Terrorisme : les forces armées préservées de la radicalisation

L’étanchéité des armées vis-à-vis de la radicalisation islamique s’explique par leur métier au service de la nation et des valeurs républicaines et dans le respect de la loi. Les enquêtes préalables au recrutement renforcent la prévention.

C’est ce qui ressort d’un rapport d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale, élaboré par les députés Eric Diard et Eric Poulliat et rendu public le 27 juin 2019.

La loi SILT. La loi du 30 octobre 2017, qui renforce la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT), permet de vérifier, tout au long de leur carrière, l’éventuelle radicalisation de personnels exerçant des missions relatives à la souveraineté de l’Etat. Le Service national des enquêtes administratives de sécurité donne son avis sur le recrutement, l’affectation, la titularisation des militaires, policiers, douaniers, officiers de port et agents de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information. En cas de comportement devenu incompatible avec ses fonctions, la personne est mutée ou affectée à un autre emploi.

Les armées. Du fait de la menace grave sur la sécurité publique, l’enquête sur un militaire peut déboucher sur sa radiation des cadres ou la résiliation de son contrat. Toutefois, la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense considère comme faible le niveau de la menace de radicalisation liée à l’islam djihadiste sunnite au sein du ministère des Armées, tant du profil que du volume de personnels concerné. Au sein de l’armée de Terre, la radicalisation islamique ou politique (ultra-droite, surtout dans la réserve) est estimée à 0,05 %. Aucun risque de radicalisation au contact des populations lors d’opérations extérieures n ‘a été constaté. La proportion tombe à 0,03 % dans la Marine, car les périodes à terre restent trop courtes pour être propices au prosélytisme. Aucun marin n’est fiché « S ». Dans l’armée de l’Air, le nombre très limité de signalements de radicalisation concerne des militaires convertis à l’islam, surtout des hommes du rang. La très grande majorité des anciens militaires, candidats aux filières djihadistes, n’avait passé que peu de temps dans les armées et était partie en Irak et en Syrie plusieurs années après.

Une radicalisation protéiforme. Le rapport cite une étude, menée de septembre 2016 à décembre 2017 par des chercheurs de l’Université Paris X Nanterre et qui distingue quatre types de radicalité. La 1ère, qualifiée de « radicalité apaisante », concerne surtout les jeunes filles en quête de protection contre des violences subies ou des désordres familiaux. La 2ème, « radicalité rebelle », touche des enfants de familles plus protectrices, où l’adoption d’un discours radical répond à un besoin d’opposition au cadre familial. La 3ème, « radicalité agnostique », porte sur des garçons vivant dans des familles déstructurées et qui cherchent la revalorisation de soi par la            provocation, surtout envers les éducateurs. La 4ème, « radicalité utopique », concerne des enfants d’immigrés de la première génération et stables socialement. Leurs parents, plutôt ouvriers qualifiés ou artisans qu’ouvriers spécialisés, les poussent à réussir scolairement, afin de connaître une ascension sociale par procuration. Bons élèves du primaire au collège, ils résistent mal à la confrontation résultant de la compétition dans le secondaire et se sentent incapables de remplir le rôle que leurs parents attendent d’eux. Ils trouvent alors dans le djihadisme un vecteur pour porter la critique de l’école et de la famille.

Loïc Salmon

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Les Français du jour J

Parachutistes, fusiliers-marins commandos, aviateurs et marins, soit plus de 3.000 militaires français participent au débarquement du 6 juin 1944 (15 tués) en Normandie et plus de 20.000 dans la bataille éponyme qui suit (plusieurs centaines de morts).

L’opération « Overlord » a mobilisé des milliers d’aviateurs (227 Français à bord de 135 appareils) pour assurer la maîtrise du ciel, 196.000 marins (environ 2.600) qui arment les navires, 24.000 parachutistes (38) largués derrière les lignes allemandes et 132.715 hommes (177) pour le débarquement proprement dit. La modicité des effectifs français, issus surtout des anciennes Forces françaises libres, s’explique par la nécessité de conserver le gros des troupes françaises stationnées en Afrique du Nord et en Italie pour le débarquement de Provence, qui aura lieu le 15 août suivant. La participation française doit beaucoup à la compréhension des chefs militaires britanniques, qui parviennent à convaincre leurs homologues américains, réticents au début, d’engager la 2ème Division blindée dans la bataille de Normandie et la libération de Paris le 25 août. Le général de Gaulle, chef de la France libre, avait pourtant demandé, à la fin de 1943, un engagement terrestre d’au moins une ou deux divisions le jour J. Prévenu la veille, il a été profondément déçu de la faiblesse de la participation française, reflet selon lui d’un manque de considération des Alliés et d’une représentativité de la force reconstituée de la France insuffisante pour asseoir sa légitimité dans le monde. En fait, sur le plan opérationnel, les Alliés n’informent pas les Français par crainte que le renseignement parvienne aux oreilles des Allemands. Sur le plan politique, le président américain Roosevelt et le Premier ministre britannique Churchill tiennent de Gaulle à l’écart, car ils ne lui reconnaissent pas encore la légitimité de gouverner les territoires français qui seront libérés. Pourtant, les premiers soldats alliés à fouler le sol de France seront les 177 Français du 1er Bataillon de fusiliers marins au béret vert avec l’insigne orné de la croix de Lorraine. Le jour J, la participation française inclut : plus de 1.500 marins des croiseurs Georges-Leygues et Montcalm, venus d’Afrique du Nord ; 500 parachutistes intégrés au 4ème Régiment de la Brigade SAS (Special Air Service) britannique ; des navires d’escorte, à savoir les corvettes Aconit, Renoncule, Roselys et Commandant-d’Estienne-d’Orves et les frégates Aventure, Découverte, Escarmouche et Surprise ; les groupes de chasse « Alsace » et « Ile-de-France » des Forces aériennes françaises libres (FAFL) et les groupes de chasse « Cigognes » et « Berry », venus d’Afrique du Nord ; le groupe de bombardement « Lorraine » (FAFL) ; les combattants de l’ombre de la Résistance, qui entreront en action sur les arrières des troupes allemandes. Pendant les années de pouvoir du général de Gaulle (1944-1946 et 1958-1969), le jour J sera exclu de la mémoire française de la Libération. Cela s’explique par l’effectif français, trop petit pour coller au grand récit de « la France libérée par elle-même », à savoir à peine 3.000 hommes par rapport aux 150.000 Résistants et 250.000 hommes des forces françaises du débarquement de Provence. Abondamment documenté, l’ouvrage relate, à partir de nombreux témoignages, les péripéties diplomatiques, la préparation et la conduite des opérations du jour J concernant la participation française.

