Armée de l’Air : l’appui aérien aux opérations terrestres

Le processus « Air Land Integration » (ALI), à savoir une coordination élevée entre aéronefs et forces terrestres, implique une adaptation permanente de la mission au théâtre d’opération.

Le lieutenant-colonel Fabrice Laurens de l’état-major de l’armée de l’Air l’a présenté à la presse le 7 septembre 2017 à Paris, à l’occasion de l’exercice interarmées et interalliés « Serpentex ».

Synergie et technologie. Dans un contexte multi-théâtres, évolutif et avec emploi de technologies avancées, l’armée de l’Air met ses moyens en synergie au sein de la campagne globale. Elle respecte la liberté de décision et le choix des modes d’action de la composante terrestre bénéficiaire. L’ALI, qui nécessite un important investissement humain et technique, met en œuvre l’ensemble des processus tactiques (planification et conduite) pour optimiser la manœuvre interarmées. Il s’applique principalement à l’appui aérien : le feu au profit de troupes au sol et le renseignement pour les forces spéciales. La composante air de l’ALI met en place des chaînes de commandement adaptées au théâtre. Ainsi pour l’opération « Chammal » au Levant, les forces françaises sont engagées dans une coalition internationale au commandement très centralisé en raison des nécessités politiques du théâtre. L’appui aérien nécessite alors une coordination classée « haute » au niveau de l’état-major. En revanche dans la bande sahélo-saharienne, l’opération « Barkhane », menée par la France, permet une organisation décentralisée de l’ALI. La chaîne C2 Air (système de commandement et de conduite) descend au plus bas niveau tactique. Des officiers de l’armée de l’Air sont mis en place dans la structure du commandement Terre, constituant une prolongation, sur le terrain, du JFAC (commandement de la composante air interarmées) installé à la base aérienne de Lyon Mont-Verdun.

« Serpentex » 2017. La complexité des opérations nécessite un entraînement ALI très poussé en interarmées et interalliés, du plus bas niveau tactique à celui des chaînes C2. L’expertise de l’ALI, acquise pendant une dizaine d’années, est mise à profit dans l’exercice « Serpentex » (11-29 septembre 2017) à la base aérienne de Solenzara (Corse). Il vise à : entraîner les contrôleurs aériens avancés (JTAC) à leur mission d’appui aérien dans des conditions réalistes ; tester des matériels et éprouver des procédures nouvelles en interarmées et interalliés ; prendre en compte les opérations récentes. Plus de 10 pays, principalement de l’OTAN, soit 1.000 militaires dont 800 Français, participent à « Serpentex ». Ce dernier met en œuvre : une trentaine d’avions de chasse dont 17 étrangers ; 4 hélicoptères (1 Puma et 3 Fennec) ; 2 avions de transport tactique (Transall et Casa) ; 1 drone Reaper ou Harfang ; 1 avion radar AWACS E3-F ; 1 avion ravitailleur KC-135 français ; 74 JTAC, dont 13 instructeurs ; 1 système de défense sol-air Mistral de l’armée de Terre ; 1 simulateur de menace sol-air américain TRTG. Les commandos parachutistes de l’Air N°10, 20 et 30 utilisent le système « Alliance » pour effectuer le guidage terminal d’une bombe, en évitant les communications vocales. En outre, « Alliance » aide à la décision tactique en affichant : des points d’intérêt mise à jour en temps réel sur une carte ou une image satellite ; des éléments issus des bibliothèques ; les ordres de commandement. Il accélère la boucle décisionnelle pour l’appui aérien rapproché. Enfin, il réduit les risques de tirs fratricides et de dommages collatéraux par la visualisation de la zone létale de l’armement.

Loïc Salmon

Forces spéciales : ET «Poitou»/CPA10, binôme avions/commandos

Armées de l’Air et de Terre : interopérabilité en transport tactique et aérolargage

Défense : les opérations aéroportées, capacités spécifiques selon les missions




Armée de Terre : programme « Scorpion », le GTIA de demain

D’un coût de 6 Mds€ sur vingt ans, le programme « Scorpion » vise à accroître les capacités du groupement tactique interarmes (GTIA) avec ses appuis (artillerie et aviation) et un système de combat unique. Il prend en compte la préparation opérationnelle et le soutien.

Il a fait l’objet d’une conférence-débat, organisée le 6 octobre 2016 à Paris, par l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale. Y sont intervenus : le colonel Benoît de Préval, état-major de l’armée de Terre ; l’ingénieur en chef Sébastien Berthomieu, Direction générale de l’armement ; l’ingénieur Jean-François Pellarin, Groupement momentané d’entreprises Scorpion (Nexter, Renault Trucks Défense et Thales).

Préparation aux équipements futurs. Officier Programme, le colonel de Préval exprime les besoins militaires et oriente les recherches vers les fonctions opérationnelles. Il fait procéder aux essais des prototypes et suit les matériels de leur développement à la fin de leur vie. Le programme « Scorpion » a nécessité 15 ans de préparation. A partir de 2000, les études amont sur les engagements futurs ont porté sur les applications militaires des systèmes d’information et de communication (SIC), afin de dominer l’adversaire par une grande manœuvrabilité et une foudroyance débouchant sur un effet décisif. La 1ère étape (2014-2025) porte sur l’expérimentation des équipements (encadré) et la 2ème (2025-2035) sur leur évolution et celles des autres véhicules blindés, des SIC et du système FELIN (fantassin à équipement et liaisons intégrés) ainsi que de nouveaux programmes. « Scorpion » se trouve au cœur de l’interopérabilité tactique au niveau de la brigade et de la division, dans les domaines du commandement, du renseignement, des drones, de l’intelligence artificielle et des forces spéciales. La nouvelle architecture « Au Contact » de l’armée de Terre, combinée au « système d’information et de combat Scorpion », permet le « combat collaboratif » qui fédère combattants et systèmes d’armes. Ce combat collaboratif doit apporter : le partage de la connaissance et de la compréhension d’une situation tactique en temps réel (géolocalisation de jour et de nuit) ; l’accélération de la décision et de l’action ; la réduction du temps entre la détection de la menace/agression par un engin blindé et riposte, éventuellement par un autre (leurre, fumigène ou tir) ; les prises d’initiative par la « réalité augmentée ». Cette dernière consiste à incruster, dans les optiques des véhicules, des informations pertinentes pour le combat (cartographie notamment). Les 4 porteurs de « Scorpion » (encadré) sont équipés d’une « vétronique » commune : système électronique de contrôle de la navigation, des communications, des systèmes d’observation, de l’énergie, de la motorisation et des systèmes d’armes. La vétronique traite les informations, en évite la surcharge et permet au chef d’engin de choisir la plus adaptée à la situation. Tout cela nécessite expérimentations et simulations pour obtenir des observations avant de passer sur des matériels réels. Le GTIA composé de Griffon et de Jaguar devrait être opérationnel en 2021. Les retours d’expériences techniques et opérationnelles et l’interopérabilité avec les normes OTAN sont pris en compte.

