Lève-toi et tue le premier

L’efficacité de ses services de renseignement (SR) et de ses forces armées a sauvé Israël lors de crises graves. Les succès de ses opérations clandestines n’ont pu remplacer la diplomatie pour mettre un terme aux affrontements avec ses adversaires, Etats ou organisations terroristes.

Cet ouvrage se fonde sur un millier d’entretiens avec des dirigeants politiques, des hauts responsables du renseignement et même des agents d’exécution ainsi que sur des milliers de documents fournis par ces sources. Toute opération secrète du Mossad (SR extérieur), du Shin Bet (SR intérieur), de l’Aman (SR militaire) ou des forces spéciales nécessite l’autorisation écrite du Premier ministre…qui peut l’annuler au dernier moment ! Tous les Premiers ministres, qui se sont succédé depuis 1974, avaient servi auparavant dans les SR ou les unités spéciales. Dès la création de l’Etat en 1948, les SR envisagent de recourir à des opérations ciblées, loin derrière les lignes des nations arabes hostiles. A la suite d’un premier échec, le recours à des juifs autochtones dans les pays « cibles » a été exclu, à cause des répercussions sur toute la communauté juive locale. En outre, tout juif « traître » doit être ramené devant un tribunal israélien et non pas exécuté, en raison de la tradition de responsabilité mutuelle et du sentiment d’appartenance à une seule grande famille après deux millénaires d’exil. Israël accède au rang de grande puissance du renseignement en 1956, par l’obtention du rapport secret sur la dénonciation des crimes du stalinisme, présenté devant le XXème Congrès du Parti communiste soviétique. La remise d’un exemplaire à la CIA marque le début de l’alliance secrète entre les SR américains et israéliens. La guerre secrète inclut rivalités entre SR, mésententes avec les dirigeants politiques, échecs et dommages collatéraux. Suite à une opération indirecte concernant un pays allié et ayant entraîné de graves conséquences sur le plan international, les assassinats ciblés ne visent que des individus menaçant les intérêts d’Israël et doivent être menés uniquement par ses ressortissants. Une exécution complexe, entreprise loin à l’étranger, nécessite jusqu’à plusieurs centaines de participants, âgés pour la plupart de moins de 25 ans. Après la guerre des Six-Jours (1967), gagnée grâce à l’effet de surprise et anticipée par ses SR, Israël n’a guère recherché de compromis diplomatique avec les pays arabes voisins…jusqu’à la guerre du Kippour (1973), qui lui a coûté 2.300 soldats et aurait pu être mieux préparée par un travail de renseignement en amont. Les SR israéliens n’ont pas davantage anticipé la bombe à retardement constituée par les millions de réfugiés palestiniens après les guerres de 1948 et 1967, dont une partie vient chaque jour travailler en Israël et voit le développement des colonies juives en Cisjordanie. Dès 1993, les organisations terroristes palestiniennes recourent aux attentats-suicides, causant des centaines de morts et plus d’un millier de blessés israéliens. A l’ONU, les Etats-Unis opposent systématiquement leur véto à toute condamnation de la politique de représailles d’Israël par des assassinats ciblés. Entre 2000 et 2017, l’Etat hébreu a procédé à environ 2.300 opérations de ce type contre le Hamas, à Gaza, ou lors d’interventions du Mossad contre des cibles palestiniennes, syriennes et iraniennes. Les Etats-Unis, qui s’en sont inspiré après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, n’en ont conduit que 401 entre 2001 et 2017.

Loïc Salmon

« Lève-toi et tue le premier », Ronen Bergman. Editions Grasset, 944 pages, 29€. Format numérique, 19,99 € 

Proche-Orient : Israël, envisager tous les scénarios de riposte

Sécurité : Israël et la France, face au terrorisme islamiste

325 – Dossier : “Israël, continuum défense-sécurité depuis 50 ans”

Renseignement : pouvoir et ambiguïté des « SR » des pays arabes




Moyen-Orient : pandémie du covid-19 et conflits en cours

Alors que le régime syrien nie la gravité du covid-19, au Liban, le mouvement politico-militaire Hezbollah y apporte une réponse sanitaire et sociale, tandis que celle de Daech repose sur une base idéologique.

Agnès Levallois et Jean-Luc Marret, maîtres de recherches à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), l’expliquent dans des notes publiées le 25 mars et le 13 avril 2020 à Paris.

La Syrie. Le gouvernement reconnaît, le 25 mars, le premier cas de contamination par le covid-19, en précisant qu’il s’agit d’une personne venant de l’étranger, indique Agnès Levallois. Jusqu’ici, il assurait que le virus n’avait pas atteint le territoire national, alors que la contamination avait déjà touché l’Irak, l’Iran, la Jordanie, le Liban et Israël. Les images d’agents municipaux désinfectant les rues de Damas semblent démontrer que le régime maîtrise la situation sanitaire, malgré la crise économique consécutive à neuf ans de guerre civile. Or le système de santé syrien n’est guère capable de gérer l’épidémie, remettant ainsi en question le retour à la normale de la vie quotidienne de la population. Le régime se maintient grâce à l’appui militaire de la Russie, de l’Iran et des milices chiites, dont le Hezbollah libanais. Il a réussi à repousser ses opposants jusque dans l’enclave d’Idlib (Nord-Ouest du pays). Les bombardements des forces armées syriennes entraînent un exode massif de la population civile, dont les exilés sont privés de leurs biens par décret du président Bachar al-Assad. Cette crise migratoire accentue la pression sur la Turquie et l’Europe. Le cessez-le-feu, négocié début mars par la Russie et la Turquie, doit notamment permettre à l’Organisation mondiale de la santé de procéder à des dépistages du covid-19 dans la région, d’autant plus exposée que les infrastructures de santé sont systématiquement détruites. En fait, le régime a tiré profit de l’émergence de l’Etat islamique (Daech) en 2014 sur une partie des territoires syrien et irakien, rappelle Agnès Levallois. Les pays occidentaux ont alors cessé d’exiger le départ de Bachar al-Assad. Son maintien au pouvoir devait garantir une certaine stabilité en Syrie, pendant la reconquête des territoires occupés par Daech par une coalition internationale de 70 nations dans le cadre de l’opération « Inherent Resolve », dont l’opération « Chammal » constitue le volet français.