Loïc Salmon

« Les Français du jour J » par Benjamin Massieu. Editions Pierre de Taillac, 418 pages, nombreuses illustrations, 24,90 €.

Jour-J

Churchill De Gaulle

Provence 1944

 




Armée de l’Air : anticipation, audace et créativité

Les capacités de décider et de gérer l’aléatoire entrent dans la formation des cadres de l’armée de l’Air, qui devra créer compétences et scénarios pour les missions du futur, plus complexes.

Ces questions ont fait l’objet du colloque qu’elle a organisé le 29 novembre 2018 à Paris. Y sont notamment intervenus : le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA), le général d’armée aérienne Philippe Lavigne ; Olivier Zadec, maître de conférences, université Lyon 3 « Jean Moulin » ; le général de brigade aérienne Frédéric Parisot, sous-chef d’état-major « préparation de l’avenir » ; le lieutenant-colonel Anne-Laure Michel, directrice générale de la formation militaire à l’Ecole de l’air de Salon-de-Provence (photo).

Projets structurants 2019-2025. Dans le document « Plan de vol » de l’armée de l’Air présenté lors du colloque, le CEMAA avertit que l’emploi de la puissance aérienne pourrait se trouver, à terme, entravée par la contestation croissante du milieu aérien. Cela résulte du durcissement de la dynamique des Etats puissances (Russie et Chine) et des organisations non étatiques ainsi que de la fragilisation des mécanismes de régulation internationaux. Le « Plan de vol » s’inscrit dans la remontée en puissance de l’armée de l’Air, initiée par la loi de programmation militaire 2019-2025. Il doit lui permettre de garder un temps d’avance et de conserver à la France une position forte sur la scène internationale. L’armée de l’Air assure en permanence la maîtrise du domaine aérien et spatial ainsi que la composante aérienne de la dissuasion nucléaire, avec la Marine nationale. Ses modes d’action vont du recueil de renseignement au déploiement de forces terrestres et de la destruction des moyens militaires adverses aux missions humanitaires. La puissance permet de conserver l’avantage en opération, souligne le CEMAA. Elle se combine avec une « agilité », accrue notamment par : l’avion de ravitaillement en vol et de transport stratégique Phénix ; le commandement des opérations aériennes « JFAC France » dans le cadre de l’OTAN ; les opérations spatiales ; le Rafale au standard F3-R, équipé du missile air-air longue portée Meteor, de la nacelle de désignation d’objectif Talios et de la version à guidage terminal laser de l’armement air-sol modulaire, adapté aux cibles mobiles ; le drone Reaper armé ; les capacités de lutte contre le déni d’accès à un théâtre ; la modernisation de la composante nucléaire aéroportée ; le système franco-allemand de combat aérien futur. Lors d’une rencontre avec la presse, le CEMAA a indiqué que l’avion de transport tactique A400M est en train d’acquérir les capacités d’atterrissage sur terrain sommaire et de largage de parachutistes par la porte arrière (ouverture commandée) et par les portes latérales (ouverture automatique). En outre, le ravitaillement en vol d’hélicoptères, qui leur permettra d’aller plus loin dans la profondeur, évitera d’installer des plots de ravitaillement au sol. Il réduira d’autant « l’empreinte au sol » des forces spéciales, qui imaginent l’usage de certains équipements pour répondre aux menaces existantes ou futures. Par ailleurs, « agilité » et « audace » induisent le décloisonnement des organisations et le recours aux « Big data » (mégadonnées), à l’intelligence artificielle (IA, transformation numérique) et à la connectivité. Sont ainsi concernés : le combat aérien ; la capacité de l’hélicoptère lourd ; l’action aérienne de l’Etat ; le Rafale au futur standard F4, successeur du F3-R à partir de 2025, équipé d’un système de reconnaissance capable de trier en direct les éléments d’intérêt militaire ; l’avion léger de surveillance et de reconnaissance ; la capacité universelle de guerre électronique, à savoir trois avions de renseignement stratégique livrables entre 2025 et 2027. Enfin, la coopération en interalliés porte sur l’interopérabilité entre les armées de l’Air française, américaine et britannique ainsi que sur l’installation d’un escadron de transport franco-allemand de six Hercules C-130J à la base d’Evreux.

Complexité et accélération. La complexité politique d’un conflit, consécutive à la culture et à l’Histoire, s’inscrit dans le temps long, explique Olivier Zadec. Elle inclut le temps réel des opérations, avec des lignes de réaction politiques à prévoir. Il s’agit de trouver l’équilibre entre le temps prévisible et le temps imprévu. La transformation de très nombreuses données en connaissance entre dans l’accélération de la boucle décisionnelle, en vue de réduire l’adversaire. L’OTAN a fabriqué de l’interopérabilité mais laisse l’indispensable autonomie de décision. Or la réactivité se vit au quotidien avec une action sur court préavis, rappelle le général Parisot. Les frappes en coalition se décident en quelques heures. Les avions peuvent décoller entre 2 et 7 minutes, avec la capacité de rappel pour un raid limité au résultat le plus significatif. La réussite de la mission rend impératif le recours à l’innovation technologique. L’IA prépare les informations utiles, complétées par celles de l’état-major, et présente des options au chef, qui décidera en toute connaissance de cause. Ainsi, au Levant, indique le général Parisot, média et réseaux sociaux influencent le rythme des opérations. En effet, une mission peut être interrompue à la suite d’une information, dont la vérification fera perdre du temps. Seul un modèle d’armée complet permet de trouver une place dans une coalition, mener une action autonome et disposer d’une certaine masse pour rester longtemps sur plusieurs théâtres et affronter une menace nouvelle, souligne le général. Enfin, le maintien de la supériorité opérationnelle, par l’innovation technologique, répond à l’ambition de pouvoir, en permanence, entrer en premier sur un théâtre, capacité des seules forces armées américaine, britannique et française.