Un système de systèmes. Directeur du programme « Scorpion », l’ingénieur en chef de l’armement Berthomieu traduit les besoins opérationnels en spécifications techniques, conclut les marchés et vérifie la conformité des systèmes. Le « système d’information et de combat Scorpion » doit permettre le combat intégré et réactif pour comprendre, décider et d’agir plus vite que l’adversaire pour être mieux protégé et plus efficace. Il est « durci », ainsi que les liaisons radio, contre les cyberattaques. Afin de maîtriser les coûts, 70 % des technologies mises en œuvre sont communes. Il s’agit d’acheter au juste besoin et de procéder aux évolutions des équipements, sans changer les engins. Le GTIA correspond à un système composé de plusieurs systèmes (SIC, véhicules blindés, génie, artillerie, hélicoptères et avions), qui fonctionnent indépendamment. La préparation opérationnelle renforce sa capacité d’instruction et d’entraînement tactiques et développe une capacité d’appui  aux opérations. La simulation embarquée permet d’entraîner des équipages dans l’engin blindé, limite le nombre de simulateurs dédiés et maintient des compétences sur le terrain ou en opération extérieure. Désormais, les soldats seront formés par leurs chefs et non plus par des instructeurs spécialisés.

Enjeux industriels. Les prestations de soutien au programme « Scorpion » incluent formation, documentation (véhicules et équipements), outillages et pièces de rechange, explique Jean-François Pellarin. La logistique se trouve allégée par l’emploi de 9 équipements et matériels communs au Griffon et au Jaguar. Les industriels s’engagent à livrer la presque totalité des engins dans les 12 mois suivant la demande d’une douzaine de régiments de métropole. Ils fournissent une assistance technique dans les 3 jours. Il s’agit pour eux de réduire la maintenance, notamment en opération, de garantir une disponibilité importante du système d’armes et de maîtriser le coût de soutien. En outre, réussir le développement du Griffon et du Jaguar, intégrant de nouvelles fonctions pour le combat collaboratif, constitue une réelle opportunité pour l’exportation, objectif partagé avec la Direction générale de l’armement et l’état-major de l’armée de Terre. Le Griffon est décliné en 10 va-riantes, dont le prix varie selon les kits fournis et le niveau de numérisation. Le Jaguar dispose de 3 systèmes d’armes sous protection, dont 1 canon de 40 mm unique au monde. Tous deux pourraient intéresser les pays émergents, qui s’engagent avec la France dans les opérations de maintien de la paix.

Loïc Salmon

Armée de Terre : mise en place du modèle « Au Contact »

Les GTIA en Opex : besoin urgent d’armements adaptés

Armée de Terre : retour d’expérience de l’opération « Serval » au Mali

Outre la rénovation de 200 chars Leclerc entrés en service en 1993 (à gauche), le programme « Scorpion » prévoit la production des engins blindés Griffon (au centre) et les engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar (à droite). La production de 1.668 Griffon, entre 2018 et 2033 à raison de 115 unités/an, se répartit entre 1.022 véhicules tout terrain, 333 engins postes de commandement, 117 véhicules d’observation d’artillerie et 196 véhicules sanitaires. Le Griffon, équipé de mitrailleuses téléopérées de 12,7 mm ou 7,62 mm ou d’un lance-grenades de 40 mm, remplacera le véhicule de l’avant blindé. La production du Jaguar sera de 248 unités, à raison de 24/an, entre 2020 et 2032. Le Jaguar, équipé d’un canon de 40 mm et de 2 missiles antichar moyenne portée (jusqu’à 4.000 m), remplacera l’ERC90 (engin à roues, canon de 90 mm) et l’AMX-10 RC (engin blindé de reconnaissance-feu, 105 mm). Quatrième porteur de « Scorpion », le véhicule blindé multirôles léger sera commandé à 358 exemplaires, à partir de 2021, pour l’échelon national d’urgence et les unités de guerre électronique.




Eurosatory 2016 : équilibrer la défense et la sécurité

Premier salon mondial de matériels et équipements terrestres de défense, Eurosatory s’ouvre à ceux de la sécurité, en raison de leur dualité en matière de recherche et de développement. Sa  25ème édition au Parc des expositions de Paris Nord Villepinte (13-17 juin 2016) a été présentée le 18 mai à la presse par Stefano Chmielewski, président du GICAT (Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres), et le général (2S) Patrick Colas des Francs, commissaire général du salon.

