CEMA : assurer la capacité de la France à assumer son rang

Disposer d’armées prêtes à l’engagement sans délai et préserver la singularité militaire constituent les priorités du général François Lecointre, chef d’Etat-major des armées (CEMA).

Il l’a expliqué lors d’une réunion organisée, le 22 janvier 2020 à Paris, par l’Association des journalistes de défense.

L’engagement au Sahel. L’opération « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne vise à éviter la contagion du terrorisme et à maintenir le cloisonnement entre les groupes armés d’Afrique de l’Ouest, du Centre et de l’Est, qui prospèrent sur les confrontations ethniques et religieuses. Ces groupes disposent d’une technologie des engins explosifs improvisés de plus en plus sophistiquée et emploient des drones avec efficacité. Ils se réfèrent à « l’Etat islamique dans le Grand Sahara », aligné sur Daech qui se maintient par la propagande. La force « Barkhane », soit 4.500 hommes renforcés récemment par 220 personnels, concentre ses efforts sur la zone des trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Elle bénéficie de l’appui des troupes françaises en Côte d’Ivoire et va recevoir, à l’automne 2020, celui d’un contingent de forces spéciales européennes (Estonie, Belgique, République tchèque, Finlande, Norvège et Suède) de l’unité « Takuba », qui assurera la reconstruction des armées locales, leur préparation opérationnelle et le contrôle de la sécurité. La Mauritanie protège la zone à l’Ouest. Un bataillon sénégalais est déployé sur le fuseau Ouest, un bataillon malien sur le fuseau Centre et un bataillon nigérien sur le fuseau Est. La force « Barkhane » est parvenue à maintenir la violence au niveau le plus bas possible, malgré la propagande anti-française alimentée par des factions politiques locales, mais ne peut pas continuer seule, souligne le général Lecointre. Lors du sommet de Pau (13 janvier 2020), le président de la République, Emmanuel Macron, a rappelé les pertes de soldats français et nigériens fin 2019 à ses homologues du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) pour qu’ils mettent à profit les efforts tactiques des armées pour restaurer l’autorité de l’Etat dans leur pays et y assurent la sécurité, clé du développement, par les efforts budgétaires nécessaires.

D’autres acteurs. La force « Barkhane » ne dispose pas de moyens suffisants pour surveiller toute la bande sahélo-saharienne, aussi vaste que l’Europe. Elle dépend des moyens de transport stratégique, de renseignement d’origine électromagnétique et de ravitaillement en vol et des drones américains. Selon le CEMA, les Etats-Unis comprennent que la France ne peut agir seule dans cette région et que le retrait de leurs forces serait contre-productif. Par ailleurs, les relations avec la Russie ont repris, notamment aux niveaux de la Direction du renseignement militaire et de l’armée de Terre. Le CEMA dispose d’une ligne téléphonique directe avec son homologue russe, le général Valery Gerasimov. Des entretiens ont eu lieu sur le terrorisme et l’emploi de l’arme chimique en Syrie. Il s’agit d’éviter une confrontation militaire au Levant et une déstabilisation en Centrafrique.

La spécificité militaire. Selon le CEMA, le haut commandement souhaite conserver des armées jeunes, garanties de leur efficacité et de leurs forces morales et physiques, en facilitant les flux sortants. Les officiers et sous-officiers bénéficient de la jouissance immédiate de leur retraite, avec des points de bonification en fonction de leurs engagements dans certaines opérations et des primes liées à leurs spécialités. Les opérations sont conduites selon le code de la défense.

Loïc Salmon

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