Loïc Salmon

Le taux de féminisation dépasse 20 % dans l’armée de l’Air et dans son Ecole de Salon-de-Provence. Quoique toutes les spécialités soient ouvertes aux femmes, faute de volontaires aux aptitudes suffisantes, elles ne sont que 12 pilotes de chasse, dont le lieutenant-colonel Anne-Laure Michel. Selon elle, les élèves de l’Ecole de l’air, âgés de 18 à 30 ans, ultra-connectés car nés à l’ère du numérique et des réseaux sociaux, s’adaptent vite à la formation scientifique et technique dispensée. Une « smart school » ou formation à la carte, via la communication par internet, est en cours ainsi que des licences d’excellence sur le cyber, l’espace et les drones. Tout au long de sa carrière, un officier pourra accéder à son « passeport numérique de compétences ». La préparation au commandement consiste à faire prendre conscience de l’engagement en alliant compétences et qualités humaines pour obtenir l’adhésion des équipiers. Par exemple, lors de l’opération « Pamir » en Afghanistan (2001-2014), une mission de 6 heures, avec ravitaillements en vol dans un environnement hostile avec tirs possibles de missiles sol-air, était toujours dirigée par un « leader » apportant précision et audace. L’incertitude fait partie du métier de pilote de chasse, qui doit prendre la bonne décision au bon moment pour remplir sa mission. Les exercices interalliés permettent d’élaborer des méthodes communes par un travail « collaboratif », en vue d’une opération ultérieure en coalition.

Armée de l’Air : l’humain, les opérations et la modernisation

Armée de l’Air : le combat numérique au cœur des opérations




Faut-il recréer un service national ?

Le projet de « service national universel », qui nécessite une révision de la Constitution pour le rendre obligatoire, devrait être testé en 2019 et étendu progressivement pour toucher toute une classe d’âge en 2026.

Le service « militaire » des jeunes gens, personnel dès 1872 et universel en 1889, devient réellement égalitaire en 1905. Il vise aussi à renforcer le patriotisme et l’esprit démocratique à travers des conférences, visites et lectures. Les étudiants peuvent exercer des fonctions de sous-officiers et d’officiers de réserve. Le premier conflit mondial, guerre de la nation armée, mobilise 80 % des hommes de 18 à 48 ans. L’engagement volontaire, qui permet de choisir son arme, attire les élites sociales et intellectuelles vers la Marine, l’aéronautique naissante et l’artillerie, où les besoins de compétences techniques grandissent. L’universalité et l’égalité du service militaire, vecteur de cohésion nationale et de brassage social, se maintiennent pendant l’entre-deux guerres. Sa durée varie de 18 mois à un an, puis à deux ans. Le lieutenant-colonel de Gaulle, partisan de « l’armée de métier » en 1934, changera d’avis lorsqu’il commandera un régiment de chars de combat comme colonel. Il constate en effet que les « appelés » sont tout à fait capables de servir des armements modernes. La convention d’armistice du 22 juin 1940 interdit la conscription, qui sera rétablie en 1945. La durée d’un an du service militaire passe à 18 mois en 1950, pour permettre à la France de répondre à ses engagements au sein de l’OTAN. Le « contingent », exclu de la guerre d’Indochine (1946-1954), participe massivement à celle d’Algérie avec 1,2 million de jeunes gens mobilisés entre 1954 et 1962, pour des durées de 18 à 33 mois avec des particularités à l’encontre de l’égalité affichée. Ne se sentant guère concernés par un « conflit de décolonisation », les « appelés » ne suivent pas les chefs militaires et les unités professionnelles rebelles lors du « putsch » des généraux (avril 1961). Il s’ensuit une fragilisation du lien entre la nation et son armée. L’ordonnance de 1959 officialise le service « national », composé du service « militaire » et du service de « défense » pour les besoins en personnel non militaire. En 1965, il inclut des formes totalement civiles favorisant étudiants et catégories sociales aisées, à savoir « coopération » dans les anciennes colonies, aide technique dans les départements et territoires d’outre-mer, affectations en ambassade, dans des entreprises françaises à l’étranger (1984) ou la police (1985). Le « statut d’objecteur de conscience », reconnu dès 1963, implique de servir 20 mois dans une administration ou une association à but social ou humanitaire, au lieu de 18, 16, 12 et enfin 10 mois dans les armées. Les « appelés » constituent les deux tiers de l’effectif de l’armée de Terre, un peu moins du tiers de celui de l’armée de l’Air, un quart de celui de la Marine nationale et 10 % de celui de la Gendarmerie. Ils ne participent ni aux opérations extérieures (Opex) au Tchad, en Centrafrique et au Zaïre, ni à la guerre du Golfe (1991). La conscription, suspendue par la loi du 28 octobre 1997, peut être rétablie le cas échéant. Cette décision, effective en 2002, repose sur : l’inutilité de gros effectifs en raison de la dissuasion nucléaire ; un coût élevé ; l’obligation d’un vote de l’Assemblée nationale pour l’envoi du « contingent » en Opex. Le recensement et l’appel de préparation à la défense restent obligatoires pour tous, filles comprises.

Loïc Salmon

« Faut-il recréer un service national », ouvrage collectif. Éditions L’Harmattan, 268 pages. 25 €

Exposition « France Allemagne (s) 1870-1871 » aux Invalides

Exposition « Images interdites de la Grande Guerre » à Vincennes




Guyane : zone stratégique sur le continent sud-américain

Les Forces armées en Guyane (FAG) assurent la protection de ce département, qui abrite le Centre spatial européen de Kourou. Elles contribuent aussi à la préservation des intérêts français en Amérique du Sud.

