Marine : « navalisation » d’un drone aérien et test d’un système vidéo embarqué

Pour la première fois en Europe, la Délégation générale de l’armement (DGA), la Marine nationale et le groupe DCNS ont validé l’intégration d’un drone aérien à voilure tournante au système de combat d’un bâtiment militaire (photo). Des essais à la mer ont été effectués du 9 au 13 décembre 2013 à bord du patrouilleur L’Adroit, dans le cadre du programme de déploiement SERVAL (Système Embarqué de Reconnaissance – Vecteur Aérien Léger). Ils ont évalué le module DIOD-A, intégré au système de combat Polaris®, développé par DCNS et servant au contrôle électro-optique des données de charges utiles du drone Camcopter® S100. Ils ont aussi démontré que la connexion entre le calculateur de vol du Camcopter® S100 et le Polaris® n’avait pas d’incidence sur la sécurité du vol. L’intégration et le déploiement d’un drone aérien à bord d’un bâtiment permettent d’obtenir, en temps réel, des informations sur le théâtre d’opérations, mais hors de portée des senseurs du bord. Véritable caméra déportée, un drone équipé d’un ensemble optronique contribue à l’identification d’un navire pirate ou au suivi de l’inspection d’un bateau de pêche. Par ailleurs, DCNS a mis au point un système vidéo embarqué facilitant les missions de protection et de sauvegarde d’une force navale, face aux évolutions de la menace terroriste, de la piraterie et du narcotrafic. Ce système a été testé en décembre 2013 en rade de Toulon avec le concours de la DGA. Capable d’accélérer la prise de décision sur une zone d’opération, il comprend notamment : des caméras thermiques ; une technologie de mur d’images et de logiciel de gestion de sources de tout type ainsi que le transport de vidéos sans perte en temps réel ; le système SURVI® (SUrveillance Radar Vidéo et Infrarouge) avec radar, caméra haute définition, antenne AIS (système d’authentification automatique), station météo et capacités de communication. Les vidéos sont exploitées sur un poste de tenue de situation visuelle multi-écrans. Selon DCNS, la réception sur écran en temps réel d’images vidéo, issues de capteurs performants, donnera aux opérateurs un supplément d’informations essentielles sur la cible et sur ses intentions et, ainsi, leur permettra de garder l’ascendant tactique sur elle.

Loïc Salmon

DCNS : défense aérienne pour sous-marins et FREMM-ER

Opération européenne « Atalante » : piraterie contenue en océan Indien




Opex : enjeux et perspectives des drones militaires

Les drones assurent une surveillance du terrain permanente qui, transmise en temps réel aux troupes au sol, permet de mieux appréhender la situation en opération extérieure (Opex). La technologie des missiles hypersoniques pourrait leur être appliquée demain.

Les enjeux et perspectives des drones ont fait l’objet d’un colloque organisé, le 3 décembre 2012 à Paris, par le Club Participation et Progrès. Les interventions ont été rassemblées dans un ouvrage publié en 2013 (Prividef Éditions 224 pages 25 €).

Les opérations terrestres. En France, l’emploi de drones remonte à 1965 pour déceler les mouvements de troupes du Pacte de Varsovie, indique le colonel Aymeric Bonnemaison de l’état-major de l’armée de Terre. Le drone rapide R20 puis, en 1980, le CL89, véritables missiles de reconnaissance, ont fourni un renseignement en temps différé par récupération des films à l’atterrissage. Ensuite, le Mart (Mini-avion de reconnaissance télépiloté), le drone tactique CL289 (successeur du CL 89) et le système d’arme Crécerelle dans les années 1990, puis le SDTi (Système de Drone Tactique intérimaire) et le Drac (Drone de reconnaissance au contact) à la décennie suivante, plus lents, diffusent une information vidéo en temps réel pour offrir une réactivité suffisante aux forces  sur le terrain. Ainsi, le Mart est utilisé pendant la guerre du Golfe (1990-1991), les Crécerelle et CL289 vont en Bosnie et au Kosovo (1996-2002). Leur succèdent le SDTi et le Drac au Kosovo et en Afghanistan (2008-2012). Enfin, un SDTi est déployé au Liban (2006-2007) et un CL289 au Tchad (2008-2009). En 2012, le « concept interarmées sur l’emploi des systèmes de drones aériens » formalise la complémentarité et la segmentation de la panoplie de drones disponibles pour satisfaire le « juste besoin opérationnel », selon la finalité d’emploi, le niveau d’appui attendu, les capacités requises, l’empreinte au sol consentie et le rapport coût/efficacité. Les SDTi (330 kg) appuient les forces du niveau division à brigade, les Drac (<10 kg) de la brigade au groupement tactique interarmes. Les microdrones (<2 kg) constituent les jumelles déportées du combattant au niveau compagnie. Face à l’obsolescence du SDTi et du Drac, l’armée de Terre devra renouveler ses capacités en la matière dans un avenir proche. Toutefois, le futur système de drone devra garantir au chef tactique la réactivité et l’appui direct indispensable à la manœuvre et la sécurité des soldats, lors d’un engagement intense avec l’adversaire. Les progrès technologiques permettront d’élargir les missions de surveillance et de renseignement à celles de logistique et de combat. Le retour d’expérience d’Afghanistan a permis de faire évoluer le système de drone tactique et affiner le besoin opérationnel pour son successeur, explique le colonel Gilles Randreau, commandant le 61ème Régiment d’artillerie (régiment de drones et d’imagerie de l’armée de Terre). Plusieurs améliorations ont été obtenues : fourniture d’un appui image aux forces, grâce aux terminaux vidéo déployés au sol avec des analystes d’images ; optimisation de la logistique et de la maintenance par le développement des capacités de réparation du drone tactique ; gestion du potentiel dans la durée par l’achat de pièces de rechange ; développement des capacités d’interopérabilité et d’optimisation de l’analyse d’images.

