Forces spéciales : outil complémentaire des forces conventionnelles

Les opérations « spéciales » emploient un minimum de moyens et visent un maximum de résultats dans un but stratégique. Elles sont réalisées par des forces dites « spéciales », dont l’action, sur décision politique, doit être fulgurante et facilement réversible.

Ce domaine a fait l’objet d’un rapport d’information de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat et d’un document du cercle « Prospective Terre », publié par le GICAT (groupement des industries d’armements terrestres), tous deux rendus publics en mai 2014.

Concepts. Le glossaire de l’OTAN, sur lequel s’appuie le rapport sénatorial, distingue divers types d’opérations militaires, visibles ou secrètes, et menées par des acteurs spécifiques. Une opération classique, préparée, planifiée et conduite sans dissimulation par des troupes conventionnelles, constitue le socle de toute campagne militaire importante et cherche un effet tactique sur le déroulement d’une bataille. Une opération « commando », menée par des unités d’élite sans discrétion, vise à neutraliser un point décisif lors d’une bataille. Une opération discrète, conduite par tous types de forces, n’est pas dissimulée, mais ne fait l’objet d’aucune communication par l’État commanditaire. Elle devient secrète quand l’accent est mis sur sa dissimulation. Une opération spéciale, destinée à influer de façon décisive sur la suite du conflit et menée par des forces non conventionnelles, peut être revendiquée par l’autorité politique, comme l’action américaine « Trident de Neptune » pour neutraliser Oussama Ben Laden. Une opération « clandestine » se différencie de la précédente par l’absence de preuve de son lien avec l’État commanditaire : l’identité de l’exécutant doit être dissimulée ou permettre un déni possible. Enfin, une opération « numérique », entreprise contre les infrastructures vitales d’un pays, s’apparente aux opérations spéciales et clandestines, avec lesquelles elle pourrait se combiner. Elle frappe « au cœur » de l’adversaire et démultiplie les effets obtenus par rapport aux moyens employés et sans identification de l’origine, par des actes de sabotage, déstabilisation, malveillance, manipulation ou d’espionnage : Estonie, 2007 ; Géorgie, 2008 ; Iran, 2010 ; affaire Wikileaks, 2010 ; ONU, Inde, Canada, États-Unis, Corée du Sud, Comité olympique international et 72 entités, 2006-2010 ; France, 2011 ;  Arabie saoudite et Qatar, 2012.

Organisations et missions. En incluant le soutien et les troupes d’élite, les forces spéciales américaines (USSOCOM) se montent à environ 60.000 personnels, qui devraient passer à 69.700. Elles se répartissent entre les armées de Terre et de l’Air, la Marine et le Corps des Marines avec un commandement interarmées. L’agence de renseignement CIA dispose de ses propres forces spéciales (environ 1.000 personnels) pour ses activités clandestines. Suite à la réforme de 2013, les forces spéciales britanniques (UKSF) devraient passer de 3.500 personnels à 1.750. Utilisables indifféremment pour les opérations spéciales ou clandestines, elles viennent des trois armées et peuvent recourir aux  unités commandos SAS (1.000 hommes) d’active et de réserve. En France, le Commandement des opérations spéciales (COS) est interarmées et placé directement sous les ordres du chef d’État-major des armées. Il ne s’occupe pas des opérations clandestines, menées sous une fausse identité par les agents du service action de la Direction générale de la sécurité extérieure. L’armée de Terre met à sa disposition : le 13ème Régiment de dragons parachutistes, pour l’acquisition du renseignement (photo) ; le 1er Régiment parachutiste d’infanterie de marine, pour action dans la profondeur, entrée en premier sur un théâtre, infiltration, raid de neutralisation, combat en zone urbaine et opération d’influence ; le 4ème Régiment d’hélicoptères des forces spéciales, pour aérocombat, infiltration et exfiltration des équipes de commandos, surtout de nuit. Tous dépendent de la Brigade des forces spéciales terre, chargée de leur organisation, équipement et mise en condition opérationnelle. La Marine compte 5 unités de forces spéciales, appelées « commandos » et portant un nom comme les bâtiments de combat. Chaque commando compte 3 groupes répondant au socle commun des forces spéciales et 1 correspondant à sa dominante particulière : assaut de navires pour Jaubert et Trépel ; reconnaissance maritime et côtière pour Penfentenyo ; appui et neutralisation d’objectifs pour Monfort ; guerre électronique pour Kieffer ; action sous-marine pour Hubert.  L’armée de l’Air met 2 unités  à la disposition du COS : le Commando parachutiste de l’air N°10 pour mise en œuvre de zones aéroportuaires et guidage d’aéronefs dans la profondeur ; l’escadron de transport 03/61 « Poitou » pour infiltration, aérolargage et poser d’assaut, surtout de nuit.

Suremploi et limites. Le rapport sénatorial note le suremploi des forces spéciales depuis 2006, en raison de leur adaptation aux formes d’engagement d’aujourd’hui, et l’usure des hommes : sur 3.000 personnels, plus de 600 se trouvent en permanence en opérations ! Dans le bulletin du « Cercle Prospective terre », le général de division (2S) Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre et professeur associé à l’Institut d’études politiques de Paris et à HEC, souligne la nécessité et la spécificité des forces spéciales. Leur emploi s’apparente à de la projection de puissance plutôt que de forces et ne peut produire d’effet politique, finalité de toute action militaire. Mais le recours aux forces spéciales présente certains avantages : contrôle politico-militaire étroit pour limiter les dérives ; exposition médiatique faible et modulable ; interventions très en amont, tout en préservant la liberté d’action politique du pays hôte et de celui qui intervient ; désengagement aisé et discret. En revanche, estime le général, les forces spéciales ne peuvent contrôler l’espace aérien, maritime ou terrestre, ni durer sur zone en assurant leur propre protection, ni interdire une invasion territoriale face à des troupes nombreuses. Ces missions resteront du ressort des forces conventionnelles, également vivier du recrutement des forces spéciales.

