50 ans, elle développe ses capacités par des exercices, dont les normes constituent un label fort, au point que la Russie a réformé ses forces armées en conséquence. Les opérations entreprises par l’OTAN au Kosovo, en Afghanistan et en Irak depuis 1999 apparaissent comme des « accidents historiques ». L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord a en effet évolué au cours d’une succession de réformes. Créée face à l’URSS en 1949 par des pays occidentaux démocratiques, elle s’est réinventée dans le « Partenariat pour la paix », passant d’une alliance « contre » à une alliance « pour » agir ensemble. Fondée sur le consensus, l’OTAN n’est pas le « faux-nez » des Etats-Unis, qui fédèrent l’espace stratégique en profondeur dans le respect des opinions des autres, souligne le général. Même si les Etats-Unis représentent 25 % de la structure militaire de l’OTAN, une opération peut se faire sans eux, notamment par une coalition spécifique avec les structures existantes. La France le démontre au Sahel, sans pour autant conduire une opération « à l’américaine ». Peu pourvue en implantations et en fonctionnaires, l’OTAN constitue une véritable école de partage pour les milliers d’officiers des pays membres qui y sont affectés trois ans. Toutefois, elle se trouve fragilisée par l’un de ses membres, la Turquie, qui représente une menace existentielle plus grave que la résurgence de la Russie, avertit le général. Selon lui, la puissance militaire turque face à l’URSS d’autrefois a diminué, depuis que le régime actuel terrorise les élites militaires, a décapité l’armée de l’Air et a accumulé les erreurs tactiques en Syrie face à Daech, causant des pertes colossales malgré les moyens engagés.

Défense et sécurité. Après l’éclatement du Pacte de Varsovie (1991), l’OTAN s’est élargie pour se transformer en alliance de sécurité collective et assurer une légitimité maximale, indique Guillaume Lasconjarias. Elle a accueilli son 30ème membre, la Macédoine du Nord, en 2019 à l’issue d’un compromis sur son nom avec la Grèce. L’OTAN promeut les valeurs occidentales, dont l’état de droit, dans les forces armées des membres du « Partenariat pour la paix » (20 pays, pour la plupart neutres ou de l’ex-URSS), mais le dialogue avec la Russie a été interrompu après son annexion de la Crimée en 2014. L’OTAN entretient d’autres partenariats dans le monde : « Dialogue méditerranéen » (Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Mauritanie, Maroc et Tunisie) ; « lnitiative de coopération d’Istanbul » (Bahreïn, Qatar, Koweït et Emirats arabes unis) ; « Partners around the Globe » (Afghanistan, Australie, Colombie, Irak, Japon, Corée du Sud, Mongolie, Nouvelle-Zélande et Pakistan). S’y ajoutent ceux avec diverses organisations internationales : ONU ; Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ; Union européenne ; Union africaine ; Ligue arabe. La Géorgie et l’Ukraine ne peuvent encore la rejoindre, à cause de leurs conflits territoriaux en cours : Abkhazie et Ossétie du Sud pour la première et Crimée pour la seconde. Par ailleurs, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie veulent y adhérer, car la présence des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France, principaux pays membres, permettrait de créer une coalition spécifique en cas de conflit multinational dans leur environnement proche. En raison de ses engagements internationaux et de ses capacités expéditionnaires, l’OTAN se trouve sur deux fronts. Sa direction stratégique Est traite la Russie, les menaces hybrides, la pression économique et la dissuasion nucléaire. Sa direction stratégique Sud s’occupe du djihadisme, du terrorisme et des migrations. L’OTAN doit gérer les crises, assurer une défense collective et coopérer en matière de sécurité. Elle considère que si les Etats du Sud sont en sécurité, ceux du Nord le seront aussi.

Conflictualité nouvelle. Selon le général Kempf, la lutte générale dans le cyber mélange : les intérêts de puissance, réservés aux Etats ; les intérêts économiques des firmes multinationales et des mafias ; les intérêts politiques ou idéologiques (organisation non gouvernementales, djihadistes, Wikileaks, Anonymous et « cyberpatriotes ») ; les intérêts individuels (hackers). En outre, le cyber constitue un outil remarquable pour des actions hostiles, en-deçà du seuil de la guerre et en dehors d’actions militaires classiques : sanctions juridiques ; blocus économiques ; amendes ; guerre économique ; actions massives d’influence. La « cyberconflictualité » s’est développée en même temps que la mondialisation. Elle sape la concurrence par l’emploi souterrain et quotidien de l’espionnage, du sabotage et de la subversion. Aux Etats-Unis, sous prétexte de lutte-anti-terrorisme, la NSA espionne surtout les pays concurrents et collabore, dans une relation à double sens, avec les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). La Chine, pratique une stratégie d’espionnage économique par tous les moyens, y compris le cyber. Russie, Israël et Singapour entretiennent une symbiose étroite entre les services spécialisés et les jeunes passionnés d’informatique. A terme, conclut le général, cette nouvelle conflictualité va fusionner les guerres militaires, les oppositions géopolitiques et les concurrences économiques. Toutefois, elle n’a pas encore tué d’êtres humains.

Loïc Salmon

Selon Camille Morel, 350 câbles sous-marins acheminent 80 % des flux de données, publiques et privées, transitant sur internet. Les satellites ne jouent qu’un rôle complémentaire, notamment en Arctique et au Canada. Dès le XIXème siècle, ces réseaux de câbles font l’objet de menaces, surtout par l’espionnage. Depuis les années 1980, des Etats et des organisations non étatiques tentent de capter les informations en transit sur la fibre optique des câbles et peuvent, éventuellement, s’attaquer à leurs réseaux de gestion. L’OTAN a pris conscience de la vulnérabilité des câbles sous-marins et les considère comme des cibles militaires en temps de guerre. Elle a lancé une réflexion sur leur importance, le droit de la mer et la nécessité d’accroître la résilience dans ce domaine. De leur côté, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne réglementent l’exportation des matériaux et éléments les concernant.