L’option hypersonique. Le statoréacteur permet une vitesse « hypersonique », c’est-à-dire plusieurs fois supérieure à celle du son (340 m/s ou Mach 1). Depuis 2009, il équipe le missile ASMP-A (Air Sol Moyenne Portée-Amélioré) à tête nucléaire, en service sur les Rafale de l’armée de l’Air et de la Marine dans le cadre de la dissuasion. Cette technologie pourrait s’appliquer à un drone de reconnaissance pour des missions dans la profondeur ne nécessitant pas une supériorité aérienne préalable sur la zone considérée, propose Laurent Serre, responsable des programmes hypersoniques à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales. Ce drone pourrait être tiré du sol, d’avion ou depuis la mer et à une distance supérieure à 600 km pour prendre automatiquement des images radar sur une sélection de sites d’intérêt stratégique. Il retournerait ensuite vers son lieu de récupération à une vitesse redevenant progressivement subsonique. Sa descente freinée par parachute, il serait alors récupéré en vol par un hélicoptère jusqu’à l’infrastructure de base et, pendant ce vol, ses données seraient extraites et disséminées vers les destinataires habilités. Selon Laurent Serre, la mise en œuvre du drone hypersonique à partir du porte-avions Charles-De-Gaulle permettrait de réaliser un système intégré : avion Rafale porteur ; hélicoptère de récupération ; préparation de la mission ; traitement des données ; maintenance ; capacité décisionnelle et, éventuellement, de frappe réactive. La prise d’images à haute résolution (10 à 30 cm) par « radar à synthèse  d’ouverture », qui améliore la résolution en azimut, est possible jour et nuit et indépendante des conditions météorologiques. Les analystes trouvent, dans ces images, des informations invisibles pour des yeux non exercés, car la nature des signaux est très différente de celle des images optiques. Une mission d’une heure peut examiner simultanément 10 zones de 8 km2 réparties sur 250.000 km2 et reconstruire, en 3 dimensions, des sites missiles ou radars fixes ou déplaçables. Elle détermine l’indice d’activité de réseaux de communications terrestres ou fluviaux et celui d’installations sensibles. Elle recense aussi des capacités aériennes ou navales. Un drone hypersonique furtif pourra notamment constituer et mettre à jour un catalogue d’objectifs d’intérêt stratégique, enrichi au fil des missions successives. Pendant sa phase d’intrusion, le recueil du renseignement électronique sollicitera les défenses du système détecté, écoutera ses réactions et laissera peu de temps de réflexion à l’adversaire, qui réagira selon ses principes de base. En outre, l’analyse des réactions automatiques renseignera sur les caractéristiques intimes des systèmes concernés. Des essais de prises d’images radar à synthèse d’ouverture ont déjà été réalisés en vol subsonique sur le drone CL289. L’enjeu porte surtout sur la réalisation d’équipements compacts. Enfin, l’expression du besoin de « renseignement stratégique réactif tout temps » reste à affiner.

Loïc Salmon

Les drones dans les forces terrestres

Le 61ème Régiment d’artillerie (drones et imagerie)

Évoluant à faible et moyenne altitudes et cohérent avec la manœuvre aéroterrestre, le drone apporte d’abord au commandant des forces un appui par le renseignement, grâce à ses capteurs (caméras, radars ou dispositifs de détection électromagnétiques). Toutefois, son emploi impose des contraintes sur le plan opérationnel : intégration et navigabilité dans la circulation aérienne ; législation ; sécurité ; altitude. Il doit aussi surmonter des obstacles d’ordre technique : gestion des pannes en vol et des situations dégradées ; transmission des données ; discrétion ; mode de propulsion ; réactivité automatique et intervention humaine ; entretien, entreposage et maintien en condition opérationnelle ; formation et entraînement des opérateurs.




Renseignement aérospatial : complémentarité entre drones et aéronefs légers ISR

En matière de renseignements d’origine électromagnétique (« sigint » et « comint ») et par imagerie les drones complètent les aéronefs légers de renseignement, surveillance et reconnaissance (ISR), selon les critères de missions définis par leurs utilisateurs.

Certains aéronefs (avions, drones, hélicoptères et dirigeables) peuvent opérer avec ou sans pilote. Leur « dronisation » a fait l’objet d’un colloque organisé le 30 septembre 2013 à Paris, par le Club Participation et Progrès, le magazine Air et Cosmos et la revue Défense nationale.