Leur commandant supérieur, le général de division aérienne Didier Looten, l’a expliqué le 29 novembre 2018 à la presse, lors d’une visioconférence.

Enjeux et moyens. Seul département d’outre-mer continental, la Guyane française s’étend sur 84.000 km2, dont 95 % de forêt tropicale. Elle possède 380 km de frontière maritime et des frontières terrestres de 530 km avec le Suriname et de 740 km avec le Brésil. Son chef-lieu, Cayenne, se trouve à 7.000 km de Paris et 1.400 km de Fort-de-France (Martinique). Forces de souveraineté, les FAG assurent la connaissance et la veille sur une zone de responsabilité permanente (ZRP) couvrant une vingtaine de pays, du Brésil au Mexique, pour anticiper les crises et collectent du renseignement d’intérêt militaire. En cas de crise, elles ont pour mission de planifier et de conduire une intervention et acheminer des secours d’urgence, dans leur ZRP ou sur le territoire national, notamment par un appui aérien aux Antilles. Par leur présence, elles contribuent à la stabilité de la ZRP et entretiennent une coopération militaire avec le Suriname et le Brésil. Les FAG comptent 2.100 militaires, dont la majorité en mission de longue durée (2 ans) et 200 civils. Environ 400 sont sur le terrain pour garantir les postures permanentes de sûreté aérienne (deux à trois sorties par jour) et de sauvegarde maritime. La Base aérienne 367 accueille 3 avions cargos tactiques Casa, 4 hélicoptères légers polyvalents Fennec et 5 hélicoptères de manœuvre Puma. La base navale de Dégrad-des-Cannes abrite : les patrouilleurs légers La-Confiance (en service en 2016) et La-Résolue (2017), adaptés aux besoins spécifiques de la Guyane ; l’embarcation remonte-filet La-Caouanne (2015). La Gendarmerie maritime dispose de deux vedettes, l’une à Dégrad-des-Cannes, et l’autre à Kourou. L’armée de Terre déploie le 9ème Régiment d’infanterie de marine, le 3ème Régiment étranger d’infanterie et un régiment de service militaire adapté. Le groupement de soutien de la base de défense inclut : dépôt de munitions ; Services de santé, du commissariat et des essences ; réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information.

Protection du territoire national. En soutien de l’action de l’Etat, les FAG participent à l’opération « Harpie » de lutte contre l’orpaillage illégal. Outre Cayenne, elles disposent de quatre bases opérationnelles avancées, situées dans des zones de gisement aurifères (voir photo). Depuis 2017, cette opération est coordonnée avec le Suriname et le Brésil, en vue de faire évoluer la réglementation internationale pour éradiquer les flux d’orpaillage et logistiques illégaux. La capacité des FAG à tenir le terrain, par des patrouilles de longue durée, est assurée par des relèves par hélicoptères (30 à 45 minutes de vol depuis Cayenne). Cette lutte se complète par le développement d’activités économiques. L’opération « Polpêche » implique l’emploi de patrouilleurs légers à propulsion diesel électrique pour des missions d’observation et de contrôle, y compris de nuit, des bateaux de pêche illégaux, conjointement avec les forces navales brésiliennes. Enfin, l’opération « Titan » de protection du Centre spatial guyanais peut mobiliser de 150 à 400 militaires selon les lancements, pendant environ 60 jours par an. Le Centre de Kourou a procédé à 11 tirs en 2017.

Loïc Salmon

Territoire national : protection permanente contre intrusions aériennes et maritimes

Espace exo-atmosphérique : compétition stratégique




Gendarmerie : moyens et effectifs renforcés pour la lutte contre le terrorisme

Le dispositif juridique et légal contre le terrorisme, consécutif aux attentats depuis 2015 en France et à l’état d’urgence levé en 2017, a débouché sur une nouvelle architecture de la sécurité, du sommet de l’Etat au gendarme de base dont la formation a été adaptée.

Le général de corps d’armée (2S) Alain Giorgis l’a expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 18 septembre 2018 à Paris, par l’Association des auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale région Paris Île-de-France.

La France ciblée. Avec 260 morts depuis 2013, la France est devenue la première cible du terrorisme devant les Etats-Unis, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, rappelle le général. L’Etat islamique (Daech) accorde une grande importance à la France en raison de son intervention au Levant, mais aussi parce qu’elle symbolise la laïcité et la dégradation des mœurs. Quelque 400.000 sympathisants salafistes, favorables à l’application de la « Charia » (loi islamique), vivent dans les régions Provence-Côte d’Azur, Auvergne et Île-de-France ainsi que dans le Grand-Ouest (Bretagne, Normandie et Pays de Loire). Une radicalisation par le sport est apparue. Des organisations recrutent des jeunes sans lien direct avec Daech, mais « accros » aux réseaux sociaux et fragiles psychologiquement. Ceux qui passent à l’acte crient « Allahou akbar » (Dieu est grand) pour prêter allégeance à Daech, qui revendique alors l’attentat. Certains procèdent à des tueries de proximité ou de masse sous la conduite de chefs, comme au Bataclan à Paris le 13 novembre 2015. D’autres agissent isolément au couteau, en camion ou en voiture pour créer émotion et psychose.

