Armée de Terre : le CFT, fournir des soldats opérationnels au bon moment et au bon endroit

Le Commandement des forces terrestres (CFT) doit recruter, former, entraîner et fidéliser des combattants, projetables sur le territoire national ou sur un théâtre d’opérations extérieur.

Son état-major, implanté à Lille, l’a présenté à l’Association des journalistes de défense le 23 mai 2016. Sont notamment intervenus : le général de corps d’armée Sainte-Claire Deville, commandant le CFT ; le colonel Dirou ; le lieutenant-colonel Hunot ; le colonel Givre ; le commandant Sackreuter.

Remontée en puissance. Il s’agit de recruter 11.000 personnels entre avril 2015 et début 2017 et d’augmenter les effectifs au niveau section, rappelle le général Sainte-Claire Deville. Pendant ce temps, il faut former 40 unités de combat supplémentaires, dont 20 d’arme blindée cavalerie : 10 fin juillet, 10 fin octobre, 10 fin décembre et 10 début 2017. Le recrutement s’établit à 2 candidats par poste proposé. La formation initiale se répartit sur tout le territoire national, à raison de 6 à 12 mois pour les soldats, 1 an pour les sous-officiers et 4 ans pour les officiers. Pour l’entraînement, la priorité est donnée à la préparation avant projection, sous la responsabilité du chef d’unité : tir ; secourisme ; instruction collective au niveau de la section d’infanterie ou du peloton de cavalerie. Le commandement doit entretenir les savoir-faire du niveau élémentaire à celui du régiment. La préparation opérationnelle se fait dans les centres d’entraînement spécialisés de Champagne et de Provence, dans le cadre de sous-groupements tactiques interarmes incluant des éléments de cavalerie, d’infanterie, du génie, d’artillerie et de logistique. Les effectifs subissent une certaine attrition  au cours des six premiers mois d’engagement, dont 3 % pour des pathologies … détectées lors de la première marche ! Par ailleurs, les absences prolongées du domicile, de l’ordre de 180 à 230 jours par an, donnent droit à des primes équivalant à un 13ème ou un 14ème mois de solde, mais créent des difficultés au sein des familles. L’opération « Sentinelle » de lutte contre le terrorisme sur le territoire national permet aux militaires du rang de percevoir au quotidien la reconnaissance de la population. Mais pour les sous-officiers ou officiers subalternes, elle ne correspond pas à ce qu’ils souhaitent, à savoir des responsabilités plus guerrières. Au bout de 5 ans de service, se pose la question de la fidélisation des meilleurs soldats. L’objectif du CFT est de la rendre supérieure à 40 %, alors qu’elle dépasse à peine 15 % aujourd’hui, souligne le général Sainte-Claire Deville.

Rééquilibrage. Pour contribuer à l’équilibre stratégique de  la défense (dissuasion nucléaire, connaissance/anticipation, prévention, protection et intervention), l’armée de Terre doit réévaluer ses engagements sur les théâtres extérieurs et en métropole explique le colonel Dirou. Le programme « Scorpion » de renouvellement de ses équipements va connecter entre elles toutes les composantes d’un groupement tactique interarmes (infanterie, cavalerie, appui et soutien). Sa mise en œuvre va décloisonner et favoriser la combinaison et la formation interarmes. Cela se traduira, à terme, par des changements sur les structures et dans les relations humaines et le maintien des matériels en condition opérationnelle. Parallèlement, les acquis des opérations extérieures sont pris en compte dans la formation et l’entraînement d’un combattant qui doit devenir polyvalent, notamment l’autonomie, la créativité, l’initiative et l’imagination. Entre 1996 et 2016, les forces terrestres françaises ont été déployées au Liban, en Bosnie, au Kosovo, en Côte d’Ivoire, en Afghanistan, en Libye, au Mali et … en France ! Actuellement, quelque 31.500 militaires français des trois armées sont déployés en missions et en opérations à travers le monde, indique le lieutenant-colonel Hunot. Sur le territoire national, 13.000 d’entre eux participent à l’opération « Sentinelle », à la posture permanente de sûreté aérienne et à la posture permanente de sauvegarde maritime. Les forces prépositionnées, soit 11.000 personnels, se répartissent entre : celles de souveraineté nationale aux Antilles, et en Guyane, zone Sud de l’océan Indien, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française ; celles de présence à l’étranger, à savoir au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon, aux Émirats arabes unis et à Djibouti. Enfin, 7.500 sont engagés dans des opérations extérieures : « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne ; « Sangaris » en Centrafrique ; « Corymbe », surveillance maritime du golfe de Guinée ; « Atalante » pour lutter contre la piraterie en océan Indien ; « Chammal » contre Daech en Irak.

Retours d’expériences. Le colonel Givre se trouvait à Bagdad, entre octobre 2015 et mars 2016, à la tête de 150 militaires français dans le cadre du programme d’assistance aux forces irakiennes. Cette mission, destinée à créer un climat de confiance pour lutter contre Daech, consiste à dupliquer l’opération « Sentinelle » dans la capitale irakienne, centre du pouvoir chiite, militaire, policier et des services de renseignement. Ces derniers entretiennent des relations avec leurs homologues syriens. La mission française recueille aussi du renseignement sur les gens de Daech susceptibles de revenir en Europe. En outre, l’armée de l’Air française participe aux frappes en appui aux troupes irakiennes au sol, après avoir obtenu le feu vert de Paris et du commandement de la coalition internationale (70 pays), installé au Qatar. Les États-Unis effectuent 80 % des frappes et la France 20 %. Il n’y a pas d’accompagnement terrestre direct des troupes irakiennes en première ligne par la coalition, sauf par les forces spéciales américaines, australiennes et britanniques. De son côté, le commandant Sackreuter a séjourné six mois à Kidal, au sein de la Mission des nations unies au Mali (MINUSMA). La recherche, difficile, du renseignement sur les djihadistes se fait surtout par des sources d’origine humaine. Compte tenu de leurs liens avec la population, il est possible de localiser les djihadistes et de savoir ce qui se passe dans un rayon de 20 km du camp de la MINUSMA. En revanche, ceux-ci bénéficient de la complicité de civils qui y travaillent. Enfin, la relation avec les Maliens n’est pas toujours facile, car la France est encore perçue comme l’ancien colonisateur.

Loïc Salmon

Armée de Terre : création d’un commandement pour le territoire national

Armée de Terre : un état-major de forces immédiatement projetable

Irak : le volet « assistance » de l’opération « Chammal »

Le Commandement des forces terrestres (CFT) a autorité sur : l’état-major du Corps de réaction rapide-France de l’OTAN ; deux états-majors de force ; 7 brigades interarmes (2 brigades de décision, 3 brigades multirôles et 2 brigades d’engagement d’urgence) ; 3 brigades spécialisées (renseignement, transmissions et logistique) ; la division aéromobilité (3 régiments d’hélicoptères de combat). L’état-major du CFT compte 738 personnels militaires et civils et peut faire appel à 150 réservistes. Les forces terrestres incluent également : la Brigade des forces spéciales terre ; la Brigade franco-allemande ; le commandement des centres de préparation des forces. Le 5ème Régiment de cuirassiers, recréé et installé aux Émirats arabes unis à partir de juin 2016, assure l’entraînement en zone désertique. Les effectifs totalisent 70.000 militaires.