Tournant technologique. Dans les opérations militaires, les armées de Terre et les composantes terrestres des autres armées mettent en œuvre des équipements et des services pour les installations et les personnels. Les forces de sécurité (Police, Gendarmerie et organismes privés autorisés) font de même dans les actions publiques ou privées, pour prévenir ou agir contre la malveillance collective ou d‘origine terroriste, les catastrophes industrielles ou naturelles et les accidents mettant en danger la population. La réalisation des systèmes connaît actuellement un tournant technologique, constate le général Colas des Francs. Grâce à l’économie « collaborative » les idées circulent et les délais industriels diminuent. Ses avancées portent sur la production de valeur en commun et l’organisation du travail, issu des technologies de l’information. Elles se combinent aux technologies de « fabrication additive » : conception, prototype, fabrication, robotique industrielle, simulation et maintien en condition. L’impression en « 3 D » (dimensions) de pièces industrielles permet de passer très vite à la production en série de très haute qualité. La normalisation de l’interface homme/machine réduit le temps d’entraînement grâce à des solutions sur-mesure à « utilisation intuitive ». Tout système de gestion de crise, de mobilité, de combat et de robotique intègre son module de simulation et d’entraînement. Dans le cadre du projet « Scorpion », l’entraînement en réseau d’un groupement tactique interarmes en abaisse le coût, par la réduction du temps de déplacement des participants. En matière de risque NRBCe (nucléaire, radiologique, biologique, chimique, explosif), la détection, la protection, la décontamination ou la dépollution intéressent la défense et la sécurité. L’électronique embarquée va de la distribution de l’énergie et des flux de données aux écrans durcis. Elle se trouve au centre du réseau interne, innervé par un système mobile, qui doit être fiable dans son fonctionnement et capable de supporter des événements sévères, imprévus et destructeurs. Cyberdéfense et cybersécurité touchent tous les systèmes numérisés et objets connectés. Elles concernent l’informatique, les transmissions, la protection des infrastructures, la robotique, la localisation et les systèmes d’information géographique. Dans la lutte contre la fraude, les moyens de surveillance de communications et de réseaux incluent analyse et contre-mesure. Enfin, la sécurisation des infrastructures sensibles porte sur la lutte anti-drones et la robotique de protection périmétrique.

Services. Eurosatory 2016, qui anticipe 57.000 visiteurs, regroupe 1.007 exposants étrangers (55 pays) et 528 français. Il a invité  180 délégations officielles de l’OTAN, de l’Union européenne, de l’ONU et de 121 pays. Il présente plus de 600 matériels majeurs et 450 nouveautés, des démonstrations dynamiques, des rendez-vous d’affaires et des cycles de conférences.

Loïc Salmon

Armements : maintien des exportateurs traditionnels et émergence de nouveaux

Robotisation du champ de bataille : état de l’art

La robotique militaire terrestre, aujourd’hui et demain

 




Armée de Terre : 1er REC, projeté dans toutes les Opex

Le 1er Régiment étranger de cavalerie (REC) assure des missions de reconnaissance et d’intervention avec la puissance de feu de chars AMX 10RC-R à roues et canon de 105 mm. Il recueille aussi le renseignement tactique (véhicules blindés légers) et agit contre les chars (missile Milan et successeur).

Installé dans les Bouches-du-Rhône sur le camp de Carpiagne (1.600 ha), le 1er REC a accueilli, le 25 janvier 2018 en visite de travail, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, avant la discussion du projet de loi de programmations militaire 2019-2025 le 22 mai prochain. Son président, Christian Cambon, a souligné le rôle du Sénat pour éviter, notamment, le contournement des engagements du président de la République en matière de Défense (19 janvier à Toulon) par le ministère de l’Economie et des Finances. De son côté, le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de Terre, a rappelé que l’entretien de matériels anciens coûte aussi cher que leur remplacement par des équipements modernes protégeant mieux les soldats.

Préparation opérationnelle. Un sous-groupement tactique interarmes en opération extérieure (Opex), accroché par un adversaire, l’isole, le neutralise puis se réarticule pour poursuivre sa mission. Le 1er REC a procédé à une démonstration dynamique en plusieurs phases : véhicule blindé léger touché par un engin explosif improvisé et déminage autour (photo) ; évacuation d’un blessé par hélicoptère ; prise d’assaut d’une habitation, dont se sont emparés 10 terroristes, renforcés par 20 combattants en réserve avec des pickups. Alors que l’entraînement réel fait prendre conscience de la réalité du terrain, de l’adversaire et de l’incertitude du combat, la simulation permet de l’optimiser par un gain de temps de formation et une économie de munitions. A cet effet, le 1er REC dispose d’un centre complet de simulation. Une vision globale du champ de bataille est obtenue par sa numérisation par recueil de données en temps réel. La simulation par ordinateur permet d’envoyer des ordres et de recevoir des comptes rendus. La salle de planification organise des exercices où se multiplient les incidents, comme les engins explosifs improvisés ou les évacuations sanitaires. Il s’agit d’intégrer les bons réflexes, de comprendre les mécanismes de combat et d’acquérir des savoir-faire, du niveau d’une équipe de trois légionnaires à celui du colonel chef de corps. La simulation du tir de missile Milan et de canon d’AMX 10 RC-R constitue un entraînement avant la campagne de tirs réels. Le Milan, d’une portée de 1.900 m, présente une période de vulnérabilité de 12 secondes pour le tireur. Son successeur, le MMP (missile moyenne portée), d’une portée de 4.000 m et qui n’a pas cet inconvénient, entre déjà en service dans les unités terrestres.

Arme et équipement individuels. D’ici à 2028, toute l’armée de Terre sera dotée du fusil d’assaut allemand HK 416 F, en remplacement du Famas français amélioré. La version standard, au calibre Otan (5,56 mm) et réglable pour les gauchers, est munie d’une baïonnette, d’un bipied, d’un lance-grenade de 40 mm et d’une aide à la visée. Les légionnaires du 1er REC s’entraînent déjà au tir de cette arme en marchant. Le nouveau gilet pare-balles, plus confortable que les précédents, empêche la perforation mais pas le choc de l’impact. Le « barda », qui inclut musette, gilet, fusil, casque en kevlar, rations de combat et munitions (12 chargeurs à 30 cartouches pour le HK 416 F), pèse 40-50 kg. Enfin, le soldat consomme 9 litres d’eau par jour en opération.

Loïc Salmon

La Légion étrangère : qualité, commandement et formation

Armée de Terre : programme « Scorpion », le GTIA de demain

Défense : le futur combattant dans un monde numérisé

 




L’histoire de l’Aviation légère de l’armée de terre 1794-2014

Par son adaptabilité, l’hélicoptère de combat de l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT) peut s’utiliser du conflit de haute intensité à l’action humanitaire. Sa rapidité d’emploi lui confère une dimension politico-militaire dans la gestion des crises.