L’arsenal juridique. Les lois sur la lutte contre le terrorisme se succèdent depuis celle du 13 novembre 2014, qui prévoit l’interdiction administrative de sortie du territoire et la répression de l’apologie du terrorisme par interruption de « clouds » (ensembles de services informatiques). Celle du 24 juillet 2015 sur le renseignement, nécessaire pour anticiper, détecter et neutraliser les menaces, autorise le balisage des véhicules, la sonorisation (écoutes) et la captation d’images et de données informatiques dans des lieux privés. Celle du 20 novembre 2015 prolonge l’état d’urgence. Entre le 14 novembre 2015 et le 1er mai 2016, celui-ci a permis de procéder à 3.566 perquisitions de jour et de nuit, dont le bilan s’établit à 749 armes découvertes, 552 infractions constatées, 418 interpellations, 362 gardes à vue et 72 assignations à résidence. La loi du 1er mars 2017 habilite les policiers et les militaires de l’opération « Sentinelle » (protection des points « sensibles ») à tirer pour interrompre un péril imminent et sans autre possibilité d’action, droit réservé auparavant aux gendarmes. La loi du 21 juillet 2017 prévoit des peines jusqu’à 30 ans de prison. Enfin, la loi du 1er novembre 2017, qui met fin à l’état d’urgence, précise que le préfet décide du périmètre de sécurité. En outre, le juge des libertés peut autoriser la visite de nuit au domicile d’un suspect si huit conditions sont remplies.

Les forces. Selon le général Giorgis, la Direction générale du renseignement intérieur aura vu son budget et ses effectifs croître de 30 % entre 2015 et 2018. La Gendarmerie a eu accès à un fichier de 20.000 personnes signalées. Les forces de sécurité s’articulent entre 140.000 policiers et 100.000 gendarmes, avec un état-major opérationnel commun de prévention du terrorisme rattaché à l’UCLAT (Unité de coordination de lutte antiterroriste) de la Police nationale. Environ 90.000 policiers et 80.000 gendarmes se trouvent « au contact » d’un éventuel acte terroriste par des patrouilles sur tout le territoire national. Le « primo-arrivant », témoin d’un comportement suspect, doit avertir son centre opérationnel, évaluer la menace, renseigner et encadrer l’adversaire ou même le neutraliser. La Gendarmerie dispose de quatre unités d’intervention rapide par hélicoptère à partir de Satory et, dans chaque département, d’un peloton de surveillance et d’intervention composé de sous-officiers d’active et de réserve, pour agir vite dans un rayon de 5 à 6 km. D’une façon générale, tout gendarme témoin d’une menace ou d’un acte terroriste, le signale sur le numéro de téléphone portable du directeur général de la Gendarmerie, qui en informe immédiatement les autorités politiques. Les gendarmes réservistes suivent une formation spécifique pour participer à « Sentinelle ». En janvier 2015, 150 postes de gendarmes ont été créés pour le renseignement dans une vingtaine de zones « chaudes ». En novembre 2015, 5.000 nouveaux postes (3.000 pour la Police et 2.000 pour la Gendarmerie) ont été ouverts et seront suivis de 1.900 autres entre 2017 et 2022. Le Groupement d’intervention de la Gendarmerie nationale patrouille dans les avions et les trains de façon aléatoire. Au niveau européen, indique le général Giorgis, le commissaire pour la sécurité a alerté sur la radicalisation et la menace hybride et plaidé pour le contrôle PNR (données des dossiers des passagers) dans les avions et le durcissement de celui des « précurseurs » servant à la fabrication d’explosifs, comme le nitrate d’ammonium et l’acide sulfurique. Il recommande aussi la mise sur pied de 10.000 gardes-frontières dans l’espace Schengen (26 pays). Actuellement, 300 gendarmes et 100 policiers sont affectés à la surveillance de la frontière franco-italienne. En matière de lutte contre le terrorisme au sein de l’Union européenne, les échanges sont considérés comme bons avec l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et l’Espagne, mais difficiles avec les pays de l’Est où les filières tchétchènes et ukrainiennes sont très bien organisées. Enfin, conclut le général Giorgis, il faut quand même 2 à 3 ans pour former un gendarme recruté en 2017. C’est un gage d’efficacité mais aussi un répit, car les premiers djihadistes incarcérés sortiront de prison en 2020-2023 et la radicalisation se poursuit sur internet.

Loïc Salmon

La Gendarmerie assure un maillage de 55 % de la population sur 97 % du territoire métropolitain et de l’Outre-mer (Saint-Pierre-et-Miquelon, Guadeloupe, Martinique, Nouvelle-Calédonie, Mayotte, La Réunion, Guyane, Saint-Martin et Polynésie française). La Gendarmerie départementale déploie 62.255 personnels pour la sécurité, le contact avec la population, la proximité (3.400 points d’accueil) et les secours. Elle dispose d’unités spécialisées : police judiciaire ; motos ; intervention ; chiens ; négociateurs ; montagnards ; hélicoptères ; bateaux ; spéléologues. La Gendarmerie mobile compte 12.500 militaires pour maintenir ou rétablir l’ordre. Ils se répartissent en 108 escadrons, dont 25 en permanence dans l’Outre-mer et en opérations extérieures. Chaque escadron se déplace 8 mois par an. La Gendarmerie mobile, qui apporte son concours à la Gendarmerie départementale, inclut le Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale pour gérer les crises. Il existe aussi des gendarmeries détachées pour emploi auprès de la Marine nationale, de l’armée de l’Air, de la Direction générale de l’armement et de la Direction générale de l’aviation civile. S’y ajoutent la Garde républicaine et la Gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires.

Gendarmerie : lutte contre le terrorisme et renseignement

Terrorisme : compétence judiciaire dès la préparation

Garde nationale : catalyser les réserves militaires et civiles




Défense : les armées, réserves et dépenses en 2017-2018

Le ministère des Armées a rendu publics, en octobre 2018, les chiffres clés des forces françaises, engagées sur le territoire national et dans le monde, ainsi que ceux des contributions à la Garde nationale et des dépenses militaires des pays membres de l’OTAN.

