MBDA : coopération industrielle européenne pour les missiles

Acteur global en matière de missiles et de systèmes de missiles, le groupe MBDA se veut un « modèle politique » plutôt qu’entrepreneurial et s’est construit suivant trois dimensions : nationale, européenne et exportatrice.

Son secrétaire général, Olivier Martin, l’a présenté au cours d’une conférence-débat organisée, le 13 avril 2016 à Paris, par l’École supérieure de commerce de Paris et l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale.

Omniprésence et évolution. MBDA fait la synthèse de tout ce qui tourne autour du missile pour son mode opératoire, explique Olivier Martin. Il est présent en France sur tous ses segments : air-air, air-surface, défense aérienne terrestre, défense aérienne navale, combat terrestre, antinavire, surface-surface et contre-mesures. Il est aussi maître d’œuvre notamment pour : les systèmes de simulation et d’entraînement au combat ; les autodirecteurs électromagnétiques et équipements ; l’intégration des missiles aux plates-formes aériennes, navales et terrestres ; les solutions de soutien en service ; le traitement des produits en fin de vie. Avec 45 produits et systèmes de contre-mesures aujourd’hui en service, MBDA couvre tous les besoins de 90 forces armées clientes. Ses grands programmes internationaux lui ont permis d’entrer et de se maintenir sur trois marchés-clés : le programme Meteor de missiles air-air longue portée (100 km) : la famille Aster de missiles surface-air moyenne portée (1,7-120 km); la famille de missiles de croisière (250-500 km) Storm Shadow/SCALP-EG et Taurus, pour la frappe dans la profondeur. Créé en 2001, MBDA est soutenu par trois actionnaires majeurs : le constructeur aéronautique européen Airbus (37,5 %) ; le groupe britannique d’aéronautique et de défense BAE Systems (37,5 %) ; le groupe italien Finmeccanica (25%), présent dans l’aéronautique, l’espace et la défense. Selon son secrétaire général, l’entreprise MBDA reconnaît sa responsabilité particulière envers les forces armées des pays actionnaires à leur garantir l’accès à des « capacités militaires critiques ». De 1996 à 2001, le groupe a connu une phase de consolidation, où chaque pays gardait son autonomie dans la réalisation de ses systèmes. Celle-ci a été suivie d’une intégration, avec une autorité unique sur le périmètre des trois pays (Grande-Bretagne, Italie et France). La phase de spécialisation a commencé en 2014, avec pour objectif de supprimer toutes les duplications techniques et industrielles de chacun. La France et la Grande-Bretagne ont accepté le principe de dépendance mutuelle, car aucune ne peut soutenir seule son industrie de défense. Il s’agit aussi de développer des capacités militaires de souveraineté, qui ne peuvent s’acheter à l’étranger. Les salariés de MBDA doivent bien comprendre cette adhésion « politique », sinon ils doivent quitter l’entreprise, précise son secrétaire général.

Enjeux et perspectives. Le « modèle MBDA », concept bien compris en France et en Grande-Bretagne, pourrait, à terme, s’appliquer à d’autres secteurs de l’industrie de défense européenne, estime Olivier Martin. Maître d’œuvre du missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré) entré en service en 2009 sur les Mirage 2000N et en 2010 sur les Rafale (armée de l’Air et Marine nationale), MBDA garantit la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire de la France. Sur le plan économique, 1 € investi dans la filière missile procure 3 € de retombées dans la communauté nationale. En 2011, un groupe de travail réunissant la Direction générale de l’armement, l’État-major des armées et MBDA a analysé les perspectives de ce dernier et de la filière missile en France d’ici à 2020. Il s’agit d’optimiser, dans la durée, les besoins prioritaires des forces armées et l’activité minimale de la base industrielle de la filière pour assurer sa pérennité, en tenant compte des contraintes budgétaires. L’exportation des plates-formes françaises (avions de combat, navires de surface, sous-marins et véhicules blindés) est conditionnée par la garantie d’accès aux missiles par une offre française ou en coopération européenne. A l’export, MBDA constitue le « bras industriel » des politiques étrangère et de défense de la France, car les pays vendeurs et acheteurs s’engagent dans un véritable partenariat de longue durée. Ainsi, l’Égypte, le Qatar et, à terme, l’Inde achètent des Rafale, parce que le groupe Dassault leur a vendu des avions depuis des décennies. La Russie vend des missiles à la Syrie, à la Corée du Nord et au Venezuela, où MBDA n’a guère accès. La Chine et l’Inde commencent à en exporter. Le marché mondial des missiles, estimé à 15 Md€, se répartit surtout entre les États-Unis (40 %) et l’Europe (25 %). MBDA couvre plus de 20 % du marché mondial et environ 70 % du marché européen. La marge bénéficiaire permet d’investir dans la recherche et le développement. Dans ces domaines, indique Olivier Martin, les États-Unis ne coopèrent qu’avec les pays qui paient et se battent, à savoir la France et la Grande-Bretagne.

Le partenariat « One MBDA ». L’initiative franco-britannique d’unifier la construction de missiles en vue de réaliser des économies de 30 % remonte à 2010 (Sommet de Londres et Accords de Lancaster House) avec une confirmation en 2012 (Sommet de Paris). Dénommée « One MBDA », elle vise notamment à : rationaliser recherches amont et moyens industriels ; renforcer les programmes réalisés en commun sur la base de besoins convergents ; mettre en place un partenariat État/Industrie privée ; affirmer une présence à l’exportation, où les perspectives de commandes se montent à 800 M€ pour la France et 1,4 Md€ pour la Grande-Bretagne. Les programmes en coopération portent sur : le missile antinavire léger (lancé en 2014) ; le renforcement de la capacité des missiles de croisière actuels (2014), qui resteront en service jusqu’en 2023 ; le concept des futurs missiles à longue portée (2016) ; la défense anti-missiles balistiques navale ; des achats croisés de missiles. Les deux pays s’engagent à partager les pertes et les gains. Ils ont accepté la proposition de MBDA de créer 12 centres d’excellence industrielle. One MBDA repose aussi sur une politique de défense très similaire, une gouvernance commune dans la durée et un équilibre des budgets alloués par les deux pays.

Loïc Salmon

Forces nucléaires : l’enjeu stratégique de la prolifération des missiles balistiques

Défense antimissile : surtout protection des forces, moins celle des populations

DCNS : concevoir, développer, construire, équiper, vendre et entretenir un navire de guerre

Le groupe MBDA, qui emploie 10.000 personnes (60 % d’ingénieurs et de techniciens), est présent en France, Grande-Bretagne, Italie, Allemagne, Espagne et aux États-Unis avec un bureau à Bruxelles. En 2015, il a réalisé un chiffre d’affaires de 2,9 Md€ (+ 20 % en un an) et obtenu des prises de commandes de  5,1 Md€. Ses missiles équipent toutes les plates-formes : porte-avions, frégates et sous-marins français ; avions français (Mirage, Rafale et Atlantic II), européens (A400M), britanniques (Typhoon et Tornado), américains (F-15, F-16, F-18 et F-35) et suédois (JA-39 Gripen) ; hélicoptères européens (Wildcat et NH90), français (Cougar et Panther), franco-britanniques (Lynx), américains (Sea King), franco-allemands (Tigre) et germano-indiens (HAL Dhruv) ; systèmes de défense anti-aérienne (VL MICA, MEADS et Aster 30 SAMP-T) ; véhicules français de combat polyvalent (MPCV) ; drones américains Reaper.