Systèmes et emplois. En 2008, le secrétaire américain à la Défense Robert Gates, ancien directeur de la CIA, lance le programme « Liberty » de plate-forme ISR pour les opérations en Irak et en Afghanistan en vue de dresser des cartes de renseignement sans intervention des troupes au sol, explique le lieutenant-colonel Eric Tantet de l’état-major de l’armée de l’Air. « Liberty » a récupéré un avion civil à faible coût de maintien en condition opérationnelle. Le cahier des charges varie selon la taille du vecteur et le nombre de capteurs installés. La plate-forme emporte divers types de charges utiles dont notamment: la boule optronique (imagerie) à « champ étroit » ; le radar à « champ moyen », indicateur de cibles mobiles et utilisable tous temps ; le capteur de communications à « champ large » pour localiser des émetteurs dans des zones désertiques ; la télédétection par laser ; la caméra hyper-spectrale ; le système américain « Gorgon Stare » (5 caméras électro-optiques et 4 autres infrarouges) pour couvrir le maximum de terrain ; le système de fusionnement des informations des capteurs. Le concept d’emploi de l’avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR) s’articule ainsi : « champ large » pour la recherche de cibles sur la zone d’intérêt définie ; « champ moyen » pour la détection et la localisation des cibles ;  « champ étroit » pour leur identification ; production et transmission des renseignements vers les autorités politico-militaires ou les éléments terminaux de la chaîne d’action (troupes au sol, bâtiments et aéronefs de combat) ; poursuite éventuelle de la cible ou surveillance de la zone. Dans le cadre d’une crise émergente, l’ALSR peut être utilisé sous faible préavis pour renforcer les moyens de recueil déployés sur un théâtre extérieur. Sur le territoire national, il peut participer à un dispositif de sûreté du ministère de la Défense ou en appui d’autres ministères pour la lutte anti-drogue, la sécurité intérieure, la lutte contre la piraterie, l’anti-terrorisme et l’évaluation rapide de la situation après une catastrophe naturelle ou technologique. Divers ALSR sont en service dans les armées de Terre et de l’Air aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne et dans les forces aériennes du Canada, d’Israël et d’Algérie. D’autres sont déjà commandés par celles d’Irak et de Singapour.

Comparaison et perspectives. Guillaume Steuer (Air et Cosmos) a dressé un tableau comparatif entre le drone moyenne altitude longue endurance (Male) et l’ALSR. Tous deux se valent en discrétion moyenne. Le drone Male l’emporte pour l’endurance (plus de 24 h sur zone contre 6-8 h pour l’ALSR) et l’armement éventuel. L’ALSR présente des avantages en termes de flexibilité d’emploi, d’évolution dans l’espace aérien civil, d’acquisition (offres multiples) et d’autoprotection. L’armée de l’Air américaine (USAF) dispose de 160 drones armés MQ-1 B « Predator » mis en service opérationnel en 2005, 100 drones de combat MQ-9 « Reaper » (2007) et 42 ALSR MC-12 W « Liberty » (2009). Le Commandement des opérations spéciales de l’USAF déploie des MQ-1B « Predator » sur 6 orbites permanentes et des MQ-9 « Reaper » sur 4. Il emploie aussi 36 petits avions Pilatus PC-12/U-28 capables d’utiliser des pistes sommairement aménagées et en a commandé 18 exemplaires pour les forces spéciales afghanes. Outre ces trois types de vecteurs, la CIA possède des DHC6 « Twin Otter » équipés de roues, de skis ou de flotteurs. Depuis sa base de Waddington, l’armée de l’Air britannique déploie 10 MQ-9 « Reaper » et 6 petits avions « King Air 350 » équipés de multicapteurs. En France, indique Guillaume Steuer, les drones Male sont peu nombreux et peu adaptés aux besoins : optronique obsolète et absence de capacité « sigint ». En outre, les capacités ISR aéroportées sont éparpillées entre les avions de transport tactiques « Transall » et « Hercules », les avions de patrouille maritime « Atlantique 2 »  et le C-160 « Gabriel » de guerre électronique. Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit des vecteurs aéroportés complémentaires des renseignements d’origine image. Finalement, les drones Male devraient être affectés d’abord au soutien des forces et les ALSR au Commandement des opérations spéciales, à la Direction du renseignement militaire (DRM) et à la Direction générale de la sécurité extérieure.

« Dronisation » et complémentarité. Malgré le développement du drone, l’ALSR rebondit en raison de son moindre coût et du savoir-faire venu du monde civil, indique le général de corps aérien (2S) Jean-Patrick Gaviard, ancien sous-chef opérations de l’État-major des armées. Mais, il ne fonctionne qu’avec la supériorité aérienne, comme pour les interventions en Libye (2011) et au Mali (2013). En temps de crise, les « sigint » et « comint », captés aussi par les sous-marins et navires de surface, constituent les renseignements initiaux, que doivent compléter l’imagerie et l’infrarouge pour l’identification des cibles. « Même pour les théâtres africains, ça commence par là ». Le successeur de l’avion C-160 « Gabriel » devra disposer d’une capacité « sigint » plus importante pour informer la DRM et les forces sur le théâtre des bandes d’émissions à brouiller. Une réflexion est en cours sur la reconstitution d’une escadre de reconnaissance, basée dans le centre de la France et incluant les drones, les ALSR et du personnel hautement qualifié. De son côté, le général de corps aérien (2S) Michel Asencio, ingénieur consultant en technologies nouvelles, rappelle la vulnérabilité des moyens de transmissions des renseignements des drones. Ainsi informé début août 2013, le mouvement chiite Hezbollah avait pu piéger le passage de commandos israéliens en territoire libanais, faisant plusieurs blessés.

Loïc Salmon

Renseignement militaire : clé de l’autonomie stratégique et de l’efficacité opérationnelle

Renseignement militaire : cinq satellites français de plus

La guerre électronique : nouvel art de la guerre

Le drone français (mode piloté en option) « Patroller » peut croiser sur zone à 25.000 pieds (7.620 m) d’altitude plus de 20 heures et même jusqu’à 30 heures dans sa configuration capteur optronique jour/nuit avec deux réservoirs sous voilure. Il emporte des caméras TV (couleurs ou noir et blanc) et infrarouges, des radars météorologiques, de détection NBC (nucléaire, chimique et biologique) et à synthèse d’ouverture et un télémètre laser. Il transmet directement des images aux personnels au sol ou aux véhicules d’intervention via un terminal tactique vidéo portable. Aéronef à décollage et atterrissage automatiques, le « Patroller » est aérotransportable par avion-cargo. Son rayon d’action varie de 200 km (liaison de données à portée optique) à 2.000 km (liaison satellite).