Daech. Privé de territoire après sa défaite militaire, Daech ne peut conduire un « djihad sanitaire » en faveur exclusivement de musulmans sunnites de Syrie et d’Irak, estime Jean-Luc Marret. Faute d’effectifs et de moyens techniques suffisants, sa propagande a commencé par considérer le covid-19 comme un « châtiment divin » contre la Chine, Etat athée qui persécute sa minorité musulmane ouïghour. Ensuite, elle a accusé le « gouvernement infidèle de Chine » de minimiser sciemment l’étendue de la pandémie. Toutefois, Daech a élaboré des directives de sécurité prophylactiques pour ses sympathisants, en insistant sur la protection donnée par les vêtements islamiques féminins et la distance sociale entre les sexes. Il note que la pandémie pourrait empêcher les Etats, qu’il cible de ses menaces, de procéder à des opérations anti-terroristes. Il préfère concentrer les efforts de ses militants sur la recherche des moyens pour libérer ses djihadistes détenus en Syrie et en Irak. Dans le passé et sur les territoires qu’ils contrôlaient, Daech et l’organisation terroriste Al-Qaïda ont manifesté leur intérêt pour la recherche et le développement d’armes nucléaires, radiologiques, chimiques et même biologiques. Mais ils n’ont jamais pu en maîtriser les technologies les plus sensibles. Aucune information ne laisse à penser que Daech puisse recourir au covid-19 comme moyen improvisé et rustique de bioterrorisme en Europe. Toutefois en raison de son organisation décentralisée et de l’autonomie de ses réseaux à travers le monde, souligne Jean-Luc Marret, Daech pourrait utiliser certains individus psychologiquement fragiles pour effectuer des contaminations improvisées sur des cibles définies au préalable. Déjà en 2002-2003, Al-Qaïda s’était intéressé à la ricine (poison 6.000 fois plus toxique que le cyanure).

Le Hezbollah. Considéré comme organisation terroriste par de nombreux pays dont Israël, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et les Etats membres de l’Union européenne, le Hezbollah bénéficie des appuis d’une vaste diaspora libanaise et surtout de l’Iran. Au Liban même, rappelle Jean-Luc Marret, il gère des dispensaires, des hôpitaux et une vaste logistique de soutien de la population chiite et même au-delà. Ses opposants l’ont accusé d’avoir introduit le covid-19, via la Syrie ou l’Iran. Certains de ses membres qui s’étaient rendus à la ville religieuse de Qoms n’ont pas été mis en isolement à leur retour, malgré l’épidémie en Iran. Vu la défaillance de l’Etat libanais, le Hezbollah a déclaré avoir mobilisé 24.500 de ses membres et sympathisants, dont des professionnels de la santé et même le ministre de la Santé choisi par lui lors de la constitution du gouvernement libanais, pour lutter contre la pandémie. Les médias libanais en ont montré certains, vêtus d’un uniforme, gantés et masqués, en train de désinfecter les quartiers chiites de Beyrouth et de distribuer de la nourriture. Le Hezbollah a déclaré affecter certains moyens de sa guerre contre Israël à celle contre le covid-19 : un centre d’appels ; trois centres de confinement de 170 lits pouvant monter jusqu’à 1.000 ; 64 comités sociaux pour aider les familles nécessiteuses. Mais son action a été complétée par une division du travail entre communautés sunnite, chrétienne et druze. Ainsi, plusieurs organisations chrétiennes ont fourni des tests de dépistage, notamment pour les nombreux réfugiés, et le parti druze a offert des dons à plusieurs hôpitaux et a mis des zones de confinement à disposition des personnes contaminées.

Loïc Salmon

La population libyenne se trouve confrontée à la guerre civile et au covid-19, souligne Aude Thomas, chargée de recherche à la FRS, dans une note du 3 avril 2020. Le premier cas d’infection a été signalé le 24 mars, quelques heures après les bombardements des quartiers du Sud de Tripoli, menés par l’Armée nationale libyenne (ANL). Celle-ci est dirigée par le maréchal Khalifa Haftar, qui bénéficie de l’appui des Emirats arabes unis. En représailles, les forces armées du gouvernement d’union nationale (GUN) ont attaqué, sans succès, la base aérienne d’Al-Waztiyah (150 km à l’Ouest de Tripoli), qui fournit un soutien logistique aux zones contrôlées par l’ANL. Le GUN, soutenu par la Turquie, a instauré un couvre-feu partiel en Tripolitaine et dans le Sud du pays et fermé les écoles et commerces non essentiels. Les municipalités ont pris des mesures de désinfection des rues et bâtiments publics. Les déplacements ont été limités et les points de passage vers l’Algérie et la Tunisie fermés. Les Emirats arabe unis et la Turquie investissent des moyens militaires en Libye, à savoir soldats, officiers d’encadrement et drones. Récemment, des combattants syriens ont rejoint les rangs du GUN et même de l’ANL à la suite du rapprochement entre le maréchal Haftar et la Syrie. Les Etats européens et la Mission des nations unies en Libye tentent d’instaurer et de faire respecter une trêve humanitaire.

Défense : opération « Résilience » contre le covid-19

Proche-Orient : Israël, envisager tous les scénarios de riposte

Moyen-Orient : rivalités entre Arabie Saoudite, Iran et Turquie




Marine nationale : s’entraîner pour anticiper le combat futur

Avant son départ, toute unité navale doit avoir obtenu la qualification opérationnelle du navire et de son équipage, ou leur remise à niveau, pour remplir ses missions, militaires ou civiles, d’aujourd’hui et celles de demain.