OTAN : synergie pour traiter les symptômes et causes des crises

Cyber : nouvelle doctrine pour la lutte informatique

Cyber : prise de conscience du risque et perspectives (2030)




Irak : l’opération « Chammal », action, soutien et formation

Seule nation à avoir déployé une unité d’artillerie en Irak dans le cadre de l’opération « Chammal », la France y a acquis crédibilité et légitimité, lui permettant de peser sur les décisions de la coalition anti-Daech.

Ce constat a été expliqué à la presse, le 19 septembre 2019 à Paris, par un colonel du Centre de conduite et de planification des opérations. Lancée exactement cinq ans auparavant, l’opération « Chammal » représente le volet français de l’opération « Inherent Resolve » au sein d’une coalition de 79 pays et organisations. A la demande du gouvernement irakien et en coordination avec les alliés, « Chammal » mobilise environ 1.000 militaires, qui apportent un soutien par : l’appui des troupes locales au sol et la frappe des capacités militaires de Daech ; la formation des forces de sécurité, dont l’Iraqi Counter Terrorism Service (ICTS).

Situation précaire. Après sa défaite militaire, Daech est passé en mode insurrectionnel consistant en harcèlements, pose d’engins explosifs improvisés (IED en anglais), incendies de champs agricoles, attaques de postes isolés, caches d’armes et trafics. Ce terrorisme de bas niveau, actuellement contenu par les forces de sécurité irakiennes, peut resurgir, avertit le colonel. Il s’agit, pour « Chammal » d’obtenir de ces dernières une « autonomisation » réelle et de mettre les éléments de Daech à la portée des forces armées irakiennes sur le long terme. En outre, « Chammal » fournit un appui aérien aux forces armées partenaires pour le renseignement, le ciblage d’objectifs et les frappes éventuelles. A titre indicatif, les avions français ont effectué 18 sorties opérationnelles du 11 au 17 septembre 2019, à partir de bases en Jordanie et aux Emirats arabes unis. La France participe à tous les niveaux de commandement de la coalition, où les décisions se prennent par consensus. Tout en gardant sa liberté d’action, elle apporte son expertise en matière de lutte contre les IED, de sauvetage de combat et de coordination des frappes aériennes et des tirs de lance-roquettes et d’artillerie, pour l’éclairage du champ de bataille, la récupération des blessés, la « déception » (tromperie) et le « compartimentage » du terrorisme.

Montée en puissance de la sécurité. Afin d’élever le niveau d’expertise et de savoir-faire des forces armées irakiennes, des instructeurs français fournissent conseil et accompagnement du commandement tactique sur le terrain, sans participation aux combats, et forme des « formateurs » irakiens. La « Task Force » (TF, force d’intervention) « Air » forme des spécialistes de l’appui aérien avec des hélicoptères irakiens. La TF « Narvik » perfectionne les forces spéciales de l’ICTS dans la lutte contre le terrorisme. En mai 2019, elle a formé une vingtaine de stagiaires des forces spéciales irakiennes à la collecte du renseignement d’origine humaine : procédures d’infiltration et d’exfiltration, prises d’images de jour et de nuit et analyse des données récoltées sur le terrain pour fournir du renseignement tactique au commandement. De son côté, la TF « Monsabert» (100 personnels) développe l’autonomie de la 6ème Division d’infanterie irakienne, chargée de la sécurisation de la capitale Bagdad. Selon un colonel qui l’a commandée, une centaine d’actions différentes de conseil et d’assistance se sont déroulées suivant le cycle « programmation de l’activité, mise en pratique sur le terrain, retour d’expérience et ajustement ». Enfin, la TF « Monsabert », aide l’Ecole d’artillerie irakienne en matière de formation et d’élaboration d’une doctrine.

Loïc Salmon

Terrorisme : Daech, propagande habile et maîtrise technique

Irak : le volet « assistance » de l’opération « Chammal »




Terrorisme : mobilisation internationale publique et privée contre son financement

Pour lutter contre le financement du terrorisme, l’ONU enjoint les Etats à se doter de listes de gels d’avoirs et autorise des sanctions contre des organisations terroristes. Celles-ci reposent sur des spécificités locales mais profitent de facilités, voire de carences, au niveau international.

Cet aspect a été abordé au cours du Forum parlementaire sur la sécurité et le renseignement organisé, le 20 juin 2019 à Paris, par l’Assemblée nationale et le Sénat. Y sont notamment intervenus : Patrick Stevens, directeur du service de contre-terrorisme d’Interpol ; Emanuele Ottolenghi, Fondation pour la défense des démocraties ; Brahim Oumansour, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques ; Duncan Hoffman, directeur chez Chainalysis.

L’action d’Interpol. Les 194 pays membres d’Interpol travaillent sur le financement du terrorisme en établissant des liens entre les cibles et en fusionnant les renseignements sur les activités suspectes, indique Patrick Stevens. Pour les enquêtes conventionnelles, une plateforme permet de partager les informations avec les acteurs présents en Syrie, en Irak et au Mali. En cas d’attentat au Kenya ou au Sri Lanka, cela peut apporter une valeur ajoutée en approfondissant des enquêtes sur les réseaux sociaux. Des banques de données existent sur : les noms des personnes recherchées, dont 50.000 combattants étrangers en 2019 contre 8.000 en 2016 ; les bagages abandonnés ; les renseignements biométriques (8.000 en 2016). Interpol apporte son aide pour la constitution de bases biométriques en Syrie, en Irak et au Mali. La collecte de preuves sur le champ de bataille a permis des enquêtes, qui ont conduit à de nombreuses arrestations. Les banques de données vont inclure les noms de personnes incarcérées pour lien avec le terrorisme et qui restent radicalisées après leur sortie de prison. En matière de financement, Interpol émet des « notices » sur les bonnes pratiques, partagées avec le Groupe Egmond. Il existe une notice spéciale relative à la base de données de l’ONU sur les armes saisies par les armées et celles saisies sur des personnes qui voyagent. Enfin, les banques ont accès à 90.000 documents rédigés par Interpol