Présence diversifiée. Selon l’Etat-major des armées, plus de 30.000 militaires sont déployés en opérations en juillet 2018, dont 13.000 en métropole. Les forces de souveraineté se montent à 7.150 personnels, dont 1.000 aux Antilles, 2.100 en Guyane,1.700 à La Réunion, 1.450 en Nouvelle-Calédonie et 900 en Polynésie française. Les forces de présence totalisent 3.700 militaires, dont 350 au Sénégal, 900 en Côte d’Ivoire, 350 au Gabon, 1.450 à Djibouti et 650 aux Emirats arabes unis. Les opérations extérieures mobilisent 5.600 personnels, dont 4.500 pour l’opération « Barkhane » (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) et 1.100 pour l’opération « Chammal » (Syrie et Irak). L’ONU emploie 780 militaires français, dont 700 dans l’opération « Daman » au Liban et 80 dans des missions en Afrique (Sahara, Mali, Libéria, Centrafrique et République démocratique du Congo). En outre, 175 militaires français se trouvent engagés sous la bannière de l’Union européenne, dont 100 dans l’opération « Sophia » de lutte contre le trafic de migrants en Méditerranée et 75 dans les opérations « Atalante (lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden et l’océan Indien), « Themis » (contrôle des frontières en Méditerranée centrale pour aider l’Italie) et « Indalo » (Méditerranée occidentale). L’OTAN emploie 400 militaires français, dont 300 de l’armée de Terre en Lituanie et 100 de l’armée de l’Air en Estonie. La Marine nationale déploie 1.350 personnels sur toutes les mers du monde, dont 700 pour la mission « Jeanne d’Arc » (Groupe Ecole d’application des officiers de marine), 200 dans l’Atlantique Nord, 200 dans la CTF 150 (force opérationnelle combinée) de lutte contre le terrorisme en mer d’Arabie et en océan Indien et 250 dans la mission « Corymbe » de présence contre la piraterie dans le golfe de Guinée et au large de l’Afrique de l’Ouest. Les forces aériennes stratégiques assurent la dissuasion nucléaire depuis 1964 et la Force océanique stratégique depuis 1972.

Participation à la Garde nationale. Les effectifs de la réserve opérationnelle, hors Gendarmerie, mis à la disposition de la Garde nationale, totalisent 36.312 volontaires sous contrat ESR (engagement à servir dans la réserve) au 31 décembre 2017. Ceux-ci se répartissent entre 9.408 officiers, soit 25,9 % du total, 11.542 sous-officiers (31,8 %) et 15.362 militaires du rang (42,3 %). L’armée de Terre fournit 21.668 personnels, soit 59,7 % du total, la Marine 5.398 (14,9 %), l’armée de l’Air 5.554 (15,3 %), le Service de santé des armées 2.998 (8,3 %), le Service du commissariat des armées 469 (1,3 %), le Service des essences des armées 130 (0,4 %) et la Direction générale de l’armement 95 (0,3 %).

Dépenses militaires. Le Mémorandum statistique de l’OTAN de décembre 2017 indique les dépenses de défense, pensions comprises, des principaux pays membres, calculées en dollars au prix de 2010. Les Etats-Unis arrivent en tête avec 617,7 Md$, soit 3,57 % du produit intérieur brut, devant la Grande-Bretagne avec 59,2 Md$ (2,12 %), la France avec 51,1 Md$ (1,78 %), l’Allemagne avec 47,9 Md$ (1,24 %), l’Italie avec 23,7 Md$ (1,12 %), les Pays-Bas avec 10,6 Md$ (1,15 %) et l’Espagne avec 14 Md$ (0,92 %). Les 20 pays européens membres, hors Grande-Bretagne, totalisent 199 Md$ (1,39 %).

Loïc Salmon

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Garde nationale : faciliter l’engagement et fidéliser

Aujourd’hui, les armées et notamment l’opération « Sentinelle » de protection des points sensibles ne peuvent fonctionner sans les réservistes, militaires à part entière pendant leurs périodes d’incorporation.

Le général de brigade de la Gendarmerie Anne Fougerat, secrétaire générale de la Garde nationale (GN) l’a rappelé, le 8 octobre 2018 à Paris, devant l’Association des journalistes de défense à l’occasion de la « Journée nationale du réserviste » (13 octobre-11 novembre). Installée à l’Ecole militaire, la GN, codirigée par les ministres des Armées et de l’Intérieur, dispose d’un état-major de 14 personnes à la disposition de sa secrétaire générale : 2 officiers et 1 soldat pour l’armée de Terre ; 1 officier pour l’armée de l’Air ; 1 commissaire pour la Marine nationale ; 2 officiers et 2 sous-officiers pour la Gendarmerie ; 1 officier pour la Police ; 2 personnes du ministère de l’Intérieur ; 2 postes à pourvoir. Son secrétariat général est assuré par rotation tous les deux ans entre les deux ministères, le général Fougerat, représentant celui de l’Intérieur jusqu’en 2020.

Les réservistes. Le candidat à la réserve choisit de préférence l’armée qu’il connaît puis, une fois admis, devient réserviste dans la GN, précise sa secrétaire générale. Quoique la limite d’âge d’entrée dans la réserve soit fixée à 40 ans, il s’agit surtout de recruter des jeunes, avec des exceptions pour des spécialistes pouvant apporter leur concours aux armées. Les réservistes, dont 20,5 % de femmes, se répartissent à raison de 45 % pour les militaires du rang, 38 % pour les sous-officiers et 17 % pour les officiers. Leurs tranches d’âge varient de 37 % pour           les moins de 30 ans, 16 % pour les 30-39 ans, 19 % pour les 40-49 ans et 28 % pour les plus de 50 ans. La réserve de la Police nationale compte 86 % de plus de 55 ans et 91 % issus de ses rangs ou d’anciens adjoints de sécurité. Globalement, 66,4 % de réservistes de la GN viennent de la société civile avec des variantes pour les armées en général (59 %) et la Gendarmerie en particulier (76 %). Les actifs constituent 49 % des réservistes, suivis des étudiants (19 %) et des retraités (13%), le reste (19 %) n’étant pas « renseigné ». Toutefois, le taux d’attrition, par limite d’âge ou pour raisons personnelles, atteint 17 %. Il s’agit donc, indique le général Fougerat, de recruter des jeunes pour y pallier. La GN comptera 75.088 réservistes fin 2018. Les « réservistes opérationnels connectés », mobilisables par SMS, parfois après leur journée de travail, assurent des relèves sous l’autorité de personnels d’active. Chaque jour en 2017, 978 réservistes des armées ont participé à la protection du territoire national (+ 22,7 % en un an), essentiellement pour « Sentinelle » ou la protection d’emprises et pour celle des approches aériennes, la défense maritime du territoire, le soutien opérationnel ou la protection du secret.

