ALAT : forte qualification et uniquement de l’opérationnel

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L’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT) correspond aux besoins existants et montre son efficacité sur les théâtres d’opérations. Mais son quotidien demeure complexe avec un risque de rupture de capacité.

Son commandant, le général de division Olivier Gourlez de La Motte, a présenté la situation au cours d’une rencontre organisée, le 9 janvier 2015 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

Structure et entraînement. L’ALAT est employée pour les opérations spéciales, l’aérocombat et le Groupe interarmées d’hélicoptères (GIH). Son parc d’hélicoptères, actuellement de 300 appareils, se limitera à terme à 273, conformément au Livre blanc 2013 sur la défense et la sécurité nationale. Son effectif de 5.000 personnes (pilotes, mécaniciens et personnels d’environnement) représente moins de 5 % de celui de l’armée de Terre. Le tout se répartit dans 4 régiments, dont 3 dits de forces conventionnelles (les 1er, 2ème et 3ème) dépendent de la Division aéromobile installée à Lille. Le 4ème, basé à Pau, relève du Commandement des opérations spéciales, dont il transporte et appuie les forces sur n’importe quel théâtre d’opérations. Sur ses 6 escadrilles, 2 font partie du GIH de Villacoublay pour appuyer et soutenir le Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale. L’ALAT compte 3 états-majors : 1 à l’École de l’ALAT au Cannet-des-Maures ; 1 au sein du Commandement des forces terrestres à Lille ; 1 (100 personnes) à Villacoublay pour conseiller le chef d’État-major des armées en matière de sécurité dans l’espace aérien, de maintenance et de navigabilité des appareils. L’ALAT doit assurer une disponibilité sur le territoire national en cas de catastrophe naturelle. Globalement, les équipages effectuent 156 heures de vol par an (h/an), alors que l’objectif est de 180 h/an, et de 200-250 h/an pour ceux affectés aux forces spéciales. Les pilotes se classent en 3 catégories : rang 1, les « hyper opérationnels » avec 146-180 h/an ; rang 2, ceux prêts à prendre la relève (moins de 146 h/an) ; rang 3 (moins de 126 h/an).  Grosso modo, le rang 1 regroupe  45-50 % des pilotes, le rang 2 moins de 20 % et le rang 3 environ 33 %. Sur les 80.000 h/an de l’ALAT, quelque 30.000 h/an d’hélicoptères Gazelle, Tigre et Caïman sont effectuées en simulation. La simulation (vol et système tactique) complexifie l’environnement en vue de recréer un contexte opérationnel. L’acheminement sur le théâtre se fait habituellement par embarquements des hélicoptères à bord d’avions cargos Antonov ou C17 et des équipages à bord d’avions de transport stratégique. Des raids sont déjà entrepris pour relier directement Pau à Bamako (Mali) en longeant la côte africaine avec des escales dans les aéroports internationaux, soit 3 jours de voyage et 2 jours de mise en condition.

