DGA : 80 Rafale F4 et 12 Caracal pour les Emirats arabes unis

Les Emirats arabes unis (EAU) vont acquérir 80 avions de chasse Rafale au standard F4 (en développement), dans le cadre d’un partenariat stratégique qui inclut l’achat de 12 hélicoptères de sauvetage H225M Caracal. Il n’y aura aucun transfert de technologie.

Les contrats ont été signés le 3 décembre 2021 à Dubaï, lors de la visite du président de la République Emmanuel Macron. Le 9 novembre à Paris, l’ingénieur général Thierry Carlier, directeur du développement international de la Direction générale de l’armement (DGA), a présenté le rôle du ministère des Armées dans ce plus grand contrat aéronautique à l’export.

Partenariat stratégique ancien. Les EAU abritent des forces militaires françaises terrestres, navales et aériennes. Ils ont apporté une aide décisive lors des évacuations de ressortissants français, européens et afghans depuis Kaboul en août 2021, lors de l’arrivée des talibans. Depuis plus de 50 ans, les EAU achètent des avions de chasse français. Leur flotte compte 60 Mirage 2000 et 60 Mirage 2000-9, qui seront remplacés par les 80 Rafale F4 entre 2025 et 2031, indique l’ingénieur général Carlier. Leur contrat, qui fait suite à un accord intergouvernemental de 2009, se monte à près de 17 Mds€ : 14 Mds€ pour les Rafale F4 ; 2 Mds€ pour leur armement ; 700 M€ pour les Caracal. Il inclut la formation des pilotes et des mécaniciens par l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE), qui recevra des F4 en 2024. Le choix du Rafale par les EAU repose sur ses performances sur divers théâtres d’opérations récents et aussi sa rapidité de disponibilité. Le F4, qui bénéficiera des retours d’expérience sur les versions précédentes, allie connectivité (spot laser et cyber) et interopérabilité. Il sera adapté à l’ensemble du spectre du combat aérien à l’horizon 2025-2035. La transaction commerciale a été précédée d’une période de négociations, de novembre 2020 à juin 2021, entre le ministère des Affaires étrangères, celui de l’Economie et des Finances, les industriels et la DGA (expertise). Sa direction internationale compte 200 personnes, dont 80 à Paris spécialisées dans les différents produits, et 20 attachés d’armement dans les ambassades pour faire connaître les produits et prospecter les clients. La chaîne de production du Rafale mobilise 7.000 personnes. La cadence de fabrication, actuellement d’un par mois, devrait connaître des pointes à deux ou trois pour satisfaire les commandes de l’AAE et de six pays clients (Egypte, Inde, Qatar, Grèce, Croatie et EAU).

Rafale F4 et hélicoptère Caracal. Du 26 au 29 avril 2021 à Istres, la DGA a procédé aux premiers essais en vol du Rafale F4 en huit missions complexes de 50 sorties de 2 Rafale Marine et 6 Rafale, 2 Mirage 2000 et 2 Alphajet de l’AAE avec des experts de Dassault Aviation, Thales (équipements électroniques) et MBDA (missiles). Cette campagne de « revue d’aptitude à l’utilisation » a porté sur la capacité du viseur de casque Scorpion pour le combat collaboratif, dont notamment la localisation précise d’autres aéronefs par des moyens passifs au sein d’une patrouille. La prochaine campagne évaluera les capacités du F4 pour les missions air-surface dans le cadre d’opérations interarmées ou interalliées. Le F4 sera doté du missile air-air Mica-NG et emportera la bombe AASM (armement air-sol modulaire) de 1.000 kg. Ravitaillable en vol, l’hélicoptère H225M Caracal dispose d’armements de sabord, d’équipements de vision nocturne et d’une capacité « d’aérocordage », permettant la dépose de commandos dans des lieux très difficiles d’accès.

Loïc Salmon

Aviation militaire : les Rafale F3-R en service opérationnel

Armée de l’Air et de l’Espace : voir plus haut et décider plus vite que l’adversaire

Aéronautique militaire : technologie, stratégie et concurrence accrue




Lève-toi et tue le premier

L’efficacité de ses services de renseignement (SR) et de ses forces armées a sauvé Israël lors de crises graves. Les succès de ses opérations clandestines n’ont pu remplacer la diplomatie pour mettre un terme aux affrontements avec ses adversaires, Etats ou organisations terroristes.