Loïc Salmon

Nom de code Geronimo

Renseignement militaire : clé de l’autonomie stratégique et de l’efficacité opérationnelle

ALAT : les hélicoptères NG, nouveaux systèmes d’armes

Fin 2013, les forces spéciales françaises comptent un peu plus de 3.000 personnels d’active des armées de Terre et de l’Air et de la Marine, auxquels s’ajoutent 400 réservistes. Son parc aérien inclut : 2 avions de transport tactique Hercules  C130 ; 3  avions de transport tactique Transall C160 ; 2 avions Twin Otter DCH6, équipés de roues, skis ou flotteurs ; 41 hélicoptères de l’Aviation légère de l’armée de terre ; 2 hélicoptères de l’armée de l’Air. La loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit d’accroître les effectifs d’environ 1.000 personnels. Parmi leurs équipements futurs, figurent le programme « Melchior » de transmissions sécurisées et la livraison des premiers véhicules adaptés aux opérations spéciales (programme d’ensemble VLFS/PLFS). L’ensemble de la flotte d’hélicoptères Caracal des armées sera regroupé sur un seul site, sous l’autorité du Commandement des opérations spéciales.




ALAT : les hélicoptères NG, nouveaux systèmes d’armes

Les hélicoptères de nouvelle génération (NG) de l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT) disposent d’une puissance de feu accrue et s’intègrent dans un système complexe interarmes et interarmées. Mieux au fait de l’environnement tactique, leurs équipages peuvent se concentrer davantage sur leurs missions.

Ce thème a fait l’objet d’un colloque organisé, le 17 juin 2014 à Villepinte (banlieue parisienne), dans le cadre du salon des armements terrestres Eurosatory. Parmi les intervenants figurent : le général de division Autran de l’état-major de l’armée de Terre ; le colonel Arnaud Cazalaa, chef de corps du 4ème Régiment d’hélicoptères des forces spéciales ; l’ingénieur général de l’armement Thierry Pérard de la Direction générale de l’armement (DGA).

Combats futurs. Le combat de contact évolue selon les contraintes environnementales et l’évolution des technologies, explique le général Autran. A court et moyen termes, les combats de demain ressembleront à ceux du Liban, d’Afghanistan, du Mali et de la République centrafricaine. L’adversaire restera divers : insurgés, terroristes, factions armées et équipées de matériels modernes ou groupes claniques profitant de « sanctuaires » et utilisant des procédés rustiques (engins explosifs improvisés). Il faudra s’adapter à une situation variable, car les engagements se produiront aussi au sein des populations. La variété de terrains d’action, éloignés des bases, nécessitera des équipements robustes et adaptables. Les moyens futurs devront permettre de savoir, comprendre et agir vite. La masse d’informations à traiter augmentant, l’accélération des opérations exigera plus de réactivité avec moins de temps pour la réflexion. Le renseignement devra être exploité le plus vite possible avec des équipements performants. La mobilité tactique, avec une concentration de moyens à faibles effectifs au sol, nécessitera une capacité de traque et de combat de nuit pour surprendre l’adversaire. La fulgurance et le maintien du « tempo » (rythme de l’action) exigeront réactivité des acteurs, précision des tirs, combinaison des effets et économie des moyens. Les forces et les équipements devront pouvoir être renouvelés rapidement. D’une rusticité suffisante pour opérer dans des conditions dégradées, les hélicoptères Tigre HAD devront améliorer leur capacité d’observation pour discriminer les cibles potentielles, en coordination avec les drones tactiques et des équipes au sol. Pour s’intégrer à la manœuvre, ils devront être interopérables avec le futur système de combat « Scorpion » de modernisation des forces terrestres.

Forces spéciales. Les hélicoptères NG Tigre et Caracal se trouvent au cœur de l’engagement des forces spéciales, souligne le colonel Cazalaa. Les opérations spéciales se caractérisent par : un engagement sur des objectifs stratégiques ; des modes d’action et savoir-faire spécifiques ; un contrôle politico-militaire étroit ; une capacité aux engagements dans la profondeur, grâce à des moyens de liaisons chiffrés redondants ; une capacité de commandement et de manœuvre interarmées combinant des moyens terrestres et aériens ; une grande souplesse d’emploi et un haut niveau de réversibilité ; un petit volume de forces alliant discrétion, surprise, fulgurance et actions de nuit ; un haut niveau d’intégration en opérations interarmées et interalliées ; une prise de risque très élevée au regard des enjeux ; un large spectre capacitaire avec la maîtrise des milieux difficiles (jungle, montagne et zone urbaine). En conséquence, les hélicoptères NG permettent un éventail de missions plus larges que ceux de l’ancienne génération (Gazelle et Cougar), où il faudra maîtriser la violence et réduire davantage les dégâts collatéraux. Les évolutions techniques des hélicoptères NG devront porter sur la performance, l’endurance, la masse, la modularité et la compatibilité avec les Gazelle et Cougar. Sont aussi fondamentales pour la sécurité : la détection du départ de coups de feu ; la protection automatique ; la synchronisation du lancement de leurres. Les hélicoptères NG devront aussi disposer de moyens de communication entre le théâtre d’opérations et Paris, pour éventuellement modifier de manière claire une mission en cours de vol. Les capacités à venir porteront notamment sur la liaison par satellites, les systèmes de communication vidéo de combat et la transmission de données cryptées. Une autonomie accrue résultera d’un compromis entre les équipements des forces spéciales et la quantité de carburant à emporter dans des réservoirs supplémentaires.

Besoins et études amont. Selon l’ingénieur général Pérard, les concepts d’emploi des hélicoptères militaires en service varient d’une armée (Terre, Air, Marine et Gendarmerie) à l’autre. Quelque 500 appareils de 13 modèles différents se répartissent dans des flottes très hétérogènes d’appareils d’ancienne génération et de nouvelle génération en cours de livraison. La DGA et les constructeurs doivent mettre à niveau les Cougar et Caracal, très sollicités, pour améliorer leurs capacités ou permettre leur emploi dans le cadre réglementaire de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Ils doivent réaliser rapidement les adaptations demandées en urgence opérationnelle, lors d’opérations extérieures (chiffreur sur Tigre et blindage de Gazelle). Pour assurer la disponibilité des appareils dans un contexte budgétaire restreint, il leur faut : être au rendez-vous des livraisons des hélicoptères NG avec les capacités attendues (Tigre HAD et NH90) ; optimiser les délais d’immobilisation lors de la rénovation des appareils d’ancienne génération. Dans la conduite de ses programmes, la DGA lance, très en amont, une étude des concepts de soutien/formation et un pilotage du coût de possession de l’hélicoptère du futur (achat et maintien en condition opérationnelle). Enfin, elle maintient une relation étroite avec les études menées dans le cadre de développements civils, afin d’identifier et intégrer les nouvelles technologies permettant de mieux répondre aux besoins opérationnels des forces.

