Défense : doute sur le respect de la LPM par suite du Covid-19
La hausse budgétaire annuelle de 3 Mds€ pendant trois ans de suite, prévue dans la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, semble menacée par les mesures socio-économiques consécutives à la pandémie du Covid-19.
Telle est l’opinion du député François Cornut-Gentille, membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale et rapporteur spécial sur la défense. Il l’a expliqué au cours d’une rencontre en visioconférence organisée, le 4 novembre 2020 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.
Nécessité d’un débat public. Le Parlement pose des questions au gouvernement, sans complaisance ni agressivité délibérée, en vue d’un débat, rappelle François Cornut-Gentille. Selon lui, les trois étapes de 3 Mds€ résultent d’abord de la démission du chef d’Etat-major des armées, le général Pierre de Villiers, en 2017, puis du souci de l’Exécutif de tenir parole pour rester crédible. Elles entrent dans la cadre de la demande de l’OTAN de porter le budget de défense de chaque Etat membre à 2 % de son produit intérieur brut. Cet objectif, que pourraient rappeler les industriels de défense et leurs sous-traitants, semble désormais difficile à atteindre. Le débat parlementaire sur la défense devrait porter aussi sur le modèle d’armée, conçu pour une durée de 30-40 ans en cohérence avec le contexte géostratégique des années 1990, devenu de plus en plus complexe. Ainsi, le budget des opérations extérieures est passé de 400 M€/an à environ 1,2-1,6 Md€/an aujourd’hui. A l’époque, explique le député, le dépassement, inéluctable, était comblé par le « collectif budgétaire » interministériel (loi de finances rectificative) voté en fin d’année. Mais les armées ne disposent plus de ce dispositif pour payer également les dépenses imprévues comme : les réparations du sous-marin nucléaire d’attaque Perle, endommagé par un incendie le 12 juin 2020 ; l’achat, annoncé en septembre, par la Grèce de 18 avions Rafale d’occasion prélevés sur le parc de l’armée de l’Air, qui devra les remplacer par des appareils neufs. Cela sera gérable si la LPM est respectée, sinon une période d’incertitude s’ouvrira sur les choix à déterminer, avertit François Cornut-Gentille.
Diplomatie de défense et dissuasion. Dans son rapport intitulé « Défense : préparation de l’avenir », le député explique notamment l’influence et l’action de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées. Moteur de la montée en puissance du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) et de la participation de l’Allemagne, de l’Estonie et de la Grande-Bretagne à la stabilisation du Sahel, la DGRIS organise le rendez-vous annuel de Dakar sur la sécurité et la paix en Afrique. Elle a resserré les liens avec l’Australie, l’Inde, le Japon, la Malaisie, Singapour, l’Indonésie, le Brésil et les Emirats arabes unis. Elle soutient l’engagement des moyens militaires français pour la défense de la libre circulation navale et aérienne en mer de Chine méridionale. Par ailleurs, indique le rapport, la dissuasion nucléaire repose sur la crédibilité des outils de simulation, dont les supercalculateurs. Ils sont classés chaque année selon leur capacité cumulée en TFLOP/seconde (mesure de la rapidité de calcul et donc d’une partie de la performance). En juin 2019, ceux de la France arrivaient en 5ème position derrière ceux des Etats-Unis, de la Chine, du Japon et de l’Allemagne, mais devant ceux de l’Italie, de la Suisse, de la Corée du Sud, de la Grande-Bretagne, de Taïwan, de l’Espagne et de l’Inde.
Loïc Salmon
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