Les réseaux du Hezbollah. Le groupe islamiste chiite Hezbollah, considéré comme terroriste notamment par les Etats-Unis et l’Union européenne, a combattu contre l’Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak et intervient contre Israël, à partir du Liban, et au Yémen. En Amérique latine, il s’appuie sur l’importante diaspora libanaise chiite pour établir des réseaux de trafics de drogue, d’êtres humains, d’armes et de diamants, explique Emanuele Ottolenghi. Pour se constituer une façade légitime, il y investit dans les mosquées, écoles, centres culturels et associations caritatives. Grâce à ses réseaux de sympathisants, il a conclu des alliances avec les autorités et mouvements politiques locaux. Ses représentants permanents coordonnent les circuits commerciaux, exigent des contributions, recourent à l’extorsion de fonds envers les récalcitrants et assurent les transferts financiers. La plus grande communauté libanaise d’Amérique du Sud se trouve dans la « zone des trois frontières » entre le Paraguay, le Brésil et l’Argentine. Ces trois pays ne considèrent pas le Hezbollah comme une organisation terroriste et seul le Brésil dispose d’une législation contre le financement du terrorisme. Cette zone, traversée par 100.000 personnes/jour et 40.000 véhicules/semaine, est desservie par trois aéroports internationaux et reliée par routes aux principaux ports régionaux et à l’hinterland industriel. Trois juridictions, diverses langues (anglais, espagnol, chinois et persan), plusieurs monnaies (dont le dollar et l’euro) et peu de contrôle aux frontières facilitent la contrebande. Les transactions financières illicites ont atteint 18 Mds$ en 2017, grâce à la zone franche de Ciudad Del Este, la troisième du monde pour le commerce de détail après Hong Kong et Miami. Des entreprises locales, liées au Hezbollah, achètent des produits bon marché en Chine et Hong Kong, par l’intermédiaire de sociétés américaines installées à Miami qui les transportent par avions cargos directement à Ciudad Del Este ou à Asuncion (Paraguay), Montevideo (Uruguay) et Campinas (Brésil) puis par camions à Ciudad Del Este, pour y être revendues. En outre, l’Iran apporte un soutien direct au Hezbollah par ses propres réseaux latino-américains, déploie des agents du Corps des gardiens de la révolution islamique et s’appuie sur les agents de l’Organisation extérieure de sécurité du Hezbollah pour des actions coordonnées.

L’approche globale. La déstabilisation de l’Irak et de la Syrie a induit la montée du terrorisme et non pas l’inverse, souligne Brahim Oumansour. Entre 2000 et 2007, l’EI n’a revendiqué que 5,3 % des attentats dans le monde et Al Qaïda 1,9 %. Des facteurs spécifiques à chaque pays se trouvent à l’origine de la radicalisation politique dans une zone soumise à un conflit interétatique ou à la faiblesse de l’Etat. Nécessité financière et besoins en armes et équipements motivent l’allégeance de groupes locaux au terrorisme international (EI et Al Qaïda). Par ailleurs, l’effondrement du régime irakien a servi les desseins de l’EI et le conflit religieux, entre chiites et sunnites, ceux de l’Arabie saoudite et de l’Iran. En Libye, à la guerre civile entre milices islamistes et tribales se superposent des rivalités internationales entre Egypte, Emirats arabes unis, Qatar et Turquie. Toutefois, l’opération militaire transnationale, réussie, contre l’EI en Libye, doit être suivie par un retour au dialogue et à la réconciliation pour éviter la pérennisation des conflits entre minorités et autorités centrales, estime Brahim Oumansour. Mais cette sécurité apparente ne règle pas les conflits sociaux latents. Dans les pays touchés par le terrorisme majoritairement musulman, il s’agit d’éviter le sentiment d’exclusion. Parmi les 8.000 djihadistes maghrébins partis combattre en Syrie depuis 2013, 6.000 sont venus de Tunisie, 2.000 du Maroc et…78 d’Algérie, où des réformes économiques ont éradiqué les bidonvilles et des programmes sociaux ont réduit la menace terroriste. En Tunisie, l’Etat et son appareil sécuritaire restent fragiles.

Loïc Salmon

En 2018, l’activité économique des crypto-monnaies s’est montée à 1.242 Mds$, dont 812 Mds$ de Bitcoins et 430 Mds$ d’Ethereums, indique Duncan Hoffman. Seulement 1,6 Md$ ont été utilisés à des fins criminelles, dont 1 Md$ volé par les hackers et 500 M$ envoyés dans les « darknets » (réseaux anonymes). Plus rapide que le blanchiment d’argent, les chantages et demandes de rançons, effectués par des hackers d’Europe de l’Est disposant d’algorithmes très sophistiqués, portent sur des cibles de haute valeur financière ou de données sensibles, des agences gouvernementales, des contractants de défense, des campagnes électorales et des organisations privées vulnérables sur le plan informatique. Les hackers « étatiques » de Russie, d’Iran et de Corée du Nord veulent des gains financiers mais cherchent aussi à créer des perturbations politiques dans les pays visés.

Terrorisme : menace transnationale et moyens financiers considérables

Sécurité : Israël et la France, face au terrorisme islamiste

Sécurité : le renseignement dans la lutte contre le terrorisme




Terrorisme : menace transnationale et moyens financiers considérables

Les organisations terroristes parviennent à s’autofinancer pour leur fonctionnement (moyens militaires, propagande et rémunérations) et leurs attaques ponctuelles à bas coût.