Il aura quand même fallu 60 ans pour y arriver, comme le présente en détail ce livre, tiré de la thèse de doctorat d’histoire contemporaine du général (2S) André Martini, soutenue en 2004 puis enrichie pendant la décennie suivante. L’ALAT justifie sa double appartenance au monde rustique de l’armée de Terre et à celui de la technique aéronautique. Son esprit pionnier, caractéristique de la saga de l’aviation tout court, se heurtera souvent aux dures réalités administratives et financières, sans oublier les rivalités entre armées de Terre et de l’Air. Aux États-Unis, les expériences de ballons d’observation aériennes et de réglage de tirs d’artillerie débutent à la guerre de Sécession (1860-1865). La Grande-Bretagne met sur pied une unité de ballons au Beschuanaland (Afrique australe) en 1884. Mais la France les a précédées lors de la bataille de Fleurus…en 1794 ! Cette innovation est ensuite décriée comme une « tricherie » dans la conduite de la guerre. Elle ne réapparaît qu’au siège de Paris en 1870. Après les essais de « l’avion » de Clément Ader (1897) et surtout la traversée de la Manche par Louis Blériot en 1909, les militaires s’y intéressent. L’aéronautique désigne alors la science de la navigation aérienne, l’aérostation « les plus légers que l’air » et l’aviation « les plus lourds que l’air ». L’hélicoptère apparaît dans les années 1920, mais il faut attendre les guerres de Corée puis d’Indochine et surtout d’Algérie pour qu’il démontre son utilité. Le 8 mars 1956, le colonel Marcel Bigeard réussit la première opération héliportée en utilisant des hélicoptères comme engins d’assaut. Par ailleurs, fin 1960, plus de 1.500 blessés ont été évacués de nuit en plus de 750 missions extrêmement risquées. Vulnérable, l’hélicoptère sera rapidement doté de mitrailleuses, lance-roquettes et enfin missiles. Le besoin de deux niveaux d’action aérienne se manifeste : appui mené par des moyens concentrés sur quelques bases opérationnelles, du ressort de l’armée de l’Air ; action aérienne immédiate et intégrée à la manœuvre terrestre qui relève de l’ALAT. La formation des pilotes d’hélicoptères se fait dans les deux armées. Dans l’armée de l’Air, elle attire les pilotes devenus inaptes au métier de chasseur ou de transporteur. En revanche, dans l’armée de Terre, les jeunes officiers se tournent vers l’hélicoptère, comme leurs anciens vers la cavalerie légère. Les progrès techniques transforment le combat dans la 3ème dimension. Le radar « Spartiate » permet de guider vers l’arrière les hélicoptères possédant l’aptitude au vol ans visibilité, garantissant du secours aux équipages par tous les temps. Viennent ensuite les jumelles intensifiant la lumière résiduelle, pour le vol de nuit, et la caméra thermique pour l’identification des cibles. Les combats de demain, intenses et de courte durée seront soumis à la surveillance constante des moyens de renseignement et à la menace permanente d’armes précises à temps de réaction très bref. Le rythme des interventions de l’ALAT sera accru en conséquence. Devant la complexité des équipements destinés à maîtriser ces risques, le facteur humain restera toujours primordial.

Loïc Salmon

ALAT : retour d’expérience opérationnelle

Armée de Terre : l’ALAT, indispensable à l’engagement terrestre

« L’histoire de l’Aviation légère de l’armée de terre » 1794-2014, par le général André Martini. Éditions Lavauzelle, 448 pages.




État-major des armées : un chef, une mission et… au-delà

L’outil militaire doit conserver les moyens des ambitions de la France dans la durée. Ses succès sur le terrain doivent se compléter par des avancées en matière de développement, de gouvernance, d’éducation ou de justice.

Telle est l’opinion du général Pierre de Villiers, chef d’État-major des armées (CEMA), exprimée le 30 janvier 2015 à Paris, lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de défense.

Opérations rapidement évolutives. « L’accélération du temps, conjuguée à l’extension de l’espace, est un facteur essentiel pour gagner au combat », déclare le CEMA. Guerre, combat et victoire sont des notions à réactualiser en permanence aujourd’hui et probablement plus vite qu’auparavant. Les crises se sont mondialisées dans les domaines du recrutement des combattants et de leur formation, du financement des actions et de la propagande. «  L’internationalisation du djihadisme est la plus récente illustration de cette contagion des crises avec ses répercussions sur les théâtres nationaux ».  Par ailleurs, la violence ne s’exprime plus uniquement dans les institutions étatiques et ne se confine plus à l’intérieur des frontières. « Aujourd’hui, certains États se comportent parfois comme des bandes armées et des bandes armées comme des États ». C’est notamment les cas de l’organisation djihadiste Daech, autoproclamée « État islamique de l’Irak et du Levant » ou simplement « État islamique » et qui a conquis une partie des territoires syrien et irakien. Le lien entre les sécurités intérieure et extérieure se renforce : «  La violence s’exporte, le terrorisme se franchise ». Le retour en France de ressortissants français et européens, partis faire la guerre en Syrie et en Irak, est une composante des menaces terroristes au Sahel et au Proche-Orient. Les opérations extérieures constituent la « défense de l’avant ». Les moyens militaires sont affectés en priorité au Sahel, où l’autorité des forces françaises est reconnue par les unités des pays africains et occidentaux sur zone. L’opération « Barkhane » y déploie : 3.000 militaires ; 20 hélicoptères ; 6 avions de chasse ; 4 drones ; 200 véhicules blindés ; 200 véhicules logistiques ; 7 avions de transport tactique et stratégique. Le CEMA entretient des liens étroits avec ses homologues du G5 du Sahel pour le développement et la sécurité, créé en février 2014 : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. En revanche, la France est équipière dans la coalition menée par les États-Unis contre Daech. Lancée le 19 septembre 2014, l’opération « Chammal », conduite en coordination avec les Alliés, fournit un appui aérien aux forces armées irakiennes au sol par des missions de renseignement, reconnaissance armée et contrôle aérien. Placées sous contrôle opérationnel de l’amiral commandant la zone océan Indien et son état-major interarmées, les forces françaises de « Chammal » regroupent : 600 militaires ; 15 avions de chasse ; 1 avion de ravitaillement en vol C135-FR ; 1 avion de patrouille maritime Atlantique 2. L’objectif de « Barkhane » et de « Chammal » est d’empêcher toute connexion entre les organisations terroristes de Daech, d’Al Qaïda, d’Aqmi (Maghreb), de Boko Haram (Nigeria) et de leurs affiliés. La base avancée de Manama (Nord Niger) a été installée pour gêner leur liberté d’action par des actions transfrontalières et de cloisonnement. Sur le territoire national, l’opération « Sentinelle » déploie 10.500 militaires contre le terrorisme dans le cadre du plan « Vigipirate renforcé attentat ». Au niveau mondial, le général de Villiers observe une banalisation de l’usage de la force avec ses limites et les difficultés à la maîtriser. Il constate que le recours à la force militaire redevient un moyen politique en soi et non plus le simple prolongement d’une politique par d’autres moyens. En outre, l’avance technologique, facteur d’ascendant, ne dissuade plus les groupes terroristes. Fanatisés par leur idéal de mort, ceux-ci emploient des moyens bon marché et facilement accessibles : tireurs embusqués ; engins explosifs improvisés ; attaques suicides ; cyber-attaques. Le CEMA indique que les interventions françaises dans les Balkans, en Afghanistan, en Afrique ou ailleurs durent en moyenne 15 ans. Outre une approche globale, la guerre nécessite une adaptation continuelle des moyens à mettre en œuvre et une compréhension rapide de ses nouveautés.