Leurs employeurs. En 2017, la GN a employé, quotidiennement, 6.989 réservistes qui ont effectué en moyenne 35,2 jours d’activité. Sa secrétaire générale veut dynamiser les relations avec les universités et les entreprises, objets de conventions par l’intermédiaire de 93 « correspondants réserve-entreprise défense ». Selon une étude réalisée en juin 2017 auprès de 200 entreprises et de 4.500 réservistes, ces derniers en augmentent la valeur sur les plans humain, de la marque, des clients, du savoir et de l’organisation. Il reste à améliorer la protection sociale du réserviste, pour que son activité dans la GN ne lui cause pas un préjudice financier s’il est blessé. La Gendarmerie a déploré 70 blessés en service en 2017.

Loïc Salmon

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Défense : la jeunesse au cœur du lien Armées-Nation

L’existence d’une armée professionnelle repose sur la force de son lien avec la nation. Le ministère des Armées contribue à la cohésion nationale et l’éducation civique et citoyenne par son savoir-faire et son expertise.

Le général de corps d’armée Daniel Ménaouine, directeur du Service national et de la Jeunesse, l’a expliqué à la presse le 30 août 2018 à Paris.

Risques et menaces. Tout militaire performant, suivi dès son recrutement, l’aura été tout au long de sa carrière. Il se sera parfois senti étranger dans son propre pays et aura assisté à la banalisation du métier militaire, estime le général. Si gagner la guerre relève du domaine militaire, gagner la paix incombe au domaine civil. La population civile devient la cible directe de menaces évolutives, à savoir terrorisme et crises diverses (pandémie, environnement etc.). Une cité forte constitue le premier rempart contre ces menaces.

Actions ministérielles. Le ministère des Armées prend en charge une partie de la Garde nationale, créée en 2016 à la suite des attentats terroristes de 2015. A travers ses divers dispositifs, il traite environ 840.000 jeunes chaque année, soit l’intégralité d’une génération. En 2017, la Journée défense et citoyenneté a mobilisé 8.672 animateurs pour recevoir 786.515 jeunes. Un sondage montre que 87,81 % en ont été satisfaits, 69 % le sont encore de 6 à 12 mois après et 22,4 % ont exprimé leur intérêt pour la défense. Selon un autre (photo) cette journée améliore l’image des armées, pour 89,20 % d’entre eux au niveau national en 2014 puis pour 95,50 % en 2017. Le score passe de 89,2 % à 95,40 % en métropole et de 93,97 % à 97,21 % outre-mer. Selon une enquête réalisée fin 2017, 69 % des jeunes se disent intéressés par cette journée et 54 % par le bénévolat au sein d’une association ou d’une organisation. En outre, 70 % se déclarent prêts à donner leur vie pour la défense de la France. Le Plan égalité des chances, en vigueur depuis dix ans, vise notamment à diffuser l’esprit de défense et répondre au besoin d’engagement des jeunes. En 2017, 30.000 d’entre eux ont bénéficié de huit dispositifs : les classes défense et sécurité globales pour plus de 5.000 ; les cadets de la défense (accueil hors temps scolaire dans un cadre militaire pour des activités éducatives, culturelles et sportives) pour plus de 700 ; périodes militaires d’initiation ou de perfectionnement à la défense, plus de 12.000 toutes armées confondues ; 10.000 stages dans les armées, de la 3ème à bac +7 ; 360 places réservées aux élèves boursiers dans les lycées de la défense ; « cordées de la réussite », qui facilitent l’accès à l’enseignement supérieur quel que soit le milieu culturel, pour 2.056 lycéens à potentiel ; plus de 150 « réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté » chargés d’expliquer le Plan égalité des chances. Le Service militaire volontaire (SMV), qui vise à l’insertion socio-professionnelle de jeunes adultes de 18-25 ans en difficulté, leur propose 53 métiers. Depuis sa création en 2015, il a formé 1.874 jeunes, dont 843 en 2017. Le taux de féminisation atteint 21 % et celui de la réussite au permis de conduire 73 %. A raison d’un cadre pour quatre stagiaires afin de favoriser l’écoute et l’échange, le SMV a réalisé un taux d’insertion professionnelle de 72 % des stagiaires des deux premières promotions. La Commission armées-jeunesse, véritable incubateur d’idées, permet de comprendre les préoccupations de la jeunesse. Enfin, le général Ménaouine est rapporteur et l’unique militaire du groupe de travail (sept membres) sur le futur Service national universel obligatoire (un mois), approuvé par 54 % des jeunes.

Loïc Salmon

Défense : vers un renforcement du lien Armées-Nation

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Armée de Terre : pas de victoire sans le soutien de la nation

Affrontement de deux volontés et fondé sur des ressources matérielles et immatérielles, la victoire implique, pour l’armée de Terre, la poursuite de son mandat sur 20-30 ans et l’intégration des innovations d’usage immédiat.

Ce thème a été abordé au cours d’un colloque organisé, le 6 février 2018 à Paris, par le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement de l’armée de terre. Un diplomate et deux généraux de haut rang y sont intervenus.