14 juillet 2016 : les engagements militaire, sécuritaire et national

L’édition 2016 du défilé du 14 juillet à Paris, mis au point par le ministère de la Défense en concertation avec celui de l’Intérieur et la présidence de la République, met l’accent sur l’engagement au sens large.

Elle a été présentée à la presse le 30 juin par le général de corps d’armée Bruno Le Ray, gouverneur militaire de Paris.

Les valeurs symboliques. Pour les armées, cet engagement est opérationnel pour les missions extérieures et intérieures. Leur professionnalisation, annoncée en 1996, est devenue effective fin 2001. Aujourd’hui, toutes les forces de sécurité sont engagées dans la lutte contre le terrorisme, y compris l’administration pénitentiaire et celle des Douanes… qui défile pour la première fois depuis le 14 juillet 1919 ! Son insigne représente une carte de France avec un cor de chasse, pour rappeler son appartenance aux unités de chasseurs, et une grenade symbolisant un corps d’élite. L’engagement de la nation toute entière et surtout de sa jeunesse se manifeste par son emblème et son hymne. Ainsi, la « Marseillaise » est entonnée par 460 lycéens et collégiens, sélectionnés par un concours de l’Éducation nationale et accompagnés par le Chœur de l’armée française. En même temps, 12 jeunes déficients auditifs « chantent » par signes l’hymne national. Tous les choristes sont vêtus de bleu, blanc et rouge avec des couvre-chefs assortis. En outre, 120 jeunes du Service militaire volontaire, en uniforme, forment le contour d’un drapeau constitué par les choristes. Derrière eux, 10 volontaires du Service civique portent les banderoles « Liberté », « Égalité » et « Fraternité ». Enfin, deux avions de la patrouille de France et un de voltige aérienne piloté par le capitaine Alexandre Orlowski, champion du monde, survolent ce tableau avec un panache bleu, blanc et rouge. Le défilé 2016 fête 4 anniversaires : les 100 ans de la bataille de la Somme à laquelle ont participé des forces de la Grande-Bretagne et du Commonwealth ; les 100 ans de l’escadrille La Fayette, composée à l’époque de volontaires américains ; les 100 ans des 12 escadrilles métropolitaines ; les 70 ans des pompiers de l’Air.

La parade. A l’occasion du centenaire de la bataille de la Somme, 140 Australiens avec 40 emblèmes et 86 Néo-Zélandais (16 emblèmes) marchent. Cette bataille marque en effet un moment fort de leur construction en tant que nation. Viennent aussi ceux qui n’ont pas l’habitude de défiler : Centres de formation des militaires du rang ; École des mousses ; École d’enseignement technique de l’armée de l’Air ; réserve opérationnelle ; le soutien de l’opération « Sentinelle », dont 6.000 à 7.000 militaires sont déployés en Île-de-France depuis les attentats terroristes de 2015 ; unités cynophiles dans des véhicules légers ; élèves des Douanes et de l’administration pénitentiaire. Les 1.200 m de l’avenue des Champs-Élysées auront été parcourus par : 3.239 personnels à pied ; 212 véhicules ; 241 chevaux de la Garde Républicaine ; 55 avions et 30 hélicoptères. La vitesse varie : 115 pas/minute pour l’ensemble des troupes ; 88 pas/minute pour la Légion étrangère qui ne se sépare pas en deux à l’arrivée place de la Concorde, contrairement aux autres unités ; 240 m/minute pour les troupes motorisées. Le défilé aérien se dédouble : avions à l’ouverture et hélicoptères à la clôture. Enfin, un avion américain C130J Hercules ravitaille en vol 2 hélicoptères Caracal, comme pour les forces spéciales en Centrafrique et dans la bande sahélo-saharienne.

Loïc Salmon

14 juillet 2015 : les opérations sur le territoire national à l’honneur

14 juillet 2014 : 80 nations invitées pour les 100 ans de la Grande Guerre




Armée de Terre : création d’un commandement pour le territoire national

Dans le cadre de la réorganisation de l’armée de Terre et de l’évolution de la menace, un « commandement Terre pour le territoire national » (COM TN) a été créé administrativement le 1er juin 2016. Son chef, le général de division Gaëtan Poncelin de Raucourt, l’a présenté à la presse le 9 juin.

Caractéristiques. Destiné à devenir un pôle d’excellence, le COM TN ne dispose que de 50 militaires d’active et de 30 réservistes, qui peuvent renforcer en 10 heures les commandements opérationnels en cas de crise. Il doit favoriser la coordination et la mise en œuvre de procédures communes avec la Marine nationale, l’armée de l’Air et la Gendarmerie ainsi qu’avec les autres ministères. Il produit une synthèse des informations au profit des forces, fournit du conseil, anticipe pour préparer le coup d’après et imagine des scénarios. Il travaille en réseau pour partager les informations et s’intégrer. Enfin, il engage des études et des réflexions sur les conditions d’engagement, la résilience et les réserves. Les réservistes ont en effet vocation à être employés sur le territoire national. Le championnat  d’Europe de football masculin 2016 (Euro 2016) donne l’occasion, pour la zone de défense et de sécurité Île-de-France, de tester un système d’information géographique, de cartographie et de communication. Placé sous l’autorité directe du chef d’état-major de l’armée de Terre, le COM TN est installé à l’École militaire à Paris. Il  répond à trois besoins. D’abord, l’armée de Terre a recentré son action sur le territoire national en y déployant 10.000 militaires, dont la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, pour : participer à la sécurité civile (inondations) ; assurer le service militaire adapté dans les départements d’outre-mer ; contribuer au plan Vigipirate de lutte contre le terrorisme ; mener les opérations « Héphaïstos » (feux de forêt en zone méditerranéenne), « Harpie » (orpaillage clandestin en Guyane) et « Sentinelle » (protection des points sensibles, du territoire national après les attentats terroristes de 2015). Ensuite, devant l’ampleur de la menace, un facilitateur s’avère nécessaire pour améliorer les performances et la connaissance des cultures respectives des autres armées et ministères concernés. Enfin, le renfort de la réserve et le service militaire volontaire répondent à la demande de citoyens, qui veulent s’impliquer dans la défense du territoire national.

Recours aux armées. Quelque 13.000 militaires protègent le territoire national : 10.000 pour l’opération « Sentinelle » ; plus de 1.500 pour la posture permanente de sauvegarde maritime ; plus de 1.000 pour la posture permanente de sûreté aérienne. L’armée de Terre a organisé une nouvelle posture de protection terrestre, permanente mais adaptable en volume aux demandes des autorités civiles (préfets de département ou de région). Un rapport du ministère de la Défense, remis au Parlement au début de 2016, ajoute aux domaines déjà cités la lutte contre le trafic de drogue et la défense des intérêts économiques. Les armées n’agissent, sur réquisition ou demande de concours des forces de sécurité intérieure, que lorsque les moyens sont inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles. Trois nouvelles postures permanentes ont vu le jour. Le Service de santé des armées dispose de moyens et de spécialistes disponibles si nécessaire. Le Service des essences des armées apporte un soutien pétrolier aux forces de sécurité intérieure. La posture cyber assure la protection interne du ministère de la Défense.