Cet aspect a été abordé au cours du Forum parlementaire sur la sécurité et le renseignement organisé, le 20 juin 2019 à Paris, par l’Assemblée nationale et le Sénat. Y sont notamment intervenus : Anne-Clémentine Larroque, analyste géopolitique au ministère de la Justice ; Arnaud Baleste, responsable de la division lutte contre le financement du terrorisme au sein de Tracfin (service de renseignement du ministère de l’Action et des Comptes publics) ; Jérôme Beaumont, secrétaire exécutif du Groupe Egmont ; Emmanuel Jacque, expert en solutions de renseignement et de lutte contre la fraude ; Sonia Krimi, députée de la Manche ; Valérie Boyer, députée des Bouches-du-Rhône. Ces deux dernières ont publié, en avril 2019, un rapport d’information sur la lutte contre le financement du terrorisme. Elles préconisent six mesures : œuvrer en faveur d’une réponse internationale renforcée et toujours plus efficace ; renforcer l’assistance internationale aux Etats les plus vulnérables ; renforcer l’harmonisation européenne, en droit et plus encore dans les faits ; au plan national, œuvrer pour une pleine application des outils existants ; assurer une pleine mobilisation de tous les acteurs concernés et une coopération optimale entre les acteurs ; renforcer la vigilance sur certains secteurs (cagnottes en ligne et associations à but non lucratif) et outils (« crypto-monnaies » reposant sur la technologie « blockchain »  de stockage et de transmission d’informations sécurisées).

Evolution structurelle. La possession d’un territoire permettait à l’Etat islamique (EI) et Al Qaïda d’établir des liens entre leur idéologie et leurs sympathisants, afin de constituer un réseau et créer le discours qui suscitera une réponse de ces derniers, explique Anne-Clémentine Larroque. Le financement illicite par les trafics d’êtres humains, de drogue ou de cigarettes, quoique interdit par le droit islamique, a été justifié par les cheiks pour combattre les non-musulmans en Syrie, Irak et Afghanistan, comme du temps du califat abbaside (750-1258) mais avec les moyens modernes. En 2015, l’EI a prélevé du pétrole sur des sites libyens et l’a vendu pendant un an et demi, jusqu’à l’arrivée des troupes de la coalition. Pour son financement, il recourt aussi à des femmes, ainsi devenues des combattantes à l’égal des hommes. L’EI agit en Europe, Tunisie, Libye et au Sénégal, tandis qu’Al Qaïda perdure en Afghanistan et au Pakistan. D’autres organisations se développent en Afrique centrale et de l’Ouest, en Indonésie, aux Philippines, au Bangladesh et au Sri Lanka.

Autofinancement prépondérant. Avant sa défaite militaire, l’EI a préparé sa retraite au niveau logistique pour continuer à financer ses actions, notamment par le blanchiment d’argent, explique Arnaud Baleste. Il a envoyé de l’argent dans les pays aux législations plus permissives ou sans réglementation, afin de le faire fructifier et le rendre légal, donc invisible. Des transferts « d’aumônes islamiques » ont été ainsi réalisés par des mandats, inférieurs à 300 €, ou téléphonie mobile vers l’Afrique centrale et de l’Ouest. L’argent vient de revenus personnels, d’héritages, de fraudes aux crédits ou prestations sociales et de braquages. Entre 2014 et 2018, 1.000 personnes ont envoyé, de France, 1,5 M€ à l’EI, contre 5,6 M€ en provenance des pays du golfe Arabo-Persique. Toutefois, les banques disposent aujourd’hui d’outils performants, capables de détecter les « signaux faibles » et d’interpréter les menaces. Elles envoient 70 % de leurs informations à Tracfin, qui les transmet aux autres services de renseignement français et en reçoit les identités des suspects. D’autres informations proviennent des douanes, des attachés de sécurité intérieure dans les ambassades françaises et du GAFI (voir encadré). Enfin, Tracfin travaille avec la Banque de France, chargée de la réglementation des cagnottes en ligne.

Echanges de bonnes pratiques. Le Groupe Egmont mobilise ses 158 membres dans le monde au service des cellules de renseignement financier, pour lutter contre le blanchiment d’argent par la grande criminalité et le financement des réseaux terroristes, dont les intérêts coïncident, indique Jérôme Beaumont. Sous l’impulsion de Tracfin, il essaie d’établir, depuis 2015, le profil financier des personnes parties rejoindre l’EI et identifier leurs réseaux de soutien logistique avant, pendant puis après leur retour. Ensuite, il procède à une analyse financière, à partir d’informations sur un attentat ou une simple présomption d’attentat avec l’aide du GAFI, qui a l’obligation d’échanges à l’international (voir encadré). Comme tout acte terroriste, même à bas coût, nécessite un réseau, il s’agit d’en déterminer le lien financier avec la personne à risque. La coopération avec les banques privées permet le traçage des avoirs financiers et leur gel, notamment des associations caritatives dans les pays n’exigeant pas de déclarations comptables.

Anticiper pour réagir. Crise, propagande et menace cyber peuvent se contrer par une méthodologie, des outils dont l’intelligence artificielle (IA), de l’expertise et une stratégie, explique Emmanuel Jacque. Une radicalisation, qui implique une rupture comportementale dans les habitudes et contacts avec les proches, sera détectée par des analyses sémantiques et relationnelles automatisées à partir des données connues, à traiter selon un cycle comparable à celui du renseignement militaire (photo). Il s’agit de découvrir les liens entre manipulateurs et personnes manipulées, par exemple, quand un document a été diffusé plus de 300 fois par 10 personnes sur Twitter, Facebook ou autres. La Grande-Bretagne a ainsi constitué une liste de 20.000 personnes à surveiller. L’IA modélise une source, fusionne les informations et procède à des extractions d’identité permettant de reconstituer un réseau. L’anticipation empêche une surprise stratégique, comme une cyberattaque massive dont les différents acteurs doivent assembler leurs moyens offensifs. Appliquée au contre-terrorisme, elle détermine la cause des actes des groupes « voyous », propose des priorités sécuritaires (fiches « S »), détecte suffisamment tôt les individus radicalisés et cible les nœuds critiques des réseaux avant le passage à l’acte terroriste.