Libye : Retex de l’armée de l’Air

Pendant l’opération Harmattan au large de la Lybie, l’armée de l’Air, disponible à 92 %, a dû combiner réactivité,  allonge endurance, polyvalence et précision. Le colonel Jean Rondel, chef de l’état-major opérationnel du Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes, a présenté un retour d’expérience (Retex) à froid, au cours d’une conférence organisée, le 15 mars 2012 à Paris, par l’Association des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale.

Préparation et déroulement : les opérations aériennes en Libye ont duré plus de sept mois, contre deux mois et demi au Kosovo (1999) et un mois pendant la guerre du golfe (1991). Elles ont été initiées par la France et la Grande-Bretagne le 19 mars, avant de passer sous commandement OTAN le 1er avril (revue téléchargeable septembre 2011, p.11-12). Pour la première fois, elles ont été exercées au profit de forces terrestres étrangères (le Conseil national libyen, CNT), morcelées et sans véritable coordination. Avant le début des combats, la France a évacué, le 22 févier en deux missions Airbus A-340, les ressortissants européens (400) résidant dans les grandes villes. La Grande-Bretagne a envoyé, par avions de transport tactique Hercules, des forces spéciales récupérer ceux qui étaient dispersés dans le pays. Pour la première fois, le Commandement du transport européen (Allemagne, France, Belgique et Pays-Bas), opérationnel fin 2010, a été mis en œuvre. L’Allemagne a participé à la logistique, mais pas aux frappes. La logistique a inclus le largage de sacs de riz et d’armes et équipements aux forces du CNT, en coopération avec le Qatar et les Emirats arabes unis. Pour la première fois, les Etats-Unis ont participé aux premières frappes (missiles de croisières navals et quelques raids aériens), puis se sont limités à l’appui : lutte anti-radar, ravitaillement en vol (75 %) et renseignement. Avec les ravitaillements en vol, les avions de reconnaissance ont poursuivi et surveillé les bandes armées pro-Kadhafi s’enfonçant vers le sud de la Libye. Du côté français, le recueil de renseignements électromagnétiques, en vue de régler les contre-mesures électroniques, commencé dès le 5 mars, a duré 14 jours au moyen des capteurs des AWACS, de l’avion d’écoute Transall C160 Gabriel et des Mirage F1 CR  équipés de la nacelle d’analyse de signaux tactiques. Le drone Harfang, dont les missions pouvaient dépasser 19 heures d’affilée, a servi à lever les incertitudes sur des cibles. Cette autonomie d’appréciation a pallié l’insuffisance de renseignements en provenance du groupe des « Five Eyes » (cinq yeux) alliés (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande), pas toujours coopératifs.  Frappes : les premières, sous commandement national (19-21 mars), ont interdit de vol les forces aériennes libyennes. Celles du 19 mars avec des bombes guidées laser de 250 kg ont eu une portée stratégique : l’arrêt de la progression des colonnes blindées pro-Kadhafi vers le port de Benghazi tenu par le CNT. La vitesse d’intervention a été essentielle : la frappe s’est produite deux heures après la déclaration du président de la République Nicolas Sarkozy, les avions étant déjà en l’air. Du 22 au 31 mars, les avions américains, britanniques et français ont effectué des reconnaissances, des frappes ciblées sur des blindés et des raids dans la profondeur, en vue de protéger les populations et d’affaiblir le potentiel des forces pro-Kadahi. Le 23 mars, les premières frappes de missiles de croisière français Scalp ont eu lieu : deux Rafale Air ont décollé de Saint-Dizier et deux Mirage 2000 D de Nancy pour se poser au retour à Solenzara (Corse) avec deux ravitaillements en vol entretemps. Simultanément, deux Rafale Marine sont partis du porte-avions Charles-De-Gaulle. Le Rafale Air emporte deux Scalp, le Mirage 2000 un et le Rafale Marine un. Les Scalp ont été tirés à 21 h 33 à une distance de sécurité de 400 km, avec la possibilité d’interrompre l’intervention jusqu’à huit minutes avant grâce à une liaison radio avec un AWACS. Du 1er avril au 31 octobre, l’opération OTAN « Unified Protector » a évolué vers un soutien accru au CNT par des vols de reconnaissance sur toute la Libye, des raids dans la profondeur et des frappes ciblées sur des forces et des infrastructures militaires (dépôts de munitions), à savoir au bon moment et au bon endroit pour inverser le cours des opérations. L’analyse et le ciblage des objectifs ont suscité quelques tiraillements entre Alliés, dont les appréciations ont parfois divergé. Toutes les frappes françaises devant recevoir l’approbation de Paris, le contrôle très serré du Centre de planification et de contrôle des opérations (CPCO) a ralenti la vitesse d’appréciation et donc la réactivité. Les pays alliés délèguent en effet davantage de responsabilités à leur commandement sur zone. Ainsi le 20 octobre, un drone armé américain a repéré un véhicule militaire et l’a détruit peu après. Sa capacité d’écoute des communications téléphoniques permet de décider la frappe en un temps très court. Enfin, pendant Harmattan, 11 Scalp ont été tirés sur les 400 en soute. L’annulation d’une frappe avec des bombes guidées laser (250 kg et 1.000 kg) résultait de l’appréciation de la valeur ajoutée de l’objectif et non pas du prix de la munition.