Espace : sécurisation en question et dissuasion nucléaire

Le Traité international de 1967 sur l’espace présente des ambiguïtés en matière de « militarisation » (moyens de soutien d’opérations à terre) et « d’arsenalisation » (mise en orbite d’armes). Cela sert les intérêts des grandes puissances, qui mettent ce qu’elles veulent dans l’espace.

Cette question a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 5 avril 2016 à Paris, par  le Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques et la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Y sont notamment intervenus : Philippe Achilleas, professeur à l’Institut du droit de l’espace et des télécommunications ; Xavier Pasco, chercheur à la FRS ; Isabelle Sourbès-Verger, chercheur au Conseil national de la recherche scientifique ; Florence Gaillard-Sborowsky, chercheur à la FRS.

Les armes antisatellites (ASAT). L’utilisation pacifique de l’espace est une utopie, estime le professeur Achilleas. D’abord, l’espace peut servir pour le transit d’armes de destruction massive et le placement d’armes autres que celles-ci. S’y ajoute la faiblesse des mécanismes de vérification, en raison de diverses dérogations : observation des vols spatiaux, autorisée sur une base de coopération (article X du Traité de 1967) ; droit de visite des installations, après notification préalable (article 15 de l‘Accord sur la Lune de 1979) ; informations trop générales sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace, dont la surveillance et l’identification est requise uniquement en cas de dommage (Convention de 1975). Officiellement, aucune puissance spatiale n’annonce de programme ASAT opérationnel (brouillages de communications ou explosions volontaires). Seules sont connues des capacités technologiques expérimentales ou de programmes passés. Ainsi, des programmes à énergie cinétique ont été testés et développés : basés dans l’espace (16 américains et 8 russes) ; au sol (12 américains et 3 russes) ; aéroportés (4 américains et 2 russes). Mais il est difficile d’avérer un programme ASAT avec certitude. Les essais sans satellite cible ne se distinguent pas d’essais antibalistiques. Les essais de microsatellites ont des objectifs inconnus, sur lesquels les États laissent planer le doute. En outre, des programmes « noirs » (sans information) peuvent exister. Enfin, certains programmes sont potentiellement utilisables en ASAT rapidement, comme le programme « Pegasus » de la société américaine Orbital Sciences Corporation.

Les États-Unis en tête. Les programmes ASAT américains ont connu des dynamiques différentes et ont conduit à une arsenalisation de l’espace, explique Xavier Pasco. Entre 1960 et 1990, les gouvernements successifs estiment nécessaire de combler le retard vis-à-vis de l’URSS, qui aurait une avance considérable en matière de missiles intercontinentaux à têtes nucléaires et de lanceurs de satellites. Il s’ensuit un débat intense sur la politique extérieure des États-Unis, lors des campagnes présidentielles et entre les pouvoirs exécutif et législatif. Le programme spatial doit permettre de déceler les missiles soviétiques, d’élaborer les frappes des États-Unis et de protéger les satellites américains. Le système antibalistique doit faire exploser les missiles intercontinentaux dans l’espace et détruire les satellites adverses. Progressivement, le risque de destruction mutuelle assurée (acronyme MAD en anglais) conduit à un dialogue avec l’URSS, qui aboutit aux traités de limitation des armes nucléaires stratégiques SALT I (1972) et SALT II (1979). En même temps que SALT I, un traité est signé sur les systèmes de défense anti-missile, lequel en autorise un autour de Moscou et un pour protéger le site de lancement américain dans le Dakota du Nord. Les tests ASAT sont gelés, mais la fabrication de satellites espions, garants de la dissuasion nucléaire, reste « sanctuarisée ». Pour les États-Unis, le maintien du programme ASAT constitue un outil de négociation future avec l’URSS. Reliquat du système antimissile balistique, le projet de « guerre des étoiles » (acronyme IDS en anglais) lance une réflexion sur ses conséquences. Après la disparition de l’URSS fin 1991, la politique spatiale américaine bascule. Le contrôle de l’espace orbital devient un intérêt national pour la conduite des opérations militaires à terre. Compte tenu de l’importante avance technologique des États-Unis, l’espace quitte le débat politique. Toutefois, les systèmes spatiaux militaires, devenus des cibles pour un adversaire éventuel, perdent leur « sanctuarisation ».

La Russie, à la suite de l’URSS. La Russie est habituée aux invasions et reconquêtes, alors que la culture militaire américaine vise à protéger les populations civiles des effets de la guerre, rappelle Isabelle Sourbès-Verger. Pendant l’ère soviétique, elle mise sur la menace qu’elle représente pour les États-Unis. Le programme ASAT, qui doit protéger les satellites espions, sert à gérer les crises depuis celle de Cuba (1962) et à éviter tout « dérapage », mais non à détruire les satellites adverses. L’IDS et la remise en cause de la MAD ont notamment conduit l’URSS au dialogue avec les États-Unis, afin de lui permettre de combler son retard sur le plan économique. La Russie d’aujourd’hui tente d’éviter une militarisation à outrance pour préserver sa capacité civile de recherche et développement et pour maintenir sa compétence spatiale à parité avec celle des États-Unis et vis-à-vis de la Chine, estime Isabelle Sourbès-Verger.

Vers une diplomatie spatiale. L’exploitation politique de l’espace s’est renforcée par ses conséquences juridiques (droit international) et militaires, estime Florence Gaillard-Sborowsky. La sécurité spatiale englobe la militarisation, l’arsenalisation, les débris divers en orbite et la météorologie de l’espace. La diplomatie de l’espace se structure selon trois axes : objet d’une conduite bilatérale ou multilatérale ; au service d’un objectif de politique étrangère ; en soutien de l’activité diplomatique d’un pays (observation, télécommunications, recueil d’information). Les États-Unis, qui redoutent les menaces contre leurs satellites, envisagent l’installation d’armes en orbite et se refusent à toute déclaration du type « pas d’emploi en premier ». Par ailleurs, l’arsenalisation de l’espace nécessite d’énormes investissements technologiques et financiers. Toutefois, des moyens technologiques, aux possibilités ASAT réelles, se développent dans d’autres domaines, comme le système laser anti-débris, basé dans l’espace ou au sol.

Loïc Salmon

Espace : nécessité d’une capacité commune de surveillance

Chine : l’espace au cœur du complexe militaro-industriel

Inde : industrie spatiale civile, mais de plus en plus militaire

Selon l’article IV du Traité international de l’espace (1967), les États parties s’engagent à : ne mettre sur orbite autour de la Terre aucun objet porteur d’armes nucléaires ou de tout autre type d’arme de destruction massive ; ne pas installer de telles armes sur des corps célestes ; ne pas placer de telles armes, de toute autre manière, dans l’espace extra-atmosphérique. Tous les États parties au traité utiliseront la Lune et les autres corps célestes exclusivement à des fins pacifiques. Sont interdits sur les corps célestes : l’aménagement de bases et installations militaires et de fortifications, les essais d’armes de tous types et l’exécution de manœuvres militaires.




