Afghanistan : nouvelle posture de la Brigade La Fayette

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Le transfert de la défense et de la sécurité du territoire aux forces afghanes, entamé depuis octobre 2011, doit être progressif pour déterminer une prise de conscience de leur légitimité qui, à son tour, inspirera confiance à la population, estime le général Jean-Pierre Palasset, commandant de la brigade française La Fayette en Afghanistan.

Le général a fait un point de situation le 29 mars 2012, au cours d’une visioconférence entre le camp de Nijrab et la salle de presse du ministère de la Défense à Paris. Selon lui, pour que les forces gouvernementales puissent vaincre les insurgés, la brigade La Fayette doit relever trois défis : continuer de combattre avec elles ; encourager leur autonomie; planifier et conduire la transition.

Les modes d’action des insurgés s’adaptent en permanence à la situation et se cumulent : harcèlement, engins explosifs improvisés, attaques complexes, attentats suicides, véhicules piégés, tirs fratricides et manifestations. Chaque année, après l’hiver, les agressions reprennent en mars et avril, puis diminuent en mai en raison de la récolte du pavot pour la préparation de l’opium. Toutefois, le pavot n’est pas cultivé dans les zones tenues par la brigade La Fayette, précise son commandant. L’ANCOP (Afghan National Civil Order Police), équivalente de la gendarmerie mobile ou des CRS français, se charge de vérifier les zones de culture. La brigade a anticipé la période délicate de reprise des agressions en densifiant les points d’observation dans les vallées qu’elle contrôle. La guérilla tente toujours d’occuper la « zone verte » de la vallée de Tagab, afin de s’imbriquer dans la population et faire pression sur elle.

L’armée nationale afghane (ANA) a massivement recruté et peut désormais passer à une sélection plus sévère, d’après le général Palasset. « En trois à quatre ans, il fallait monter en puissance, créer une armée, la former et l’équiper ». Aujourd’hui, une division d’infanterie d’environ 6.000 hommes est capable de mener seule l’action principale d’une opération, qui repose sur quatre piliers : planification et conduite ; renseignement et appui aérien ; évacuation des blessés par hélicoptères ; réserve prête à intervenir. La brigade La Fayette apporte un appui au commandement et « laisse faire » l’ANA pour qu’elle devienne légitime et crédible. Celle-ci, bien équipée par les Etats-Unis, va aussi récupérer une partie des matériels de la Grande-Bretagne. La France compte rapatrier le maximum de ses matériels majeurs. Les pays qui laisseront des équipements militaires devront prendre en compte  la formation du personnel local sur ceux-ci et la maintenance de ces matériels, indique le général.

Les infiltrations de l’ANA par les talibans ont entraîné, dès la fin 2011, des mesures de contrôle du recrutement et de vérification du personnel par le ministère afghan de la Défense. La Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS) a renforcé la capacité de l’ANA à identifier les talibans infiltrés, les soldats qui se sont radicalisés et les malades mentaux. La brigade La Fayette s’est concertée avec les unités afghanes dont elle à la charge « pour éviter la défiance qui nous aurait coupés de nos partenaires ». Les officiers et sous-officiers de l’ANA comprennent ces mesures de protection, mais il est plus difficile de savoir ce que pense la troupe. Toutefois, « l’expérience nous a appris à dépasser cette épreuve sans passer à la psychose ».

Le retrait d’Afghanistan de la brigade La Fayette s’effectue « de manière déterminée », souligne le général. Les drones Harfang et leurs opérateurs ont été rapatriés en février (voir « Archives » 14-03-2012). Toutefois, la brigade dispose encore de SDTi (système de drones tactique intérimaire) et de DRAC (drones de renseignement au contact) et peut faire appel aux drones de la FIAS. Les missions des forces spéciales sont conduites de nuit. Les relèves se font par l’aéroport de Kaboul et la base aérienne de Bagram, tous deux à l’abri des tirs indirects jusqu’à 2.000-3.000 m. Les menaces de missiles d’une portée de 5.000 m, dont sont équipés les talibans, ne perturbent pas encore le rythme des relèves. Les avions de chasse concentrent donc leurs efforts sur l’appui des troupes au sol. Parmi les districts que contrôle la brigade La Fayette, deux sont particulièrement sensibles car l’insurrection locale est attisée par le rejet de l’étranger. Le tempo de redéploiement de l’opération « Pamir » en Afghanistan reste du ressort du président de la République. « Nous sommes prêts à toute éventualité, car nos études prennent en compte toutes les hypothèses », conclut le général Palasset.

Loïc Salmon

Depuis la décision présidentielle du 27 novembre 2011 de retirer progressivement les forces françaises d’Afghanistan avant 2014, trois retraits de 200 hommes chacun ont eu lieu en octobre 2011, novembre-décembre 2011 et mars 2012. Les 3.400 militaires restants participent à la sécurisation des provinces de la Surobi et de la Kapisa, au soutien des forces de sécurité afghanes et à la montée en puissance de l’armée nationale afghane (formation et accompagnement sur le terrain). Depuis son engagement en 2001 au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan, la France  perdu 83 militaires en mission.

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