Armées en pleine transformation. Composantes de la résilience de la nation, les forces armées protègent la population, les valeurs et les intérêts vitaux de la France et lui permettent d’assumer ses responsabilités sur la scène internationale, rappelle le général de Villiers. En outre, la menace du terrorisme sur le territoire national est redevenue une réalité, mais elle n’est pas la seule. Les crises récentes renforcent la pertinence du choix d’un modèle complet d’armée, conformément au Livre blanc 2013 sur la défense et la sécurité nationale, et excluent de baisser la garde. Or, les capacités militaires (armement, formation et entraînement des personnels) demandent du temps sur les plans technologique et opérationnel, pour passer de la conception à l’emploi sur le terrain. Chef des opérations et conseiller du gouvernement, le CEMA assume aussi les responsabilités de la programmation militaire, de la transformation des armées et des relations militaires internationales. L’opération « Sentinelle » rappelle la nécessité de disposer de suffisamment de personnels militaires. En conséquence, le président de la République, chef des armées, a décidé de réduire de 7.500 postes les déflations d’effectifs prévus par la Loi de programmation militaire 2014-2019 (LPM) et ce à partir de 2015. Cette loi prévoit des ressources financières, y compris celles dites « exceptionnelles » par la vente de fréquences notamment. Le CEMA entend garder une cohérence entre missions et moyens et entre ressources et besoins, en accord avec les autorités politiques (président de la République et ministre de la Défense). La LPM sera donc actualisée, mais non pas révisée, précise-t-il. Le modèle d’armée sera mis à jour à partir du cadre stratégique actuel et des principaux enseignements des engagements récents.

Loïc Salmon

« Serval » : manœuvre aéroterrestre en profondeur et durcissement de l’engagement

Libye : retour d’expérience de l’opération Harmattan

Résilience : la survie de la collectivité nationale

Le chef d’État-major des armées (CEMA) est secondé par le major général des armées, dont dépendent notamment les sous-chefs d’état-major. Parmi ces derniers, celui chargé des opérations dirige l’action des forces françaises à l’extérieur et à l’intérieur des frontières sous l’autorité du CEMA, définit les objectifs de préparation opérationnelle et rédige les textes réglementaires d’organisation opérationnelle et du retour d’expérience. Le sous-chef « plans » est chargé de la définition du format des armées et leur cohérence capacitaire ainsi que la planification et la programmation. Le sous-chef « performance » est responsable du pilotage, de la transformation et de l’appui « métiers ». Par ailleurs, le CEMA dispose du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) pour la gestion des crises en amont (veille stratégique et planification) et en aval (conduite). Lorsqu’une opération est déclenchée, une cellule de crise est créée pour en assurer la conduite.




Sénat : vers une défense européenne

L’Union européenne dispose d’« outils » de défense, mais pas d’instance d’arbitrage capable de prendre des décisions dans l’intérêt commun, estime un rapport sénatorial rédigé dans la perspective du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement (Conseil européen) de décembre 2013 consacré à la défense.

Ce rapport d’information, intitulé « Pour en finir avec l’Europe de la défense, vers une défense européenne », a été présenté à la presse, le 3 juillet 2013 à Paris, par les sénateurs Daniel Reiner, Jacques Gautier, André Vallini et Xavier Pintat, co-présidents d’un groupe de travail de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées. Le président de celle-ci, Jean-Louis Carrère, a indiqué qu’elle se veut « une force de proposition et d’action » avec pour objectif de « faire prévaloir le souci de l’intérêt supérieur de la République en matière de diplomatie et de défense ».