Loïc Salmon

ALAT : retour d’expérience opérationnelle

L’ALAT : un ensemble de systèmes de combat et d’hommes

Forces spéciales : outil complémentaire des forces conventionnelles

 

L’hélicoptère Tigre (premier plan), de conception franco-allemande, est utilisé par les armées de Terre française, allemande, espagnole et australienne. Il existe en 4 versions : UHT, antichar avec viseur de mât et missiles air-sol ; HAP, appui protection sans capacité de tir de missiles antichars ; HAD, appui destruction avec armement HAP et missiles antichars ; ARH, version reconnaissance développée pour l’Australie. Sa vitesse de croisière atteint 280 km/h, avec une pointe possible de 315 km/h, pour la version HAP et de 260 km/h, avec une pointe possible de 290 km/h, pour l’UHT. Il peut  s’élever de 842 m par minute jusqu’à 4.000 m et franchir 800 km ou 1.300 km avec des réservoirs supplémentaires. Son armement interne compte : 1 canon de 30 mm (450 obus) pour les versions HAP, ARH et HAD ; 1 mitrailleuse de 12,7 mm ou 1 canon de 20 mm en nacelle pour l’UHT. Son armement externe inclut : 4 paniers de 12 roquettes et  4 missiles air/air Mistral pour l’HAP ; 8 missiles antichars Trigat-LR ou Hot 3 pour l’UHT ; 8 missiles antichars AGM-114 Hellfire pour les ARH et HAD.




Marine : une FGM projetable partout dans le monde

La Force des guerres des mines (FGM) participe à toutes les opérations de la Marine nationale, dans le cadre de ses missions de dissuasion, protection, projection et sauvegarde maritime. Son action a été présentée à la presse les 28 août et 12 juin 2014 à Paris. La FGM, qui est intervenue récemment dans des zones de mouillage en Libye et au Liban, peut également contrôler les accès de détroits, passages resserrés et donc les plus faciles à miner. Ainsi, en 2013, elle a projeté 1 état-major et 2 navires chasseurs de mines (CMT) dans le golfe Arabo-Persique et en océan Indien. Dans le cadre de la dissuasion nucléaire de la France, elle doit d’abord garantir l’accès aux ports militaires français : Brest où se trouve la base des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins ; Toulon pour celle du porte-avions Charles-De-Gaulle, dont les Rafale  équipés des missiles de croisière air/sol moyenne portée emportent l’arme nucléaire préstratégique. La FGM protège aussi les grands ports civils et sécurise les littoraux français et de pays alliés, où sont encore enfouis plusieurs milliers d’engins explosifs datant des deux conflits mondiaux et peut-être encore en état de fonctionner. Ainsi, du 22 au 25 août 2014, le CMT Sagittaire a neutralisé 1 t de TNT au large de Cherbourg. Chaque année, plus de 2.000 engins explosifs et 25 t de munitions sont neutralisés. Il faudra encore une centaine d’années pour les détruire tous. Dans chaque zone d’opération maritime susceptible d’être minée, la FGM prépare et sécurise le déploiement des forces françaises avec 2 CMT. En outre, elle examine les épaves, neutralise, détruit ou enlève des engins explosifs (missions opérationnelles nedex) : mines de fond, mines à orin (photo), bombes, obus d’artillerie et roquettes. Pour lutter contre la pollution, ses plongeurs sont capables d’évoluer dans les eaux polluées. En 2013, la FGM a réalisé 180 nedex et traité 430 munitions à terre et 1.860 munitions sous la mer, dont environ 1.000 bombes de 250 kg. Elle compte : 1 état-major projetable, grâce à des conteneurs déployables ; 11 CMT ; 4 bâtiments-bases de plongeurs démineurs avec leurs vedettes d’intervention ; 1 navire d’expérimentation ; 3 bâtiments remorqueurs de sonars ; 1 centre d’exploitation des données. Ses 3 groupes de plongeurs démineurs (GPD), tiennent chacun une équipe d’alerte à 2 heures toute l’année et capable d’intervenir jusqu’à 80 m de profondeur. Ils sécurisent le littoral français selon leur capacité propre : « dépiégeage d’assaut » dans des opérations de vive force pour le GPD Manche ; ouverture d’un chenal d’assaut pour un débarquement pour le GPD Méditerranée ; intervention en eaux polluées, neutralisation et récupération de mines inconnues pour le GPD Atlantique. La FGM programme une dizaine d’entraînements majeurs chaque année et doit effectuer un déploiement dans le golfe Arabo-Persique au premier semestre 2015.

Loïc Salmon

Marine : projection rapide de deux chasseurs de mines

Bold Alligator 2012 : exercice amphibie interalliés à longue distance




L’ALAT : un ensemble de systèmes de combat et d’hommes

L’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT) a prouvé son efficacité en opérations. Toutefois pour maintenir son savoir-faire et ses capacités, elle doit parvenir à maîtriser le coût de ses flottes d’hélicoptères d’ancienne et de nouvelle générations et à reconfigurer la formation de ses personnels.

Ce thème a été abordé au cours d’un colloque tenu, le 17 juin 2014 à Villepinte (banlieue parisienne), dans le cadre du salon des armements terrestres Eurosatory. Parmi les intervenants figurent : Étienne de Durand, chercheur à l’Institut français des relations internationales ; le général d’armée Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de Terre ; le général de brigade Marc Demieux, commandant l’École de l’ALAT. Un document sur l’aérocombat, actualisé en 2013 par le commandement de l’ALAT, apporte un complément.