Bilan opérationnel. L’ALAT déploie actuellement 50 hélicoptères en opérations extérieures (Opex), dont 40 en Afrique et 10 en alerte GIH et « Guépard » à préavis variable. Les équipages, qui tournent tous les 3 ou 4 mois, peuvent effectuer jusqu’à deux interventions de 1h30 par jour et un combat dure environ 1 h (Libye), indique le général Gourlez de la Motte. Employée pendant la guerre du Golfe (1991) puis dans les Opex de Somalie (1992) et des Balkans (1999), l’ALAT est montée en puissance en 2009 après l’embuscade d’Uzbin (10 morts et 21 blessés) en Afghanistan (2008), zone de montagnes. En Côte d’Ivoire (2010), les hélicoptères sont intervenus en zone urbaine, de jour et de nuit, au profit des troupes françaises au sol. Lors de l’opération « Harmattan » en Libye (2011), ils ont décollé de nuit à partir des bâtiments de projection et de commandement (BPC) en mer. La France a engagé 18 appareils (Tigre, Gazelle et Puma) et la Grande-Bretagne 4. Les renseignements optiques et électroniques ont été obtenus par satellite, avions, drones, frégates et sous-marins, via la chaîne OTAN. L’adversaire n’avait pas l’habitude du combat de nuit et a tiré quelques missiles sol/air contre les avions. Alors que ceux-ci savent que les cibles sont identifiées, validées et illuminées, les hélicoptères pratiquent le combat rapproché contre un adversaire, dont ils ignorent le moment où ils le rencontreront. La mission commence en amont à bord du BPC : choix des cibles ; 24 h de préparation ; 24 h de « pré-jeu » avec tous les détails de l’action ; départ dans l’obscurité. Le chef de bord garde l’initiative jusqu’au au dernier moment. En effet, il peut refuser le tir, par exemple s’il constate l’absence de fusil dans le pick-up qu’il est chargé de neutraliser. A cette occasion, l’ALAT a mis en œuvre un dispositif d’action autonome avec autorisation de tir : vol aux instruments au départ du BPC, puis emploi de jumelles de vision nocturne à proximité de la côte. Le Groupe aéromobile a détruit 1 brigade libyenne avec un effet multiplicateur triple, qui a neutralisé de fait 3 à 4 brigades. Pendant l’opération « Serval » au Mali (2013), il a participé au combat interarmes dans un sévère environnement désertique (50° C pendant la journée) et de grandes élongations nécessitant un important soutien logistique. Les « poser poussière » (en raison de la poussière soulevée par le rotor) se sont révélés très difficiles, à cause du sable très corrosif. En République centrafricaine, l’ALAT a repris le combat en zone urbaine à Bangui, lors de l’opération « Sangaris » (2014). Pendant celle de « Barkhane » de contrôle de territoire et d’attaques dans la brousse du Sahel (depuis 2014), les hélicoptères de l’ALAT ont tiré au canon de 200 mm et lancé 5 missiles Hot, de nuit, contre un adversaire déterminé. Le succès de « Serval » et de « Barkhane » repose sur le renseignement, souligne le général Gourlez de La Motte. Il s’agit de prendre l’adversaire de vitesse, repérer ses pick-up et les neutraliser le plus vite possible. Parallèlement, les hélicoptères assurent la couverture et l’appui des unités conventionnelles d’infanterie et de cavalerie au sol. En outre, ils transportent très vite les forces spéciales sur des objectifs ciblés. Rien que pour « Barkhane », l’ALAT met en œuvre 21 appareils, dont la disponibilité, de 80 %, est jugée satisfaisante en opérations. Depuis l’engagement en Afghanistan, 18 hélicoptères ont été touchés en opérations, dont 6 détruits. Le taux d’attrition (1 appareil/an) est pris en compte. Enfin, 3 personnels de l’ALAT ont été tués au combat et 6 blessés.

Loïc Salmon

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L’histoire de l’Aviation légère de l’armée de terre 1794-2014

Recruté sur titre en 1983, Olivier Gourlez de La Motte suit, comme lieutenant, la formation de l’École d’application de la cavalerie à Saumur. Breveté pilote et chef de patrouille d’hélicoptères de combat, il est ingénieur aéronautique et ingénieur d’essais. Breveté du Collège interarmées de défense (1997-1998), il est auditeur du Centre des hautes études de l’armement (2005-2006). En 1990-1991, il participe à la guerre du Golfe comme commandant d’escadrille appui protection. Par la suite, il commande le Groupement aéromobilité de la Section technique de l’armée de terre (2001), l’École de l’aviation légère de l’armée de terre (2010) et l’Aviation légère de l’armée de terre (2012). Titulaire de la croix de Guerre des théâtres d’opérations extérieurs, le général de division Gourlez de La Motte est officier de la Légion d’Honneur et de l’Ordre national du Mérite.

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