Armée de Terre : « Scorpion » et le combat aéroterrestre futur

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Le programme « Scorpion » permettra de conduire avec succès le combat aéroterrestre,  augmentant considérablement l’efficacité du groupement tactique interarmes.

Le général de corps d’armée Arnaud Sainte-Claire Deville, commandant les forces terrestres, l’a expliqué lors d’une conférence organisée, le 12 janvier 2016 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de l’armée de terre.

Menace protéiforme. La complexité croissante des opérations exige de s’adapter en permanence. La guerre présentant des visages multiples, il ne faut pas céder aux effets de mode, explique le général. Aux cours des dernières années, divers modes d’action ont été mis en avant : contre-insurrection, « maritimisation », projection de puissance, guerre en zone urbaine, binôme forces spéciales/appui aérien et frappes chirurgicales, sans oublier le concept de « zéro mort » dans ses propres rangs. Toutefois, la nature profonde de la guerre reste inchangée, à savoir l’affrontement de volontés en vue de la puissance. Mais de nouvelles tendances sont apparues. Les « petites » guerres  se durcissent. Les adversaires deviennent transfrontaliers et agissent directement sur le territoire national. L’adversaire peut avoir atteint le même niveau technologique (guerre symétrique), disposer de moyens moins élaborés (guerre asymétrique) ou pratiquer un mode opératoire alternant l’action militaire et les actes de grand banditisme (guerre hybride). La protection des populations reste un facteur clé. Tout cela nécessite une gestion dynamique des opérations. Concrètement, les pays voisins de la Russie la perçoivent comme une menace de puissance : l’Ukraine et certains anciens pays du Pacte de Varsovie devenus membres de l’Union européenne et de l’OTAN, notamment l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne. Les menaces hybrides extrémistes (terrorisme djihadiste) concernent surtout l’Europe de l’Ouest, la Turquie, le Proche-Orient et le Moyen-Orient. Enfin, les risques liés aux vulnérabilités persistent en Afrique du Nord, dans la bande sahélo-saharienne et en Afrique de l’Est. En conséquence, la variété, la simultanéité, l’intensité et la soudaineté des menaces et des crises excluent les impasses capacitaires, avertit le général Sainte-Claire Deville. L’action aéroterrestre apparaît comme la plus adaptée face aux menaces asymétriques ou hybrides. Elle cible les sanctuaires de l’adversaire : ses ressources ou les organisations qui le soutiennent ; ses camps d’entraînement pour l’empêcher de refaire ses forces ou de recruter de nouveaux combattants. En outre, elle dispose de capacités en matière de renseignement, de contrôle et de commandement, d’innovation tactique et de fluidité d’intervention. Enfin, elle manifeste une volonté de contrôler les populations, d’agir sur les opinions et d’appuyer la résilience.

« Force Scorpion ». Composante principale du combat aéroterrestre de demain, la « Force Scorpion » permettra aux soldats de passer d’une mission à une autre et d’un théâtre à l’autre avec une plus grande souplesse. Elle repose sur le programme d’armement du même nom, qui apportera des atouts à l’action aéroterrestre (voir encadré). Ainsi, pour conserver un temps d’avance et d’anticipation, le futur véhicule blindé d’aide à l’engagement disposera de capacités de mobilité et d’observation accrues et protègera mieux les unités de renseignement de l’avant. Le support de communication « Contact » aura des capacités de transmissions robustes et de débit puissantes. Sur le plan tactique, la coordination avec les hélicoptères permettra un combat plus agile, plus furtif et plus puissant avec une capacité de « destruction en impunité ». Pour répondre aux sollicitations opérationnelles dans la durée, les effectifs des forces terrestres passeront de 66.000 à 77.000 personnels. Ceux-ci bénéficieront d’une formation anticipée, améliorée et collective à l’École du combat interarmes (ECIA), intégrée à la Force Scorpion. Au sein des forces terrestres, l’ECIA regroupera, sous un commandement unique, les principales écoles de commandement et les fonctions opérationnelles au cœur du combat : l’infanterie, l’arme blindée-cavalerie, le génie et l’artillerie en lien étroit avec les forces spéciales et l’aviation légère de l’armée de Terre. Le programme Scorpion inclut un système de simulation embarqué afin de : préparer et répéter une mission avec réalisme avant l’action ; réaliser plus aisément une formation en garnison ou en opération. Outre de meilleures capacités de combat, le programme Scorpion permettra un suivi logistique des unités en temps réel et l’anticipation de leurs besoins ainsi qu’un raccourcissement du cycle de décision pour leurs chefs. La Force Scorpion pourra se réarticuler plus vite en facilitant l’intégration ponctuelle de moyens pour inverser le rapport de forces, localement et dans des délais réduits. Pour ne pas être démunie face à un adversaire qui surprendra toujours, la Force Scorpion mettra en synergie la formation et l’entraînement des troupes ainsi que le maintien en condition opérationnelle des équipements. Le programme Scorpion va quadrupler ce que fait un soldat aujourd’hui, lequel est déjà capable de combattre 10 heures en équipement NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique), souligne le général Sainte-Claire Deville.

Réorganisation. Dans l’éditorial du numéro de décembre 2015 de la Lettre du chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Jean-Pierre Bosser présente la réorganisation qu’implique le programme Scorpion. Ce dernier vise à renouveler les équipements majeurs du groupe tactique interarmes (GTIA) dans les dix ans qui viennent. La Force Scorpion est structurée, dès l’été 2016, autour de 2 divisions et 6 brigades interarmes densifiées. Capable de faire face à une menace conventionnelle ou asymétrique, extérieure ou intérieure, ce corps de bataille représente, en volume, les deux tiers de la force opérationnelle terrestre. Le partage de l’information entre tous les combattants induit une nouvelle façon d’envisager le combat interarmes et une évolution majeure de la préparation opérationnelle. Le 5ème Régiment de dragons doit procéder à une mission d’évaluation, en vue de  projeter le premier GTIA Scorpion en 2021 et la première brigade Scorpion en 2023. Optimisé dans son organisation et modernisé dans ses capacités, le corps de bataille Scorpion sera l’outil majeur de tous les engagements futurs. Enjeu prioritaire, le succès de sa montée en puissance repose notamment sur une étroite coopération entre les mondes militaire et industriel, conclut le général.

Loïc Salmon

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Le programme « Scorpion » vise à renouveler, à partir de 2018, les capacités médianes du combat de contact autour de deux plateformes : le véhicule blindé multi-rôles Griffon et l’engin blindé de reconnaissance et de combat Jaguar. Il intègre également la rénovation du char Leclerc et prend en compte le système de préparation opérationnelle (simulation) et le soutien. En outre, un système unique d’information du combat met en réseau tous les systèmes pour produire un effet tactique sur le terrain. Il met en cohérence les capacités du groupement tactique interarmes (GTIA) par le partage immédiat de l’information et le « combat collaboratif » (accélération de l’action au combat).

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