Enseignements : Harmattan a permis de valider la polyvalence du Rafale : défense aérienne, reconnaissance et assaut. Equipé de plusieurs armements et grâce à la fusion des informations de l’ensemble de ses capteurs, il peut même tirer un missile sur une cible… située derrière lui ! Un drone MALE (moyenne altitude longue endurance) peut effectuer des missions d’une durée de 19 heures, chose impossible  pour un pilote d’avion. Toutefois, il convient de développer : les armes à létalité modulaire ; les capacités de renseignement d’origine électromagnétique (ELINT/COMINT) ; la capacité radar à couverture synthétique/indicateur de cibles en mouvement (SAR/MTI) ; la coordination entre avions et hélicoptères de combat ; le ravitaillement en vol ; la réactivité et la capacité à durer. Enfin, Harmattan constitue une participation majeure de la France au sein de l’OTAN… qui lui permettra de peser sur les décisions futures !

Loïc Salmon

L’opération Harmattan, qui a duré du 19 mars au 31 octobre 2011, a déjà été traitée à plusieurs reprises : voir « Archives » des 22-06-2011, 02-09-2011, 15-09-2011, 28-09-2011 et 01-02-2012. Cette fois-ci, il s’agit du retour d’expérience (Retex) spécifique à l’armée de l’Air, mobilisée sur un théâtre de 1.500 km de large sur une profondeur de 1.000 km. Elle a effectué 78 %  des 5.800 sorties de chasse françaises. Ses avions se trouvaient à 3 h de vol de Saint-Dizier en métropole (2.300 km), 1 h 20 de la base de Solenzara en Corse (1.000 km), 1 h de celle de Souda en Crète (850 km) et 45 minutes de celle de Sigonella en Sicile (540 km). L’autonomie d’un Mirage F1 est de 7 h, celle d’un Mirage 2000 de 9 h et celle d’un Rafale de 10 h. L’OTAN a mis en œuvre 15 avions radar AWACS, la Grande-Bretagne 6 et la France 4 (20 % des sorties). L’unique drone français Harfang, déployé du 23 août au 31 octobre, a effectué 22 sorties à partir de Sigonella (7-8 h de transit aller-retour).




Drones Harfang : trois ans en Afghanistan

Les images des drones constituent« une plus-value pour les troupes au sol », selon l’Etat-major des armées qui a présenté le bilan des Harfang (déployés trois ans en Afghanistan), au cours d’un point de presse le 23 février 2012 à Paris.

Dans le cadre de la reprogrammation du retrait des troupes et des matériels d’Afghanistan, les deux Harfang ont été rapatriés en février, démontés et placés dans des conteneurs transportés par un Antonov, avion gros porteur russe. En février 2009, l’escadron de drones 01.33 « Belfort » de l’armée de l’Air en avait envoyé trois, réduits ensuite à deux et servis par une quarantaine de militaires français sur la base aérienne internationale de Bagram. Ces drones MALE (moyenne altitude longue endurance) ont effectué environ 5.000 heures de vol en 660 sorties et ont rapporté 3.500 heures de vidéo sur 5.200 objectifs traités. Placés sous le commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan, (FIAS), ils ont réalisé 40 % de leurs missions au profit des forces françaises engagées dans les provinces de Kapisa et de Surobi. Ces missions consistent en la surveillance de zone, la protection des convois, l’appui aux opérations, la lutte contre les engins explosifs improvisés et la reconnaissance en soutien à la planification des opérations. Une dizaine d’objectifs sont pris en compte par vol, effectué entre 5.000 m et 8.000 m d’altitude. L’exploitation des images en temps réel, dans le shelter du segment sol, permet au chef de mission de comprendre ce qui se passe au sol, en coordination avec les troupes sur le terrain. Les visions du ciel et du sol reconstituent la scène. Le drone envoie ses images simultanément aux personnels engagés sur le terrain, aux bases avancées, au commandement régional, à celui de la FIAS et à la base de Bagram. Les données sont transmises par deux liaisons satellitaires à haut débit (SATCOM, 3 MB/s) et par deux liaisons directes (LOS, 5 MB/s) à partir d’antennes d’une portée de 150 km pour la commande et le contrôle du drone. En trois ans, les Harfang n’ont connu que quelques incidents de transmissions de données, compensés par la redondance des observations des satellites géostationnaires.

Les forces françaises sur zone (3.400 militaires fin mars) disposent encore de drones de reconnaissance au contact (lancés par un homme) et de la couverture de la centaine de drones en tous genres de la FIAS.

Loïc Salmon




Milipol 2011 : une technologie de la sécurité de plus en plus innovante

« Nous devons faire face, en France comme chez tous nos partenaires, à des menaces et des phénomènes nouveaux. Je pense notamment aux menaces terroristes, à la criminalité organisée, à la cybercriminalité ou aux violences urbaines », a déclaré Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration, lors de l’inauguration de Milipol 2011. Ce salon biennal des professionnels de la sécurité a accueilli 27.243 visiteurs (151 pays), 110 délégations officielles (53 pays) et 888 exposants (47 pays) à l’occasion de sa 17ème édition, qui s’est tenue du 18 au 21 octobre 2011 à Paris.