Le capitaine de vaisseau Jean-Marc Bordier, commandant la division Entraînement de la Force d’action navale l’a expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 4 mars 2020 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

Missions diversifiées. L’amiral commandant la Force d’action navale a autorité sur la Force aéronavale nucléaire, centrée sur le porte-avions Charles-de-Gaulle. En outre, il prépare et soutient un réservoir de forces et de compétences pour les missions de tous les navires militaires de surface. Ainsi, la souveraineté dans les espaces maritimes est assurée par des bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer et des frégates de surveillance (FS) qui participent aussi à la lutte contre les narcotrafics. La mission « Jeanne d’Arc », composée d’un porte-hélicoptères amphibie (PHA) et d’une frégate furtive (FLF), constitue l’Ecole d’application des officiers de marine. Les bâtiments hydrographique et océanographique mettent à jour les carte marines. La mission « Corymbe », de prévention de la piraterie et de protection de la navigation dans le golfe de Guinée mobilise un PHA, une FS et un aviso A69. Des bâtiments de soutien et d’assistance métropolitains (BSAM) remplissent la mission « Thon rouge » de police des pêches. Des bâtiments-bases de plongeurs démineurs celle de l’action de l’Etat en mer. Les patrouilleurs de haute mer (PHM) participent à la lutte contre l’immigration clandestine. Une frégate multi-missions (FREMM), une frégate de lutte anti-sous-marine (FASM), un aviso A69, un chasseur de mines tripartite (CMT) et un bâtiment remorqueur de sonars participent, autour de Brest, au soutien des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la Force océanique stratégique. Dans le Grand Nord, une FREMM, une FASM et un BSAM contribuent aux missions de connaissance et d’anticipation, comme une FREMM et une FLF en Méditerranée orientale. Une FREMM, un FASM, un PHM, un CMT et un bâtiment de commandement et de ravitaillement (BCR) contribuent à la mission de réassurance OTAN en mer Baltique. FREMM, FASM, FLF et frégates antiaériennes (FAA) et de défense aérienne (FDA) participent à l’opération « Chammal » au Levant. FDA, FAA, FREMM, FLF, FS et BCR sont déployés dans la lutte contre le terrorisme en océan Indien et dans le détroit d’Ormuz. Le Groupe aéronaval se déplace au gré des positionnements et partenariats stratégiques. Une FS remplit des missions de prévention, de connaissance et d’anticipation en mer de Chine et au large de l’Australie. Des CMT participent à des missions de guerre des mines en océan Indien. Une FS et un patrouilleur polaire ravitaillent les Terres australes et antarctiques françaises. Enfin, diverses unités assurent la défense maritime du territoire métropolitain.

Scénarios adaptables. L’entraînement, préalable aux missions, évolue en fonction du contexte international, souligne le capitaine de vaisseau Bordier. Il s’agit de comprendre les menaces émergentes : nouvelles formes de terrorisme ; cyberattaques ; missiles hypersoniques ; brouillage GPS ; déni d’accès aux satellites ; mines électriques et non plus magnétiques. L’entraînement développe les compétences du métier de marin et les spécialités à maintenir à un niveau élevé. Or la Marine emploie des unités ultra-modernes (FREMM) et des bâtiments âgés de plus de 30 ans avec des équipements très différents. La division Entraînement de la Force d’action navale compte 150 marins expérimentés de toutes les spécialités, dont 80 basés à Toulon et 60 à Brest. Sélectionnés pour leur compétence, ils doivent avoir navigué et être crédibles. En conséquence, leur moyenne d’âge atteint 37-38 ans, contre 29 ans pour toute la Marine. Des contrats avec des sociétés civiles permettent de disposer de bateaux cibles ou d’aéronefs, moins onéreux que les moyens militaires. Le plan « Mercator » vise à préparer les combats de demain avec les moyens existants et ceux en développement par les industriels. Il prévoit notamment que, tous les deux ans, un navire doit procéder à des tirs de missiles selon un scénario tactique incluant des incidents à bord. Les simulateurs permettent d’entretenir les savoir-faire de l’équipage à terre : navigation ; manœuvres ; guerre électronique ; cyberdéfense ; situation tactique. Dans 4-5 ans, le simulateur pour avion de patrouille maritime, à Lann-Bihoué, pourra communiquer avec le simulateur pour sous-marin d’attaque, à Toulon, et un poste de commandement tactique.

Entraînements individuel et collectif. Les marins acquièrent en école les 300 savoir-faire indispensables. Toutefois, souligne le capitaine de vaisseau Bordier, l’entraînement répétitif les poussent à leurs limites, car le combat exige de réagir très vite. L’entraînement se répartit entre stages de mise en condition opérationnelle ou remise aux normes opérationnelles, à terre et en mer. Il facilite la mise à jour de la doctrine d’emploi du navire. Ainsi, la préparation opérationnelle d’une frégate se déroule en 80 jours, répartis sur 4 ans. Les commandants entretiennent la qualification individuelle des marins (préparation d’aéronef, chef de quart etc.). La division entraînement de la Force d’action navale suit la qualification opérationnelle de l’unité, évalue son entraînement et la fait progresser. Elle organise des exercices conjoints avec les armées de l’Air (défense aérienne) et de Terre (exercices amphibies). Ensuite, le commandement de la Force aéromaritime de réaction rapide (niveau OTAN) entraîne le Groupe aéronaval ou la Force expéditionnaire amphibie. Le plan « Euterpe » permet d’évaluer les capacités de l’unité en matière de sûreté et de sécurité à quai et en mer.

Loïc Salmon

La Force d’action navale (FAN) compte 97 navires militaires armés par 9.800 marins. Elle comprend : le Groupe aéronaval ; la Force expéditionnaire amphibie ; la composante frégates ; la Force de guerre des mines ; les bâtiments de souveraineté ; les bâtiments de soutien. Son état-major, basé à Toulon, dispose d’implantations à Cherbourg et Brest. La FAN de Cherbourg (165 marins) possède les moyens dédiés aux missions de l’action de l’Etat en mer et de protection des approches maritimes (police des pêches et lutte contre les trafics). La FAN de Brest (2.800 marins) dispose des moyens de projection vers la zone Atlantique et de participation aux missions océaniques et de dissuasion nucléaire de la Marine. A Toulon, la FAN (5.400 marins) concentre les moyens de projection de puissance vers les zones de crises en Méditerranée et en océan Indien. S’y ajoutent : 3 groupes de plongeurs démineurs ; 4 centres d’expertise (renseignement, sécurité, cyberdéfense et météorologie) ; 1 flottille amphibie ; l’état-major de la Force aéromaritime de réaction rapide dans le cadre de l’OTAN, qui prendra l’alerte à Toulon en 2021. La Marine dispose de 6 bases en outre-mer (Guyane, Polynésie française, Martinique, La Réunion, Mayotte et Nouvelle-Calédonie) et de 3 à l’étranger (Sénégal, Djibouti et Emirats arabes unis).