Loïc Salmon

Sécurité : « Orphé », plongée au cœur des cellules de crise

Crises : prévention et gestion en Ile-de-France

GMP : rôles opérationnel, civilo-militaire et de rayonnement




Défense et sécurité : de la menace à la résilience

La menace inclut la capacité et l’intention de l’adversaire, y compris son aspect symbolique. Elle implique une convergence de l’emploi de forces militaires et de sécurité, à l’extérieur comme à l’intérieur du pays.

Ces questions ont fait l’objet d’un colloque organisé, le 2 mars 2016 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM). Y ont notamment participé : le docteur Élyamine Settoul, IRSEM ; le docteur Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer, Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère des Affaires étrangères.

La radicalisation. Depuis les attentats de Londres en 2005, les études sur le terrorisme portent sur le lien entre idéologie extrémiste et action violente plus ou moins organisée, explique Élyamine Settoul. Ce phénomène prend de l’ampleur et se diversifie : quelque 25.000 à 30.000 combattants, dont 4.000 Européens (1.600 Français), sont partis en Syrie depuis juillet 2014, contre 20.000 pour l’Afghanistan entre 1980 et 1992. Selon certaines thèses, l’islam serait incompatible avec les valeurs républicaines : conflit de nature culturelle ou « choc des civilisations » ; « Eurabia », menace identitaire de l’axe euro-arabe favorisant l’immigration en Europe de l’Ouest des populations musulmanes au taux de fécondité élevée. Or, la communauté musulmane est très hétérogène, avec une grande disparité entre un Marocain et un Malaisien par exemple. En France, l’islam connaît une intégration structurelle : sédentarisation avec l’ouverture de mosquées et d’aumôneries musulmanes ; émergence d’une classe moyenne ; taux de fécondité proche de celui des Français de souche ; trajectoires scolaires similaires ; choix de prénoms français. Pourtant, la radicalisation se développe parmi les jeunes Français musulmans de la seconde génération. Elle se caractérise également par la part conséquente de convertis (25 %), la présence de femmes et une faible connaissance théologique. Le poids des images et des réseaux sociaux donne une dimension utopique et théologico-politique d’appartenance à une communauté fraternelle, liée à une « renaissance », des avantages économiques et une vie d’aventures. S’y ajoute un conflit entre les générations : les jeunes, notamment d’origine algérienne, ont honte de leurs parents, qui pratiqueraient un islam aux traditions païennes et surtout qui ont immigré dans l’ancien pays colonisateur…qui continue ainsi à les dominer. Les volontaires européens, qui ont rejoint Daech en Syrie, vont s’y constituer un « capital symbolique de combattant ». Pour les contrer, Élyamine Settoul préconise le démantèlement des filières de recrutement, en faisant appel aux jeunes qui en sont revenus déçus ou traumatisés.

Lien entre « Opint » et « Opex ». Les forces de sécurité intérieure sont de plus en plus utilisées dans les opérations extérieures (Opex), qui se transforment en opérations de police. Parallèlement, les armées sont déployées dans des opérations de sécurité intérieure (Opint). Opex et Opint affrontent le même adversaire. Outre ses causes économiques et sociales, le terrorisme inclut une idéologie. Lutter contre lui nécessite de « déconstruire » sa dimension religieuse, estime Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer. Après la guerre froide (1947-1991), l’apparition des organisations non gouvernementales et des groupes armés aux ambitions transnationales remet en cause l’ordre westphalien (1648), basé sur les frontières des États. La démocratisation des technologies destructives et de l’information renforce leur capacité de nuisance. La multiplicité des crises contemporaines résulte de la mutation du contexte international. L’affaiblissement de l’hégémonie américaine favorise l’émergence de la Chine, nouvelle puissance, et la réémergence de la Russie. Les relations entre adversaires deviennent imprévisibles, alliés aujourd’hui sur un théâtre donné et adversaires demain sur un autre. Certaines crises sont liées entre elles, avec un affaiblissement ou une ambivalence des médiateurs régionaux. Multiforme, le terrorisme dispose des moyens militaires et de propagande d’un État, propose un projet totalitaire et exerce une influence mondiale. Quand il perd du terrain en Syrie, Daech détourne l’attention des médias ailleurs, grâce à sa trentaine de filiales à l’étranger. Dans les zones « grises », où l’autorité de l’État n’est plus respectée, les combats deviennent de plus en plus nombreux, avec des participations surtout européennes ou américaines. Le message politique « Nous sommes en guerre » marque la différence entre les actes de guerre et l’état de guerre à l’étranger ou sur le sol national, estime Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer. Les situations ne sont pas comparables, ni les équipements, ni les modes opératoires. La France est frappée pour ce qu’elle est, au moins autant que pour ce qu’elle fait, dit-il. Le terrorisme et les cyberattaques touchent plus rapidement et plus facilement beaucoup de gens à l’intérieur et à l’extérieur. Le double mouvement réciproque de « sécuritisation » de la défense et de la « militarisation » de la sécurité devrait déboucher sur une convergence des équipements. Ainsi, le drone MALE (moyenne altitude longue endurance) présente une grande utilité sur le territoire national, comme l’observation des flux migratoires en Méditerranée, et dans une opération transfrontalière, en appui aux hélicoptères engagés. Enfin, la mise sur pied d’une « garde nationale » permettrait de capitaliser l’effet des attentats de 2015 à Paris, conclut Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer.

Le vivier des réservistes. Face à ces nouvelles menaces, la réserve de volontaires devrait monter en puissance. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, l’a annoncé le 10 mars 2016 à Paris. En matière de cyberdéfense, une structure permanente, composée de cadres militaires d’active, de 400 réservistes « opérationnels (sous contrat) et de 400 réservistes « citoyens » (bénévoles), sera opérationnelle à l’été 2019. Tous seront en mesure d’aider à rétablir et sécuriser les réseaux en cas d’attaque. Une cellule, constituée au sein de l’État-major des armées et en interface avec le ministère des Affaires étrangères, contribuera à la reconstruction d’une zone post-conflit et à l’action économique d’influence indirecte. Enfin, la réserve servira de socle à une garde nationale pour la surveillance et la protection de sites, le contrôle de zones ou le soutien des opérations.

Loïc Salmon

CEMA : durcissement et aggravation des conflits, évolution des missions

Terrorisme djihadiste : prédominance de la dimension psychoculturelle

Stratégie : au-delà de l’ennemi présent, imaginer celui de demain

La Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) associe l’État-major des armées, la Direction générale de l’armement et le Secrétariat général pour l’administration à l’action internationale du ministère de la Défense. Elle dirige les travaux de prospective stratégique et coordonne ceux de la préparation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et à son actualisation régulière. Avec les autres ministères dont celui des Affaires étrangères, la DGRIS assure l’interface de la conduite des coopérations, hors opérations, en matière d’armement et de soutien aux opérations d’exportation, sur tout ce qui concerne l’action internationale. Chargée de la stratégie d’influence internationale du ministère de la Défense, elle anime le réseau des missions de défense à l’étranger.