Loïc Salmon

Les 38 pays membres du Groupe d’action financière (GAFI) et 9 organismes régionaux similaires ont constitué un réseau mondial de plus de 190 juridictions. Il a élaboré une série de recommandations reconnues comme étant la norme internationale en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive. Fondements d’une réponse coordonnée à ces menaces pour l’intégrité du système financier, ces recommandations contribuent à l’harmonisation des règles au niveau mondial. Publiées en 1990 et révisées en 1996, 2001, 2003 et 2012, elles ont vocation à s’appliquer partout, afin de susciter les réformes législatives et réglementaires nécessaires.

Terrorisme : impacts et enjeux du « cyberdjihadisme »

Rendre le renseignement plus efficace dans la lutte contre le terrorisme

Afrique : les risques de déstabilisation et de terrorisme

 




Renseignement : la DGSE souhaite être connue

La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) utilise les réseaux sociaux pour améliorer son recrutement et présenter ses diverses formations.

Le diplomate de haut rang qui la dirige, Bernard Emié, l’indique dans une interview à la revue Politique internationale de printemps 2019. Il s’agit de renforcer l’attractivité de la DGSE, d’attirer des jeunes « brillants » et de faire venir ceux qui, par intuition, ne se tourneraient pas vers elle. Selon un sondage qu’elle a commandé fin 2018, sa notoriété s’accroît : 77 % des Français en ont entendu parler, contre 63 % en 2012 ; 89 % lui font confiance (69 % en 2012) ; 82 % s’en remettent à elle pour assurer la sécurité de la France face aux menaces étrangères. La série télévisée Le Bureau des légendes, traduite en 70 langues et vendue dans le monde entier, a constitué pour elle « un formidable vecteur d’influence, de réputation et de recrutement ». Composée d’un tiers de militaires et de deux tiers de civils, elle combine exigence et rigueur, grâce aux premiers, et variété de profils parmi les seconds. Héritière du Bureau central de renseignement et d’action de la France libre créé en 1940, la DGSE reste le seul service « spécial » de l’Etat à mener des actions clandestines. A ce titre, ses unités militaires, regroupées au sein du 44ème Régiment d’infanterie et du « Service Action », ont reçu la fourragère de l’ordre de la Libération en 2018. Parmi les 1.038 compagnons de la Libération, 129 étaient membres des services spéciaux, dont 43 sont morts pendant la guerre. Les personnels civils de la DGSE incluent notamment des médecins, des juristes, des ingénieurs issus des grandes écoles comme Polytechnique ou Supaéro Toulouse, des linguistes de l’Institut national des langues et civilisations orientales et des diplômés de l’Institut des sciences politiques de Paris. La DGSE emploie 6.500 agents pour assurer les fonctions de la CIA (renseignement extérieur et opérations clandestines) et de la NSA (renseignement d’origine électromagnétique) américaines, contre environ 8.700 pour le MI-6 (renseignement extérieur et opérations clandestines) et le GCHQ (renseignement d’origine électromagnétique) britanniques et plus de 6.000 pour le BND allemand. La coopération dans ce domaine entre Paris, Berlin et Londres ne devrait pas être affectée par le « Brexit » britannique, car l’article 4.2 du traité de l’Union européenne précise que « la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque Etat membre ». La DGSE contribue, avec la Direction générale de la sécurité intérieure, à identifier et suivre les acteurs de la menace terroriste à l’étranger, dans le cadre du continuum défense et sécurité. Elle identifie, suit et entrave des filières de prolifération d’armes de destruction massive, pour éviter que certains pays acquièrent des technologies dangereuses. Chaque jour, elle présente aux hautes autorités politiques et militaires des renseignements sur l’état de la menace sur les intérêts et la souveraineté de la France, dans le cadre de la fonction « connaissance et anticipation », priorité stratégique. Grâce à des systèmes compliqués, elle détecte l’origine des « fake news » (informations tronquées ou même fausses), relayées sur les réseaux sociaux à des fins politiques. Elle peut supprimer, en quelques heures, les vidéos de propagande djihadiste ou les appels au meurtre pour en limiter l’influence. Enfin, souligne son directeur, la DGSE doit faire comprendre aux dirigeants, publics et privés, les risques liés à l’espionnage et promouvoir la « culture du renseignement ».

Loïc Salmon

DGSE : le renseignement à l’étranger par des moyens clandestins

Rendre le renseignement plus efficace dans la lutte contre le terrorisme

Renseignement : indispensable à la souveraineté et garant de l’indépendance nationale




Trafics d’armes : nouveautés techniques et effets sanitaires

La formation continue des forces de sécurité (police, douanes et vigiles aéroportuaires) s’avère indispensable pour contrer les trafics d’armes, qui prolifèrent dans les zones de non-droit et menacent la sécurité intérieure et le développement de certains Etats.

Ce thème a été abordé au cours d’un colloque organisé, le 15 mai 2019 à Paris, par l’Institut de relations internationales et stratégiques, la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (ministère des Armées) et le Groupe de recherche et d’informations sur la paix et la sécurité (Belgique). Y sont notamment intervenus : Pascal Girault, chef du service des armes au ministère de l’Intérieur ; Stéphan Hoffert, directeur du développement à ICTS France ; Stéphanie Delgado Martin, Programme des nations unies pour le développement (PNUD) ; Philip Cook, Université de Duke (Etats-Unis).