Eurosatory 2016 : équilibrer la défense et la sécurité

Premier salon mondial de matériels et équipements terrestres de défense, Eurosatory s’ouvre à ceux de la sécurité, en raison de leur dualité en matière de recherche et de développement. Sa  25ème édition au Parc des expositions de Paris Nord Villepinte (13-17 juin 2016) a été présentée le 18 mai à la presse par Stefano Chmielewski, président du GICAT (Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres), et le général (2S) Patrick Colas des Francs, commissaire général du salon.

Tournant technologique. Dans les opérations militaires, les armées de Terre et les composantes terrestres des autres armées mettent en œuvre des équipements et des services pour les installations et les personnels. Les forces de sécurité (Police, Gendarmerie et organismes privés autorisés) font de même dans les actions publiques ou privées, pour prévenir ou agir contre la malveillance collective ou d‘origine terroriste, les catastrophes industrielles ou naturelles et les accidents mettant en danger la population. La réalisation des systèmes connaît actuellement un tournant technologique, constate le général Colas des Francs. Grâce à l’économie « collaborative » les idées circulent et les délais industriels diminuent. Ses avancées portent sur la production de valeur en commun et l’organisation du travail, issu des technologies de l’information. Elles se combinent aux technologies de « fabrication additive » : conception, prototype, fabrication, robotique industrielle, simulation et maintien en condition. L’impression en « 3 D » (dimensions) de pièces industrielles permet de passer très vite à la production en série de très haute qualité. La normalisation de l’interface homme/machine réduit le temps d’entraînement grâce à des solutions sur-mesure à « utilisation intuitive ». Tout système de gestion de crise, de mobilité, de combat et de robotique intègre son module de simulation et d’entraînement. Dans le cadre du projet « Scorpion », l’entraînement en réseau d’un groupement tactique interarmes en abaisse le coût, par la réduction du temps de déplacement des participants. En matière de risque NRBCe (nucléaire, radiologique, biologique, chimique, explosif), la détection, la protection, la décontamination ou la dépollution intéressent la défense et la sécurité. L’électronique embarquée va de la distribution de l’énergie et des flux de données aux écrans durcis. Elle se trouve au centre du réseau interne, innervé par un système mobile, qui doit être fiable dans son fonctionnement et capable de supporter des événements sévères, imprévus et destructeurs. Cyberdéfense et cybersécurité touchent tous les systèmes numérisés et objets connectés. Elles concernent l’informatique, les transmissions, la protection des infrastructures, la robotique, la localisation et les systèmes d’information géographique. Dans la lutte contre la fraude, les moyens de surveillance de communications et de réseaux incluent analyse et contre-mesure. Enfin, la sécurisation des infrastructures sensibles porte sur la lutte anti-drones et la robotique de protection périmétrique.

Services. Eurosatory 2016, qui anticipe 57.000 visiteurs, regroupe 1.007 exposants étrangers (55 pays) et 528 français. Il a invité  180 délégations officielles de l’OTAN, de l’Union européenne, de l’ONU et de 121 pays. Il présente plus de 600 matériels majeurs et 450 nouveautés, des démonstrations dynamiques, des rendez-vous d’affaires et des cycles de conférences.

Loïc Salmon

Armements : maintien des exportateurs traditionnels et émergence de nouveaux

Robotisation du champ de bataille : état de l’art

La robotique militaire terrestre, aujourd’hui et demain

 




Adversaire « hybride » : comprendre, agir et se protéger

Face aux menaces hybrides, les démocraties libérales doivent convertir un résultat militaire sur le terrain en effet politique durable, avec les capacités disponibles en interalliés et malgré des budgets de défense restreints.

Les réponses possibles ont fait l’objet d’un colloque organisé, le 10 février 2016 à Paris, par le Centre de doctrine d’emploi des forces de l’armée de terre. Y sont notamment intervenus : le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de Terre ; le général de corps d’armée Éric Margail, Corps de réaction rapide-France (OTAN) ; le général de division Bernard Barrera, État-major de l’armée de terre ; Corentin Brustlein, Institut français des relations internationales.

Le modèle « au contact ». L’armée de Terre, qui embrasse toute la complexité du combat au sol et près des populations, devient une cible à part entière en opération extérieure (Opex) et sur le territoire national, rappelle son chef d’état-major. Pour lui, la guerre hybride se caractérise par des actions plus courtes et plus brutales, dans une stratégie de contournement de puissance, qui offre une caisse de résonnance plus grande. La seule attrition de l’adversaire ne suffit plus, il s’agit de le désorganiser. Le champ de l’information et les vecteurs de communication occupent une place croissante, qui n’est plus la propriété exclusive des puissances établies. L’adversaire hybride, système dynamique, fonctionne en réseau. Il faut donc le frapper de façon juste et utile, indique le général Bosser, avec divers moyens : systèmes d’information et de commandement ; renseignement ; forces spéciales, aérocombat : divisions « Scorpion ». L’organisation de l’armée de Terre, selon le modèle « au contact », sera plus fluide et déconcentrée aux échelons division, brigade et régiment, pour faciliter la montée en puissance et être capable de s’engager dans une guerre, petite ou grande, à l’Est et au Sud de l’Europe. Le même soldat sert en Opex et sur le territoire national, en coordination avec les services de renseignement et de sécurité intérieure. La réponse, globale, à l’adversaire hybride inclut un appel aux alliés de l’Union européenne avec un déclinement à l’international. Pour répondre aux menaces de guerres de haute intensité et hybride, l’armée de Terre remonte en puissance et entreprend des réformes structurelles, explique le général. Depuis 2015, l’approche de la puissance est plus quantitative : 24.000 personnels d’active et de réserve déployés sur le territoire national ; forces prépositionnées à l’extérieur pour réagir rapidement, avant qu’une crise ne devienne incontrôlable. En outre, une « posture de protection terrestre » va compléter la sauvegarde maritime et la défense de l’espace aérien. Enfin, il s’agit d’inverser le rapport de forces temporel : soit le ralentir, ce que le général Bosser qualifie de « patience stratégique » ; soit l’accélérer pour reprendre l’initiative.

L’approche capacitaire. L’adversaire hybride, en perpétuelle mutation, est bien équipé sur les plans informatique et militaire, explique le général Barrera. Internet, téléphonie mobile et cryptage lui donnent les capacités de commandement de grandes unités et de planification au niveau tactique. En outre, sa possession de missiles sol/air marque la fin de la domination technologique des pays occidentaux. La menace qu’il représente repose sur : des motivations identitaires ou religieuses dans le temps long, constituant des leviers de recrutement par les réseaux sociaux ; une volonté farouche ; une aptitude au combat sans recul moral, avec l’enrôlement de combattants au suicide et d’enfants soldats. Pour la contrer, le cycle « connaissance et influence » met en œuvre le renseignement d’origines électromagnétique et humaine, les drones, la cyberdéfense et le Centre interarmées des actions sur l’environnement. Ce dernier, créé en 2012, forme les personnels projetés dans les missions civilo-militaires et dans les opérations militaires d’influence pour gagner la confiance des populations : aide directe ; gestion de chantiers de reconstruction ; actions de communication d’influence auprès de la population, des élites et élus locaux. En, outre, l’armée de Terre doit renforcer sa capacité logistique, former des détachements d’assistance opérationnelle et améliorer son aptitude à opérer dans un milieu complexe, pour chercher l’adversaire, le trouver et le détruire, souligne le général Barrera.  Cela implique un volume de forces suffisant pour : projeter des forces spéciales puis des troupes conventionnelles de niveaux médian et lourd ; appliquer les plans tactiques élaborés à partir du retour d’expérience. Par ailleurs, les forces déployées doivent disposer de capacités de lutte informatique défensive et projetable, pour se protéger, et de lutte contre les drones, pour anticiper des modes d’action. Enfin, elles doivent aussi agir sans haine, en respectant certaines règles contraignantes d’engagement.