Adversaire « hybride » : une menace élargie

Aujourd’hui, les belligérants manœuvrent entre actions d’éclat spectaculaires, manipulations (médias, réseaux sociaux et cybermenaces) et utilisation d’institutions étatiques instables. Ils profitent des failles et opportunités d’un monde en pleine mutation, interdépendant et technologiquement fragile.

Ce thème a été abordé lors d’un colloque organisé, le 10 février 2016 à Paris, par le Centre de doctrine d’emploi des forces de l’armée de terre. Y sont notamment intervenus : Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale ; le général de corps d’armée Didier Castres, sous-chef « opérations » de l’État-major des armées ; Élie Tenenbaum, Institut français des relations internationales ; le général de division Jean-François Parlenti, Centre interarmées de concepts, de doctrine et d’expérimentations.

Le système Daech. Le terrorisme salafiste, représenté par Al Qaïda et Daech, constitue un ennemi immédiat et pour longtemps, estime le général Castres. Les crises récentes en Irak, Syrie et Libye, interconnectées, ne peuvent être réglées successivement, mais doivent être traitées comme un « système » et par une stratégie globale, à savoir interarmées, interministérielle et internationale. Selon le général, pour empêcher que les différents foyers de Daech se rejoignent, il faut d’abord : cloisonner les zones, la Syrie et l’Irak de l’Égypte et la Libye de l’Égypte ; s’en prendre à ses flux financiers et d’armements dans un cadre international. Daech a fait passer ses effectifs de 7.000 combattants en juin 2014 à 37.000 début 2016. Il sera contenu par un appui à ses forces adverses, régulières et irrégulières, en termes de formation, équipement et aide au commandement. L’assistance aux pays voisins (Tunisie, Égypte et Sud de la Libye) confinera le développement de Daech, déjà capable de se fondre dans les populations et de décider où et quand entreprendre une action grâce à son réseau de renseignement. En face, les armées régulières doivent contrôler un espace de dimension variable et y effectuer des transferts de forces. A titre d’exemples, le théâtre du Kosovo s’étend sur  environ 11.000 km2, celui du Levant sur 550.000 km2, soit la superficie de la France, et celui de la bande sahélo-saharienne sur 2,4 fois la France. Daech est organisé en réseaux structurés, redondants et protégés par des moyens efficaces. Il appuie son action par des capacités bon marché : engins explosifs improvisés, armes chimiques, combats en zone urbaine, dissimulations dans les foules et combattants au suicide. Chaque semaine, près de 200 étrangers rejoignent ses rangs. Selon le général Castres, la riposte à Daech repose sur quatre principes. Il s’agit d’abord d’inverser le principe d’incertitude en prenant l’initiative et en gardant l’ascendant. La fréquence et l’intensité des opérations doivent se poursuivre jusqu’à la disparition de l’ennemi. Le principe d’ubiquité porte à agir partout où il se dévoile. Celui de foudroyance consiste à ne pas rater sa neutralisation quand il commet une faute. Enfin, il convient de ne pas lui laisser l’exclusivité de l’action dans le champ des perceptions, à savoir : contester, retourner et interdire sa propagande ; proposer une alternative aux populations, clé de la sortie de crise.

La guerre « hybride ». Selon Élie Tenenbaum, la guerre « hybride » consiste en une seule manœuvre de guerre « régulière » et « irrégulière », avec des applications distinctes au Levant et en Ukraine. La guerre régulière, qui implique chars, artillerie et ligne de front, comme relevant de l’État depuis le XVIème siècle, avec pour objectif la destruction de l’ennemi. La guerre irrégulière inclut la guérilla, la propagande et les guerres de libération nationale en Asie, Afrique, Amérique latine et même Europe. En 2005, deux officiers supérieurs américains analysent la situation militaire en Irak  comme une concentration de guerre civile, de terrorisme international et de risque de dissémination d’armes de destruction massive. En 2012 au Liban, l’armée israélienne est mise en difficulté par le mouvement paramilitaire chiite Hezbollah, adversaire asymétrique disposant pourtant d’une puissance de feu et de moyens techniques jusque-là utilisés par une armée nationale régulière. En Ukraine depuis 2014, la Russie soutient militairement le mouvement politique rebelle du Donbass. La menace hybride consiste à placer une armée régulière dans le dilemme insoluble de concentration de ses efforts sur un théâtre extérieur et leur dispersion pour protéger le territoire national, livré à la propagande et au terrorisme adverses. La force de l’adversaire réside dans sa capacité à passer, très vite, du stade de guerre irrégulière à celui de guerre régulière et inversement. La manœuvre révolutionnaire consiste à transformer un outil paramilitaire irrégulier et défensif en une armée régulière et offensive (Mao Tsé Toung en 1949 et Daech en 2014). La possession de missiles sol/air à courte portée, chars, mines antipersonnel et missiles antinavires procure un effet tactique à une armée irrégulière. S’y ajoute l’accès facile à des moyens techniques autrefois réservés aux services de renseignement des États : observation satellitaire par « Google Earth » et transmission de messages dans les pays visés par les réseaux sociaux.

Les vulnérabilités. L’instabilité du monde résulte de révolutions technologique et sociale, indique le général Parlenti, Le numérique place les opinions publiques au cœur des enjeux et provoque une addiction aux informations. La perception d’un monde plus confus et plus ambigu affecte les sociétés. Les violences vues à la télévision ou sur internet surprennent toujours, avec un décalage quant au sens des mots et à celui de la vie humaine. Il s’ensuit une érosion de la confiance en l’État et le sentiment que l’ennemi est partout et nulle part. Or, la puissance d’un État repose notamment sur sa diplomatie et ses assises juridique, économique et culturelle. Toute montée aux extrêmes de l’un des facteurs déséquilibre l’ensemble. L’immédiateté médiatique influe sur le raisonnement politique. Certains États saisissent alors l’occasion d’augmenter leur puissance ou de revenir sur la scène mondiale, en contournant le droit international. La guerre hybride leur paraît la plus adaptée pour parvenir à leurs fins, sans perdre leur statut ni déclencher une escalade difficilement maîtrisable.

Stratégie : au-delà de l’ennemi présent, imaginer celui de demain

Géopolitique : le chaos d’aujourd’hui, dérive logique de la mondialisation

CEMA : durcissement et aggravation des conflits, évolution des missions

Loïc Salmon

Selon Patricia Adam, Daech, monstre froid et manipulateur, est une organisation qui pratique la « guerre hybride », alliant bataille rangée au Levant, action psychologique, cyberguerre et terrorisme ciblé notamment sur la France. L’éradication de cet adversaire, qui suit une logique de  guerre totale, exige : la protection des citoyens par l’opération « Sentinelle » ; la reconquête de territoires pour empêcher sa prédation de richesses pétrolières et archéologiques (opérations « Chammal » et « Barkhane ») ; de redonner la sécurité aux pays du Levant et à leurs minorités. Les forces armées apportent leur appui aux forces de sécurité, mais les soldats ne sont pas officiers de police judiciaire. Si la frontière juridique entre défense et sécurité tombe, ce serait une victoire pour Daech, souligne Patricia Adam.