Valeurs ajoutées technologiques. Rationnel, le criminel cherchant à acquérir une arme létale minimise d’abord ses propres risques, souligne Pascal Girault. Il évite la transaction par un intermédiaire, qui pourrait être surveillée par les forces de l’ordre et ne garantit pas la qualité de l’arme. La technologie des armes pour un usage d’homicide ou de tentative d’homicide allant plus vite que la réglementation, il pourrait recourir à l’impression 3D. Mais celle-ci nécessite de la matière première, une imprimante à coût variable de 100 € à 10 M€ et un schéma numérique accessible sur internet. Mais l’arme ne fonctionne pas toujours et peut exploser. La 3D présente aussi le risque pénal de fabrication illégale. Sur le plan technique, l’impression dure de 12 à 20 heures pour une arme en plastique et coûte plusieurs centaines de milliers d’euros pour une en métal. Une arme en plastique ne tire qu’un coup, qui la déforme. En outre, son schéma numérique ne se trouve guère à l’abri de défauts volontaires de la part de son auteur. Les armes de cinéma, provenant de stocks militaires et neutralisées, peuvent être réactivées. Certaines d’origine slovaque ont été vendues en France. Ainsi, l’un des auteurs de l’attentat de Charlie Hebdo en 2015 en a utilisé une. Les Etats de l’Union européenne renforcent le contrôle technique des armes de tir à blanc, neutralisées mais facilement transformables en armes réelles. De nouvelles normes européennes vont s’appliquer en 2020 aux armes d’alarme, qui tirent des projectiles de petits calibres. Faciles à acquérir, les armes anciennes sont classées en France dans la catégorie « B » (soumises à autorisation). L’auteur de la fusillade de masse (5 morts et 11 blessés) au marché de Noël à Strasbourg (2018) en a utilisé une vieille de cent ans. Le renforcement des normes internationales contraint criminels et terroristes isolés à se rabattre sur les armes de bas de gamme. Toutefois, le rapport qualité/prix semble plus favorable aux premiers, qui disposent de moyens financiers et logistiques plus élaborés.

Détection aux aéroports. Depuis l’arrivée des armes à feu en polymères (matières plastiques diverses), aucune prise de contrôle d’aéronef par des pirates armés exclusivement de pistolets Glock 17, difficilement détectables dans les aéroports, n’a été constatée, souligne Stéphan Hoffert. Un terroriste, un peu renseigné, échappe au contrôle primaire, à savoir les portiques de détection métallique et scanneurs à bagages. Le portique détecte des munitions composites de polymères et cuivre. Pour le scanneur à bagages à main, la faille vient de l’opérateur, surtout si l’arme y est dissimulée en pièces détachées ou s’il s’agit d’une arme d’un nouveau genre. Toutefois, sur un vol dit « sensible », certains passagers peuvent subir une inspection de filtrage renforcée (contrôle secondaire sur sélection) par palpation, magnétomètre, détecteur de traces d’explosifs, scanneur de chaussures et scanneur corporel. Ce dernier visualise les objets dissimulés par les vêtements et placé au contact du corps, mais pas celles dans les cavités naturelles, à savoir rectum, sillon fessier, ou entre des bourrelets de graisse abdominale. La palpation, différente de la fouille, consiste à toucher le corps à travers les vêtements pour détecter des objets suspects. La sélection de certains passagers se fait de façon aléatoire ou par détection d’un comportement estimé anormal. Cette dernière, dénommée « profilage de sûreté », se pratique avec succès en Israël depuis 40 ans. Des bases de données nominatives d’individus dangereux tenues par les services de police et de renseignement, sont accessibles aux services de sécurité aéroportuaires. Enfin, des passagers peuvent faire l’objet d’un troisième contrôle, par la police, lorsque le doute a été levé après une alarme lors des deux contrôles précédents. De fait, l’œil du personnel de terrain reste le meilleur détecteur, conclut Stéphan Hoffert.

Aspects socio-économiques. Dans la cadre de son projet d’appui à la réforme de la sécurité à Madagascar, le PNUD a procédé à une enquête sur les armes entre juillet et octobre 2017, indique Stéphanie Delgado Martin. Dans l’île, la possession d’une arme répond à plusieurs motivations : statut social ; tradition, chasse ; autodéfense ; protection des biens, récoltes et troupeaux ; criminalité. Difficile dans les zones urbaines, leur acquisition semble plus aisée dans le Sud pour diverses raisons : fabrication artisanale d’armes ; frontières poreuses et trafics via les ports ; participation présumée de certains membres de forces de sécurité et de défense aux trafics ; disparition d’armes lors des crises politiques ; brigands disposant de plus en plus d’armes ; corruption pour contourner les procédures onéreuses d’achat légal. La société malgache en subit les conséquences : pertes de zébus à la base de plusieurs rituels en zone rurale ; migrations forcées ; trafics de drogue et d’êtres humains ; insécurité des investissements. Les structures criminelles peuvent s’y installer sans se soucier des réactions de l’Etat et mener des activités comme l’extraction illégale de ressources naturelles et des trafics divers. Les solutions incluent : gestion et contrôle des armes ; recensement des armes ; amnistie pour collecter et régulariser les armes détenues par des civils ; renforcement de l’effort d’identification et de démantèlement des réseaux criminels.