Marine nationale : opération « Agénor » et missions « Foch » et « Jeanne d’Arc »

Marine nationale : l’aéronavale, tournée vers les opérations

Marines : outils politiques et de projection de puissance




Marine nationale : opération « Agénor » et missions « Foch » et « Jeanne d’Arc »

L’opération « Agénor », dans le golfe Arabo-Persique et le détroit d’Ormuz, et les missions « Foch » du groupe aéronaval, en Méditerranée orientale, et « Jeanne d’Arc » de l’Ecole d’application des officiers de marine, dans les océans Indien et Pacifique, ont été présentées à la presse à Paris le 27 février 2020.

L’opération « Agénor ». Volet militaire de l’initiative européenne « European led Maritime Situation Awareness in the Straight of Hormuz » (EMASOH), « Agénor » a atteint sa pleine capacité opérationnelle le 25 février. Nation-cadre, la France s’appuie sur ses forces stationnées dans la base navale d’Abou Dhabi, où se trouve l’état-major tactique constitué de représentants des Etats contributeurs et d’officiers de liaison. Les frégates française Forbin et néerlandaise De-Ruyter sont placées sous le contrôle opérationnel et le commandement tactique de l’opération. EMASOH doit donner une appréciation autonome de situation à ses huit membres, à savoir l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, la Grèce, de l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal. « Agénor » assure la surveillance de l’activité maritime et la sécurité en mer pour garantir la liberté de navigation, conformément à la convention des Nations unies sur le droit de la mer. En outre, elle contribue à la désescalade des tensions et reste ouverte à d’autres pays désireux d’y participer. En 2019, de nombreux incidents, maritimes ou non, ont été observés dans la région, portant atteinte à la sécurité des navires et des équipages européens et étrangers.

La mission « Foch ». Le groupe aéronaval (GAN) participe à l’opération « Chammal », volet français de l’opération américaine « Inherent Resolve » menée dans le cadre de la coalition internationale contre Daech en Irak et en Syrie. Depuis les premiers vols sur le théâtre le 29 janvier, il contribue à l’appréciation autonome de la situation sur zone. Son groupe aérien s’entraîne avec des partenaires régionaux et alliés. Ainsi, le16 février, les Rafale marine et les Rafale de l’armée de l’Air égyptienne se sont affrontés à environ 200 km du porte-avions Charles-de-Gaulle dans un scénario de deux contre deux, alternant les missions « DCA » (position de défense d’une zone et prise en charge de la menace) et « OCA » (mission offensive de reprise d’une zone). Un avion de guet aérien E2C-Hawkeye égyptien et un Rafale marine ravitailleur ont participé à l’exercice. Le 18 février, des exercices similaires se sont déroulés avec deux Eurofighter Typhoon britanniques. La veille, dix Rafale marine ont mené un entraînement mutuel de défense aérienne en « milieu contraint » avec la République de Chypre. Enfin depuis le 28 janvier, la frégate grecque Psara a pris la suite de la frégate Spetsai, qui a accompagné le GAN depuis son départ, afin d’approfondir leur interopérabilité.

La mission « Jeanne d’Arc ». L’Ecole d’application des officiers de marine a quitté Toulon le 26 février pour la mission « Jeanne d’Arc » (cinq mois). Composée du porte-hélicoptères amphibie Mistral et de la frégate furtive Guépratte, elle embarque 1 groupement tactique, 2 hélicoptères Gazelle de l’armée de Terre et 1 hélicoptère NH90 italien. Près de 550 militaires français et étrangers participent à cette mission, dont 138 officiers-élèves incluant des ressortissants d’Australie, de Belgique, du Brésil, d’Egypte, d’Ethiopie, d’Indonésie et du Maroc. En océan Indien, la mission « Jeanne d’Arc » sera intégrée à la « Force opérationnelle combinée 150 » de lutte contre les trafics illicites contribuant au financement du terrorisme.

Loïc Salmon

Marine nationale : l’aéronavale, tournée vers les opérations

L’océan Indien : enjeux stratégiques et militaires

Marine : GAN et « Mission Jeanne d’Arc » en océan Indien




Profession Espion

La lutte de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) contre le terrorisme des Proche et Moyen-Orient nécessite de confronter les analyses du siège parisien à la réalité du terrain.