La logistique opérationnelle : intégrée à toutes les opérations militaires, de Verdun aux Opex

L’arme du train est engagée dans les opérations extérieures (Opex) au même titre que les forces spéciales et l’aérocombat, avec des dimensions interarmées et internationales.

Le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de Terre l’a souligné au cours d’un colloque organisé, le 4 février 2016 à Paris, par les Écoles militaires de Bourges (train et matériel) à l’occasion du centenaire de la bataille de Verdun. Y sont aussi intervenus : le général de brigade (2S) Jean-Marc Marill, historien de la Grande Guerre ; le général de division Bernard Barrera, commandant de la brigade « Serval » au Mali (2013) ; le colonel Roberto Ramasco, adjoint pour le soutien interarmées lors de l’opération « Sangaris » en Centrafrique (2015) ; le colonel Bruno Depré, chef du bataillon logistique de l’opération « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne (2015).

La « Voie Sacrée » de Verdun. Un maillon fragile peut mettre en péril tout un dispositif, rappelle le général Bosser. Il souhaite un commandement spécifique avec un état-major et un PC, chargés d’organiser la formation, l’entraînement et la préparation opérationnelle de 7 escadrons de logistique, comme en 1914. Il a cité le général allemand Ludendorff (1918), selon lequel Verdun fut la victoire du camion français sur le wagon allemand. Cette victoire résulte de la constitution de la « Voie Sacrée » entre Bar-le-Duc et Verdun (57,2 km), rappelle le général Marill. La bataille de Verdun, (21 février-18 décembre 1916) a fait l’objet d’un « tourniquet » de relèves, pour ménager les troupes, et d’un flot logistique inconnu à cette échelle. La Commission régulière automobile, créée dès le 20 février, a pour mission d’acheminer hommes, munitions et matériels. Les vivres et le fourrage des chevaux sont transportés par voie ferrée. Le général Pétain, commandant en chef à Verdun, institue une véritable noria pour alimenter le champ de bataille et en retirer en priorité les blessés, gage du moral du combattant. Quelque 200.000 blessés sont évacués par ambulances et voie ferrée entre mars et juin. Artère vitale, la « Voie Sacrée » est empruntée par 3.500 camions (répartis en 42 groupes), 800 autobus, 2.000 véhicules légers et 500 tracteurs d’artillerie pour acheminer, au plus fort de la bataille, 90.000 hommes et 50.000 t de ravitaillement par semaine. Les chauffeurs conduisent quotidiennement 18 heures pendant 10 jours. Au total, 2,4 millions d’hommes et 2 Mt de ravitaillement sont passés par la « Voie Sacrée ». L’armée française, devenue une référence mondiale, forme les troupes américaines à la logistique et la gestion des flux dès 1917. Lors de la guerre du Golfe de 1991, l’armée américaine s’inspire du remodelage à la française du champ de bataille de Verdun.

Les contraintes de « Serval ». Faute de logistique, l’opération « Serval » se serait arrêtée au bout de deux jours, estime le général Barrera, qui s’était souvenu de la « Voie Sacrée ». La logistique, fonctionnelle au début, est devenue opérationnelle par la suite. La phase de reconnaissance offensive au Mali (11- janvier-7 février 2013) se caractérise par la rapidité de la manœuvre tactique et des élongations de zones de combat de 500 km à 1.500 km. Il s’ensuit une logistique des flux tendus, en limite de rupture, pour assurer : l’autonomie des groupements tactiques interarmes ; l’approvisionnement par voie aérienne et « poser d’assaut » ; le maintien d’un dispositif de santé évolutif. Il y a eu en effet : ruptures de tirs d’artillerie pendant 2 heures, faute d’arrivage d’obus par avions puis hélicoptères ; « cannibalisation » de vieux camions maliens et entre véhicules français pour pallier les divers ennuis mécaniques. Dans son « barda » de 40 kg, chaque combattant n’emportait que 2 jours de réserve d’eau, alors que la température atteignait 50° C. Il a fallu assurer l’acheminement de 20 t d’eau par jour. Par précaution, 70 t de pièces détachées pour hélicoptères ont été acheminées lors du départ de France. A partir du 8 février, la brigade Serval, stabilisée, a pu rattacher ses unités à des bases logistiques à Bamako, Gao et Tessalit. Le soutien a reposé sur : des approvisionnements par voie routière avec des trajets de 4 à 6 jours aller-retour ; la création et la consolidation des stocks ; un maillage santé stabilisé ; une maintenance de proximité pour les matériels. Outre le ravitaillement des troupes tchadiennes, il a fallu procéder aux évacuations sanitaires des blessés et des cas de gastro-entérite et de coups de chaleur. Le « soutien de l’homme », pour durer, n’a pas été oublié : 1 oignon (vitamines complémentaires de la boîte de ration) et 1 bière légère par personne et par semaine ; une douche tous les 3 jours ; 5 minutes de communication aux proches par  semaine dans les PC. La France dispose d’une organisation logistique modulaire et interopérable, mais le système D (débrouillardise sans moyens conséquents) persiste et l’aide des alliés devient incontournable (avions gros porteurs), estime le général. Enfin, l’externalisation de certains services logistiques reste limitée, en raison des mines et de l’intensité des combats.

Conditions du succès. Les enseignements de « Serval » ont été pris en compte lors de l’opération « Sangaris » et du soutien à partir de Bangui, précise le colonel Ramasco. Le détachement logistique a dû soutenir 1.800 personnels, 750 véhicules, dont 191 blindés, et 15 aéronefs. Pays enclavé à 6.000 km de la France, la Centrafrique est desservie à partir du Cameroun par un grand axe routier et des routes secondaires. Pendant la saison des pluies (mi-juin/mi-décembre), le temps de trajet étant multiplié par 3, leur observation par satellite météorologique est indispensable. Le camp militaire de M’poko (Bangui), où atterrissaient les avions gros porteurs (Antonov et C17), ayant été attaqué, le détachement de soutien a entretenu un dialogue permanent avec le Centre de planification et de conduite des opérations à Paris. Au niveau opératif (théâtre), la logistique opérationnelle représente 25 % de la force engagée. De son côté, le colonel Depré a présenté le retour d’expérience logistique pour maintenir un tempo élevé à l’opération « Barkhane ». Le bataillon logistique déployé doit remplir plusieurs critères : entraîner son personnel et entretenir les matériels ; être capable de conduire une mise en condition avant projection et de s’engager d’emblée ; intégrer les fonctions logistiques au niveau interarmées ; rester le pion unique de la manœuvre logistique.

Loïc Salmon

« Serval » : manœuvre aéroterrestre en profondeur et durcissement de l’engagement

Centrafrique : l’opération « Sangaris » au niveau « opératif »

Depuis les guerres napoléoniennes (1800-1814), l’arme du train permet aux forces terrestres de se projeter sur les théâtres d’opération et de mener leurs missions dans la durée. Elle garantit leur autonomie en organisant et coordonnant l’ensemble des mouvements et des ravitaillements. De leurs garnisons jusqu’au théâtre, elle achemine : une partie des moyens des forces, à savoir véhicules, pièces de rechange, carburants et munitions ; les ressources nécessaires à la vie en opération, c’est-à-dire vivres de combat, eau, ameublement et couchage de campagne, effets de protection balistique et vêtements  spécifiques. Sur le théâtre d’opération, l’arme du train met en place les zones logistiques et assure l’acheminement des ressources vers les zones de combat.