Loïc Salmon

Selon Philip Cook, les armes légères et de petit calibre ont tué 40.000 personnes aux Etats-Unis en 2017, dont 24.000 suicides et 16.000 homicides. Ce chiffre, égal à celui des accidents mortels sur les autoroutes, correspond à 12 tués pour 100.000 habitants, proportion la plus élevée parmi les pays développés et 20 fois supérieure à celle de la France. Les agressions par balle s’établissent à 1 mort pour 6 blessés et les tentatives de suicide à 6 morts pour 1 blessé grave. En 1994, les 134.000 blessures par balle ont coûté 2,3 Md$ en frais médicaux (la moitié par financement public), soit l’équivalent de 5,3 Mds$ en 2019. S’y ajoutent les traumatismes psychiques parmi les survivants ou témoins d’une tuerie, entraînant des difficultés de concentration et d’apprentissage chez les jeunes et un taux de suicides plus élevé chez les adultes. Depuis 1999, 200.000 enfants se sont trouvés ainsi exposés dans des écoles ciblées. Ceux grandissant dans des environnements violents risquent invalidités physiques et troubles mentaux.

Trafics d’armes : dynamique, modes opératoires et routes

Trafics d’armes : fin de crise, embargos, désarmement et consolidation de la paix




Terrorisme : les forces armées préservées de la radicalisation

L’étanchéité des armées vis-à-vis de la radicalisation islamique s’explique par leur métier au service de la nation et des valeurs républicaines et dans le respect de la loi. Les enquêtes préalables au recrutement renforcent la prévention.

C’est ce qui ressort d’un rapport d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale, élaboré par les députés Eric Diard et Eric Poulliat et rendu public le 27 juin 2019.

La loi SILT. La loi du 30 octobre 2017, qui renforce la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT), permet de vérifier, tout au long de leur carrière, l’éventuelle radicalisation de personnels exerçant des missions relatives à la souveraineté de l’Etat. Le Service national des enquêtes administratives de sécurité donne son avis sur le recrutement, l’affectation, la titularisation des militaires, policiers, douaniers, officiers de port et agents de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information. En cas de comportement devenu incompatible avec ses fonctions, la personne est mutée ou affectée à un autre emploi.

Les armées. Du fait de la menace grave sur la sécurité publique, l’enquête sur un militaire peut déboucher sur sa radiation des cadres ou la résiliation de son contrat. Toutefois, la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense considère comme faible le niveau de la menace de radicalisation liée à l’islam djihadiste sunnite au sein du ministère des Armées, tant du profil que du volume de personnels concerné. Au sein de l’armée de Terre, la radicalisation islamique ou politique (ultra-droite, surtout dans la réserve) est estimée à 0,05 %. Aucun risque de radicalisation au contact des populations lors d’opérations extérieures n ‘a été constaté. La proportion tombe à 0,03 % dans la Marine, car les périodes à terre restent trop courtes pour être propices au prosélytisme. Aucun marin n’est fiché « S ». Dans l’armée de l’Air, le nombre très limité de signalements de radicalisation concerne des militaires convertis à l’islam, surtout des hommes du rang. La très grande majorité des anciens militaires, candidats aux filières djihadistes, n’avait passé que peu de temps dans les armées et était partie en Irak et en Syrie plusieurs années après.

Une radicalisation protéiforme. Le rapport cite une étude, menée de septembre 2016 à décembre 2017 par des chercheurs de l’Université Paris X Nanterre et qui distingue quatre types de radicalité. La 1ère, qualifiée de « radicalité apaisante », concerne surtout les jeunes filles en quête de protection contre des violences subies ou des désordres familiaux. La 2ème, « radicalité rebelle », touche des enfants de familles plus protectrices, où l’adoption d’un discours radical répond à un besoin d’opposition au cadre familial. La 3ème, « radicalité agnostique », porte sur des garçons vivant dans des familles déstructurées et qui cherchent la revalorisation de soi par la            provocation, surtout envers les éducateurs. La 4ème, « radicalité utopique », concerne des enfants d’immigrés de la première génération et stables socialement. Leurs parents, plutôt ouvriers qualifiés ou artisans qu’ouvriers spécialisés, les poussent à réussir scolairement, afin de connaître une ascension sociale par procuration. Bons élèves du primaire au collège, ils résistent mal à la confrontation résultant de la compétition dans le secondaire et se sentent incapables de remplir le rôle que leurs parents attendent d’eux. Ils trouvent alors dans le djihadisme un vecteur pour porter la critique de l’école et de la famille.

Loïc Salmon

Terrorisme : impacts et enjeux du « cyberdjihadisme »

Terrorisme : compétence judiciaire dès la préparation

Terrorisme djihadiste : prédominance de la dimension psychoculturelle




Afrique : les risques de déstabilisation et de terrorisme

Dysfonctionnement de l’Etat et échecs sur les plans économique et démographique constituent le terreau du terrorisme dans la bande centrale de l’Afrique. Son éradication passe par le traitement de la démographie et de l’éducation nationale, la réforme des armées et l’aide aux forces de sécurité.

Nicolas Normand, ancien ambassadeur au Mali (2002-2006), au Congo (2006-2009) et au Sénégal (2010-2013), l’a expliqué lors d’une conférence-débat organisée, le 12 juin 2019 à Paris, par l’Association des auditeurs IHEDN région Paris Ile-de-France.