Un agent de la DGSE, retraité, la raconte de l’intérieur à partir de son journal de bord, tenu entre 2004 et 2008. La formation « officier traitant » (OT) est dispensée à des militaires, juristes, linguistes ou diplômés d’instituts d’études politiques ou d’écoles de commerce, destinés à intégrer la Direction du renseignement. Celle-ci fixe les orientations de recherche et détermine les « cibles », conformément aux directives du pouvoir politique. Certains de ses membres, envoyés dans les ambassades, vont manipuler des sources humaines ou tenter d’en recruter de nouvelles. La Direction technique, qui recrute des personnels scientifiques de haut niveau, assure les déploiement, fonctionnement et exploitation des moyens d’interception, notamment les antennes satellitaires installées en métropole et dans les départements et territoires d’outre-mer, donnant ainsi à la France une couverture mondiale. La Direction des opérations, qui forme à la clandestinité, englobe le « service action », composé exclusivement de militaires capables de faire discrètement transiter armes, explosifs, devises, papiers d’identité ou argent liquide n’importe où dans le monde et d’exfiltrer des personnes. La Direction de l’administration gère les ressources humaines, finances et infrastructures. La Direction de la stratégie, le plus souvent pilotée par un diplomate, organise les échanges entre les différents ministères et réalise des « fiches profils » sur les personnalités politiques étrangères participant à des négociations. La carrière d’OT suit rarement une trajectoire linéaire, en raison des accidents de parcours, dus à des aléas professionnels…ou une faute grave. Sur le terrain, stress et tension constituent le sel du métier : observer, se déplacer en surveillant l’environnement, semer un poursuivant, prendre contact avec une source en toute discrétion, engager la conversation et écouter, tout en préparant le coup suivant. Qu’il le veuille ou non, l’OT s’implique émotionnellement dans ses rapports avec ses sources. En outre, les mythes relatifs au métier ne présentent pas toujours un avantage. Certaines sources risquent en effet de lourdes peines de prison ou même la mort. Quoique loin du terrain, le travail minutieux de contre-terrorisme réalisé à Paris permet, parfois, de démanteler un réseau à l’étranger ou en France. Pour obtenir des preuves de vie en cas de prise d’otages, il s’agit de faire le tri entre les intermédiaires sérieux et les escrocs, prêts à vendre de fausses informations contre rémunération. Les interceptions (écoutes téléphoniques, surveillances de comptes e-mail ou de messagerie) présentent plus de fiabilité que le renseignement d’origine humaine, influencé par l’appréciation de la source. Le chantage, comme moyen de recrutement, présente de gros risques : informations peu fiables de la cible, qui cherche à se protéger ; retournement possible de la cible qui, sous la pression, avoue tout à son service d’origine. Alors que le cloisonnement entre collègues d’un même service prime à Paris, la réactivité sur le terrain exige de travailler ensemble pour suivre les avancées des dossiers du voisin. En outre, la cellule technique détachée et un linguiste peuvent travailler en direct sur les cibles désignées. Les OT du contre-terrorisme, affectés à Paris, effectuent des missions ponctuelles sur le terrain.

Loïc Salmon

« Profession espion », Olivier Mas. Editions Hoëbeke, 206 pages, 16,50 €.

DGSE : le renseignement à l’étranger par des moyens clandestins

Renseignement : la DGSE souhaite être connue

James Bond n’existe pas

Sécurité : le renseignement dans la lutte contre le terrorisme




Géopolitique de la Russie

La puissance de la Russie repose sur son vaste territoire, sa richesse énergétique et son appareil militaire modernisé.

D’une superficie de 17 Mkm2 sur 11 fuseaux horaires, la Fédération de Russie compte 144,5 millions d’habitants répartis en 160 ethnies et 194 nationalités. La partie asiatique occupe 75 % du territoire avec seulement 20 % de sa population, ce qui explique la culture principalement européenne de la Russie. Les ventes de pétrole et de gaz, qui constituent 68 % de ses exportations, représentent 29 % de son produit intérieur brut. Le reste provient de l’industrie, de l’agriculture et de la technologie, à la suite d’investissements massifs dans la recherche et le développement…pour moins dépendre des hydrocarbures. La Russie exporte 85 % de son gaz vers l’Union européenne (UE), qui assure ainsi 30 % de ses importations de gaz à égalité avec ses achats à la Norvège. Les ports baltes, qui constituaient l’unique débouché du pétrole russe par la Baltique en 1999, sont remplacés, en 2020, par quatre ports russes ainsi que trois oléoducs en construction. En se brouillant avec la Russie, l’Ukraine a perdu l’accès à un gaz bon marché et est approvisionnée par l’Europe de l’Ouest avec du gaz..acheté en Russie ! Elle a aussi perdu le charbon bon marché extrait du Donbass, où la sécurité des populations des deux Républiques auto-proclamées est garantie par…la Russie. Celle-ci attend que l’écroulement économique et politique de l’Ukraine fasse comprendre à sa population qu’elle n’a rien attendre de l’Occident, peu enclin à mobiliser ses forces pour permettre à l’Ukraine de remporter une hypothétique victoire à l’Est. A la destitution du président ukrainien pro-russe, dénoncée comme un coup d’Etat par Moscou, succède, en 2014, un referendum en Crimée. Les électeurs se prononcent à 96,77 % pour son rattachement à la Russie. Pour assurer sa sécurité et son influence dans l’espace eurasiatique, celle-ci veut conserver la Crimée, conquise au XVIIIème siècle et dont le port militaire de Sébastopol héberge sa flotte de la mer Noire. Elle entend arrêter l’expansion géopolitique et idéologique de l’Occident, amorcée par l’intégration à l’UE et à l’OTAN des anciens Etats satellites de l’URSS, malgré les promesses faites à Moscou peu avant la chute de l’empire soviétique (1991). La campagne militaire occidentale du Kosovo (1998-1999) contribue à l’affaiblissement de la nouvelle Russie. En 2008, celle-ci réagit militairement contre la Géorgie (destruction de 90 % de sa flotte), jugée trop proche des Etats-Unis et de l’UE. Son multiculturalisme (18 millions de musulmans russes), facilite son action diplomatique au Moyen-Orient. Devant la menace terroriste d’Al Qaïda et pour maintenir l’unité fédérale, la Russie soutient les classes politiques ralliées en Tchétchénie et au Daghestan. En 2015, elle intervient en Syrie contre Daech, qui compte 7.000 combattants venus des ex-Républiques soviétiques et dont beaucoup ont été formés en Afghanistan et au Pakistan. Elle se rapproche de la Turquie après la tentative de putsch (2016), vraisemblablement soutenue par la CIA, et le risque, pour Ankara, de voir les Kurdes disposer d’un sanctuaire militarisé en Syrie. Cela se concrétise par la construction du gazoduc Turkish Stream, pour alimenter l’UE, et la commande de missiles anti-aériens S400 russes par la Turquie…membre de l’OTAN. Enfin, la Russie augmente son budget militaire de 4 % par an depuis 2011, notamment pour remplacer ses missiles balistiques stratégiques en 2022 et reconstruire sa Marine.

Loïc Salmon

« Géopolitique de la Russie », ouvrage collectif. Editions SPM, 384 p. 33 €.