Contraintes opérationnelles. Ainsi, ce document rappelle les finalités tactiques de l’emploi des forces terrestres : emporter la décision et faire diminuer le niveau de violence sur le terrain, sans nécessairement détruire l’adversaire ; assurer la sûreté des populations et des forces déployées sur le théâtre d’opérations ; restaurer la confiance par la présence, la communication, le conseil et l’assistance, afin d’empêcher toute résurgence de la violence. La manœuvre terrestre s’effectue dans un vaste espace, où les zones vides constituent des refuges pour l’adversaire. Le contrôle de ces zones exerce une pression dissuasive sur lui et stabilise la situation. L’emploi des hélicoptères, de jour comme de nuit, lui interdit toute liberté d’action. En outre, le déploiement d’hélicoptères en plusieurs modules permet de surprendre l’adversaire et de le menacer en permanence sur l’ensemble de la zone à contrôler. Par ailleurs, la capacité d’engagement en zone urbaine est devenue prioritaire. Les unités aéromobiles voient au-delà des obstacles et conservent la qualité et la fiabilité de leurs communications. Elles interviennent de préférence à partir de la périphérie d’une ville en raison de leur vulnérabilité, accrue par les possibilités de camouflage et de tirs de l’adversaire. En cas de survol de la ville, elles utilisent le relief urbain pour se cacher et chaque hélicoptère profite de la couverture d’un autre. D’une façon générale, estime Étienne de Durand, l’ALAT permet à une armée de Terre moderne de compenser son manque de puissance de feu roulante (chars et canons). Sa réactivité tactique crée la surprise par sa vitesse, instaure une sûreté sur une grande surface et constitue une marque politico-stratégique. Fer de lance des forces terrestres occidentales, surtout américaines, elle assure aussi le transport de matériels lourds et les évacuations sanitaires. Les forces spéciales utilisent l’hélicoptère pour augmenter la mobilité et l’infiltration, en toute discrétion de groupes isolés. Toutefois, l’ALAT reste vulnérable dans les forêts et les montagnes. L’adversaire sait travailler en réseau et utiliser des missiles sol/air de plus en plus performants. Ainsi, l’armée américaine a perdu 4.000 hélicoptères pendant la guerre du Viêt Nam (1954-1975) et l’armée soviétique 393 pendant celle d’Afghanistan (1979-1989), surtout à cause des missiles portatifs américains Stinger. Aujourd’hui, les hélicoptères américains Apache et franco-allemands Tigre sont pourvus de blindage. Lors l’intervention en Libye (2011), l’ALAT a détruit 80 % des cibles tactiques au cours de raids en profondeur. Au Mali, en 2013, elle aurait neutralisé quelque 400 djihadistes. Elle continue d’interdire l’impunité aux autres, en les empêchant de s’installer de façon durable pour mettre la population en coupe réglée.

Maîtrise des coûts. Les contraintes  budgétaires vont peser sur l’avenir de l’ALAT, indique Étienne de Durand. En effet, son coût de possession (achat des hélicoptères + maintien en condition opérationnelle + formation du personnel) se multiplie par 7 ou 8 d’une opération à l’autre. Les appareils obsolètes (Gazelle, Puma et Cougar) doivent être modernisés, alors que ceux de nouvelles générations (Tigre, Caracal et Caïman) entrent en service. Une réduction des heures de vol se répercute sur la qualité de l’entraînement des pilotes. Une diminution des commandes rend les séries de plus en plus onéreuses. L’ALAT doit pourtant conserver son avance opérationnelle et son patrimoine technologique. A court terme, quelques pistes apparaissent : mutualisation interarmées ou coopération avec les alliés proches (Grande-Bretagne notamment) ; simulation accrue pour la formation ; « cannibalisation » des appareils les plus anciens pour récupérer des pièces de rechange. A moyen terme, la maîtrise du coût de possession du successeur de la Gazelle, un hélicoptère léger, bon marché et très manœuvrant, implique : un accord interarmées sur ses caractéristiques ; un constructeur répondant au cahier des charges ; la possibilité de l’exporter.

Avenir préservé. La principale menace de la capacité aéromobile concerne le maintien en condition opérationnelle, souligne le général Ract-Madoux. Il s’agit désormais de soutenir simultanément une flotte ancienne et une autre de nouvelle génération. Au rythme des lois de programmation militaires (6 ans), l’écart se creuse entre les ressources attendues et celles effectivement disponibles et retarde la production et l’adaptation des appareils. Les Gazelle et Puma resteront en service jusqu’en 2025. « Mais l’avenir de l’ALAT est assuré », précise le général. Sont déjà  commandés : 46 Tigre, dont la version appui/destruction (HAD) ; 68 NH90 (photo). Le parc d’hélicoptères de nouvelle génération de l’ALAT passera de 10 % du total en 2014 à 50 % en 2024. Les équipements majeurs doivent durer de 30 à 40 ans. Les premiers NH90 et HAD livrés sont déployés au Mali dès l’été 2014.

Formation évolutive. La formation d’un pilote dure 2 à 3 ans et exige une bonne connaissance de l’anglais pour rechercher l’information dans une documentation gigantesque, explique le général Demieux. Outre les cours didactiques et l’enseignement assisté par ordinateur, elle inclut le passage sur entraîneur de procédures et sur simulateur 4 axes ainsi que des vols et tirs réels. La pertinence de l’analyse du stagiaire compte plus que sa connaissance des détails. La complexité des hélicoptères de nouvelle génération a nécessité d’en reconfigurer la formation, qui devient  commune fin 2014.

Loïc Salmon

ALAT : retour d’expérience opérationnelle

Armée de Terre : l’ALAT, indispensable à l’engagement terrestre

L’histoire de l’Aviation légère de l’armée de terre 1794-2014

L’hélicoptère de transport tactique NH90 Caïman transporte jusqu’à 20 personnes ou du matériel (2,5 t en soute ou 4,4 t sous élingue). Il peut servir de poste de commandement héliporté et effectuer des missions de recherche et de sauvetage, d’évacuation sanitaire, d’héliportage d’assaut et de parachutage. D’une autonomie de 4 h, il franchit 950 km en mission tactique et 1.400 km avec des réservoirs supplémentaires. Premier hélicoptère doté de commandes de vol électriques, il dispose de contre-mesures intégrées, d’une protection de l’équipage et de mitrailleuses de 7,62 mm en sabord. Les pilotes sont équipés d’un visuel de casque intégrant un dispositif de vision nocturne. Une rampe arrière permet un débarquement  des troupes plus rapide.




