Exposition « Victoire ! La fabrique des héros » aux Invalides

Au cours de l’Histoire et partout dans le monde, la victoire militaire, à la chasse ou sportive, se vit, se proclame et se perpétue par des souvenirs de natures diverses. Ses conséquences portent sur des enjeux stratégiques, politiques ou commerciaux.

L’entourage de la victoire. Plusieurs notions s’associent à celle de la victoire, considérée comme un succès sur l’adversaire après un affrontement, une bataille ou une compétition. Ainsi, le triomphe peut signifier une victoire éclatante ou l’honneur décerné à un général romain qui défile à Rome après avoi remporté une grande victoire. Armes, emblèmes, casques ou coupes constituent autant de trophées attestant d’une victoire. Celle-ci se célèbre par des manifestations festives ou l’accomplissement d’une cérémonie rituelle, notamment religieuse. En compensation des efforts consentis, les vainqueurs reçoivent une récompense sous forme d’un bien matériel ou financier. Ils connaissent alors la gloire, cette grande notoriété dont ils jouissent dans l’esprit d’un grand nombre de personnes. En revanche, les vaincus connaissent la défaite, déroute subie par une armée ou l’échec dans le cadre de l’opposition de deux ennemis ou concurrents.

Du trophée au symbole. Le mot « trophée » dérive du grec « tropaion » et du latin « tropæum » qui signifient…déroute ! Il s’agissait à l’origine d’un arbre taillé en forme de croix, auquel étaient suspendues les armes des vaincus. Élevé sur le champ de bataille et dédié à la divinité ayant donné la victoire, il rappelait le succès du camp vainqueur. Ensuite, il a été remplacé par un monument de pierre. Dans la mythologie grecque, Persée, fils de Zeus, décapite Méduse, monstre féminin aux cheveux de serpents changeant en pierre quiconque croisait son regard. Aujourd’hui encore, la tête de Méduse figure sur le bouclier de statues représentant Athéna, déesse guerrière. Autre fils de Zeus, Héraclès, portant la dépouille du lion de Némée, est conduit par la déesse de la victoire sur l’Olympe, où les dieux l’admettront comme l’un des leurs au terme de sa vie d’épreuves. Dans l’Illiade, le Grec Achille exhibe le corps du Troyen Hector comme trophée aux yeux de tous en le traînant, attaché à son char, autour de la ville de Troie. Selon la tradition, le coureur Philippidès s’effondra au sol après une course de 40 km pour annoncer aux Athéniens la victoire de l’armée grecque sur celle de l’Empire perse à Marathon (490 avant J.-C.). Le roi macédonien Alexandre le Grand, pharaon d’Égypte, conquiert l’Empire perse et pénètre en Inde jusqu’à la rive de l’Indus (326 avant J.-C.). N’ayant jamais perdu une bataille, il incarne le modèle du vainqueur pour de nombreux empereurs, rois (notamment Louis XIV) et généraux au cours de l’Histoire. Pendant la période hellénistique (IIème siècle avant J.-C.), la victoire est représentée par la déesse Niké, messagère des dieux qui apporte la gloire aux vainqueurs. L’exposition présente une réplique de la « Victoire de Samothrace » (photo), mondialement connue et dont l’original se trouve au musée du Louvre à Paris. Grand admirateur d’Alexandre, le Romain Jules César (100-44 avant J.-C.), honoré par quatre triomphes à Rome, était « imperator », titre décerné par la République romaine aux généraux victorieux, sans la connotation politique que lui donneront ses successeurs et divers souverains étrangers. Auguste, héritier de César et premier « empereur » romain, attribue au dieu Apollon sa victoire navale sur son rival Marc-Antoine et Cléopâtre, dernière reine d’Égypte, à Actium (31 avant J.C.). En remerciement et pour en perpétuer le souvenir, il fonde la ville de Nicopolis (Grèce) près du lieu de la bataille, dédie un temple à Apollon sur le mont Palatin à Rome, lui consacre des jeux sportifs et fait frapper à son effigie des monnaies diffusées dans tout l’Empire. Dans l’Égypte ancienne, le pharaon est souvent représenté piétinant des prisonniers couchés pour traduire la victoire de l’ordre du monde établi par les dieux. L’exposition présente une sculpture en grès (IIIème-IVème siècle avant J.-C.) figurant le dieu Horus en cavalier victorieux terrassant un crocodile, animal du dieu Seth meurtrier de son père Osiris. Cette iconographie se retrouve dans l‘empereur cavalier triomphant du monde barbare. Cette victoire du Bien sur le Mal perdure avec les images de saint-Georges et de saint-Michel terrassant le dragon. Ce thème apparaît aussi dans la mythologie hindouiste. Durga, déesse de la guerre, remporte la victoire contre le démon Mahîshâsura et ramène la paix sur terre. Les Aztèques associent le dieu Huitzilopochtli, leur principale divinité, à leurs victoires mais aussi à leurs défaites. Enfin dans la Chine antique, contrairement à d’autres divinités guerrières, Guandi, dieu taoïste de la guerre, accorde également sa bénédiction…à ceux faisant preuve de fraternité et de droiture !