Chine et Russie : affirmations de puissance et difficultés internes

Proche-Orient : retour en force de la Russie dans la région

Cyber : instrument de la puissance russe en Baltique

 




Renseignement : l’activité des organisations djihadistes

Les organisations terroristes, dont l’Etat islamique (EI) et Al Qaïda (AQ), disposent de structures de renseignement dédiées à la sécurité, la contre-ingérence, l’espionnage et la préparation d’actions spécifiques.

Ce thème a fait l’objet d’une étude réalisée en novembre 2018 par le colonel Olivier Passot, chercheur associé à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire. Le « califat » de l’EI, instauré sur une partie des territoires syrien et irakien, a été vaincu par une coalition internationale en mars 2019.

Les références. Les services de renseignement de l’EI et d’AQ doivent rechercher les informations permettant de garantir leur sécurité et d’assurer la protection des musulmans de la communauté. Ces deux missions justifient leur existence même, car les dirigeants djihadistes condamnent l’idée que des musulmans espionnent d’autres musulmans pour obtenir une information. La Confrérie des frères musulmans, créée en Egypte en 1928, a inspiré certains groupes djihadistes modernes pour la dimension secrète, la structure élitiste et les services rendus à la population pour gagner son soutien. Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, AQ théorise les questions de renseignement et d’espionnage et préconise l’infiltration des différentes entités de l’adversaire : police, armée, partis politiques, compagnies pétrolières et sociétés privées de sécurité. Les agents doivent dissimuler leurs convictions religieuses et maintenir un contact régulier et discret avec leurs « officiers traitants ». S’ils sont démasqués, ils doivent lutter jusqu’à la mort pour éviter la capture. En cas d’infiltration par des espions, ceux-ci risquent une punition dissuasive s’ils sont découverts. Les auteurs djihadistes s’inspirent également des guerres révolutionnaires entreprises en Chine (1945-1949), Indochine (1946-1954) et Algérie (1954-1962) quant au soutien de la population, qui fournit communication, nourriture, recrues et renseignement. Ce dernier vise à la contrôler, démoraliser l’adversaire et intoxiquer les neutres. Le mouvement de libération cherche à installer le désordre, gripper la machine administrative, désorganiser l’économie et miner l’autorité de l’Etat. L’appel à la guerre révolutionnaire dans le monde arabo-musulman s’inscrit dans un environnement politico-militaire particulier, où le passage de sa civilisation de la grandeur au déclin en à peine un siècle a suscité ressentiment et angoisse. L’échec des Etats-nations, souvent autoritaires, issus de la décolonisation a renforcé l’engouement du projet islamiste mondial, propagé par la surenchère révolutionnaire. Ainsi, l’EI se veut plus islamique que l’Arabie saoudite et AQ. Pourtant, malgré les interventions militaires occidentales massives en Afghanistan (2001-2014) et en Irak (2003), AQ n’est pas parvenu à rallier les masses musulmanes.

Les ressources humaines. L’EI, l’AQ et les groupes djihadistes leur ayant prêté allégeance désignent leurs services de renseignement par l’appellation « Amni », qui correspond à « protection » et « sécurité » (voir plus haut). Les candidats à l’Amni recherchent la reconnaissance sociale, le goût de l’action, la perspective du pouvoir ou la possibilité de vivre intensément leur foi musulmane. Les considérations financières apparaissent comme secondaires. Aux Moyen-Orient, Sahel et Nigeria et dans la Corne de l’Afrique, le recrutement dépend de l’appartenance à des clans religieux ou à des ethnies spécifiques. Les Arabes détiennent les postes les plus importants. L’accès aux responsabilités repose sur des critères intellectuels et sociaux. Ainsi, les deux tiers des terroristes impliqués dans les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis avaient fréquenté l’université, dont deux étaient titulaires d’un doctorat. Les hautes fonctions sont confiées aux érudits ayant une connaissance approfondie du Coran. Les fonctions opérationnelles sont attribuées à des hommes ayant une expérience militaire ou sécuritaire ou disposant déjà de relais au sein de l’organisation djihadiste. Le commandement de l’EI sélectionne, pour servir de façon permanente dans l’Amni, des hommes ayant fait leurs preuves lors d’opérations militaires ou terroristes. Ces derniers, étant nommés par le chef et relevant directement de lui, en retirent un sentiment de supériorité sur les autres, à l’origine de tensions et de dysfonctionnements. Les gros bataillons de l’Amni n’assurent que des vacations et n’appartiennent pas aux diverses organisations djihadistes. Une première catégorie regroupe des fonctionnaires, vigiles et prestataires de services de sécurité ayant accès à des informations sensibles. La seconde rassemble des jeunes chômeurs, sans qualification et prêts à fournir une aide ponctuelle contre une modeste rétribution. Le vivier des vacataires s’étend aux femmes et aux enfants, moins contrôlés par les services de sécurité étatiques. Le passage du statut de vacataire à celui de permanent reste très rare.

Les moyens d’acquisition. Les organisations djihadistes acquièrent équipements et logiciels de traitement du renseignement sur le marché noir ou par l’intermédiaire de groupes criminels. L’EI avait mis en place un réseau logistique d’approvisionnement aux Philippines, en Somalie et en Turquie. Toutefois, l’entretien d’équipements de haute technologie s’avère compliqué, en raison de la furtivité et de l’isolement des organisations djihadistes et des conditions climatiques du Moyen-Orient et du Sahel (chaleur, sècheresse et vents de sable). Certaines ont acheté des équipements d’écoute de communications téléphoniques disponibles dans le commerce. Le Hezbollah (Liban), le Hamas (Gaza) et les talibans (Afghanistan) emploient des drones depuis 2010. L’EI en a utilisé à décollage vertical et capables d’évoluer dans des ruelles et à l’intérieur de bâtiments, pendant la bataille de Mossoul (2016-2017). Sur internet, les groupes djihadistes récupèrent des informations sur leurs cibles potentielles et pour réaliser techniquement leurs propres équipements et perfectionner leur organisation. Ils profitent des antagonismes Afghanistan-Pakistan, Irak-Turquie et Israël-Syrie pour bénéficier du soutien extérieur de pays limitrophes. Ainsi, les talibans sont informés par les services de renseignements iraniens et pakistanais.