Cet ouvrage se fonde sur un millier d’entretiens avec des dirigeants politiques, des hauts responsables du renseignement et même des agents d’exécution ainsi que sur des milliers de documents fournis par ces sources. Toute opération secrète du Mossad (SR extérieur), du Shin Bet (SR intérieur), de l’Aman (SR militaire) ou des forces spéciales nécessite l’autorisation écrite du Premier ministre…qui peut l’annuler au dernier moment ! Tous les Premiers ministres, qui se sont succédé depuis 1974, avaient servi auparavant dans les SR ou les unités spéciales. Dès la création de l’Etat en 1948, les SR envisagent de recourir à des opérations ciblées, loin derrière les lignes des nations arabes hostiles. A la suite d’un premier échec, le recours à des juifs autochtones dans les pays « cibles » a été exclu, à cause des répercussions sur toute la communauté juive locale. En outre, tout juif « traître » doit être ramené devant un tribunal israélien et non pas exécuté, en raison de la tradition de responsabilité mutuelle et du sentiment d’appartenance à une seule grande famille après deux millénaires d’exil. Israël accède au rang de grande puissance du renseignement en 1956, par l’obtention du rapport secret sur la dénonciation des crimes du stalinisme, présenté devant le XXème Congrès du Parti communiste soviétique. La remise d’un exemplaire à la CIA marque le début de l’alliance secrète entre les SR américains et israéliens. La guerre secrète inclut rivalités entre SR, mésententes avec les dirigeants politiques, échecs et dommages collatéraux. Suite à une opération indirecte concernant un pays allié et ayant entraîné de graves conséquences sur le plan international, les assassinats ciblés ne visent que des individus menaçant les intérêts d’Israël et doivent être menés uniquement par ses ressortissants. Une exécution complexe, entreprise loin à l’étranger, nécessite jusqu’à plusieurs centaines de participants, âgés pour la plupart de moins de 25 ans. Après la guerre des Six-Jours (1967), gagnée grâce à l’effet de surprise et anticipée par ses SR, Israël n’a guère recherché de compromis diplomatique avec les pays arabes voisins…jusqu’à la guerre du Kippour (1973), qui lui a coûté 2.300 soldats et aurait pu être mieux préparée par un travail de renseignement en amont. Les SR israéliens n’ont pas davantage anticipé la bombe à retardement constituée par les millions de réfugiés palestiniens après les guerres de 1948 et 1967, dont une partie vient chaque jour travailler en Israël et voit le développement des colonies juives en Cisjordanie. Dès 1993, les organisations terroristes palestiniennes recourent aux attentats-suicides, causant des centaines de morts et plus d’un millier de blessés israéliens. A l’ONU, les Etats-Unis opposent systématiquement leur véto à toute condamnation de la politique de représailles d’Israël par des assassinats ciblés. Entre 2000 et 2017, l’Etat hébreu a procédé à environ 2.300 opérations de ce type contre le Hamas, à Gaza, ou lors d’interventions du Mossad contre des cibles palestiniennes, syriennes et iraniennes. Les Etats-Unis, qui s’en sont inspiré après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, n’en ont conduit que 401 entre 2001 et 2017.

Loïc Salmon

« Lève-toi et tue le premier », Ronen Bergman. Editions Grasset, 944 pages, 29€. Format numérique, 19,99 € 

Proche-Orient : Israël, envisager tous les scénarios de riposte

Sécurité : Israël et la France, face au terrorisme islamiste

325 – Dossier : “Israël, continuum défense-sécurité depuis 50 ans”

Renseignement : pouvoir et ambiguïté des « SR » des pays arabes




Terrorisme : mobilisation internationale publique et privée contre son financement

Pour lutter contre le financement du terrorisme, l’ONU enjoint les Etats à se doter de listes de gels d’avoirs et autorise des sanctions contre des organisations terroristes. Celles-ci reposent sur des spécificités locales mais profitent de facilités, voire de carences, au niveau international.

Cet aspect a été abordé au cours du Forum parlementaire sur la sécurité et le renseignement organisé, le 20 juin 2019 à Paris, par l’Assemblée nationale et le Sénat. Y sont notamment intervenus : Patrick Stevens, directeur du service de contre-terrorisme d’Interpol ; Emanuele Ottolenghi, Fondation pour la défense des démocraties ; Brahim Oumansour, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques ; Duncan Hoffman, directeur chez Chainalysis.