Nouvelle donne stratégique. Par suite de la crise économique et financière, indique le rapport, tous les membres de l’Union européenne (UE), sauf la Pologne, ont réduit leur budget de défense. La Grande-Bretagne y consacre 2 % (hors pensions) de son produit intérieur brut, la France 1,54 %, l’Allemagne 1,1 % et 14 autres moins de 1 %. Les capacités militaires et le format des armées ont diminué. Ainsi, les dépenses d’équipement représentent plus de 30 % du budget de défense en France, mais 21 % en Allemagne, 11 % en Italie et 8 % en Espagne. La Grande-Bretagne a renoncé à maintenir ses moyens aériens de patrouille maritime. Les Pays-Bas ont abandonné l’arme blindée. La Suède reconnaît ne pouvoir résister à une attaque simultanée sur deux fronts. Aucun pays européen n’est capable de financer seul un grand programme aéronautique. L’avion de combat Eurofighter coûtera 175 Md$ pour 472 appareils, contre 27,3 Md$ pour l’avion de transport tactique A-400M (173 appareils). Faute de travailler ensemble, les pays européens ont raté le tournant des drones MALE (moyenne altitude longue endurance) de surveillance, en partie celui des drones tactiques et s’intéressent avec beaucoup de retard au drone de combat (démonstrateur européen Neuron). L’Europe militaire spatiale ne dispose d’aucune capacité autonome d’alerte avancée depuis la désorbitation du démonstrateur français « Spirale ». Par ailleurs, les industries européennes de défense devront bientôt affronter une concurrence accrue des entreprises américaines d’armement. En effet, les Etats-Unis comptent diminuer leur budget militaire de 1.000 Md$ sur les 10 prochaines années. Echaudés par leurs interventions en Irak et en Afghanistan, ils sont moins enclins aux expéditions lointaines. Enfin, leur centre d’intérêt stratégique est passé du continent européen à l’Asie-Pacifique. Parallèlement, le monde réarme. Entre 2001 et 2011, les dépenses de défense des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) sont passées de 8 % des dépenses militaires mondiales à 13,5 %. Avec 5,5 % à elle seule, la Chine a dépassé tous les pays européens. Le Japon dépense autant que la France (3,6 %). L’Arabie saoudite (2,9 %) a dépassé l’Allemagne (2,7 %). En 2015, le budget de défense de la Chine devrait dépasser le total cumulé des 8 principaux pays européens.

Constat d’échec. Le groupe de travail constate l’absence de grand programme industriel européen depuis celui de l’A-400 M en 2003. Le projet de fusion des groupes franco-allemand EADS et britannique BAE s’est brisé sur l’intérêt des Etats. Sur le plan opérationnel, l’UE a manqué les rendez-vous des Balkans (1999), de la Libye (2011) et du Mali (2013), faute de capacité militaire autonome et de volonté politique en direction de la défense européenne. Le rapport explique ce blocage d’abord par l’absence de menaces manifestes incitant les Etats membres à s’unir. Ensuite, l’articulation entre l’OTAN et l’UE fonctionne mal. Les Etats-Unis assurent 75 % du financement de l’OTAN, alors que 10 pays de l’UE n’en fournissent même pas 1% des capacités. Autre faiblesse de l’UE, son Agence européenne de défense (AED) ne fonctionne que par consensus, permettant éventuellement à certains pays de bloquer un projet industriel. Enfin, souligne le rapport, la méthode progressive de l’UE en matière de défense et de sécurité n’avance pas, faute de « continuum » entre « l’Europe de la défense » intergouvernementale et la « défense européenne » d’essence fédérale (voir schéma). Première puissance économique mondiale avec 500 millions d’habitants, l’UE consacre 175 Md€ par an à la défense et mobilise 1,5 million de personnels. Mais, souligne le rapport, l’efficacité de ces dépenses est annihilée par les duplications des équipements et la dispersion des projets entre les 28 Etats membres.

Propositions concrètes. Selon l’AED, la mutualisation des efforts permettrait des économies de 1,8 Md€ dans le domaine spatial, 2,3 Md€ sur les bâtiments de surface et 5,5 Md€ sur les véhicules blindés sur les 10 prochaines années. En conséquence, le rapport préconise la fusion de l’AED et de l’OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement) en une Agence européenne de l’armement avec décision à la majorité qualifiée pour déterminer les besoins et combler les lacunes : ravitaillement en vol ; formation commune des pilotes et mécaniciens de l’A-400M ; programme de drones MALE pour 2025 ; base industrielle de cyberdéfense ; filière optronique (instruments d’observation à distance). Actuellement, toutes les plates-formes de renseignement, surveillance et reconnaissance dépendent d’équipements américains ou israéliens. Par ailleurs, une stratégie maritime d’ensemble faciliterait la lutte contre les trafics illicites et la surveillance commune des routes maritimes vitales. Cela passe par la mutualisation des moyens de surveillance des approches maritimes et l’harmonisation de la fonction garde-côtes. Enfin, le groupe de travail souhaite la création d’un quartier général à Bruxelles pour la planification et la conduite des opérations militaires (seule la Grande-Bretagne s’y oppose) et un rapprochement des règles d’engagement du feu en opérations extérieures sous l’égide de l’UE ou de l’OTAN.

Loïc Salmon

Union européenne : les défis stratégiques d’aujourd’hui

L’Europe de la défense pour faire face aux crises

Cyberdéfense : perspectives européennes

Le rapport d’information sur l’Europe de la défense a été réalisé en 6 mois par 10 sénateurs de la majorité et de l’opposition. En France, ils ont entendu 18 personnalités civiles et militaires. Parmi les civils figurent : Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères ; Pierre Vimont, secrétaire général du Service européen pour l’action extérieure ; Claude-France Arnould, directrice de l’Agence européenne de défense ; Louis Gautier, membre de la commission du Livre blanc 2013 sur la défense et la sécurité nationale. Parmi les militaires figurent : l’amiral Edouard Guillaud, chef d’Etat-major des armées  (CEMA); Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement ; le général d’armée (2S) Henri Bentégeat, ex-CEMA et ancien président du comité militaire de l’UE ; le général d’armée aérienne (2S) Stéphane Abrial, ancien commandant suprême chargé de la transformation à l’OTAN. Enfin, le groupe de travail s’est rendu à Berlin, Bruxelles et Londres.




Adversaire « hybride » : comprendre, agir et se protéger

Face aux menaces hybrides, les démocraties libérales doivent convertir un résultat militaire sur le terrain en effet politique durable, avec les capacités disponibles en interalliés et malgré des budgets de défense restreints.

Les réponses possibles ont fait l’objet d’un colloque organisé, le 10 février 2016 à Paris, par le Centre de doctrine d’emploi des forces de l’armée de terre. Y sont notamment intervenus : le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de Terre ; le général de corps d’armée Éric Margail, Corps de réaction rapide-France (OTAN) ; le général de division Bernard Barrera, État-major de l’armée de terre ; Corentin Brustlein, Institut français des relations internationales.