L’approche en interalliés. L’adversaire hybride déborde le champ de la guerre conventionnelle en s’affranchissant du droit des conflits, estime le général Margail. Il crée la surprise dans le temps et dans un espace d’action de dimensions variables. Les crises en Ukraine et au Moyen-Orient ont catalysé la réflexion au sein de l’OTAN : identifier les actions hybrides ; avoir une analyse rapide et décisive ; activer la résilience aux menaces hybrides et y répondre de manière adaptée. Selon l’article 5 de la charte de l’OTAN, la défense collective exige une situation conflictuelle claire pour tous les États membres. Or, la guerre hybride rend difficile le partage de l’analyse de l’agression, l’identification de l’agresseur et un accord sur les moyens de répondre à une agression, qui dépendent des cultures militaires nationales. L’adversaire hybride tente une action spectaculaire, qui répond à l’attente des médias, alors qu’une coalition vise un objectif politique à long terme. Pour satisfaire son opinion publique, la coalition doit donc travailler vite en s’interdisant les erreurs et en partageant la compréhension des situations et les moyens d’agir. Cela nécessite : de grands exercices, rares faute de temps et de disponibilité ; des entraînements plus légers et plus nombreux pour élaborer des solutions à réinjecter dans les états-majors. Comme ces entraînements se déroulent dans des contextes éloignés de la réalité, le général Margail suggère de travailler sur des zones de conflit potentiel et d’en évaluer les enjeux, en vue d’y déployer une force.

Loïc Salmon

Adversaire « hybride » : une menace élargie

Armée de Terre : nouveau format plus « au contact »

Centrafrique : l’opération « Sangaris » au niveau « opératif »

 

Selon Corentin Brustlein, les guerres limitées définissent le rapport au temps, le rythme opérationnel et la capacité à poursuivre une action. Pour les démocraties libérales, la force armée est utilisée pour le bien commun. Leurs adversaires recourent à la cyberguerre. De plus en plus compétents et capables de couvrir tout le spectre de la guerre, ils intègrent même leurs types d’opérations et ce qu’elles se refusent à faire, dans un tout cohérent. En conséquence, les armées des démocraties libérales doivent disposer de chaînes de commandement agiles et redondantes et accroître leur entraînement. L’échelon politique doit maintenir son autonomie de commandement et sa résilience auprès de l’opinion publique.




Armée de Terre : « Scorpion » et le combat aéroterrestre futur

Le programme « Scorpion » permettra de conduire avec succès le combat aéroterrestre,  augmentant considérablement l’efficacité du groupement tactique interarmes.

Le général de corps d’armée Arnaud Sainte-Claire Deville, commandant les forces terrestres, l’a expliqué lors d’une conférence organisée, le 12 janvier 2016 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de l’armée de terre.

Menace protéiforme. La complexité croissante des opérations exige de s’adapter en permanence. La guerre présentant des visages multiples, il ne faut pas céder aux effets de mode, explique le général. Aux cours des dernières années, divers modes d’action ont été mis en avant : contre-insurrection, « maritimisation », projection de puissance, guerre en zone urbaine, binôme forces spéciales/appui aérien et frappes chirurgicales, sans oublier le concept de « zéro mort » dans ses propres rangs. Toutefois, la nature profonde de la guerre reste inchangée, à savoir l’affrontement de volontés en vue de la puissance. Mais de nouvelles tendances sont apparues. Les « petites » guerres  se durcissent. Les adversaires deviennent transfrontaliers et agissent directement sur le territoire national. L’adversaire peut avoir atteint le même niveau technologique (guerre symétrique), disposer de moyens moins élaborés (guerre asymétrique) ou pratiquer un mode opératoire alternant l’action militaire et les actes de grand banditisme (guerre hybride). La protection des populations reste un facteur clé. Tout cela nécessite une gestion dynamique des opérations. Concrètement, les pays voisins de la Russie la perçoivent comme une menace de puissance : l’Ukraine et certains anciens pays du Pacte de Varsovie devenus membres de l’Union européenne et de l’OTAN, notamment l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne. Les menaces hybrides extrémistes (terrorisme djihadiste) concernent surtout l’Europe de l’Ouest, la Turquie, le Proche-Orient et le Moyen-Orient. Enfin, les risques liés aux vulnérabilités persistent en Afrique du Nord, dans la bande sahélo-saharienne et en Afrique de l’Est. En conséquence, la variété, la simultanéité, l’intensité et la soudaineté des menaces et des crises excluent les impasses capacitaires, avertit le général Sainte-Claire Deville. L’action aéroterrestre apparaît comme la plus adaptée face aux menaces asymétriques ou hybrides. Elle cible les sanctuaires de l’adversaire : ses ressources ou les organisations qui le soutiennent ; ses camps d’entraînement pour l’empêcher de refaire ses forces ou de recruter de nouveaux combattants. En outre, elle dispose de capacités en matière de renseignement, de contrôle et de commandement, d’innovation tactique et de fluidité d’intervention. Enfin, elle manifeste une volonté de contrôler les populations, d’agir sur les opinions et d’appuyer la résilience.

« Force Scorpion ». Composante principale du combat aéroterrestre de demain, la « Force Scorpion » permettra aux soldats de passer d’une mission à une autre et d’un théâtre à l’autre avec une plus grande souplesse. Elle repose sur le programme d’armement du même nom, qui apportera des atouts à l’action aéroterrestre (voir encadré). Ainsi, pour conserver un temps d’avance et d’anticipation, le futur véhicule blindé d’aide à l’engagement disposera de capacités de mobilité et d’observation accrues et protègera mieux les unités de renseignement de l’avant. Le support de communication « Contact » aura des capacités de transmissions robustes et de débit puissantes. Sur le plan tactique, la coordination avec les hélicoptères permettra un combat plus agile, plus furtif et plus puissant avec une capacité de « destruction en impunité ». Pour répondre aux sollicitations opérationnelles dans la durée, les effectifs des forces terrestres passeront de 66.000 à 77.000 personnels. Ceux-ci bénéficieront d’une formation anticipée, améliorée et collective à l’École du combat interarmes (ECIA), intégrée à la Force Scorpion. Au sein des forces terrestres, l’ECIA regroupera, sous un commandement unique, les principales écoles de commandement et les fonctions opérationnelles au cœur du combat : l’infanterie, l’arme blindée-cavalerie, le génie et l’artillerie en lien étroit avec les forces spéciales et l’aviation légère de l’armée de Terre. Le programme Scorpion inclut un système de simulation embarqué afin de : préparer et répéter une mission avec réalisme avant l’action ; réaliser plus aisément une formation en garnison ou en opération. Outre de meilleures capacités de combat, le programme Scorpion permettra un suivi logistique des unités en temps réel et l’anticipation de leurs besoins ainsi qu’un raccourcissement du cycle de décision pour leurs chefs. La Force Scorpion pourra se réarticuler plus vite en facilitant l’intégration ponctuelle de moyens pour inverser le rapport de forces, localement et dans des délais réduits. Pour ne pas être démunie face à un adversaire qui surprendra toujours, la Force Scorpion mettra en synergie la formation et l’entraînement des troupes ainsi que le maintien en condition opérationnelle des équipements. Le programme Scorpion va quadrupler ce que fait un soldat aujourd’hui, lequel est déjà capable de combattre 10 heures en équipement NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique), souligne le général Sainte-Claire Deville.