Loïc Salmon

Aux agences américaines de renseignement qui suscitent fascination et rejet, les organisations djihadistes préfèrent les modèles du Moyen-Orient, surtout d’Irak et de Syrie, dont les sociétés, sont marquées par l’influence des services de sécurité. Celles-ci ont dû subir leur surveillance, coopérer avec eux ou en faire partie. L’Etat islamique et d’Al Qaïda préconisent en effet des mesures similaires : contrôle permanent de la société ; techniques de torture ; recours aux punitions collectives. Dès 2010, des officiers des services officiels ont rallié les organisations djihadistes. Ceux des forces spéciales leur ont apporté des techniques, des tactiques et une connaissance intime de l’ennemi. Cette transposition s’observe aussi en Libye et au Sahel. Toutefois, les transfuges militaires et policiers de rang subalterne n’ont acquis qu’une expertise limitée du renseignement.

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Proche-Orient : Israël, envisager tous les scénarios de riposte

Outre le suivi des menaces directes et indirectes de l’Iran, les forces armées israéliennes (Tsahal) développent leurs capacités de ripostes aux attaques des mouvements politico-militaires du Hezbollah (Liban) et du Hamas (Gaza).

Un responsable militaire israélien l’a expliqué lors d’une réunion organisée, le 14 janvier 2020 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

L’Iran, qui ne dispose pas encore d’armement nucléaire, s’implique militairement dans le conflit au Yémen et prépare des attaques contre l’Arabie Saoudite. Il a tenté, sans succès, d’attaquer Israël à six reprises en deux ans. Malgré la baisse du niveau de menace directe, son activité en Syrie reste l’objectif prioritaire des services de renseignement d’Israël. Ce dernier n’intervient pas dans la guerre civile en Syrie, mais a déjà accueilli 5.000 blessés syriens. De son côté, pour pallier son éloignement géographique de 1.000 km, l’Iran tente d’atteindre Israël par des missiles et des roquettes tirés de Syrie ou par ceux fournis au Hezbollah, qui accroît son influence au Liban. Le soutien militaire de la Russie au régime syrien, pour des raisons stratégiques qui lui sont propres, est pris en considération par Israël. Pour assurer la sécurité des militaires russes et israéliens, des responsables de Tsahal préviennent leurs homologues russes peu avant une attaque contre une cible iranienne. Depuis 40 ans, la situation sur le plateau du Golan reste stable, à part deux récentes tentatives d’infiltration en Israël qui ont été neutralisées.

Le Hezbollah, qui avait lancé 250 roquettes en une seule journée contre la population civile israélienne en 2006, dispose d’un stock de 130.000 roquettes en 2020. Depuis 18 mois, il peut assembler des composants de missiles, acquis en Irak et en Syrie, mais n’est pas encore en mesure d’en fabriquer localement. Ces missiles pourront bientôt atteindre Tel Aviv et le port d’Eilat (Sud du pays). Le Hezbollah, qui faisait planer une menace contre un million de personnes en 2006, la porte à 90 % de la population israélienne en 2020. Toutefois, Tsahal peut intercepter roquettes et missiles, grâce au « Dôme de fer », composé de radars de trajectographie et de batteries de missiles d’interception de courte portée. En cas d’alerte par des sirènes, les populations des villes se réfugient dans des abris en béton. Par ailleurs, le Hezbollah tente depuis huit ans d’établir une infrastructure opérationnelle au Liban. Il n‘autorise plus les patrouilles de la FINUL (Force intérimaire des nations unies au Liban), à laquelle participe un contingent français. Les formes futures d’un conflit font l’objet de réflexions au sein de Tsahal, en raison des améliorations quantitative et qualitative de l’armement du Hezbollah.

Le Hamas, organisation islamiste palestinienne, contrôle la bande de Gaza depuis sa victoire aux élections législatives de 2006. Il utilise la plus grande partie des subventions de l’Union européenne pour acheter des équipements militaires et non pour développer des infrastructures civiles. Dans sa lutte contre Israël, il recourt d’abord au terrorisme par des attentats suicides qui ont déjà fait 143 victimes civiles. Tsahal a alors construit une barrière de sécurité à sa frontière. Des roquettes ont été lancées, jusqu’à 700 en 48 heures, sur le territoire israélien. Le « Dôme de fer » n‘intercepte que celles visant des zones habitées. Enfin, une vingtaine de tunnels ont été découverts, grâce à une nouvelle technologie israélo-américaine. En outre, un mur souterrain de 55 km et d’un mètre d’épaisseur sera achevé d’ici à la fin de 2020, pour empêcher toute infiltration en Israël.

Loïc Salmon

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Cyberdjihadisme : baisse de la propagande et réorganistion

L’Etat islamique (EI) et Al Qaïda (AQ), principales organisations terroristes, diffusent plutôt leurs messages vers les petites plateformes et les réseaux chiffrés, pour des raisons financières et de « neutralisation » de leurs comptes sur les grands réseaux sociaux.

Cela ressort d’un rapport publié en mai 2019 par le ministère de l’Intérieur (Délégation aux industries de sécurité et à la lutte contre les cybermenaces). L’EI et AQ utilisent les mêmes codes et protocoles de diffusion de propagande terroriste sur internet, à savoir le « web 2.0 » (interactivité alliant complexification de la technologie et simplicité d’utilisation), les applications mobiles et les réseaux sociaux. Ils visent des objectifs similaires : propagande idéologique et recrutement ; financement ; plateforme opérationnelle ; revendication.

