OTAN : améliorer la disponibilité et la réactivité

L’OTAN retrouvera sa réactivité, perdue depuis la fin de la guerre froide (1991), par l’entraînement et les exercices majeurs. En outre, les lignes de forces de demain doivent être tracées aujourd’hui.

Son chef du « Commandement suprême allié de la transformation », le général d’armée aérienne Jean-Paul Paloméros, en a débattu, le 19 novembre 2014 à Paris, avec l’Association des journalistes de défense.

Incertitude permanente. Aux risques de tirs de missiles balistiques et d’emplois d’armes de destruction massive, s’ajoute aujourd’hui la menace dans le cyberespace. Il faut aussi, par l’anticipation, identifier les signaux faibles aux frontières terrestres, aériennes et maritimes des 28 pays membres de l’OTAN. La Russie et la Chine développent leurs moyens offensifs (missiles et avions de combat), mais leur capacité de déploiement reste encore difficile à évaluer dans le temps. Elles montent de très grands exercices, signes que leurs capacités techniques et humaines ne doivent pas être sous-estimées. Les États-Unis ont déjà déplacé leur pivot de défense vers l’Asie. L’OTAN adopte une position dynamique, pour disposer du volume de forces nécessaires là et quand le besoin s’en fait sentir. Si les forces aériennes russes enfreignent les règles internationales en matière de survol intempestif (Ukraine et États baltes), le niveau de risques de malentendus et de méprises augmente. Toutefois, le général Paloméros, ancien chef d’état-major de l’armée de l’Air, recommande la prudence et la modération. Il s’agit de détecter, d’identifier et d’intercepter les avions qui ne respectent pas les règles d’authentification et de dépôt de plan de vol. La souveraineté des pays membres de l’OTAN n’a pas encore été menacée : aucun incident ne s’est produit récemment en matière de sûreté aérienne. Néanmoins, le nombre de décollages d’avions de chasse de l’OTAN augmente pour assurer la sécurité au-dessus des États baltes et de la Pologne. La relation de confiance, établie depuis une vingtaine d’années, entre l’Union européenne (UE) et la Russie s’effrite dans les domaines militaire, énergétique et financier. Par ailleurs, le continuum défense et sécurité s’impose contre la menace « hybride » (criminalité et terrorisme) de déstabilisation, souligne le général. Les grandes puissances peuvent influer sur le cours des événements par des pressions économiques, la communication et l’intimidation militaire. Les mouvements extrémistes, qui sévissent dans certains pays du Sud de la Méditerranée, manifestent de grandes capacités d’agressivité, de réactivité et d’anticipation. Leurs campagnes de communication deviennent tellement outrancières, que plus personne ne les contestent. « Dès qu’un responsable de l’OTAN parle, il y a une réaction dans les secondes qui suivent et qui insinuent au moins le doute ».

Réduire les déficits capacitaires.

Depuis 65 ans, l’OTAN a permis aux pays d’Europe de l’Ouest de se développer et a assuré leur défense collective, rappelle le général. Aujourd’hui, 22 pays de l’UE ont fait le choix stratégique d’adhérer à l’OTAN, avec la volonté politique que « les valeurs de démocratie et de liberté l’emportent sur le centralisme démocratique et l’obscurantisme ». Pourtant, depuis quelques années, les pays de l’OTAN, surtout les membres de l’UE, réduisent leur effort de défense. Les États-Unis comblent ce déficit capacitaire au niveau de l’OTAN et la France fait de même à celui de l’UE. L’OTAN, rappelle le général, est une alliance de nations souveraines, où chacune décide selon ses intérêts politiques, économiques et commerciaux et se positionne par rapport à sa vision du monde futur. Les restrictions budgétaires affectent surtout les équipements et, par voie de conséquence, les capacités militaires. Or, l’OTAN ne peut plus se permettre de se disperser. L’interopérabilité multiplie par 3 ou 4 les capacités de chaque pays membre. Ainsi, les armées de l’Air se sont transformées et s’entraînent en commun. « La disponibilité se gagne au quotidien ». La France adapte ses capacités à la menace en visant l’efficacité et la polyvalence. Elle construit bâtiments de projection et de commandement, frégates multimissions, avions multirôles (transport et ravitaillement en vol) et systèmes sol/air, qu’elle peut fournir aux pays partenaires qui le souhaitent. Par ailleurs, l’OTAN entreprend des exercices inopinés pour améliorer ses procédures d’entraînement et de contrôle. Ses engagements en Afghanistan et en Libye avaient entraîné une suppression des exercices en 2012. Cependant, les 4 grands exercices de 2014 ont été planifiés avant la crise ukrainienne. En outre, depuis mai 2014, le nombre d’exercices tactiques a été multiplié par 3, surtout à l’Est de l’Europe où il s’en déroule 1 tous les 2 jours. Lors du sommet de l’OTAN au pays de Galles (septembre 2014),  il a été décidé de créer, au sein de la NRF (encadré) une force opérationnelle interarmées dénommée VJTF, encore plus entraînée que l’IRF. Selon le général Paloméros, il s’agirait d’une brigade (7.000 personnels) avec des moyens de renseignement et de transport et capable de se déployer en 5 jours entre la Baltique et la mer Noire. Pour que l’OTAN regagne sa crédibilité, l’Italie, le Portugal et l’Espagne organiseront, en septembre et octobre 2015, un exercice majeur dénommé « Trident Juncture 2015 » et qui mobilisera 25.000 personnels. A partir de 2016, la NRF participera à un programme d’exercices élargis et de plus grande ampleur.

Préparer l’avenir. Les capacités militaires de demain devront être élaborées selon des mesures soutenables politiquement et dans la durée, souligne le général chargé de la transformation de l’OTAN. Il faudra, dès 2015, identifier les déficits capacitaires, établir un équilibre des grandes menaces à l’Est et au Sud et adapter les processus de planification. D’autres critères entrent en jeu : éviter de répondre à une menace par la technologie pure ; prendre en compte le coût d’entretien et de soutien des équipements ; éviter la fuite en avant technologique, car la plupart des pays membres ne pourront suivre. Il conviendra de se fixer des objectifs au-delà d’une quinzaine d’années. Par exemple, les AWACS (avions de détection et de commandement aéroporté), que seuls les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Arabie Saoudite et l’OTAN possèdent, arriveront en fin de vie en 2030. Les armées auront à travailler avec les industriels pour déterminer les capacités de demain, tirer les leçons du passé, se concentrer sur le présent et évaluer les hypothèses, notamment démographiques et climatiques, dans une vingtaine d’années.

Loïc Salmon

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La « Force de réaction de l’OTAN » (NRF en anglais) est une force internationale (30.000 personnels) de haut niveau de préparation, faisant appel aux technologies de pointe et regroupant des composantes terre, air et mer et des forces spéciales, que l’Alliance atlantique peut déployer rapidement partout où cela est nécessaire. Elle compte : un élément de commandement et de contrôle de la structure de commandement de l’OTAN ; la « Force interarmées de réaction immédiate » (IRF, 13.000 personnels); un pool de forces complémentaires.