Réorganisation. Dans l’éditorial du numéro de décembre 2015 de la Lettre du chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Jean-Pierre Bosser présente la réorganisation qu’implique le programme Scorpion. Ce dernier vise à renouveler les équipements majeurs du groupe tactique interarmes (GTIA) dans les dix ans qui viennent. La Force Scorpion est structurée, dès l’été 2016, autour de 2 divisions et 6 brigades interarmes densifiées. Capable de faire face à une menace conventionnelle ou asymétrique, extérieure ou intérieure, ce corps de bataille représente, en volume, les deux tiers de la force opérationnelle terrestre. Le partage de l’information entre tous les combattants induit une nouvelle façon d’envisager le combat interarmes et une évolution majeure de la préparation opérationnelle. Le 5ème Régiment de dragons doit procéder à une mission d’évaluation, en vue de  projeter le premier GTIA Scorpion en 2021 et la première brigade Scorpion en 2023. Optimisé dans son organisation et modernisé dans ses capacités, le corps de bataille Scorpion sera l’outil majeur de tous les engagements futurs. Enjeu prioritaire, le succès de sa montée en puissance repose notamment sur une étroite coopération entre les mondes militaire et industriel, conclut le général.

Loïc Salmon

Défense : actualisation de la LPM 2014-2019

Les GTIA en Opex : besoin urgent d’armements adaptés

Armée de Terre : nouveau format plus « au contact »

Le programme « Scorpion » vise à renouveler, à partir de 2018, les capacités médianes du combat de contact autour de deux plateformes : le véhicule blindé multi-rôles Griffon et l’engin blindé de reconnaissance et de combat Jaguar. Il intègre également la rénovation du char Leclerc et prend en compte le système de préparation opérationnelle (simulation) et le soutien. En outre, un système unique d’information du combat met en réseau tous les systèmes pour produire un effet tactique sur le terrain. Il met en cohérence les capacités du groupement tactique interarmes (GTIA) par le partage immédiat de l’information et le « combat collaboratif » (accélération de l’action au combat).




DGA : 2015, un excellent millésime pour l’armement

En 2015, la Délégation générale pour l’armement (DGA) a conclu des contrats d’équipement des armées d’un montant de 11 Md€,  a pris des commandes à l’export de 16 Md€ et a investi 727 M€ dans des études amont. Ces résultats ont été présentés à la presse, le 10 février 2016 à Paris, par Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement.

Pour les armées françaises. La DGA a livré 2 avions de transport tactique A400 M à l’armée de l’Air, qui en dispose ainsi de 8, et 5 avions de chasse Rafale. L’armée de Terre a reçu 6 hélicoptères de combat Tigre (55 livrés en tout) et 4 hélicoptères NH90 de transport tactique et la Marine nationale 3 hélicoptères NH90 de lutte antisurface et anti-sous-marine. Au total, 33 appareils NH90 sont en service dans les forces françaises. La Marine a pris livraison de 2 Rafale « rétrofités » (ajouts de nouvelles technologies ou de nouvelles fonctions à des systèmes plus anciens) et la frégate multimissions (FREMM) Provence. En tout, 142 Rafale ont déjà été livrés. En vue de préparer l’avenir, la DGA a commandé : un 3ème satellite MUSIS (système multinational d’imagerie spatiale pour la surveillance, la reconnaissance et l’observation) ; 2 satellites de communications militaires de nouvelle génération (COMSAT NG), qui succèderont au système actuel Syracuse III à partir de 2020 ; 241 véhicules légers et 202 véhicules lourds pour les forces spéciales ainsi que l’intégration d’équipements de renseignement et de communications sensibles avec leurs éléments de soutien. Les forces spéciales recevront 25 véhicules lourds dès 2016, pour répondre aux besoins les plus urgents, et les premiers véhicules légers à partir de 2018. Ce programme, qui correspond aux missions de renseignement, de neutralisation et d’actions dans la profondeur en zones hostiles, vise à améliorer l’interopérabilité et le niveau  de performance du parc de véhicules des composantes Terre, Air et Marine des forces spéciales. Par ailleurs, ont été lancés : le programme de définition du système de drones de chasse des mines marines ; le programme « B1NT » (Aster Block 1 Nouvelle Technologie). Ce dernier porte sur le développement  d’une nouvelle version du missile Aster 30, dont les premiers exemplaires seront livrés à l’armée de l’Air en 2023. Il inclut la modernisation du système de défense anti-aérienne SAMP/T pour le doter de capacités améliorées, notamment contre les missiles balistiques dans le cadre du programme OTAN de défense antimissile balistique.

A l’exportation. L’année 2015 a été qualifiée d’historique, par Laurent Collet-Billon, en matière d’exportations d’armement. Les prises de commandes, ,dont le résultat définitif sera connu fin mai 2016, sont estimées 16 Md€, contre 8,2 Md€ en 2014. Le Qatar a acheté 24 Rafale et l’Égypte 24 Rafale et 1 FREMM. Cinq grands contrats dépassent 500 M€. L’Afrique et le Moyen-Orient représentent plus de 80 % des contrats entrés en vigueur. Comme les pays clients demandent un soutien accru, la DGA compte recruter plus de 500 personnes à cet effet, dont 160 dès 2016.

Coopération internationale. Un accord a été conclu avec l’Allemagne sur le programme MUSIS/CSO (composante spatiale optique) pour une meilleure identification des petites cibles et un accès plus rapide à l’information qu’avec les systèmes actuels Pléiades et Hélios. Un autre, avec l’Italie et la Grande-Bretagne porte sur l’évolution du système naval de défense anti-aérienne FSAF-PAAMS. Enfin, les groupes d’armement terrestre français Nexter et allemand KMV ont fusionné dans le cadre du projet « Kant ».

Loïc Salmon

DGA : bilan 2014 conforme à la loi de programmation

« DGA Innovation » : rendre les projets possibles et rentables sur le long terme

Renseignement militaire : cinq satellites français de plus




Industrie de défense : exportations, partenariats et concurrence en hausse

La France a augmenté ses exportations d’équipements militaires en 2015, en raison de la contrainte budgétaire nationale et des opportunités sur les marchés extérieurs. Face à la concurrence ancienne et nouvelle, les groupes industriels se réorganisent selon des critères techniques, économiques et stratégiques.