Europe : la dimension militaire, une question de survie

Malgré son importance militaire et diplomatique, l’Union européenne manque de réflexion stratégique, car la plupart de ses membres s’en remettent à l’OTAN pour leur défense.

Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 17 juin 2014 à Villepinte (banlieue parisienne), par l’Institut français des relations internationales et la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) dans le cadre du salon des armements terrestres Eurosatory. Y ont notamment participé : Yves Boyer, chercheur à la FRS ; le général d’armée Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de Terre ; le professeur Julian Lindley-French de l’Université d’Oxford ; Christian Mölling, chercheur à l’Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité.

Une vision française. L’Union européenne (UE) verra sa population passer de 22 % du total mondial en 1950 à 7 % en 2050. En 2014, elle compte déjà 26 millions de chômeurs. Ses moyens militaires diminuent depuis 2000, mais de façon inégale selon les pays. La Russie n’est pas devenue son ennemie, les tentatives de diabolisation à son égard échouent et le dialogue avec elle devra reprendre après la crise ukrainienne, estime Yves Boyer. Selon, le général Ract-Madoux, cette crise et celle de Géorgie en 2008 signifient une résurgence possible de conflits ouverts au voisinage de l’UE et impliquant directement des États et des armées conventionnelles. S’y ajoutent des menaces qui s’affranchissent des frontières : guerres civiles ; désagrégation des États les plus fragiles ; puissance quasi militaire de certains réseaux mafieux ; terrorisme international avec empreinte djihadiste ; désordre causé par la nouvelle guerre cybernétique. En 10 ans, alors que le reste du monde réarme, l’effort de défense de l’UE a diminué de 15 %, jetant le doute sur sa puissance militaire. Pourtant, dès 1991, la première mission européenne s’est déroulée en ex-Yougoslavie. En 2003, l’opération « Artémis » en République démocratique du Congo a démontré la capacité des armées de l’UE à agir ensemble à 6.000 km de distance. Depuis 2013, la mission de formation de l’UE au Mali contribue à la résolution de la crise, en complément de l’opération « Serval ». En 2014, l’opération « EUFOR-RCA » déploie 600 soldats européens chargés de la sécurisation d’une partie de la capitale centrafricaine, soulageant ainsi les forces françaises engagées dans l’opération « Sangaris ». Par ailleurs, l’intégration de 22 États de l’UE dans l’OTAN facilite la convergence opérationnelle des armées de Terre en standardisant les procédures. S’y ajoutent des coopérations bilatérales : mutualisation des formations ; exercices conjoints ; développement de capacités communes. « Les relations franco-britanniques et franco-allemandes font un peu figure de modèle et sont de nature à jouer un rôle moteur vis-à-vis du reste de l’UE », souligne le général. Enfin, le rapprochement des armées de Terre européennes devient inéluctable dans un contexte de ressources budgétaires de plus en plus comptées, ajoute-t-il.

Une analyse britannique. « L’Europe n’est pas militairement morte, mais, à moins que quelque chose de radical soit entrepris pour arrêter son déclin militaire relatif, tous ses instruments d’influence seront gravement dégradés », déclare Julian Lindley-French. En janvier 2012, les États-Unis annoncent une réduction du format de leurs forces armées, qui devront conserver une avance technologique et renforcer leur présence en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient. Ils déploient encore 60.700 personnels en Europe, dont 40.800 en Allemagne, 8.700 en Grande-Bretagne et 10.700 en Italie, pour un coût annuel de 4 Md$. Or, en mars 2014, la Russie a annexé la Crimée avec notamment pour conséquences : la sécurisation de sa base navale en mer Noire ; une zone grise d’incertitude sur sa frontière ; la restauration de sa puissance militaire comme facteur d’influence ; la fin des perspectives réalistes d’élargissement de l’OTAN et de l’UE vers l’Est. L’opération en Crimée a démontré les capacités des forces spéciales et aéromobiles russes. En outre, la Russie poursuit son réarmement. Elle prétend n’avoir que 700.000 personnels sous les armes, mais en recrute 60.000 par an, indique le professeur. Elle consacre 20 % de ses dépenses publiques aux forces armées et va investir 775 M$ d’ici à 2020 dans de nouveaux armements : avions de chasse Sukhoï T-50 de nouvelle génération ; bateaux de projection et de commandement type Mistral français ; corvettes et frégates ; missiles balistiques intercontinentaux Topol M, montés sur camions. En outre, les troupes professionnalisées passeront de 10 % des effectifs en 2014 à 40 % en 2020. Alors que les dépenses de défense de la Russie ont augmenté de 50 % en 5 ans, celles de l’UE ont diminué de 20 %. Ces dernières atteignent 188 Md$/an, dont 65 % pour la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne qui assurent 88 % des investissements en recherche et développement pour la branche européenne de l’OTAN.

Un point de vue allemand. Le budget de défense de l’UE a baissé de 20 % en 5 ans, mais certains pays membres ont augmenté le leur de 40 % et d’autres l’ont baissé de 40 %, indique Christian Mölling qui précise « Ceux qui paient le moins ne peuvent décider ». Depuis 2008, les capacités et effectifs des armées européennes ont diminué de 25 %, entraînant une dépendance accrue des forces non européennes. La remontée en puissance de la Russie implique un retour de la dissuasion et de la défense collective. La crise ukrainienne souligne la complexité croissante des conflits qui intègrent divers moyens. La baisse de la démographie au sein de l’UE se répercute sur les ressources humaines des forces armées, que la coopération, trop lente et limitée, ne parvient pas à compenser. Les industries européennes de défense font face à des politiques nationalistes et à un marché mondial. Selon Christian Mölling, les armées des États membres deviennent des « bonsaï » (arbres nains), dont l’avenir présente quatre scénarios possibles : la disparition en silence ; le retour au XIXème siècle ; une souveraineté mise en commun ; une armée européenne. Or même l’Allemagne exclut cette dernière éventualité, conclut-il.

