Exposition « Le nouveau visage de la guerre » à Verdun

L’année 1918, marque un tournant dans le premier conflit mondial, en raison de l’évolution du combat terrestre, de l’emploi du char et de l’avion et enfin de l’intervention de l’armée américaine, qui se modernise très rapidement.

Evolutions et innovations. Au début de la guerre, l’infanterie, « reine des batailles », dispose de la cavalerie, pour l’éclairage et la reconnaissance en avant-garde et la protection de la retraite, et de l’artillerie, pour accompagner ses mouvements. Des tranchées sur un front de 700 km et les hécatombes de 1915-1917 remettent en question ces tactiques. Outre les premières lignes, l’artillerie frappe désormais les zones de ravitaillement et de concentration des troupes adverses, situées à une dizaine de km à l’arrière du front. Elle conquiert le terrain par un « barrage de feu roulant », inventé par les Français, pour annihiler toute résistance de l’ennemi et permettre à l’infanterie d’avancer de 200 m toutes les trois minutes. En quatre ans, cette dernière passe de 67 % à 47 % des effectifs de l’armée française. Pour éviter les pertes importantes, elle ne part plus à l’assaut par vagues de bataillons ou régiments entiers, cibles de choix pour les mitrailleuses adverses. Quoique réduites en taille, les unités d’infanterie disposent d’une puissance de feu très supérieure. Ainsi, entre 1914 et 1918, un bataillon français passe de 1.100 hommes et 24 mitrailleuses à 700 hommes, 108 mitrailleuses et 24 fusils-mitrailleurs, inexistants au début de la guerre. L’artillerie légère s’est enrichie des mortiers de 81 mm et de canons de 37 mm. De petits unités, spécialisées et très bien équipées, s’infiltrent dans le dispositif adverse pour en détecter les faiblesses et laisser aux troupes, qui les suivent, le soin de réduire les poches de résistance. Gaz et lance-flammes changent le visage du combat. L’avion de chasse, qui vole à 300 km/h en 1918 contre 100 km/h quatre ans plus tôt, dispose de lance-bombes et de mitrailleuses synchronisées, qui empêchent l’ennemi de se fixer dans des tranchées profondes comme auparavant. La mobilité, grâce au char capable de franchir les tranchées, devient un facteur de victoire. La coordination de toutes les armes et services nécessite un important travail, souvent méconnu, des états-majors. Enfin, la mise au point en 1918 du commandement unifié, confié à Ferdinand Foch, maréchal de France, de Grande-Bretagne et de Pologne, ouvre la voie aux grands combats interarmées.

L’armée allemande. L’armistice de Brest-Litovsk signé avec la Russie le 3 mars 1918 permet à l’Allemagne de concentrer ses forces sur le front Ouest. Elle veut gagner la guerre avant l’arrivée des renforts venus des Etats-Unis, qui ont décidé, le 6 avril 1917, de participer au conflit. Elle peut aligner 3,5 millions d’hommes, soit 400.000 de plus que les Alliés. Son artillerie, qui dispose de canons modernes et diversifiés, ne cherche plus à anéantir ses objectifs. Pour gagner du temps et économiser ses munitions, elle effectue des bombardements brefs et concentrés, qui conservent l’effet de surprise, sur des objectifs soigneusement repérés par l’aviation d’observation. Les tirs mixtes d’obus explosifs et toxiques empêchent les fantassins adverses de sortir de leurs abris. Les « offensives de printemps » mobilisent toutes les ressources de l’armée allemande pour percer le front par des coups de boutoir successifs. Mais elles occasionnent de lourdes pertes : 500.000 hommes entre mars et juillet puis encore 300.000 entre juillet et septembre. Faute d’une victoire décisive, l’armée allemande se met en position défensive dès le 16 juillet. Elle ne dispose pas de force adaptée contre les chars et le manque de chevaux et de camions gêne sa mobilité. Sa résistance s’écroule début novembre.

L’armée française. Les lourdes pertes de l’été 1914 font prendre conscience de l’impact des armes modernes. Dès le mois de novembre, les comportements des soldats et des matériels sont adaptés à la guerre de tranchées. L’effort porte aussi sur le développement de l’aviation et de l’artillerie. Celle-ci triple de volume en quatre ans et comble son déficit en canons de gros calibre dès 1916. La mise en place d’une réserve d’artillerie lourde permet des concentrations rapides de canons. La multiplication des tracteurs automobiles accroît la mobilité de pièces. L’aviation commence par des missions de renseignement puis acquiert, dès l’été 1917, la supériorité aérienne qui lui permet de pratiquer le bombardement sur les arrières de l’ennemi. En 1918, la coordination devient effective entre les troupes au sol, l’artillerie et l’aviation. En outre, l’armée française a multiplié son format par huit. A partir de l’été, les fantassins associent leur expérience des tranchées à la redécouverte du mouvement…qu’ils maîtrisent moins bien que les troupes d’assaut allemandes. Entre chaque offensive et malgré leur épuisement, ils doivent poursuivre l’armée allemande qui se replie. La motorisation progressive facilite leur mobilité et celle des matériels. S’y ajoute l’emploi massif de chars légers pour ébranler, lentement mais sûrement, les lignes allemandes.

L’armée américaine. Jusqu’à l’été 1918, la doctrine américaine prône la guerre de mouvement et donc l’attaque frontale de fantassins, le fusil à la main, comme…les Français en 1914 ! Les combattants en première ligne passent de 100.000 en mars à 750.000 en août. La mort de 60.000 hommes en quatre mois conduit à un infléchissement de la doctrine. Celle-ci reconnaît le rôle de l’artillerie lourde et recommande l’emploi de chars en soutien. Les soldats doivent évoluer en dispositif souple, attaquer les flancs de l’ennemi et utiliser des armes automatiques. Toutefois, la doctrine ignore la logistique (ravitaillement et munitions) et le travail d’état-major, rendant difficile la coordination avec les Alliés. Soucieux d’être « associé » à la guerre et non plus un simple exécutant, le général John Pershing obtient de Foch de participer à la reprise du saillant de Saint-Mihiel (12-13 septembre), pour couper la retraite de l’armée austro-allemande (80.000 hommes + 30.000 en réserve). Les effectifs se montent à 216.000 Américains (+ 200.000 en réserve) avec 260 chars (50 % pilotés par des Français) et 48.000 Français. Le capitaine Harry Truman, futur président des Etats-Unis (1945-1953) et le colonel Douglas Mac Arthur, qui jouera un rôle majeur dans la guerre du Pacifique (1941-1945), participent à la bataille. Avec la victoire de Saint-Mihiel, l’armée américaine a démontré sa valeur au combat, qu’elle poursuivra en Meuse-Argonne au prix de lourdes pertes. Mais elle aura réussi sa montée en puissance.

Loïc Salmon

L’exposition « Le nouveau visage de la guerre » (4 juillet-21 décembre 2018), est organisée par le Mémorial de Verdun-champ de Bataille et le National WWI Museum and Memorial de Kansas City. Elle met en exergue l’intervention des troupes américaines lors des offensives sur la Meuse en 1918. Outre des photos, documents, dessins et armes, elle présente, à l’extérieur du Mémorial, l’évolution d’une arme nouvelle : le char de combat Renault FT (6,7 t) de 1917 et le char Leclerc (57,7 t) de 1993. Cette exposition s’accompagne d’une reconstitution historique (24-26 août 2018) par environ 1.000 figurants des 18 nations belligérantes de la Grande Guerre (1914-1918) avec leurs armes et équipements. Renseignements : www.memorial-verdun.fr

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