Le modèle « au contact ». L’armée de Terre, qui embrasse toute la complexité du combat au sol et près des populations, devient une cible à part entière en opération extérieure (Opex) et sur le territoire national, rappelle son chef d’état-major. Pour lui, la guerre hybride se caractérise par des actions plus courtes et plus brutales, dans une stratégie de contournement de puissance, qui offre une caisse de résonnance plus grande. La seule attrition de l’adversaire ne suffit plus, il s’agit de le désorganiser. Le champ de l’information et les vecteurs de communication occupent une place croissante, qui n’est plus la propriété exclusive des puissances établies. L’adversaire hybride, système dynamique, fonctionne en réseau. Il faut donc le frapper de façon juste et utile, indique le général Bosser, avec divers moyens : systèmes d’information et de commandement ; renseignement ; forces spéciales, aérocombat : divisions « Scorpion ». L’organisation de l’armée de Terre, selon le modèle « au contact », sera plus fluide et déconcentrée aux échelons division, brigade et régiment, pour faciliter la montée en puissance et être capable de s’engager dans une guerre, petite ou grande, à l’Est et au Sud de l’Europe. Le même soldat sert en Opex et sur le territoire national, en coordination avec les services de renseignement et de sécurité intérieure. La réponse, globale, à l’adversaire hybride inclut un appel aux alliés de l’Union européenne avec un déclinement à l’international. Pour répondre aux menaces de guerres de haute intensité et hybride, l’armée de Terre remonte en puissance et entreprend des réformes structurelles, explique le général. Depuis 2015, l’approche de la puissance est plus quantitative : 24.000 personnels d’active et de réserve déployés sur le territoire national ; forces prépositionnées à l’extérieur pour réagir rapidement, avant qu’une crise ne devienne incontrôlable. En outre, une « posture de protection terrestre » va compléter la sauvegarde maritime et la défense de l’espace aérien. Enfin, il s’agit d’inverser le rapport de forces temporel : soit le ralentir, ce que le général Bosser qualifie de « patience stratégique » ; soit l’accélérer pour reprendre l’initiative.

L’approche capacitaire. L’adversaire hybride, en perpétuelle mutation, est bien équipé sur les plans informatique et militaire, explique le général Barrera. Internet, téléphonie mobile et cryptage lui donnent les capacités de commandement de grandes unités et de planification au niveau tactique. En outre, sa possession de missiles sol/air marque la fin de la domination technologique des pays occidentaux. La menace qu’il représente repose sur : des motivations identitaires ou religieuses dans le temps long, constituant des leviers de recrutement par les réseaux sociaux ; une volonté farouche ; une aptitude au combat sans recul moral, avec l’enrôlement de combattants au suicide et d’enfants soldats. Pour la contrer, le cycle « connaissance et influence » met en œuvre le renseignement d’origines électromagnétique et humaine, les drones, la cyberdéfense et le Centre interarmées des actions sur l’environnement. Ce dernier, créé en 2012, forme les personnels projetés dans les missions civilo-militaires et dans les opérations militaires d’influence pour gagner la confiance des populations : aide directe ; gestion de chantiers de reconstruction ; actions de communication d’influence auprès de la population, des élites et élus locaux. En, outre, l’armée de Terre doit renforcer sa capacité logistique, former des détachements d’assistance opérationnelle et améliorer son aptitude à opérer dans un milieu complexe, pour chercher l’adversaire, le trouver et le détruire, souligne le général Barrera.  Cela implique un volume de forces suffisant pour : projeter des forces spéciales puis des troupes conventionnelles de niveaux médian et lourd ; appliquer les plans tactiques élaborés à partir du retour d’expérience. Par ailleurs, les forces déployées doivent disposer de capacités de lutte informatique défensive et projetable, pour se protéger, et de lutte contre les drones, pour anticiper des modes d’action. Enfin, elles doivent aussi agir sans haine, en respectant certaines règles contraignantes d’engagement.

L’approche en interalliés. L’adversaire hybride déborde le champ de la guerre conventionnelle en s’affranchissant du droit des conflits, estime le général Margail. Il crée la surprise dans le temps et dans un espace d’action de dimensions variables. Les crises en Ukraine et au Moyen-Orient ont catalysé la réflexion au sein de l’OTAN : identifier les actions hybrides ; avoir une analyse rapide et décisive ; activer la résilience aux menaces hybrides et y répondre de manière adaptée. Selon l’article 5 de la charte de l’OTAN, la défense collective exige une situation conflictuelle claire pour tous les États membres. Or, la guerre hybride rend difficile le partage de l’analyse de l’agression, l’identification de l’agresseur et un accord sur les moyens de répondre à une agression, qui dépendent des cultures militaires nationales. L’adversaire hybride tente une action spectaculaire, qui répond à l’attente des médias, alors qu’une coalition vise un objectif politique à long terme. Pour satisfaire son opinion publique, la coalition doit donc travailler vite en s’interdisant les erreurs et en partageant la compréhension des situations et les moyens d’agir. Cela nécessite : de grands exercices, rares faute de temps et de disponibilité ; des entraînements plus légers et plus nombreux pour élaborer des solutions à réinjecter dans les états-majors. Comme ces entraînements se déroulent dans des contextes éloignés de la réalité, le général Margail suggère de travailler sur des zones de conflit potentiel et d’en évaluer les enjeux, en vue d’y déployer une force.

Loïc Salmon

Adversaire « hybride » : une menace élargie

Armée de Terre : nouveau format plus « au contact »

Centrafrique : l’opération « Sangaris » au niveau « opératif »

 

Selon Corentin Brustlein, les guerres limitées définissent le rapport au temps, le rythme opérationnel et la capacité à poursuivre une action. Pour les démocraties libérales, la force armée est utilisée pour le bien commun. Leurs adversaires recourent à la cyberguerre. De plus en plus compétents et capables de couvrir tout le spectre de la guerre, ils intègrent même leurs types d’opérations et ce qu’elles se refusent à faire, dans un tout cohérent. En conséquence, les armées des démocraties libérales doivent disposer de chaînes de commandement agiles et redondantes et accroître leur entraînement. L’échelon politique doit maintenir son autonomie de commandement et sa résilience auprès de l’opinion publique.