Sécurité : « Orphé », plongée au cœur des cellules de crise

En matière de sécurité intérieure, chaque crise est gérée par une cellule, dont les membres, venus d’horizons divers, doivent très vite travailler ensemble, en vue de gérer une situation nécessitant une coordination serrée des interventions et ressources déployées.

Les résultats d’une analyse des processus de décision de cette cellule, organisation éphémère (projet « Orphé »), ont été présentés lors d’un colloque organisé, le 28 janvier 2016 à Paris, par l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), le Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques et l’Université Laval (Québec). Y sont notamment intervenus : Carole Dautun, chef du département Risques et Crises de l’INHESJ ; le professeur Christophe Roux-Dufort, Université Laval.

Comportements humains. Depuis les années 1980, des recherches universitaires sont entreprises pour trouver des modalités de coordination spécifiques, rapides et efficaces des cellules de crise, explique Christophe Roux-Dufort. Pendant ces crises, qui vont des catastrophes naturelles aux accidents industriels, il faut d’abord sauver des vies et préserver des infrastructures vitales. La réussite de la gestion d’une crise de grande ampleur réside dans la capacité à coordonner des acteurs différents (gendarmerie, police, sapeurs-pompiers, secouristes, équipes médicales), qui ne se connaissent pas, ne travaillent pas ensemble ou peu. Comme leurs attentes et motivations varient, le risque de dysfonctionnement existe, surtout si la situation présente un niveau élevé d’incertitude (environnement dynamique) et d’ambiguïté (objectifs changeants, mal définis et contradictoires). Or, les crises évoluent très vite et les réseaux sociaux accélèrent l’information. Les cellules ont peu de temps pour se coordonner et doivent répondre aux exigences des autorités politiques et des médias. Les autorités administratives prennent des décisions en fonction de leurs expérience et expertise. Le modèle de décision, dit « naturaliste », s’intéresse aux informations concrètes, que les décideurs utilisent et sélectionnent, et aux arguments auxquels ils recourent pour identifier et interpréter ces informations, en vue de construire une correspondance entre contexte, expérience et action. Pour compenser la diversité de leurs origine et expérience, les membres de la cellule vont se mettre d‘accord sur une représentation commune, plausible mais pas totalement exacte, de la situation de crise, qui va guider leur action. Il s’agit de déterminer très rapidement les faits, avec des ordres de grandeur, et de se mettre d’accord sur le lieu, le temps et l’action. La cellule va ensuite rechercher des indices supplémentaires, comme pour une enquête policière, et procéder à une vérification de l’hypothèse retenue, puis à une simulation de la décision pour en vérifier la solidité, mais avec la possibilité de la faire évoluer.

Émotions, stress et action. La simulation qu’effectue chaque membre de la cellule de crise repose sur des connaissances conceptuelles et pratiques, acquises par l’expérience, la formation et les exercices, explique Carole Dautun. Les situations de crise provoquent des émotions spécifiques : peur, anxiété, surprise, colère, espoir et regret. Ainsi, deux émotions inhibent notamment la vérification des sources d’informations : l’anxiété, qui conduit à surestimer les risques par rapport aux autres éléments de la situation ; la surprise, qui  dirige systématiquement l’attention vers de nouvelles informations, même si elles ne sont pas pertinentes. En outre, les crises génèrent un état de stress. Au niveau individuel, celui-ci se manifeste par des effets physiologiques : pâleur, tremblement, rythme cardiaque plus rapide que la normale, voix chevrotante, agitation et hyper vigilance. Psychologiquement, le stress entrave le traitement de l’information, la capacité d’anticipation et la prise de décision. Au niveau collectif, il érode les aspects relationnels de la cellule de crise. Toutefois, émotions et stress guident le processus décisionnel en vue de l’action, à savoir la perception des faits, l’analyse des informations et la représentation commune de la situation. La simulation mentale de chaque membre de la cellule devient ensuite collective par la communication, la coordination, la coopération et l’utilisation des outils disponibles. Cela permet de projeter la situation dans le futur et d’en imaginer les conséquences. La communication joue un rôle déterminant pour la production d’un travail collectif. Elle assure une circulation efficace des informations en quantité et en qualité, avec une sémantique différente selon les métiers des membres de la cellule. Elle procède aussi de leurs gestes, postures corporelles et mouvements. La communication verbale ou écrite facilite la coordination des actions et responsabilités de chacun et donc la performance des différentes équipes de la cellule. Le partage de connaissances communes préalables suscite une coordination implicite complémentaire. Basée sur les relations et attitudes de chacun, la coopération dépend de plusieurs facteurs : culture spécifique du métier ; confiance mutuelle ; niveau de confiance dans les informations ; écoute ; perception individuelle de la situation. Pour faciliter l’interaction, les cellules disposent de sources d’informations variées : « mains courantes » (consignations de faits par la police ou la gendarmerie), tableaux de suivi, cartographies, outils de simulation, reports vidéos, vidéoconférences et bases documentaires.

Gestion optimisée d’une crise. Le projet Orphé, qui s’est déroulé de 2011 à 2015, a mobilisé une équipe de chercheurs en gestion, psychologie sociale et science du risque. Il a mis en œuvre exercices, scénarios, observations participatives, questionnaires et équipe d’animation, afin d’enrichir les pratiques actuelles de réponse, les méthodes d’organisation et les dispositifs de formation et d’entraînement. Pour réguler émotions et stress aux niveaux individuel et collectif, Orphé recommande : de les analyser, évaluer, anticiper et accepter ; de sensibiliser les personnels par une première expérience de crise (exercice par exemple) ; d’utiliser les experts dans leur domaine de compétence. Lors des points de situation successifs, précise Christophe Roux-Dufort, le « leader » doit montrer sa capacité à trancher à ce moment-là. L’action engendre ensuite un retour d’expérience ou d’information, qui accroît son efficacité.

Loïc Salmon

Résilience : la survie de la collectivité nationale

Crises : prévention et gestion en Ile-de-France

La sûreté nucléaire des installations de défense

L’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), créé en 2009, dépend du Premier ministre. Il réunit des responsables de haut niveau, magistrats et cadres de la fonction publique, civile et militaire, et de différents secteurs d’activité français et étrangers, pour approfondir en commun leurs connaissances des questions de sécurité. Il prépare à l’exercice de responsabilités des cadres supérieurs, français et étrangers, exerçant leur activité dans les domaines de recherche sur les questions de sécurité intérieure, de nouveaux risques, d’intelligence économique, de sécurité sanitaire, environnementale ou économique, de droit et de justice. L’INHESJ dispose de sa propre capacité recherche.




Sécurité : l’usurpation d’identité, un risque mal maîtrisé

L’usurpation d’identité, très répandue dans le monde, a d’importantes conséquences morales, financières et sociales, souvent méconnues. Même si beaucoup de gens ne transmettent pas leurs données personnelles sur internet, ils prennent moins de précautions à l’égard des documents « papiers ».