Loïc Salmon

Europe de la défense : ça avance à petits pas

Sénat : vers une défense européenne

Le salon d’armements terrestres Eurosatory 2014 a accueilli 1.504 exposants de 58 pays, 55.770 visiteurs, 172 délégations officielles de 88 pays et 3 organisations internationales. Lors de son ouverture le 16 juin, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé que l’industrie française de défense a obtenu 6,67 Mds€ de prises de commandes en 2013 (+ 42 % en un an). En matière de recherche et de technologie de défense, les efforts portent sur : robotisation d’actions au contact ; munitions guidées ; préparation des futurs standards de l’hélicoptère de combat Tigre ; renouvellement des systèmes de combat et de tir indirect. La Direction générale de l’armement a lancé une consultation au niveau européen pour le renouvellement du fusil d’assaut Famas. Enfin, le programme « Scorpion » de modernisation de l’armée de Terre sera lancé en 2014 pour les premières livraisons de véhicules de combat blindés en 2018 et d’engins blindés de reconnaissance et de combat en 2020.




Cyberespace : enjeu de puissance ou soupape de sécurité ?

A l’ère du cyberespace, la souveraineté étatique se dilue et de nouveaux acteurs montent en puissance. Guillaume Tessier, directeur général de la Compagnie européenne d’intelligence stratégique (CEIS), a présenté la situation au cours d’un séminaire organisé, le 21 mai 2014 à Paris, par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire. La capacité cyber d’un pays multiplie sa puissance conventionnelle. Celle-ci varie de l’attraction à la coercition, en passant par la persuasion, l’assimilation, les sanctions et la menace. Le cybersepace se caractérise par trois « couches » susceptibles d’être attaquées : physique (les infrastructures et l’électronique) ; logique (les réseaux, données et applications) ; cognitive (le sens et les idées). La guerre électronique agit dans le spectre électromagnétique par brouillage, leurrage (contre-mesure électronique pour missiles autoguidés) ou même destruction des équipements et systèmes d’armes de l’adversaire (couche physique). La lutte informatique consiste à injecter des données dans la couche logique adverse, entraînant un déni de service de ses systèmes d’armes ou de ses réseaux de télésurveillance et d’acquisition de données (SCADA), qui contrôlent les serveurs et la bureautique (postes de travail) d’une entreprise ou d’une organisation. Enfin, la couche cognitive peut faire l’objet d’influences ou de duperies. Dans le cyberspace, la puissance d’un pays repose sur ses infrastructures, ses capacités scientifiques et techniques, sa base industrielle, sa capacité de lutte contre la cybercriminalité, sa cyberdéfense, sa stratégie globale et sa volonté politique. En matière de lutte contre la cybercriminalité, les États recrutent des « hackers » (pirates informatiques) pour développer  leur cyberdéfense. En 2013, les révélations d’Edward Snowden sur l’espionnage des pays « amis » des États-Unis par l’agence de renseignement NSA, la croissance de la cybercriminalité sur le territoire américain et la montée en puissance de certains pays émergents ont ébranlé la suprématie des États Unis dans le cyberspace. Selon les critères de 1 à 6 dans l’échelle de puissance de la CEIS, les États-Unis restent en tête à 5, suivis de près par Israël (4,5), la Grande-Bretagne (4,5) la Chine (4,5), le Japon (4), la Corée du Sud (4), le Brésil (4),  l’Allemagne (4), l’Inde (3,5), la Russie (3,5), l’Iran (3) et … la Syrie (2,5) ! Les discours alarmistes des autorités politiques visent à préparer l’opinion publique au conflit dans le cyberespace. Alors que la Russie et la Chine cherchent à sécuriser les moyens physiques, les États-Unis préfèrent sécuriser les contenus. En France, selon Guillaume Tessier, les experts de la Direction des affaires stratégiques et de l’État-major des armées analysent leurs pratiques, en vue d’applications dans le domaine militaire.

Loïc Salmon

Cyberdéfense : placer l’excellence militaire au service de la nation

Cyberspace : de la tension à la confrontation ou à la coopération

Moyen-Orient : le « cyber », arme des États et d’autres entités




Char Sherman

Élément principal de la force blindée alliée pendant la seconde guerre mondiale, le char américain « Sherman » a connu plusieurs versions jusqu’en 1945. Utilisé par la suite dans divers pays, il intéresse encore les collectionneurs fortunés.

Il porte le nom du général nordiste William Sherman qui vainquit les armées sudistes en 1864 et 1865, mettant ainsi fin à la guerre de Sécession. En 1944, la 3ème Armée américaine met au point une tactique de lutte « char contre char », reposant sur l’effet de surprise cher à son chef, le général George Patton. En face, la Wehrmacht aligne en effet ses « Panther » et surtout  ses « Tigre » au blindage plus épais. Pendant la première partie de la guerre, au cours de ses offensives éclair sur la Pologne, les Pays-Bas, la Belgique et la France, elle a démontré sa maîtrise de la guerre des blindés par des mouvements de pénétration rapide du dispositif ennemi avec des chars suivis de près par une infanterie très mobile et entraînée, parfois précédée de troupes aéroportées. Toutefois, bien que dépourvu du raffinement des chars allemands, le Sherman compense son manque de protection et de puissance de feu par sa disponibilité en nombre. En effet, il se montre fiable, manœuvrant, facile à piloter et surtout à produire en masse. Entre 1942 et 1945, 10 entreprises américaines et 1 canadienne en construisent 49.422, alors que les usines allemandes ne livrent que 24.360 chars entre 1940 et 1945. Le Sherman connaît son baptême du feu à El-Alamein au sein de la 8ème Armée britannique en octobre 1942. Il surclasse les blindés britanniques, notamment par son canon capable de tirer des obus brisants ou perforants (charge creuse). Son nombre élevé permet de l’adapter pour diverses spécialités, très utiles lors du débarquement du 6 juin 1944 en Normandie : dépannage, lance-flammes, lance-roquettes, déminage, char amphibie, engin de pontage, transport de troupes, canons autopropulsés et canons anti-aériens. L’équipage, réduit à 4 hommes (chef de char, pilote, tireur et chargeur) fait preuve d’une grande solidarité, où tout se partage dans ce qui constitue sa « demeure » pendant des semaines ou des mois. Un projectile pénétrant à l’intérieur du char, sans en ressortir, déclenche une tempête de particules en fusion, pouvant blesser ou tuer un ou plusieurs hommes, détruire les circuits électriques et causer un incendie. Pendant les derniers mois de la guerre, les soldats allemands lancent, des toits ou des étages supérieurs des maisons, des « panzersfäuste » (grenades antichar) capables d’incendier un Sherman. Enuite, les surplus sont repris par divers pays, dont l’Argentine, le Chili, l’Égypte, la France, l’Inde, l’Indonésie, Israël, le Japon, le Mexique, le Nicaragua, le Pakistan, les Philippines, l’Ouganda et la Syrie. Les Sherman sont utilisés lors de la guerre indo-pakistanaise de 1965 et les conflits israélo-arabes de 1948, 1956 et 1973. Pendant 25 ans, l’armée israélienne augmente son parc jusqu’à 700 chars, dont une partie récupérée chez les armées arabes vaincues. A partir de 1953, elle les modernise avec un canon français de 75 mm puis développe son propre modèle dénommé « Isherman », en service jusque dans les années  1980. Aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud, au Canada et en URSS, les Sherman ont été transformés pour des usages civils. Enfin, aujourd’hui encore, des collectionneurs restaurent et maintiennent en état de marche de vieux Sherman… « démilitarisés » !