Exosquelette « Hercule » : du prototype militaire à la série civile

Le robot exosquelette (squelette externe) français « Hercule », premier du genre en Europe, assiste le soldat (fantassin ou artilleur) pour le port et la manipulation de charges lourdes, décuplant ainsi son endurance. Ce prototype a été développé avec le soutien du ministère de la Défense, via le dispositif Rapid (Régime d’appui pour l’innovation duale) de la Direction générale de l’armement. En vue de son industrialisation et sa commercialisation pour des usages civils à partir de 2015,  son constructeur, la petite société Rb3d Cobotique (12 personnes), a signé une convention de levée de fonds, le 18 juin 2013 lors du Salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, avec le fonds d’investissements Financière de Brienne spécialisé dans les hautes technologies intéressant la défense et la sécurité, la société de gestion de portefeuilles Inocap et Alto Invest (gestion de patrimoine). « Hercule » permet à un soldat de transporter jusqu’à 80 kg de charges lourdes sur 20 km à la vitesse de 4 km/h, sans risques de troubles musculo-squelettiques. Ce robot, présenté au salon d’armements terrestres Eurosatory 2012 (photo), fonctionne à l’énergie électrique. Il est constitué de jambes et de bras mécatroniques (combinaison de mécanique, d’électronique et d’informatique). Un système intégré détecte et accompagne les mouvements de l’utilisateur. L’ensemble a une autonomie de 4 heures et pèse 48 kg. L’utilisateur peut emporter des charges de 40 kg sur le dos et de 20 kg avec chaque bras. Il se désharnache en moins d’une minute. Outre son usage pour l’armée de Terre et les pompiers (port d’équipements de protection lourds), « Hercule » peut servir dans le domaine civil : transport et manutention dans les entreprises de bâtiments et travaux publics et de logistique ; manutention des patients et aide aux handicapés dans les hôpitaux. Son constructeur, Rb3d Cobotique, a bénéficié de l’aide de CEA-Investissements, filiale du Commissariat à l’énergie atomique. Projet démarré en 2010, « Hercule » a été doté de jambes en 2011 et de bras en 2012. D’autres robots exosquelettes sont en cours d’expérimentation aux Etats-Unis, en Israël, en Nouvelle-Zélande et au Japon.

Loïc Salmon

 




Armée de l’Air : l’humain, les opérations et la modernisation

La formation optimisée des personnels de l’armée de l’Air va de pair avec l’amélioration de leur cadre de vie et la modernisation des équipements pour affronter les menaces futures.

Son chef d’état-major, le général d’armée aérienne Philippe Lavigne, l’a expliqué lors d’une rencontre organisée, le 4 décembre 2018 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Formation et fidélisation. Quoique le recrutement soit passé de 2.000 jeunes en 2014 à 3.000 en 2018, l’armée de l’Air entend conserver ses anciens personnels, dont l’expérience permet de travailler le savoir être et le savoir-faire, souligne le général. La « smart school » ou méthode de formation repose sur la numérisation et l’intelligence artificielle pour gérer les compétences. Les personnels demandent de la valorisation et la reconnaissance des compétences acquises. L’adaptation aux besoins présents et futurs, du niveau brevet technique supérieur à celui de la recherche, nécessite d’obtenir la validation des enseignements par des diplômes reconnus par l’Education nationale. L’Ecole de l’Air de Salon-de-Provence a noué des partenariats avec l’ONERA et le CNES. Il s’agit de réduire le temps de formation au « juste besoin », afin de pouvoir exercer rapidement le métier. Ainsi, la réalité virtuelle permet de faire le tour de l’avion…sans avion. L’élève « voit » la manœuvre ou la réparation à effectuer. La simulation permet d’économiser les heures de vol. Un pilote de chasse français, qui effectue actuellement 164 h de vol sur avion et 70 h sur simulateur, devra, à terme, atteindre l’objectif OTAN, soit 180 h de vol et 70 h sur simulateur. La base de Mont-de-Marsan dispose d’un simulateur avec radar de pilote fictif et genèse de plots supersoniques, de missiles de croisière, d’avions de transport ou d’hélicoptères. Il élabore des scénarios de missions de plus en plus complexes et crée un lien avec le pilote qui vole réellement. Ensuite, la vigilance s’impose pour fidéliser les aviateurs, en améliorant leurs conditions de travail sur une base aérienne et celles de leur famille (Plan famille). Le secteur privé accueille en effet très facilement mécaniciens d’aéronautique, informaticiens, personnels médicaux et commandos.

Modernisation et coopération. La Russie et la Chine manifestent leur puissance en déniant l’accès à des théâtres pour des opérations des forces aériennes occidentales, par avions, missiles, défense sol-air et brouillages de GPS et de communications, indique le général Lavigne. D’ici à 2040, la menace portera sur la furtivité, qui sera déjouée par la recherche des failles techniques, et l’hypervélocité. Celle-ci, supérieure à mach 5, nécessitera d’augmenter la distance de tir, par un radar plus puissant, et le combat « collaboratif » : l’appareil repéré fuit, tandis qu’un autre tirera. L’avion de nouvelle génération sera piloté, car un robot n’inspire aucune confiance. Il sera équipé d’intelligence artificielle, comme le sont déjà certains capteurs. La transmission de données par satellite fera progresser le combat collaboratif. Déjà, un exercice dénommé « Point Blank » s’est déroulé en novembre 2018 en Grande-Bretagne pour tester les interopérabilités technique et opérationnelle entre le Rafale et le F-35 américain. Le prochain aura lieu en France en 2020. Le projet franco-allemand SCAF (système de combat aérien futur), dont les études vont commencer dans chaque pays, vise à élaborer des normes communes en vue de réaliser un démonstrateur. Toutefois, quels que soient les domaines concernés, il conviendra de conserver sa souveraineté en ne dévoilant pas tout.

Loïc Salmon

Armée de l’Air : anticipation, audace et créativité

Armée de l’Air : le nouvel avion d’entraînement Pilatus PC-21

Défense : le « plan famille » de fidélisation des militaires