Ces questions ont été abordées lors d’un colloque organisé, le 16 décembre 2015 à Paris, par le ministère de la Défense, l’université Panthéon-Sorbonne et le Fonds de dotation de l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN). Y sont notamment intervenus :  Jean Belin, Fonds de dotation de l’IHEDN ; Étienne de Durand, Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère de la Défense ; Bruno Cotté, Groupe Safran ; Dominique Moïsi, Institut français des relations internationales.

Facteurs économiques. Avec un montant supérieur à 8 Md€, l’exercice 2014 bat le record des prises de commandes depuis 5 ans et 2015 s’annonce encore meilleur, estime Jean Belin. Les exportations de matériels militaires atteignent 1 % du total des ventes françaises à l’étranger. Les entreprises de défense, qui représentent 23 % des entreprises exportatrices, emploient 165.000 personnes. Elles constituent 11 % des entreprises effectuant de la recherche et du développement (R & D) et prennent en charge 22 % des dépenses dans ces domaines. Ce secteur très technologique entraîne d’importantes retombées sur l’économie nationale : emplois qualifiés de chercheurs et d’ingénieurs  pour la R & D ; performance des entreprises en termes de valeur ajoutée et d’exportations. L’industrie de défense doit supporter des charges en personnel et des créances commerciales plus lourdes et gérer des stocks plus considérables que les entreprises civiles. Activité risquée, ses garanties diminuent, car banques et marchés financiers s’y impliquent peu. Afin de renforcer sa politique industrielle, l’État assure le pilotage de la demande nationale et des exportations ainsi qu’une présence dans le capital des grandes entreprises constituant la base industrielle et technologique de défense du pays. Il finance la R & D aux différents stades de la recherche en raison de : la concurrence internationale accrue ; la nécessaire adaptation aux besoins des différents acheteurs ; la longueur des programmes et la nécessité de maintenir l’innovation dans la durée. La Délégation générale de l’armement coordonne les différents acteurs. Toutefois, souligne Jean Belin, la forte contrainte budgétaire entraîne une baisse de la demande nationale et un déclin de l’effort de R & D défense par les pouvoirs publics sous forme de financements directs.

Partenariats stratégiques. Selon le ministère des Affaires étrangères, la France compte 22 partenaires stratégiques mais seulement 14 pour bien comprendre le monde, indique Étienne de Durand. Cela va des pays alliés, par des traités contraignants, à ceux géographiquement importants pour les zones d’opérations, en passant par les partenaires industriels de défense et les clients réguliers depuis de nombreuses années. Des accords multilatéraux régissent l’OCCAR (Organisme conjoint de coopération en matière d’armement) et l’Agence européenne de défense. La France est le  4ème fournisseur de l’OTAN pour les matériels de commandement et de soutien, après les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. La coopération en matière de défense se constitue entre 2 ou 3 pays, rarement 4 comme pour l’EATC (Commandement européen de transport aérien), qui regroupe des moyens allemands, belges, néerlandais et français. Sur le plan bilatéral, la coopération avec les États-Unis atteint un haut niveau pour l’armement et les opérations  dans la bande sahélo-saharienne et au Levant. Avec la Grande-Bretagne, les accords de Lancaster House concernent notamment la mise sur pied de la « Combined Joint Expeditionary Force » (Force expéditionnaire commune) en 2016. Les deux pays coopèrent au sein de l’OTAN en matière d’avions de combat, de missiles et de guerre des mines. Avec l’Allemagne, le partenariat industriel, lancé avec l’hélicoptère Tigre et les missiles antichar Milan et antiaérien Roland, se poursuit avec les satellites d’observation et un projet de drone MALE avec l’Italie. Les équipementiers terrestres Nexter (France) et KMW (Allemagne) ont finalisé une alliance sous l’égide d’une société holding le 15 décembre 2015. La Pologne, qui pourrait acquérir des hélicoptères Caracal, apporte une  coopération opérationnelle en Afrique. Au Moyen-Orient, des relations politiques et de confiance se sont instaurées avec : l’Arabie saoudite, seul pays producteur de pétrole capable d’augmenter ou de réduire sa production avec un impact économique certain ; les Émirats arabes unis, clients et partenaires stratégiques (base française interarmées à Abou Dhabi) ; l’Égypte, client de première importance pour l’achat d’avions Rafale et de bâtiments de surface et la connaissance des Proche et Moyen-Orient. Enfin, la coopération de défense se renforce ave Singapour.

Concurrence accrue. Les contrats français d’armement avec les pays émergents sont passés de la maintenance dans les années 1970 à la sous-traitance (1980), la « co-traitance » (1990) et la coopération (2000). Capables de réaliser des produits finis à partir de 2010, ces pays entendent atteindre la maîtrise d’œuvre en 2030, avertit Bruno Cotté. Chaque année, 700.000 ingénieurs obtiennent leur diplôme en Chine, contre 30.000 en France. L’embargo français (1968) à son encontre a incité Israël à développer son industrie aéronautique militaire, aujourd’hui performante. Celui de l’ONU (1977) sur les ventes d’armes à l’Afrique du Sud en raison de sa politique de ségrégation raciale (« apartheid ») a contraint ce pays à se doter d’une industrie de défense nationale. En vue de consolider leur croissance économique et de conserver leur première place technologique sur le plan international, les États-Unis ont répertorié six secteurs considérés comme stratégiques : aéronautique et transport ; informatique et communication, dont les capteurs et le traitement du signal et le stockage de données ; matériaux électroniques, céramiques et alliages spéciaux ; production, dont micro et nano fabrications ; biotechnologie et sciences de la vie ; énergie et environnement. Le renseignement économique joue un rôle central, conclut Bruno Cotté.

Loic Salmon

Armement : succès du soutien public à l’exportation en 2014

DGA : l’expertise technologique, avenir de l’outil de défense

DCNS : concevoir, développer, construire, équiper, vendre et entretenir un navire de guerre

Selon Dominique Moïsi, le monde connaît des crises, de plus en plus nombreuses et complexes, depuis que les États-Unis ne jouent plus leur rôle de gendarmes du monde. La Russie, qui aspire à redevenir l’URSS, apparaît comme complémentaire dans le jeu des solutions internationales. Dans un monde plus interdépendant, où aucun pays n’est à l’abri du terrorisme, l’Union européenne se manifeste par son pouvoir de convaincre et non de contraindre. La clarté de sa politique dépend de la coopération de trois acteurs : la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France. Celle-ci, aux dires d’un éditorialiste britannique, a remplacé la première comme « shérif adjoint » des États-Unis dans les affaires du monde




DCNS : concevoir, développer, construire, équiper, vendre et entretenir un navire de guerre

Fort de son expérience de constructeur naval, de bout en bout, de tous types de navire de surface et de sous-marin, à propulsion nucléaire ou classique, le groupe DCNS compte faire passer son chiffre d’affaires à l’export de 35 % en 2014 à 50 % à terme.

Son président-directeur général, Hervé Guillou, et ses principaux collaborateurs l’ont expliqué au cours d’une rencontre avec l’Association des journalistes de défense, le 15 décembre 2015 à Paris.