Loïc Salmon

Patton, le chasseur de gloire

Jeep militaires

« Char Sherman » par Pat Ware. Éditions E-T-A-I, 164 pages. 40 €




Patton, le chasseur de gloire

A force d’ambition et de talent militaire, George Patton (1885-1945) est devenu, parce qu’il croit en sa destinée, l’un des plus célèbres généraux américains de la seconde guerre mondiale… mais aussi le plus controversé pour ses outrances !

William Huon raconte l’homme dans son intimité et le soldat d’exception, après avoir puisé directement dans le fonds (documents, lettres et journaux personnels, photos et objets) du musée « General George Patton Museum of Leadership », situé à Fort Knox dans l’État du Kentucky. Le grand-père et le grand-oncle de Patton, tous deux colonels sudistes, furent tués au combat pendant la guerre de Sécession. A l’école, George privilégie l’histoire et fait de deux grands personnages ses héros, choix qu’il justifiera plus tard : César pour « l’excellence de son système de renseignements qui l’informe sur les mouvements de l’ennemi » ; Alexandre le Grand, « l’un des hommes les plus ambitieux qui ait jamais vécu ». Toute sa vie, il fera référence à Napoléon en distinguant, parmi ses maréchaux, Berthier, son chef d’état-major, et Murat, décrit comme « flamboyant, fou, impétueux et irréfléchi », qualificatifs attribués ultérieurement à Patton lui-même. George entre à 17 ans à l’Institut militaire de Virginie, puis à l’Académie militaire de West Point l’année suivante. Malgré sa dyslexie, il se montre excellent dans les disciplines militaires, moyen dans les matières académiques (il a redoublé une année) et sort 46ème sur 103 en 1909. Un an plus tard, il épouse une riche héritière, Beatrice Ayer, à qui il devra beaucoup au cours de sa carrière. Officier de cavalerie, Patton sait aussi cultiver ses relations, grâce à son entregent, sa haute taille et son charme. Il se trouve aussi à l’aise dans un salon du grand monde, pour cultiver ses relations, que pour parler de façon virile à ses troupes ou manier le sabre et le pistolet. En 1916, il participe à une expédition punitive au Mexique contre Pancho Villa, en tant qu’aide de camp du général Pershing. Celui-ci devient commandant en chef des troupes américaines en Europe l’année suivante. Intégré à son état-major, Patton se voit confier la création du « Tank Corps » pour l’emploi du char d’assaut, mis au point par les Britanniques et les Français. Le 26 septembre 1918, il reçoit le baptême du feu avec ses chars, lors de l’offensive de Saint-Mihiel (département de la Meuse). Blessé au combat, maniaque de la discipline et du détail, il termine la guerre avec la Distinguished Service Cross américaine et la croix de Guerre française. Sorti 25ème sur 248 du Command and General Staff College (l’équivalent de l’École de guerre française) en 1924 et de l’US Army War College (l’équivalent du Centre des hautes études militaires) en 1932, puis promu lieutenant-colonel en 1934, tous les espoirs de hautes responsabilités militaires lui sont permis. Elles se feront attendre…jusqu’en 1940, où il est enfin promu général de brigade ! En 1942, il prend le commandement du 1er Corps blindé, qui deviendra la 7ème Armée. La suite est connue : débarquement au Maroc la même année puis en Sicile en 1943. A partir d’août 1944, à la tête de la 3ème Armée, il participe à la libération de la Bretagne, de la Normandie et de la Lorraine. En avril 1945, promu général 4 étoiles (le maximum), il fait la jonction avec les troupes soviétiques en Autriche. Le 5 juin, il reçoit un accueil triomphal à Los Angeles. Fait citoyen d’honneur de 9 villes de France, il est élevé à la dignité de Grand Officier de la Légion d’Honneur. Il meurt le 21 décembre, en Allemagne, des suites d’un accident de voiture.

Loïc Salmon

Maréchaux du Reich

Les généraux français de la Grande Guerre

« Patton, le chasseur de gloire » par William Huon. Éditions E-T-A-I, 224 pages. 46 €




Jour-J

Cette bande dessinée, composée d’histoires complémentaires, fait revivre le grand débarquement du 6 juin 1944 en Normandie, avant, pendant et après, vu surtout par des soldats ou sous-officiers britanniques.