Le réseau global de l’EI. La propagande de l’EI à destination de la mouvance occidentale s’est dégradée en termes de qualité et de quantité. Les vidéos de mise en scène de djihadistes francophones depuis la zone syro-irakienne, qu’il contrôlait, ont disparu depuis le second semestre 2017. La perte de son territoire et de nombreuses infrastructures a conduit à une baisse de production de contenus de propagande sur ses organes officiels Nashir News et Amaq. Le magazine Rumiyah a cessé de paraître en 2017. Cependant, le bulletin en pdf Al Naba et les bulletins quotidiens de la radio Al Bayan continuent leur diffusion. Le groupe sympathisant Fursan Upload présente de nouveaux contenus sur plusieurs canaux du réseau chiffré « Telegram » et différents services d’hébergement, dont le « cloud ». Les anciennes productions perdurent, grâce à des services de copie et de sauvegarde. Telegram demeure le premier vecteur de l’EI pour la publicité et de stockage de nouvelles parutions. Par ailleurs, les sympathisants de l’EI ont exprimé leur volonté d’acheter les outils et les services nécessaires à des cyberattaques par les « volontaires en ligne ». Mais leurs capacités offensives internes semblent limitées et guère organisées. En mars 2018, l’EI a tenté, sans succès, de monter le réseau social « Muslim’s Network ». Le recours aux monnaies virtuelles pour financer des attaques terroristes reste marginal.

La mouvance AQ. L’organisation AQ regroupe également d’autres entités, dont AQMI (Maghreb), AQPA (péninsule arabique), AQSI (Sinaï) et Al-Shebbaab (Somalie). Elle dispose des organes de propagande GIMF, Sahab M.dia, Al Malahem et Al Fustaat ainsi que de services de traduction et utilise aussi Telegram. En outre, elle publie régulièrement des infographies de menaces, lors des fêtes religieuses et des événements de société (« gilets jaunes ») ou sportifs (coupe du monde).

 « Pharos » à la rescousse. Le ministère de l’Intérieur a ouvert sur internet le portail « Pharos », permettant de signaler des contenus illicites, notamment la propagande islamiste. Cette plateforme a recueilli 4.550 signalements de contenus à caractère terroriste ou en faisant l’apologie en 2018, contre 6.750 en 2017 et 11.400 en 2016. Elle a transmis : 12.100 demandes de retrait pour les contenus à caractère terroriste, contre 30.634 en 2017 ; 4.877 demandes de « déréférencement » ; 51 demandes de blocage. Depuis le 28 février 2018, elle dispose d’un relais européen, via une connexion avec l’application IRMa d’Europol. Les échanges de données portent sur les transmissions d’adresses URL de contenus terroristes passibles d’un retrait. Au 31 décembre 2018, Pharos a ainsi transmis, à Europol, 69.937 contenus à caractère terroriste.

Loïc Salmon

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Afrique : une base aérienne projetée pour « Barkhane »

Dans le cadre de l’opération « Barkhane », la base aérienne projetée (BAP) à Niamey contribue au combat contre les groupes armés terroristes, à l’appui aux forces armées partenaires, à la gouvernance et au développement de la bande sahélo-saharienne (BSS).

Sa présentation à la presse, le 21 novembre 2019 à Paris par son commandant, le colonel Hughes Pointfer, a été complétée par un point de la situation sur zone par le porte-parole de l’Etat-major des armées (EMA).

Les moyens. Située au centre de la BSS d’une superficie égale à celle de l’Europe, la BAP permet notamment à un avion de chasse de rallier une zone d’opérations entre 10 minutes et 1 heure, quand il n’est pas déjà en vol. En alerte permanente pour agir en tous lieux, l’outil aérien regroupe pour : l’intervention, 4 Mirage 2000 D ; l’appui et la projection, 2 avions ravitailleurs C135 et 1 avion de transport tactique C160 Transall ; les évacuations médicales, 1 Casa CN 235 ; le renseignement, 1 Mirage 2000 équipé de la nacelle optronique Talios (recueil d’images NTISR), et 3 drones Reaper. Les essais d’armement des Reaper se poursuivent, en vue d’une mise en service fin 2019. Ils pourront embarquer des missiles antichar Hellfire à guidage laser semi-actif ou à guidage radar (« tire et oublie »). Des renforts temporaires sont assurés par : 1 avion de transport polyvalent A 400 M ; 1 ravitailleur C 160 J Hercules ; 1 avion de guerre électronique et de renseignement ATL2 de la Marine nationale. En outre, la BAP apporte son appui aux forces nigériennes et partenaires par diverses missions : partenariat militaire opérationnel, dont la formation à l’appui aérien et de « spécialistes carburant » ; échange de renseignements ; réassurance ; transport de personnel et de matériel ; soutien au poste de commandement de la force conjointe G 5 Sahel du fuseau Centre ; construction de postes de combat à la base aérienne 101 de Niamey. En un an, la BAP a réalisé 6.000 mouvements d’aéronefs et 50 convois terrestres. Elle a aussi transporté : 42.000 passagers en transit, soit 25 % du trafic de l’aéroport de Niamey ; 4.800 t de fret, soit 40 % du trafic de l’aéroport de Niamey ; 145 t de courrier, dont 20 t pour elle-même.

Les opérations. Le théâtre de la BSS est éprouvant pour les hommes et les matériels, rappelle le porte-parole de l’EMA. Les groupes armés terroristes, ensemble hétérogène de combattants affiliés ou non à des franchises terroristes internationales (Daech ou Al Qaïda), exploitent les défauts de gouvernance dans certaines régions et s’en prennent indistinctement aux cibles militaires et aux civils. Ils affrontent de jeunes forces armées locales, mal équipées et en cours d’aguerrissement. Quoique leur nombre reste stable, les attaques terroristes deviennent plus meurtrières, surtout contre les forces armées maliennes. Du 1er au 17 novembre, l’opération « Bourgou 4 » a mobilisé plus de 1.400 soldats burkinabés, maliens, nigériens et français dans les régions de Déou (Burkina Faso) et Boulikessi (Mali). Elle a permis la mise hors de combat de plus d’une vingtaine de terroristes et la saisie de 64 véhicules et d’une centaine de téléphones portables et de munitions. Selon le colonel Pointfer, la BAP de Niamey a fourni un appui aérien, renforcé par un détachement venu de N’Djaména (Tchad) et qui a nécessité : 13 missions de drones ; 2 chasseurs en alerte permanente ; 36 sorties ; 90 ravitaillements en vol ; 13 dossiers NTISR ; 12 manifestations de présence, à savoir l’effet dissuasif du passage à la verticale des positions adverses.

Loïc Salmon

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