Croissance hétérogène. La contribution de l’Afrique sub-saharienne au produit intérieur brut (PIB) mondial par habitant est passée de 0 %, entre les indépendances (1960) et la fin du XXème siècle, à 5 % entre 2000 et 2015. Après la stagnation de 2016, la reprise économique moyenne s’établit à 3-3,5 % par an avec une croissance démographique de 2,5 %. Toutefois, 40 % de sa population ne dispose que de 1,9 $ par personne et par jour, seuil de pauvreté selon les normes de l’ONU. L’ambassadeur attribue ce réveil économique à l’annulation de la dette, l’essor du numérique, l’arrivée des investissements chinois, la progression de la scolarisation, un grand pas vers l’égalité des femmes et la diminution de la conflictualité entre 1990 et 2010 mais qui repart en 2013. Cependant, seulement une dizaine de pays allient croissance et développement, tandis que les autres connaissent une situation fragile, voire chaotique. Les importations se montent à 40M$/an pour la nourriture et à 15 Mds$ pour les biens. Négative jusqu’en 2010, la balance commerciale a provoqué un endettement croissant dans les secteurs public (budgets) et privé (taux d’intérêt de 7 %). A titre d’exemple, au Nigeria, la dette représente 60 % du budget de l’Etat et l’assiette fiscale moins de 15 % du PIB, contre 35 % pour la moyenne mondiale, et une hausse de 1 % de la fiscalité correspondrait à l’aide au développement. Environ 30 à 40 % des investissements étrangers vont en Asie, 20 % vers l’Amérique latine et seulement 3 % vers l’Afrique sub-saharienne, en raison de l’insécurité juridique et du manque d’infrastructures, notamment pour le réseau électrique. Ainsi, 55 % de la population n’a pas accès à l’électricité et à peine 15 % en a suffisamment.

Démographie et éducation. D’ici à 2050, la population de l’Afrique sub-saharienne devrait augmenter de 160 % pour atteindre 1 milliard d’habitants. Selon les estimations de l’ONU, le nombre d’enfants par femme, actuellement de 5, devrait tomber à 2 en 2100. Dans tous les pays asiatiques, la baisse de la natalité et l’effort sur l’éducation a permis leur décollage économique, rappelle l’ambassadeur. Or en Afrique, un enfant sur trois arrive en fin du cycle primaire, alors que 22 % des jeunes Européens obtiennent un diplôme d’enseignement secondaire. S’y ajoutent les handicaps de l’éducation insuffisante des filles et des mariages précoces dans de nombreux pays d’Afrique. Seuls le Ghana, l’Ethiopie, le Kenya et l’Afrique du Sud maîtrisent leur éducation nationale. Ailleurs, en zone urbaine, celle-ci se trouve concurrencée par les écoles coraniques aux idéologies anti-modernisme, anti-occidentale et anti-démocratique. L’Afrique sub-saharienne ne produit que 2 % de la valeur des biens manufacturés dans le monde, en raison de l’enclavement de certains pays, d’une compétitivité très faible, d’une électrification et d’infrastructures déficientes, d’une formation professionnelle limitée et d’une baisse de natalité trop lente. Chaque année, le marché du travail doit absorber 30 millions de jeunes dont la plupart ne trouve pas d’emploi, facteur supplémentaire d’insécurité.

Carences étatiques. L’aide au développement s’est concentrée sur la santé et divers projets, sans s’interroger sur les causes du sous-développement, souligne l’ambassadeur. La construction des routes ou du métro par des entreprises et personnels étrangers déresponsabilisent les autorités locales et les discréditent auprès des populations. La police et les armées ont été négligées et sont mal payées, faute d’une fiscalité efficace. Présence étatique limitée en zone rurale et mauvais fonctionnement de la justice créent un terreau propice à des désordres. Dans certains pays, l’Etat a dissous les autorités traditionnelles et délégué le maintien de l’ordre à des milices armées rurales pour régler les conflits entre nomades pasteurs et agriculteurs sédentaires, notamment pendant les périodes de sécheresse.

Djihadisme. En Afrique sub-saharienne, le terrorisme chrétien a déjà tué 100.000 personnes, soit plus que les djihadistes après 2000, indique l’ambassadeur. Selon le Programme des nations unies pour le développement, une répression étatique violente favorise le djihadisme, notamment au Nigeria où le salafisme « quiétiste » (cheminement spirituel) est devenu « djihadiste » avec Boko Haram. Le djihadisme suscite des adhésions car il propose un projet de civilisation, gère les besoins de justice et favorise les pasteurs. Dans le Nord-Mali, s’affrontent des groupes armés répartis en trois catégories aux frontières poreuses, où se mêlent lutte des castes et compétition pour le narcotrafic : Coordination des mouvements de l’Azawad, Touaregs sécessionnistes mais signataires des accords de paix d’Alger avec le gouvernement malien à l’issue de l’opération « Serval » ; groupes armés pro-gouvernementaux, également signataires ; djihadistes, répartis entre le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et l’Etat islamique, non signataires. Alors que la population penche plutôt du côté des djihadistes, l’opération « Barkhane », qui a succédé à « Serval », s’est associée aux milices. Le djihadisme, parti du Mali, s’est étendu notamment en République centrafricaine et en République démocratique du Congo, mais a disparu de l’Ouganda. La Mauritanie a procédé avec succès à la « déradicalisation » en plaçant des imams auprès de prisonniers djihadistes. Sur 60 détenus, un seul a repris le maquis après sa libération ! La solution, à terme, repose sur la réconciliation à partir du renoncement au djihadisme, à condition de négocier en position de force avec les djihadistes, conclut l’ambassadeur.

Loïc Salmon

Le nombre de morts dans les combats est passé de 607 en 2012 à 2.829 en 2018 dans les pays du G5 Sahel (Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso et Mauritanie). En 2018, le terrorisme sévit dans les pays les moins avancés (PMA), à savoir le Mali, le Niger et la Somalie, mais aussi au Nigeria, pourtant plus développé. En outre, guerre civile et exactions de groupes armés continuent au Soudan, au Soudan du Sud, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo et au Mozambique. Quoique classés PMA, Mauritanie, Guinée, Sierra Leone, Liberia, Bénin, Togo, Angola, Zambie et Madagascar échappent à ces fléaux. Sont aussi épargnés des pays plus développés, à savoir le Cameroun, le Gabon, le Congo, le Kenya, la Namibie, le Botswana, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud. Y échappent également le Sénégal (PMA), la Côte d’ivoire, le Ghana, l’Ethiopie (PMA) et la Tanzanie (PMA), tous classés parmi les dix premiers pays du monde à forte croissance économique.

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