C’est ce qui ressort d’une enquête réalisée en France et dont les résultats ont été présentés à la presse le 13 octobre 2015 à Paris. Sont intervenus : Alexandra Lebre-Doboz de la société américaine Fellowes, spécialisée dans la bureautique ; Véronique Varlin de l’Observatoire Société & Consommation (ObSoCo) ; Christophe Naudin, enseignant chercheur à l’université Paris II Panthéon-Assas.

Perception du risque. Aux États-Unis, détruire ses données personnelles ou sensibles est un geste courant, au bureau ou chez soi, en raison du risque de vol ou de piratage, contrairement aux pays européens, indique Alexandra Lebre-Doboz. En conséquence, Fellowes a lancé des campagnes de sensibilisation sur le risque d’usurpation, depuis 2005 dans quelques pays d’Europe et depuis 2008 en France. Par ailleurs, contrairement à une idée reçue, l’information papier reste très importante, souligne Véronique Varlin. Selon l’enquête de Fellowes/ObSoCo, 80 % des ménages équipés d’une imprimante personnelle impriment des documents numériques contenant des données personnelles, notamment les codes d’accès aux boîtes e-mail ou aux sites marchands donnant accès à de nombreuses informations pouvant faire l’objet d’une utilisation malveillante. Pourtant, la majorité des sondés s’en disent préoccupés. Ils considèrent l’usurpation d’identité comme un risque plus important que la fraude à la carte bancaire, qui a pourtant progressé de 68 % entre 2010 et 2013. Cependant, ils conservent, sans protection particulière, copies de documents administratifs d’identité, factures, documents liés à la carrière et à la santé, documents administratifs à caractère financier, courrier personnel, copies de diplômes, relevés d’identité bancaires et copies de documents relatifs au véhicule. Souvent, ils jettent simplement à la poubelle les publicités, qui leur sont adressées personnellement et … révélatrices de leurs goûts et intérêts ! En outre, 67 % des personnes interrogées déclarent avoir communiqué, par internet, des informations personnelles à une entreprise ou une administration, au moins une fois au cours des 12 derniers mois contre 50 % en 2012. De plus, le nombre de documents personnels papiers (5,7 en moyenne pendant la même période) fournis est supérieur aux formulaires remplis en ligne (4,2). Quoique davantage perçu parmi les nouvelles générations, le risque est considéré comme plus élevé par internet (66 %) que par les documents papiers (41%). Pourtant, les jeunes de 18 à 34 ans transmettent plus fréquemment des données personnelles (papiers et numériques) que leurs aînés (65-75 ans). Enfin, près d’une entreprise sur deux en France ne donnerait aucune consigne particulière pour assurer la confidentialité de ses documents.

Données personnelles détournées.

L’identité d’une personne se compose de plusieurs facteurs : les données électroniques, comme le numéro de sécurité sociale, le code de carte bancaire, l’adresse IP de l’ordinateur, l’identifiant de connexion à un site internet sécurisé ou le mot de passe ; les renseignements administratifs, à savoir nom, prénoms, date et lieu de naissance, adresses et numéros de téléphone personnels et professionnels ; le signalement anthropométrique et la photo format identité ; l’histoire personnelle. L’identité, explique Christophe Naudin, peut être : volée à une personne décédée ; fictive sans porter préjudice à une personne physique ou morale ; substituée à une autre identité avec la volonté de tromper. L’usurpation d’identité consiste à utiliser, sans son accord, des informations permettant d’identifier une personne vivante (voir encadré). Sur le plan civil, les gens qui en sont victimes peuvent : se retrouver mariés (surtout parmi les femmes) ; parents d’enfants naturels (surtout parmi les hommes) ; se retrouver propriétaire d’un bien invendable. Ils ne pourront pas prouver leur propre identité auprès de l’État et des administrations. Ainsi, indique Christophe Naudin, parmi les Français partis en Syrie pour combattre le régime en place, plusieurs d’entre eux ont été déclarés « décédés » par leurs « employeurs », en vue d’usurper leur identité. Il leur faudra deux à trois ans pour « ressusciter ». Une personne se déclarant victime d’une usurpation d’identité… se voit confisquer sa carte d’identité ! Si l’usurpateur est décédé, ses ayants droit vont demander « sa » succession à la victime, pour qui il sera très difficile de prouver qu’ils ne sont pas ses propres ayants droit. Une victime peut se voir refuser un crédit bancaire, car fichée à son insu à la Banque de France. Près d’un million de personnes, victimes et usurpateurs, restent ainsi fichés pendant dix ans. De fausses annonces d’emplois sans qualification leurrent de nombreux candidats, qui ne soupçonnent pas que leurs données personnelles serviront à fabriquer de fausses identités. Sur le plan pénal, les victimes d’usurpation d’identité risquent d’être dépouillées de leurs biens ou poursuivies en justice à la place des usurpateurs, être incarcérées en détention provisoire ou perdre des points de permis de conduire pour des infractions routières qu’elles n’auront pas commises. En outre, ces gens peuvent faire l’objet d’une recherche internationale, figurer sur le fichier des personnes recherchées par les services de police et de gendarmerie à la demande des autorités judiciaires, militaires ou administratives ou même être considérés comme polygames. Sur les 14.060 faits ayant donné lieu à une procédure judiciaire en 2014 (encadré), 99 % concernent des usurpations d’identités réalisées avec des documents papiers ou des copies de ces documents. En outre, 80 % des usurpateurs se trouvent dans l’entourage proche de leurs victimes. La meilleure protection consiste à sécuriser ces documents et détruire les copies inutiles. Le cabinet Fellowes recommande 18 bonnes pratiques pour limiter les risques d’usurpation d’identités papiers et numériques. Enfin, Christophe Naudin conclut sur une note optimiste : les passeports biométriques, délivrés en France depuis fin juin 2009, rendent les fraudes à l’identité beaucoup plus compliquées qu’avant !

Loïc Salmon

L’usurpation d’identité consiste à prendre délibérément l’identité d’une personne vivante, en vue d’actions frauduleuses commerciales, civiles ou pénales, comme accéder à ses finances, commettre en son nom un délit ou accéder à ses droits de façon indue. Selon le ministère français de l’Intérieur, la criminalité identitaire a été la deuxième infraction en France en 2012, derrière le vol de véhicule mais devant le cambriolage. En 2014, elle a donné lieu à : 119.023 consultations à l’identité judiciaire (personnes usant d’au moins une fausse identité), soit une hausse de 45 % par rapport à 2013 ; 14.060 procédures judiciaires (- 6 %) ; 5 % des fraudes sur les ouvertures de comptes bancaires (stable). Environ 80 % des victimes déposent plainte entre 2 et 20 ans après les faits.