Il s’agit de la traduction de 12 numéros petit format de 64 pages d’une même série, publiée chaque semaine depuis juillet 1961 et intitulée « Commando ». Ce terme mythique, qui remonte à la guerre des Boers en Afrique du Sud (1899-1902), désigne les actions de guérilla et de raids des Afrikaners contre l’armée britannique. Les titres de ces récits, captivants et émouvants, parlent d’eux-mêmes : « Embuscade à l’aube », une opération spéciale avec la Résistance française ; « La batterie », autre opération spéciale mettant en lumière la psychologie de conscrits de divers horizons ; « Saut sur la Normandie » de parachutistes américains, qui seront aidés par des soldats russes enrôlés de force dans la Wehrmacht ; « Au mauvais moment, au mauvais endroit », quand un accident dû à de mauvaises conditions météorologiques met en péril l’opération « Overlord » (nom de code du débarquement) 2 jours avant le Jour J ; « Big Joe », le champion de boxe qui n’oublie pas sa spécialité, même au combat ; « Le sang des héros » ou la témérité de fils trop jeunes pour se battre comme leurs pères ; « Les diables rouges », ces parachutistes britanniques au béret rouge qui sèment la terreur chez l’ennemi ; « Opération bulldog », une histoire de chiens comme son nom l’indique ; « La meute des loups », commandos qui traversent la Manche à bord d’une péniche de débarquement le 6 juin ; « L’homme de fer » ou le combattant solitaire ; « le caporal du roi », qui se croit tout permis ; « Les pousse-cailloux », fantassins de la longue bataille de Normandie. Les récits sont émaillés d’utiles fiches techniques : pistolet-mitrailleur britannique Sten et son équivalent allemand Schmeisser ; « Pluto », oléoduc flexible pour acheminer le carburant à travers la Manche ; planeur de transport de troupes ; camion militaire à tout faire ; chasseurs-bombardiers britannique « Mosquito » et américain « Mustang » ; parachutiste britannique avec scooter ou vélo pliant largable avec lui ; homme-grenouille britannique ; torpille chevauchée par 2 hommes et sous-marin de poche britanniques ; char à fascines de branchages pour franchir les fossés et mortier de 290 mm pour percer le béton ; avion britannique d’attaque au sol « Typhoon », pendant du « Stuka » allemand ; le soldat britannique, capable de combattre de façon collective ou seul, face à l’Allemand, très entraîné et discipliné. Ces 12 récits de guerre, rédigés pour la plupart par des anciens combattants qui n’hésitent pas, parfois, à forcer le trait, donnent un aperçu du contexte guerrier de 1944. Ainsi, ils mettent en valeur l’héroïque soldat « anglais », par rapport à l’Écossais toléré, l’Irlandais incapable d’assurer correctement l’intendance et l’Américain condescendant. En face, les soldats allemands sont des brutes épaisses, sauf celui qui sait parler aux chiens, et leurs officiers fanatiques et fourbes, sauf un… qui admire l’esprit chevaleresque d‘un homologue anglais ! Ces récits témoignent aussi de la société militaire britannique des années 1940. Les officiers subalternes sont arrogants ou à peine compétents, sauf ceux sortis du rang bien entendu ! Seuls les officiers supérieurs, plus éloignés de la troupe, apparaissent responsables et expérimentés.

Loïc Salmon

Provence 1944

JU 87 « Stuka »

« Jour-J » bande dessinée britannique Commando. Éditions Pierre du Taillac, 780 pages.19,90 €




Provence 1944

Le 15 août 1944, les troupes alliées débarquent en Provence et parcourent 750 km vers le Nord pour réaliser la jonction, le 12 septembre, avec celles venues de Normandie (6 juin). L’armée française d’Afrique participe à cette opération dénommée « Dragoon ».

Décidé lors de la Conférence de Québec en août 1943 par Roosevelt et Churchill, ce projet est vite approuvé par Staline, qui y voit le moyen de soulager le front soviétique, et De Gaulle celui de démontrer la puissance retrouvée de la France, qui pourra ainsi siéger aux côtés des vainqueurs. Le plan définitif prévoit 600 bateaux de transport et 1.270 péniches de débarquement protégés par 250 bâtiments de guerre et 2.000 avions. La partie aéroportée implique 535 avions et 465 planeurs de transport de troupes. En face, malgré les ponctions au profit du front de Normandie, la Wehrmacht aligne 250.000 hommes, qui considèrent le Midi de la France comme un lieu de détente après les épreuves du front de l’Est. Jérôme Croyet, docteur en Histoire, relate avec force photos, documents et témoignages, cette épopée moins connue que celle du « Jour- J », mais autant mouvementée. Contrairement à celles de Normandie qui comptent beaucoup de jeunes recrues, les troupes du débarquement de Provence ont l’expérience du combat en Afrique du Nord (1942) et en Italie (1943). De l’hiver 1943 au 15 août 1944, les raids alliés déversent 12.500 t de bombes sur les lignes de communications, ports, usines et terrains d’aviation de Provence. A partir du printemps 1944 et avec l’aide de la Milice collaborationniste, les troupes allemandes pourchassent, le long de la vallée du Rhône, les maquis de la Résistance réfugiés dans les massifs des Glières et du Vercors. Ces maquisards, surtout des jeunes gens réfractaires au Service du travail obligatoire en Allemagne, ont rallié les Forces françaises de l’intérieur (FFI), regroupant notamment l’Armée secrète (gaulliste) et les francs-tireurs et partisans (communistes). Le 15 août, après un parachutage de 300 poupées utilisées comme leurres comme lors du « Jour-J », 5.607 parachutistes américains, anglais et français (1er Régiment de chasseurs parachutistes) sautent dans de mauvaises conditions météo, essuient les tirs antiaériens allemands et s’éparpillent au sol. Les maquisards les aideront à se regrouper. Le soir, 100.000 hommes ont pu débarquer entre Cavalaire et Saint-Raphaël. Malgré l’effet de surprise initial, ils livrent de durs combats contre la 19ème Armée allemande, qui se replie vers l’Est. Au cours de leur progression vers l’intérieur, les GI’s sont accueillis en libérateurs en raison de leur image de vainqueurs, contrairement aux soldats français qui incarnent la défaite de 1940, notamment les prisonniers de guerre. Cet enthousiasme suscite l’amertume des Français Libres : « On n’intéressait personne, les Amerlos, eux, vendaient cigarettes et chocolat ». De leur côté, les soldats allemands préfèrent se rendre aux unités régulières américaines, respectueuses du droit de la guerre, plutôt qu’aux FFI, dont ils redoutent la vengeance. Toutefois, grâce à l’aide des FFI (renseignement et harcèlement des troupes allemandes), les divisions américaines atteignent Grenoble en 7 jours au lieu de 90 comme initialement prévu. « Le débarquement en Provence est une réussite militaire, mais aussi publicitaire », conclut Jérôme Croyet. En effet, les cinéastes professionnels, intégrés dans les unités américaines, et les personnels de l’ECPA français captent l’instant pour alimenter les actualités ou les films de propagande.

Loïc Salmon

Femmes en guerre 1940-1946

« Provence 1944 » par Jérôme Croyet. Éditions Gaussen, 144 pages. 24,50 €