Les matériels présentés constituent un kaléidoscope de tout ce qui se fait en la matière : véhicules blindés tout terrain armés d’une mitrailleuse, véhicules blindés amphibies avec une hélice à l’arrière pour le franchissement de cours d’eau, fusils d’assaut et de précision pour les unités spéciales, armes de poing en tous genres, munitions létales ou non, tenues de combat et de maintien de l’ordre, boucliers en plexiglas munis de lampes éblouissantes avec caméra incorporée, poubelles anti-bombes (en service au musée du Louvre et au Trocadéro à Paris), crypto-systèmes, appareils biométriques (morphologie de la main, empreinte digitale et réseau veineux) pour remplacer les badges, équipements de vidéosurveillance, appareils d’interception électronique, portiques de détection d’armes avec vision intégrale du corps (en service à l’aéroport d’Amsterdam), robots avec pinces de manipulation, kit électro-hydraulique avec cutter et pied de biche pour forcer verrous, portes, portails et barreaux de fenêtre et enfin minidrones divers (photo).

Coopération internationale

Depuis le 1er septembre 2010, la Direction de la coopération internationale (DCI) regroupe les services similaires de la police et de la gendarmerie. Elle couvre 156 pays à partir de 90 implantations à l’étranger. Cette coopération technique effectue 2.000 actions par an (stages, missions d’experts, visites de délégations étrangères et séminaires) sur les thèmes suivants : criminalité organisée (22 %) ; terrorisme (17 %) ; ordre public (17%) ; immigration (11 %) ; sécurité civile (8%) ; stupéfiants (7 %) ; formation (6%) ; divers (12 %).

A Paris, l’échelon central de la DCI regroupe 230 policiers, gendarmes et personnels administratifs, qui assurent une veille opérationnelle permanente et la coordination du réseau. Le ministère des Affaires étrangères et européennes fait appel à 430 personnels pour la sécurité des ambassades. A l’étranger également, les services de sécurité intérieure (SSI) de la DCI emploient 260 policiers ou gendarmes, sous l’autorité des attachés de sécurité intérieure (ASI). Les SSI maintiennent en permanence une plate-forme d’échanges d’informations entre les services de police et de gendarmerie étrangers et français. De leur côté, les ASI coopèrent avec les services de sécurité locaux pour détecter en amont les risques et menaces, échanger les renseignements à caractères judiciaire, accompagner les enquêteurs dans l’exécution de commissions rogatoires internationales. En outre, ils assurent la sécurité des Français expatriés ou de passage, en liaison avec les consulats. Au niveau international, la DCI assure le suivi avec Interpol, Europol, l’ONU et l’Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE). Elle anime des réseaux : le Collège européen de police, le groupe Fontanot (Afrique de l’Ouest), Francopol (réseau francophone de coopération en formation policière) et Resopolis (réseau des attachés policiers étrangers en poste en France). Elle assure aussi les financements européens et multilatéraux d’actions de coopération.

Enfin, avec 80 entreprises partenaires, la DCI concourt à la promotion des technologies françaises dans le domaine des équipements de sécurité.

Loïc Salmon

Le drone Scancopter X4, à décollage et atterrissage vertical, est utilisable pour le renseignement, la surveillance et la reconnaissance (photos et vidéos aériennes). Voici ses principales caractéristiques : dimensions hors rotors, 51 cm x 51cm x 35cm ; masse maximale au décollage, 1,6 kg ; autonomie, 20 minutes ; vitesse opérationnelle, jusqu’à 15 m/s ; vitesse limite de vent, 30 km/h avec des rafales jusqu’à 50 km/h ; altitude maximale, 1.500 m ; caméra, haute définition avec des cartes SD de 32 GB.




Les drones, dualité militaire et civile

Les applications des drones dans les domaines militaires et civils nécessitent des technologies différentes. La plateforme (« l’avion ») du système représente 20 % de sa valeur et la technologie (capteurs et transmissions) 80 %. Cette dualité militaire-civile a été exposée par le directeur des programmes drones de la société Sagem, Pierre Jorant, lors de la 5e Rencontre aviation civile aviation militaire tenue le 19 mai 2011 à Paris.

Sagem construit le drone tactique SDTi, catapultable d’un camion, récupérable par parachute et actuellement utilisé par l’armée de Terre en Afghanistan. Elle propose aussi un modèle civil plus grand de type MALE (moyenne altitude longue endurance), le « Patroller », capable de décoller et d’atterrir par ses propres moyens.

Les drones civils et militaires ont les mêmes besoins d’intégration à des systèmes plus vastes et de changement rapide de leurs charges utiles composées de divers appareils de mesures. Ils présentent la même architecture, à savoir l’acquisition de données (informations et images), leur traitement à bord, leur transfert vers le sol, leur traitement au sol et le contrôle commande de la charge utile.  La capacité d’identification et de localisation des capteurs varie selon les besoins du client. Actuellement, il est possible de détecter un départ de feu de forêt à plusieurs km, des personnes à 3 km et un navire à plus de 4 km.

Mais, les charges utiles et les fréquences de transmission utilisées sont différentes pour les drones civils et militaires. Pour ces derniers, les données captées seront cryptées pendant le vol, puis décryptées une fois transférées au sol. En outre, il leur faut respecter les normes OTAN sur les vidéos numériques et s’intégrer dans les systèmes de commandement (commandement, contrôle, communications, informatique et renseignement militaire). En conséquence, les fréquences utilisées pour les transmissions et les équipements de transmission eux-mêmes peuvent ne pas être communs aux drones militaires et civils. En outre, la réglementation des vols n’est pas unifiée, notamment pour l’utilisation en espace non « ségrégué » (voir : « De l’OPEX au territoire national », rubrique Actualités ou Archives 28-9-2011).