Enjeux nationaux. « Pays en guerre », la France a pu déployer en quelques jours un porte-avions, un bâtiment de projection et de commandement (BPC), des frégates et un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), souligne Hervé Guillou. DCNS, dit-il, reste totalement disponible pour soutenir la Marine nationale dans cet effort. Parallèlement et depuis 2012, le groupe prépare le grand carénage du porte-avions Charles-De-Gaulle, prévu début 2017 et consistant en 15 mois de travaux et 3 mois d’essais à la mer.  Environ 2.500 personnes vont moderniser le système de combat, changer les capteurs et recharger les 2 chaufferies nucléaires pour la 2ème fois. Le bâtiment passant au « tout Rafale », les catapultes et le pont d’envol seront refondus et les ateliers d’entretien des avions reconfigurés. En outre, le site DCNS Cherbourg a commencé la construction des grands modules embarqués du Suffren, premier SNA du programme « Barracuda », à savoir l’appareil de propulsion et le système d’armes. Conformément à la Loi de programmation 2014-2019 en matière de dissuasion, les études de faisabilité du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de la 3ème génération ont débuté, en vue d’une réalisation vers 2030. En outre, pour jouer son rôle de maître d’œuvre, DCNS entreprend un vaste programme de cybersécurité de haut niveau pour protéger les navires, vulnérables à quai et au combat, et évaluer les produits achetés. A titre indicatif, une frégate multimissions FREMM (6.000 t de déplacement) embarque 200 systèmes informatiques. Déjà une frégate de taille intermédiaire (FTI) de 4.000 t est à l’étude pour une livraison de 5 unités à la Marine nationale à partir de 2023. Plus polyvalente que la FREMM, elle sera modulable en fonction des  besoins des autres Marines clientes : vitesse, armement et emport de personnels. Il s’agit de tenir compte de leur niveau d’adaptation et des contraintes du marché. Ainsi pour l’action de l’État en mer, les Marines « matures » à vocation régionale ou mondiale préfèrent des navires aux équipements derniers modèles et servis par des équipages réduits. Les autres se contentent de bâtiments plus rustiques, mais avec un équipage plus nombreux. Quelque 40 pays pourraient se porter acquéreurs de la FTI, dont le Canada, le Chili, la Colombie, le Qatar et l’Arabie Saoudite.

Développement à l’international. Il ne s’agit plus seulement d’exporter mais aussi de s’implanter durablement à proximité de la Marine cliente, afin de créer un tissu économique viable pour DCNS et les marchés locaux. Ainsi avec la Malaisie, un contrat majeur porte sur un transfert de technologie, la formation d’équipages et la construction de 6 corvettes « Gowind » (2.400 t). La première sera livrée en 2017, sous la maîtrise d’œuvre de Boustead Naval Shipyard, partenaire de DCNS. Ce dernier assure aussi le maintien en condition opérationnelle de 2 sous-marins « Scorpène » à propulsion diesel-élecrique, par le biais de BDNC, sa filiale à 40 % en partenariat avec Boustead. De même au Brésil, DCNS et son partenaire Odebrecht ont lancé le programme de conception et de construction de 4 « Scorpène », en France et localement. DCNS apporte aussi son assistance à la réalisation de la partie non nucléaire du premier SNA brésilien ainsi qu’à la construction d’un chantier pour sous-marins et d’une base navale à Itaquai. A Saint-Mandrier-sur-Mer (Sud de la France), la nouvelle plate-forme d’intégration des systèmes de combat permet aux équipes de DCNS et de la Marine brésilienne de suivre les phases de tests et de formation des systèmes de traitement d’information. Avec l’Inde, le transfert de technologie au chantier Mazagon Dock Limited porte sur la réalisation d’une série de 6 « Scorpène », équipés du système de combat de DCNS. Les équipages suivent deux sessions de formation : l’une en Inde sur les systèmes de conduite ; l’autre aux sites de DCNS au Mourillon et à Ruelle sur le système de combat et les tubes lance-torpilles. L’Arabie Saoudite a choisi DCNS, associé à Thales (équipements) et MBDA (missiles), pour rénover 4 frégates et 2 pétroliers-ravitailleurs. Ce programme s’ajoute à celui de maintenance de 3 frégates et celui de fourniture de pièces de rechange et d’assistance technique. En 2014, DCNS a ouvert sur son site de Toulon une plate-forme dédiée à leur gestion avec 70 personnes, qui interviennent en appui des équipes de la filiale locale du groupe. Avec l’Égypte, DCNS a conclu, en juin 2014, un contrat portant sur la fourniture de 4 corvettes « Gowind » avec une option pour 2 unités supplémentaires. La première sera réalisée en France, pour une livraison en 2017, et les 3 autres seront construites à Alexandrie grâce à un transfert de technologie. En 2015, l’Égypte a commandé en février et pris livraison en juin de la FREMM Tahya-Misr. La même année, elle a aussi acquis les 2 BPC destinés à l’origine à la Russie et dont DCNS attend encore le remboursement du manque à gagner, consécutif à l’annulation de ce contrat et estimé à 200 M€. Les équipages égyptiens des BPC recevront, à Saint-Nazaire en 2016, une formation de 4 mois : 2 mois de théorie, 1 mois à quai et 1 mois en mer. La FREMM et les BPC bénéficient d’un contrat de 5 ans de maintien en condition opérationnelle. En Australie, DCNS a ouvert une filiale pour instaurer un partenariat pour les 50 ans à venir et a déjà présenté un projet de sous-marin à propulsion diesel-électrique dérivé du SNA de la classe « Barracuda ». Par ailleurs, DCNS a créé une nouvelle direction internationale et du marketing pour les futurs sous-marins, successeurs des « Scorpène », et les  navires de surface, postérieurs aux « Gowind », à réaliser selon une nouvelle conception et avec une propulsion électrique.

Loïc Salmon

DCNS : défense aérienne pour sous-marins et FREMM-ER

Le sous-marin nucléaire d’attaque : aller loin et durer

Ancien élève de l’École polytechnique, de l’École nationale supérieure des techniques avancées, de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires et de l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD), Hervé Guillou entre à  la Direction des constructions navales en 1978. Il y devient notamment responsable du projet de sous-marin nucléaire Triomphant et de la section nucléaire (1981-1989), puis directeur du programme international tripartite (Grande-Bretagne, Italie et France) des frégates antiaériennes Horizon (1993-1996). Il exerce les fonctions de directeur général chez : EADS Space Transportation pour le lanceur Ariane, les missiles balistiques M51 et les infrastructures orbitales (2003-2004) ; EADS/Cassidian pour les systèmes de défense et de communications (2005-2010) ; Cassidian Cyber Security (France, Allemagne et Grande-Bretagne) pour la cybersécurité. Enfin, il est nommé président-directeur général de DCNS en août 2014. Ce groupe, qui emploie 13.000 personnes dans le monde, a réalisé un chiffre d’affaires de 3, 07 Md€ en 2014.