Attentats à Paris : plus grosse opération de secours de la BSPP depuis les années 1980

Lors des attentats terroristes le soir du 13 novembre 2015 en Ile-de-France, la Brigade des sapeurs pompiers de Paris (BSPP) a traité 381 victimes, dont 257 par balles. L’action de cette unité militaire a été présentée à la presse le 3 décembre à Paris par son commandant, le général Philippe Boutinaud. Cette opération a mobilisé : 125 engins ; 21 équipes médicales sur les 7 sites ciblés par les attentats ; 430 pompiers sur le « terrain » et 250 dans le soutien et la chaîne de commandement. Celle-ci a bien fonctionné grâce aux enseignements tirés des attentats de Madrid (11 mars 2004), Londres (7 juillet 2005) et Paris (années 1980, 1990 et 2000), estime le général. Le 13 novembre, la situation se caractérise par : un tempo rapproché, avec des alertes toutes les 5 minutes pendant 40 minutes ; un éclatement géographique dans 6 sites dans Paris intra-muros et 1 en banlieue Nord ; un engagement en zone non sécurisée, où un véhicule « premier secours »  et un véhicule de « secours à victime » seront atteints par des balles ; la menace d’autres attentats, notamment dans les gares. Tout blessé par balle bénéficie d’une urgence absolue qui détermine l’échelonnement des secours vers les hôpitaux. Tout le monde n’a pas été sauvé, regrette le général, mais toutes les victimes « sauvables » ont pu recevoir des gestes de chirurgie lourde dans les hôpitaux. Grâce à l’expérience de ses personnels sur les théâtres d’opérations extérieurs, le Service de santé des armées (SSA) a pu très vite catégoriser et hiérarchiser la gravité des blessures et organiser les passages de 21 blessés en bloc opératoire. La décentralisation de la conduite des opérations a permis de maintenir un équilibre mesuré entre le « terrain » et le Centre opérationnel de la BSPP, estime le général. Ainsi, les demandes de moyens supplémentaires ont été adaptées au juste besoin sans perturber les actions traditionnelles des pompiers, qui sont intervenus près de 1.300 fois ailleurs dans Paris pendant la journée du 13 novembre. Tout en conduisant les opérations sur les sites des attentats, le Centre opérationnel de la BSPP a pré-programmé un hélicoptère  et fait appel aux pompiers professionnels des communes de la Grande Couronne autour de Paris, à la Protection civile et au Service d’aide médicale urgente (SAMU) de la Petite Couronne, qui a transporté quelque 300 blessés vers les hôpitaux civils et militaires. Les hôpitaux d’instruction des armées Percy et Begin ont accueilli 58 blessés et traité 18 % des urgences absolues. Avant même le déclenchement du « plan blanc » du ministère de la Santé, 8 ambulances ont acheminé 31 blessés graves vers Bégin. Dès la soirée du 13 novembre, 48 médecins et 25 personnels paramédicaux ont été mobilisés. A l’École militaire, 12 psychiatres et psychologues du SSA, de la Marine nationale et de l’armée de l’Air ont participé à la mise en œuvre d’une cellule d’accueil des victimes, familles et personnels impliqués. En tout, 80 personnes ont reçu un soutien psychologique immédiat pour répondre à la « stupeur psychique » liée aux attentats. Elles devront quand même bénéficier d’une prise en charge dans les mois qui viennent ainsi que les personnels d’intervention (policiers et pompiers). Au sein de la BSPP, 11 pompiers ont perdu un proche dans les attentats. Selon le général Boutinaud, les opérations de secours du 13 novembre ont conforté la pertinence de la préparation opérationnelle entre les diverses unités déployées. Un exercice cadre entre la BSPP et le SAMU s’était déroulé sur 13 sites… le matin même !

Loïc Salmon

Terrorisme : plan Vigipirate renforcé à Paris

Crises : prévention et gestion en Ile-de-France

Résilience : la survie de la collectivité nationale




Défense : effectifs et engagements en 2014-2015

Le ministère de la Défense a rendu publiques, le 3 septembre 2015 à Paris, les données concernant les armées, compte tenu de l’actualisation de la Loi de programmation militaire 2015-2019. En crédits de paiements, la Défense reste le deuxième poste de dépenses de l’État, derrière l’Éducation nationale. Sur le plan budgétaire, le ministère de la Défense prend en charge la « défense » proprement dite de la nation, la mission « anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » et le programme « recherche duale (civile et militaire) », intégré à la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ». Fin 2014, les effectifs du ministère se montent à 270.849 personnels, dont 208.916 militaires, âgés de 33,2 ans en moyenne, et 61.933 civils (47,4 ans). L’armée de Terre emploie 8.403 civils et 111.628 militaires, dont 14.418 officiers, 38.740 sous-officiers, 57.826 militaires du rang et 644 volontaires. La Marine nationale compte 2.830 civils et 36.044 militaires, dont 4.617 officiers, 23.905 officiers mariniers (sous-officiers), 6.765 quartiers-maîtres et matelots et 757 volontaires. L’armée de l’Air dispose de 5.187 civils et 43.597 militaires, dont 6.679 officiers, 25.584 sous-officiers, 11.259 militaires du rang et 75 volontaires. La proportion élevée de sous-officiers dans la Marine et l’armée de l’Air s’explique par leur niveau de technicité plus élevé et nécessitant une formation plus longue que dans l’armée de Terre. En outre, les Services de santé, du commissariat et des essences des armées totalisent 45.513 civils et 17.647 militaires, dont 9.303 officiers, 6.794 sous-officiers, 878 militaires du rang et 672 volontaires. Hors Gendarmerie nationale, la réserve citoyenne (bénévole) compte 2.435 personnes et la réserve opérationnelle (volontaires sous engagement à servir dans la réserve) 27.785. Cette dernière se répartit ainsi : armée de Terre, 55,6 % ; Marine nationale, 16,9 % ; armée de l’Air, 15,6 % ; Service de santé, 11 % ; Service du commissariat, 0,3 % ; Service des essences, 0,2 % ; Délégation générale de l’armement, 0,4 %. Une partie de tous ces personnels est envoyée en opérations extérieures (voir carte, situation en juillet 2015). La bande sahélo-saharienne mobilise 3.585 personnes des armées de Terre et de l’Air. En Afrique de l’Ouest, la Marine déploie 350 militaires pour l’opération « Corymbe » dans le golfe de Guinée. En Afrique Centrale (République Centrafricaine), les armées de Terre et de l’Air disposent de 930 personnes. En océan Indien, la Marine déploie 570 militaires, surtout dans le golfe d’Aden. Au Proche-Orient, les trois armées mobilisent 900 personnels dans le cadre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban. Au Moyen-Orient, elles en déploient 700 dans l’opération « Chammal » (Irak). En outre, 40 militaires français participent à des opérations sous l’égide de l’ONU, de l’Union européenne ou de l’OTAN : 13 dans le Sahara occidental ; 12 en République démocratique du Congo ; 5 au Libéria, dans le Sinaï et en Bosnie-Herzégovine ; 10 en Côte d’Ivoire. Par ailleurs, hors opérations extérieures, des forces françaises sont prépositionnées au Sénégal (350), en Côte d’Ivoire (600), au Gabon (450), dans les Émirats arabes unis (650) et à Djibouti (1.750). Pour garantir la souveraineté de la France, d’autres sont stationnées en permanence aux Antilles (1.250), en Guyane (2.300), en Zone Sud de l’océan Indien (1.950), en Nouvelle-Calédonie (1.600) et en Polynésie française (1.200). Enfin, les armées assurent la dissuasion nucléaire et la protection du territoire national.

Loïc Salmon

Défense : actualisation de la LPM 2014-2019

L’océan Indien : espace sous tension

Golfe de Guinée : zone de crises pour longtemps