Toutefois, selon Pierre Jorant, la dualité militaire-civile des drones dispose d’un fort potentiel de développement, notamment pour la sécurité territoriale et les applications interministérielles. Il préconise le rapprochement des technologies et des processus de production des drones et de l’aéronautique pilotée. Cela devrait permettre de baisser les coûts des applications associées aux drones.

A titre d’exemple, le Patroller peut embarquer un pilote et se reconfigurer en mode drone, lorsque l’espace aérien n’a pu être sécurisé. Utile pour la surveillance des frontières, il intéresse déjà le Brésil, le Canada et des pays d’Afrique du Nord. Enfin, son heure de vol revient à 3.000 €.

Loïc Salmon

Drone français Harfang (armée de l’Air) stationné à la base aérienne de la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS) à Bagram (Afghanistan).




Les drones : de l’OPEX au territoire national

L’expérimentation réussie du drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) Harfang sur le théâtre d’opérations afghan devrait permettre son emploi dans l’espace aérien français. Le lieutenant-colonel Sébastien Mazoyer, commandant de l’escadron de drones 01.033 « Belfort », l’a expliqué lors de la  5ème Rencontre aviation civile aviation militaire, tenue le 19 mai 2011 à l’Ecole militaire à Paris.

En deux ans et demi de déploiement en Afghanistan, zone de guerre « asymétrique » où l’adversaire ne dispose pas du même niveau technologique, l’Harfang n’a subi aucun incident. La circulation aérienne y est dense et hétérogène. A elle seule, la base aérienne de Bagram enregistre plus de 400 mouvements par jour : avions militaires et civils, hélicoptères et drones. Les procédures sont les mêmes pour tous les utilisateurs, informés des spécificités locales en termes de vitesse et de taux de montée en altitude faibles. Mais l’espace aérien afghan n’est pas contrôlé.

En revanche, celui de la France est réglementé par l’instruction interministérielle 1550. Son préambule du 1er janvier 2010 rappelle que la cohabitation en vol entre les drones et les autres aéronefs n’est pas encore réalisable selon le principe « voir et éviter ». Ce dernier consiste en la capacité d’un avion non habité à respecter les séparations de trafics et à éviter les collisions. La ségrégation des vols des drones qui n’ont pas de contact radar est donc indispensable vis-à-vis des autres aéronefs. Toutefois et sous certaines conditions, les drones peuvent évoluer en même temps que d’autres appareils militaires à l’intérieur d’un seul espace aérien militaire « ségrégué ». Les drones ayant le contact radar circulent obligatoirement dans des couloirs aériens séparés de ceux des autres aéronefs. Les autorités d’emploi et les prestataires de circulation aérienne militaire connaissent les règles, procédures et contraintes de chacun, permettant ainsi une coordination.

Quant à l’espace aérien civil, les opérateurs de drones doivent demander la création de zones réglementées temporaires, avec un préavis de plusieurs semaines. Pourtant, les capacités, nouvelles et en évolution rapide, des drones conduiront à une adaptation de la réglementation aérienne, estime le lieutenant-colonel Mazoyer. Selon lui, le drone Harfang dispose d’atouts indéniables. Ses équipages et équipes techniques ont des qualifications reconnues. Sa maintenance est sûre et son certificat de navigabilité en cours d’acquisition. Sa fiabilité est accrue par la redondance de ses équipements et sa logique en cas de panne. Cette redondance et des vérifications systématiques lui permettent une navigation précise.

Alors, les drones pourront-ils s’intégrer à l’espace aérien français de façon sûre, fluide et continue ?

Le lieutenant-colonel Sébastien Mazoyer estime que c’est possible sous certaines conditions. Il faut d’abord créer et contrôler un espace de vol aux instruments. Ensuite, il s’agit de prédisposer des couloirs aériens, activables sous faible préavis, et d’accompagner ponctuellement les drones par des aéronefs habités. Enfin, des missions interministérielles pourraient étudier les besoins susceptibles de croître à l’avenir.

Loïc Salmon




Les drones Un peu d’histoire

Le drone, engin volant sans pilote, est presqu’aussi ancien que l’avion. En cent ans, il est passé de l’emploi exclusivement militaire à des usages civils variés.  Le lieutenant (Air) féminin Océane Zubeldia, docteur en Histoire et chercheur au Centre stratégiques aérospatiales, en a retracé l’historique lors de la 5ème  Rencontre aviation civile  aviation militaire, tenue le 19 mai 2011 à Paris.

Pendant la première guerre mondiale, les grand pays aéronautiques (Allemagne, Grande-Bretagne, France et Etats-Unis) se dotent d’avions sans pilotes et télécommandés par TSF. Puis l’idée tombe dans l’oubli. En 1950, l’armée de l’Air française utilise, comme engins cibles, des avions en fin de vie pilotés par radioguidage. L’armée de Terre demande à la compagnie Nord-Aviation de construire des engins sans pilotes pour le renseignement photographique. Les drones sont nés. Pendant la guerre du Viet Nam (1959-1975), ils effectuent des dizaines de milliers de missions sans pertes. Leur emploi militaire est généralisé pendant la guerre israélo-arabe du Kippour (1973). Au  cours de celle du Golfe (1991), ils complètent le renseignement d’origine spatiale.  De cette expérience, divers types de drones, Predator et Crécerelle notamment, sont déployés au Kosovo (1999) dans des cadres interarmées et interalliés. Ils sont ensuite systématiquement mis en œuvre en Irak, en Afghanistan, dans le cadre de l’opération Atalante contre la piraterie en Somalie et enfin en Libye. En Afrique du Sud, ils sont utilisés depuis 25 ans pour des missions de sécurité intérieure. Au Japon, ils ont trouvé depuis longtemps des applications civiles, comme l’épandage et la surveillance des cultures, et, en 2011, pour la mesure de radioactivité au-dessus de la centrale nucléaire endommagée de Fukushima. La Chine les a employés pour la surveillance des Jeux olympiques de Pékin en 2008 et la Grande-Bretagne compte faire de même pour ceux de Londres en 2012. En Russie, ils servent à la recherche des cadavres dans les zones fluviales et aux Etats-Unis pour la surveillance des tempêtes tropicales.