Le dilemme du temps. Le pouvoir politique veut des victoires rapides, car l’opinion publique se lasse des engagements militaires longs après ceux en Afghanistan (13 ans), en Centrafrique (3 ans) et au Sahel (depuis janvier 2013), explique le diplomate. Il voit sa propre communication contestée par le « complexe militaro-industriel » dans les médias…qui racontent la guerre à sa place ! L’incertitude du monde actuel estompe l’idée de « guerre juste » et donc de victoire militaire définitive. L’ennemi soviétique d’hier a été remplacé par le terrorisme islamiste, avec une vision du monde différente de celle des Etats démocratiques. Quoique ce dernier soit identifiable au Levant et au Mali, la difficulté d’une interposition internationale entre factions rivales conduit à un combat sans fin et une victoire impossible. Sans accompagnement économique massif, les effets pervers l’emportent sur la victoire. Ainsi en Libye, la réussite militaire franco-britannique de 2011 s’efface devant l’émergence des centres de transit de migrants clandestins et de trafics d’armes, comme en Irak depuis l’intervention américaine de 2003. Les contraintes budgétaires nécessitent de s’intégrer à une alliance, facteur de dépendance dans la prise de décision. En France, la fin du service militaire obligatoire et la recherche du « zéro mort » dans un conflit ont conduit à l’absence de prise de risques et donc de victoire. Or, souligne le diplomate, le monde doit reconnaître que la France porte un message, reste fidèle à son histoire et maintient son rang, le rôle de sa diplomatie étant de transformer la victoire aux yeux de tous en une paix durable. Les dirigeants politiques actuels n’ont connu ni le second conflit mondial ni les guerres de décolonisation. Mais conscients de l’Histoire ils s’imprègnent de la culture militaire par leurs fréquentes visites sur le terrain. Par ailleurs, aux Etats-Unis, les généraux sont reconnus comme les artisans de la victoire, alors qu’en France, cet honneur revient aux dirigeants politiques, en raison de la mauvaise image des militaires dans la nation après les guerres de décolonisation. Toutefois, les attentats terroristes de 2015 et 2016 ont eu pour conséquence de valoriser les services de renseignement, autrefois mal vus, et les militaires avec l’opération « Sentinelle ».

La constance et la patience. Le chef militaire doit concilier le temps de son action sur le terrain avec celui, très court, du pouvoir politique, et celui, très long, du diplomate et éviter qu’ils divergent, indique l’un des généraux. Cela passe d’abord par une réflexion sur les crises, toujours différentes, et la connaissance de leurs acteurs, pour ne pas appliquer à une crise nouvelle la solution de la précédente. La fascination pour les images de départs de navires et de déploiements d’avions et d’hélicoptères dans la gestion des crises occulte la nécessité de jouer sur tous les leviers et dans le temps long, surtout quand elles durent plus de dix ans (Kosovo, Irak, Afghanistan). Entre 2014 et 2017, la coalition internationale a largué 100.000 bombes contre Daech en Syrie et en Irak, soit cinq fois plus que sur Dresde en 1944. Par ailleurs, tout pays membre d’une coalition internationale doit rester lucide quant à son poids dans la décision opérationnelle. Ainsi, dans celle contre les talibans, la France n’a fourni que 2,5 % des effectifs pour contrôler 3 % du territoire afghan. Une erreur consiste à tenter de résoudre les crises une par une, en partant du principe qu’elles sont disjointes, alors qu’elles surviennent en réseau, comme en Libye, Irak et Syrie. L’action précipitée, sous le coup de l’émotion et de la pression médiatique, peut avoir de graves conséquences, comme le brusque afflux de 5.000 migrants clandestins en Méditerranée après la diffusion mondiale d’une vidéo montrant un enfant mort sur une plage. Enfin, précise le général, l’engagement politico-militaire ne peut reposer sur un consensus lent. Le pouvoir politique doit donner une directive claire et rapide sur les objectifs à atteindre, pour lesquels les militaires présentent des options d’action avec les risques encourus.

L’action durable. Autrefois, gagner la guerre consistait à remporter une grande bataille ou s’emparer d’une capitale pour détruire une idéologie. Aujourd’hui, souligne l’autre général, la liberté d’action s’impose à l’armée de Terre pour défendre les intérêts de la France dans un monde multipolaire, asymétrique et connecté. Elle doit pouvoir agir vite et loin, en toute circonstance, où il faut et autant que nécessaire, par une opération aéroportée ou amphibie. Cela implique maîtrise du renseignement, masse et épaisseur. Cela va de l’interopérabilité avec les armées des Etats baltes, à l’adversaire hybride dans la bande sahélo-saharienne et à la combinaison des forces armées avec celles de la sécurité intérieure (autorités civiles, douane et gendarmerie). En cas de coup dur, la résilience inclut action de communication, acte juridique et application de règles éthiques pour éviter la barbarie. La spécificité militaire (donner et recevoir la mort) nécessite endurance, aguerrissement et volonté du pouvoir politique de détruire l’ennemi. L’initiative sert à mener l’action pour exercer une influence et obtenir un effet final pertinent. Elle implique imposition du tempo à l’adversaire et réversibilité de l’action, car le temps militaire diffère de celui de la reconstruction. L’efficience repose sur une intervention brutale et décisive des forces spéciales et conventionnelles. Pour empêcher l’adversaire de prendre un ascendant tactique par l’emploi inattendu de moyens bon marché, comme un drone commercial armé de façon rudimentaire, l’achat d’une technologie de pointe « sur étagère » satisfait le besoin d’urgence opérationnelle. Par ailleurs, une intervention armée ne se justifie qu’avec le soutien de la population locale. Ainsi l’opération « Serval » au Mali (2013) l’a pris en compte dans le cadre d’une approche globale régionale, avec un appui international et le partage de renseignements sur place et en France.

Loïc Salmon

Le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement de l’armée de terre anime la pensée militaire au profit de l’efficacité opérationnelle des forces terrestres. Il assure la formation des futurs décideurs à différents niveaux. L’enseignement militaire supérieur Terre prépare à l’exercice de hautes responsabilités ou de postes de direction exigeant un niveau élevé de qualifications scientifiques et techniques. Il enseigne le travail en état-major et en interarmées, au sein de quatre établissements : Ecole d’état-major pour jeunes capitaines et sous-officiers ainsi que pour les officiers candidats au concours d’entrée à l’Ecole de guerre ; Cours supérieur interarmes ; Enseignement militaire supérieur scientifique et technique ; Ecole supérieure des officiers de réserve spécialistes d’état-major.

Les diplomates, acteurs de la politique étrangère et représentants de la France

Armée de Terre : faire face à toutes menaces, ici et là-bas