Des célébrations aux monuments. En 217 avant J.-C., le roi d’Égypte Ptolémée IV fait distribuer à ses troupes 300.000 pièces d’or spécifiques pour célébrer sa victoire à Raphia sur les armées du roi séleucide Antiochos III. Vers 319-320, l’empereur romain Constantin Ier le Grand met en circulation une monnaie le représentant à l’avers et, au revers, deux captifs entravés au pied d’un trophée composé d’armes et d’éléments d’armures pour diffuser son image de vainqueur. Au XVème siècle, le roi Charles VII fait frapper des médailles pour commémorer l’expulsion définitive des Anglais hors de France. Durant l’Ancien Régime, l’Antiquité inspire une médaille célébrant la bataille d’Ivry (1590), où la victoire du roi protestant Henri IV sur les Ligueurs catholiques mettra fin aux guerres de religion. De même, une allégorie de la victoire illustre la médaille rappelant la bataille de Rocroi (1643), victoire du Grand Condé sur l’armée espagnole. Pour commémorer le passage du Rhin pendant la guerre de Hollande (1672-1678), Louis XIV fait frapper une médaille le montrant vêtu comme en général romain, qu’une victoire ailée couronne de lauriers. Dès les années 1540, les armuriers milanais s’inspirent des héros de l’Antiquité pour réaliser des armures d’apparat (photo). Le triomphe à la romaine devient un modèle de la glorification du prince au cours de fêtes dans toutes les cours d’Europe. Plus tard, il se transformera en défilé militaire, phénomène universel. Celui de la victoire de 1918 est conduit sous l’Arc de Triomphe à Paris par les maréchaux Joffre et Foch le 14 juillet 1919. En outre, les souverains puis les gouvernements ont édifié des monuments rappelant une victoire pour l’inscrire durablement dans la mémoire collective. En voici une rétrospective non exhaustive : Trophée d’Auguste (7-6 avant J.-C.), soumission des derniers peuples alpins par les Romains ; Arc d’Orange (10-25), victoires des Romains sur les Germains ; Colonne Trajane (107-113), victoire des Romains sur les Daces ; Basilique Notre-Dame des Victoires (1629), victoires de Louis XIII sur les ennemis du royaume de France ; Yorktown Victory Monument (1881-1884), victoire des Américains et de leurs alliés français sur les Britanniques en 1781 ; Arc de Triomphe du Carrousel (1806-1808), campagne d’Allemagne de l’armée napoléonienne sur la coalition austro-russe ; Colonne Vendôme (1806-1810), victoire de Napoléon à Austerlitz sur la coalition austro-russe ; Arc de Triomphe de l’Étoile (1806-1836), victoires des armées de la Révolution et de l’Empire ; Colonne Siegssaüle (1873), victoires prussiennes contre le Danemark (1864), l’Autriche (1866) et la France (1871) ; Monument commémoratif de la première bataille de la Marne (1938), victoire franco-britannique sur l’Allemagne en 1914. La crypte du tombeau de Napoléon aux Invalides rappelle ses hauts faits militaires et civils.

Loïc Salmon

L’exposition « Victoire ! La fabrique des héros » (11 octobre 2023–28 janvier 2024), organisée par le musée de l’Armée, se tient aux Invalides à Paris. Elle présente des sculptures, tableaux, documents, photographies, armes, armures, objets, trophées, médailles et tenues diverses. Des visites guidées sont prévues. Renseignements : www.musee-armee.fr

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