Cependant, indique le lieutenant Zubeldia, des problèmes se posent sur leur fiabilité et leur capacité d’endurance. En outre, leurs systèmes de transmissions ne doivent pas interférer avec ceux des aéronefs pilotés. Par ailleurs, leur transfert d’emploi d’un théâtre d’opérations vers une zone urbaine implique des garanties et des autorisations. Les transmissions de données nécessitent des liaisons et donc l’utilisation de bandes de fréquences limitées et largement occupées. Enfin, en Afghanistan, des insurgés sont parvenus à capter des données non cryptées, grâce à un logiciel peu onéreux… acheté sur internet !

Les potentialités des drones sont énormes dans les conflits asymétriques, avec une déclinaison de la menace du Proche-Orient à la Corée du Nord, sans oublier la prolifération des armes de destruction massive. Dans le domaine civil, ils pourront servir notamment au contrôle des pollutions et à la surveillance des  glaciers. Enfin, à terme, il sera possible de les équiper d’intelligence artificielle.

Loïc Salmon




Libye : bilan du Groupe aéromobile dans l’opération Harmattan

Depuis le déploiement d’un bâtiment de projection et de commandement (BPC) fin mai au large de la Libye dans le cadre de l’opération « Harmattan », les hélicoptères embarqués du Groupe aéromobile (GAM) ont mis 530 objectifs hors de combat. La situation au 22 septembre 2011 a été exposée à la presse par le contre-amiral Jean-Baptiste Dupuis, commandant de la Task Force (TF) 473, et le colonel Pierre Meyer, commandant le GAM, lors d’une visioconférence entre le BPC Tonnerre et le ministère de la Défense à Paris.

En plus de 300 sorties, le GAM a réalisé 37 opérations le long de la côte : 20 autour de Brega pour fixer les forces pro-Kadhafi très combatives, 10 dans la zone de Misratah pour desserrer l’étau qu’elles faisaient peser sur la population civile, 6 dans celle de Syrte où les combats contre les insurgés étaient les plus acharnés et une seule à l’ouest de Tripoli. Le BPC, précise l’amiral Dupuis, est une « plate-forme interarmées » qui embarque 600 personnes avec l’état-major de la TF 473, un hôpital de campagne, le GAM de l’armée de Terre (14 Tigre et Gazelle de combat et des hélicoptères de reconnaissance) et un détachement (Air) « resco » pour la recherche et la récupération de pilotes d’appareils éventuellement abattus. Outre le BPC, la TF 473 compte un pétrolier ravitailleur, trois frégates et un sous-marin nucléaire d’attaque. Un avion de patrouille maritime ATL 2 assure des missions de reconnaissance et d’appui. Les raids aéromobiles créent un effet tactique par leurs participations à l’attrition des pièces d’artillerie et des chars et au harcèlement des forces des premier et deuxième échelons. Les hélicoptères de l’armée de Terre complètent l’action des avions de combat avec leurs propres moyens de renseignement pour se faire une idée tactique de ce qu’il se passe sur le terrain, explique le colonel Meyer, « nous pouvons faire un effort dans la durée. L’hélicoptère est imprévisible. La brutalité des frappes venant de la mer crée un effet psychologique que nous avons vérifié, même s’il n’y a pas eu beaucoup de missions ». Les renseignements viennent de l’ATL2, de satellites et d’avions de combat. Ensuite, sur le terrain, le pilote d’hélicoptère peut garantir qu’il s’agit d’un lance-roquettes ou d’un char. Le temps d’intervention entre la définition d’un objectif et sa destruction est d’une demi-heure, délai considéré comme suffisant. Un raid n’est entrepris que si la zone est favorable à l’emploi d’hélicoptères, qui vont chercher dans le détail les objectifs désignés, souvent cachés sous les arbres ou à proximité d’habitations. Les hélicoptères volent suffisamment bas pour minimiser leur détection. « En raison de l’effet de surprise, souligne l’amiral Dupuis, l’ennemi n’a que quelques secondes pour réagir ». Selon le colonel Meyer, le GAM a essuyé des tirs d’armes de petits calibres, un ou deux tirs de missiles antiaériens, mais aucun impact n’est à déplorer. Par ailleurs, la différence de concepts d’emploi des hélicoptères français (Tigre et Gazelle) et britanniques (Apache) n’a pas empêché la coopération. Celle-ci se termine, car la Grande-Bretagne a annoncé le rapatriement de ses moyens, faute d’objectifs à traiter. Toutefois, il reste des poches de résistance importantes à Syrte et Baniwalid entrant dans le domaine d’action à partir de la mer, indique l’amiral Dupuis. En outre, dit-il, l’OTAN ayant décidé le 21 septembre de prolonger de trois mois l’opération « Unified Protector » en Libye, « la France maintient son dispositif ». Depuis le 31 mars, les avions de l’OTAN ont effectué 23.550 sorties, dont 8.751 dites de « bombardement ».

Loïc Salmon

Arrivée d’un drone français à la base de l’OTAN de Poggio Renatico (Sicile).