« DGA Innovation » : rendre les projets possibles et rentables sur le long terme

La Direction générale de l’armement (DGA) consolide les liens entre le ministère de la Défense, les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), notamment par un soutien renforcé à l’innovation pour faire face aux menaces.  Elle organise chaque année un « Forum DGA Innovation », dont la 4ème édition s’est déroulée à l’École Polytechnique, le 26 novembre 2015 à Palaiseau, en présence de Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement (photo). Ce forum a présenté plus de 100 projets, dont 20 démonstrations dans les communications, les matériaux performants et la santé. Il a accueilli quelque 850 acteurs : dirigeants de PME, représentants des grands maîtres d’œuvre industriels, responsables de laboratoires, chercheurs et doctorants… dont trois ont reçu un prix de 5.000 € !

Financement de thèses. Depuis 2000, la DGA distingue chaque année plusieurs jeunes docteurs ayant bénéficié d’une allocation de thèse financée par le ministère de la Défense. La sélection s’effectue en fonction de l’intérêt des recherches, leur degré d’innovation, la qualité des résultats et l’impact des travaux sur l’insertion professionnelle du docteur. En matière de recherche fondamentale, la DGA finance ou co-finance environ 150 nouvelles thèses de doctorat par an, dont certaines en co-tutelle avec des établissements britanniques, ainsi que des recherches post-doctorales à l’étranger. Ces thèses portent, entre autres, sur l’informatique, l’optique, l’économie, la sociologie ou les sciences politiques. La DGA apporte un soutien aux organismes de recherches sous sa tutelle, comme l’ONERA (Office national d’études et de recherches aérospatiales) ou l’Institut franco-allemand de Saint-Louis. Ce soutien recouvre des contrats d’études amont vers le CNES (Centre national d’études spatiales) et le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) ainsi que les subventions de projets de recherches d’entreprises et de laboratoires.

Recherche et technologie. En investissant dans la recherche et la technologie, la DGA vise à : imaginer les futurs possibles ; anticiper menaces et risques ; préparer les capacités industrielles, en détectant les ruptures technologiques ; les faire émerger dans un contexte à applications civiles et militaires. En outre, elle soutient et développe les compétences industrielles clés, notamment celles des PME, pour conserver une longueur d’avance et sécuriser les performances, coûts et délais des projets. Le ministère de la Défense se fournit auprès de 26.000 PME et ETI pour un montant de 2,6 Md€ en 2014, dont 40 % par des achats hors armement. Un budget moyen annuel de 730 M€ est programmé pour des études amont entre 2014 et 2019. Quelque 2.000 PME bénéficient d’un suivi particulier, dont 400 exercent des activités dites « sensibles » ou de souveraineté nationale. Afin de soutenir la croissance des PME, le ministère de la Défense a signé des conventions bilatérales avec sept maîtres d’œuvre industriels : Airbus Group, Safran, Thales, MBDA, Nexter, DCNS et Dassault Aviation. En 2014, l’industrie de défense française a réalisé 8,2Md€ de prises de commandes à l’export. Selon une étude d’impact réalisée en 2014, cela concerne 40.000 emplois, toutes catégories confondues, dans les régions, surtout l’Ile-de-France, l’Aquitaine, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Bretagne, Rhône-Alpes et Centre. Les grands maîtres d’œuvre industriels y emploient environ 14.000 personnes directement et quelque 13.000 indirectement chez leurs sous-traitants.

Loïc Salmon

DGA : l’expertise technologique, avenir de l’outil de défense

DGA : bilan 2014 conforme à la loi de programmation




D’Azincourt à Marignan, Chevaliers & Bombardes

La France et l’Angleterre, passées du Moyen-Age lors de la bataille d’Azincourt (1415) à la Renaissance avec celle de Marignan (1515), ont connu les mutations de l’art de la guerre.

A Azincourt, leur supériorité numérique a conforté les Français dans la conviction d’une victoire bientôt acquise. Ce sentiment était renforcé par le mépris de leur chevalerie à l’égard de la « piétaille » anglaise, qui osait la défier. Leur défaite s’explique notamment par l’inadaptation de la cavalerie lourde face à la mobilité de l’infanterie et la profusion des hommes au regard de l’étroitesse du terrain. Par la suite, le modèle des fantassins suisses, en rangs serrés et équipés de longues piques, sera imité dans toute l’Europe. Cette émergence de l’infanterie favorise la promotion sociale par le métier des armes. Par ailleurs, l’artillerie, apparue dès 1338 en France pour la défense des villes et châteaux, s’améliore au cours du siècle suivant : canons en fer ou en bronze, boulets métalliques et affuts sur roues. Pendant la trêve de la guerre avec l’Angleterre entre 1444 et 1449, Charles VII constitue une armée permanente payée chaque mois. Il crée d’abord 15 « compagnies d’ordonnance » de 100 « lances » chacune, soit environ 6.000 combattants. Une lance compte un « homme d’armes », cavalier lourd en armure, et quelques piétons et cavaliers légers en nombre variable. Le roi institue ensuite les « francs-archers », soit 8.000 hommes recrutés parmi les roturiers. Chaque paroisse doit désigner un habitant, en principe volontaire, qui, exempté de l’impôt de la taille, doit s’équiper et s’exercer régulièrement au tir à l’arc et à l’arbalète. Il doit répondre à l’appel en cas de conflit et reçoit une rémunération pour la durée de son service actif. Le roi crée aussi « l’arrière-ban », à savoir un service militaire réorganisé des nobles qui doivent s’équiper d’une armure, d’armes et d’un cheval et se préparer à la guerre selon leur statut et leur fief. En raison de leurs compétences financière, administrative et militaire, les frères Bureau modernisent l’artillerie royale, qui devient plus nombreuse et mobile avec le recrutement ponctuel de charretiers et de pionniers. La garde du corps du roi, où prédominent les archers écossais, assure sa protection rapprochée et prend part au conflit en cas de besoin. Lors de sa longue guerre contre Charles le Téméraire, Louis XI développe le camp militaire mobile, car la capture ou le pillage du camp de l’ennemi demeure un enjeu tactique. Ordonné avec rues et quartiers autour d’une place d’armes pour le rassemblement des fantassins et des cavaliers, il est clos par des palissades et des chariots avec un fossé où les pièces d’artillerie légère prennent position. Les chevaux de combat sont utilisés d’abord pour la reconnaissance, le harcèlement, la poursuite et les expéditions en pays ennemi (« chevauchées »). En bataille rangée, la cavalerie sert surtout à prendre l’ennemi à revers (Castillon, 1453) et charge rarement de front (Marignan, 1515). Le nombre de chevaux d’attelage suit l’accroissement des effectifs des armées, des vivres, des bagages, du nombre de pièces d’artillerie et de la masse des munitions. Quoique fier de son artillerie lourde et de sa cavalerie, François Ier prévoit de les renforcer par 42.000 piquiers et hallebardiers et 12.000 arquebusiers et d’appliquer une discipline très sévère. Pourtant, ses successeurs devront longtemps recruter des mercenaires pour disposer d’une infanterie de qualité.

Loïc Salmon

Exposition « D’Azincourt à Marignan » aux Invalides

Histoires d’armes

« D’Azincourt à Marignan, Chevaliers & Bombardes 1415-1515 », ouvrage collectif. Éditions Gallimard/Musée de l’Armée, 272 pages, 35 €