L’action d’Interpol. Les 194 pays membres d’Interpol travaillent sur le financement du terrorisme en établissant des liens entre les cibles et en fusionnant les renseignements sur les activités suspectes, indique Patrick Stevens. Pour les enquêtes conventionnelles, une plateforme permet de partager les informations avec les acteurs présents en Syrie, en Irak et au Mali. En cas d’attentat au Kenya ou au Sri Lanka, cela peut apporter une valeur ajoutée en approfondissant des enquêtes sur les réseaux sociaux. Des banques de données existent sur : les noms des personnes recherchées, dont 50.000 combattants étrangers en 2019 contre 8.000 en 2016 ; les bagages abandonnés ; les renseignements biométriques (8.000 en 2016). Interpol apporte son aide pour la constitution de bases biométriques en Syrie, en Irak et au Mali. La collecte de preuves sur le champ de bataille a permis des enquêtes, qui ont conduit à de nombreuses arrestations. Les banques de données vont inclure les noms de personnes incarcérées pour lien avec le terrorisme et qui restent radicalisées après leur sortie de prison. En matière de financement, Interpol émet des « notices » sur les bonnes pratiques, partagées avec le Groupe Egmond. Il existe une notice spéciale relative à la base de données de l’ONU sur les armes saisies par les armées et celles saisies sur des personnes qui voyagent. Enfin, les banques ont accès à 90.000 documents rédigés par Interpol

Les réseaux du Hezbollah. Le groupe islamiste chiite Hezbollah, considéré comme terroriste notamment par les Etats-Unis et l’Union européenne, a combattu contre l’Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak et intervient contre Israël, à partir du Liban, et au Yémen. En Amérique latine, il s’appuie sur l’importante diaspora libanaise chiite pour établir des réseaux de trafics de drogue, d’êtres humains, d’armes et de diamants, explique Emanuele Ottolenghi. Pour se constituer une façade légitime, il y investit dans les mosquées, écoles, centres culturels et associations caritatives. Grâce à ses réseaux de sympathisants, il a conclu des alliances avec les autorités et mouvements politiques locaux. Ses représentants permanents coordonnent les circuits commerciaux, exigent des contributions, recourent à l’extorsion de fonds envers les récalcitrants et assurent les transferts financiers. La plus grande communauté libanaise d’Amérique du Sud se trouve dans la « zone des trois frontières » entre le Paraguay, le Brésil et l’Argentine. Ces trois pays ne considèrent pas le Hezbollah comme une organisation terroriste et seul le Brésil dispose d’une législation contre le financement du terrorisme. Cette zone, traversée par 100.000 personnes/jour et 40.000 véhicules/semaine, est desservie par trois aéroports internationaux et reliée par routes aux principaux ports régionaux et à l’hinterland industriel. Trois juridictions, diverses langues (anglais, espagnol, chinois et persan), plusieurs monnaies (dont le dollar et l’euro) et peu de contrôle aux frontières facilitent la contrebande. Les transactions financières illicites ont atteint 18 Mds$ en 2017, grâce à la zone franche de Ciudad Del Este, la troisième du monde pour le commerce de détail après Hong Kong et Miami. Des entreprises locales, liées au Hezbollah, achètent des produits bon marché en Chine et Hong Kong, par l’intermédiaire de sociétés américaines installées à Miami qui les transportent par avions cargos directement à Ciudad Del Este ou à Asuncion (Paraguay), Montevideo (Uruguay) et Campinas (Brésil) puis par camions à Ciudad Del Este, pour y être revendues. En outre, l’Iran apporte un soutien direct au Hezbollah par ses propres réseaux latino-américains, déploie des agents du Corps des gardiens de la révolution islamique et s’appuie sur les agents de l’Organisation extérieure de sécurité du Hezbollah pour des actions coordonnées.

L’approche globale. La déstabilisation de l’Irak et de la Syrie a induit la montée du terrorisme et non pas l’inverse, souligne Brahim Oumansour. Entre 2000 et 2007, l’EI n’a revendiqué que 5,3 % des attentats dans le monde et Al Qaïda 1,9 %. Des facteurs spécifiques à chaque pays se trouvent à l’origine de la radicalisation politique dans une zone soumise à un conflit interétatique ou à la faiblesse de l’Etat. Nécessité financière et besoins en armes et équipements motivent l’allégeance de groupes locaux au terrorisme international (EI et Al Qaïda). Par ailleurs, l’effondrement du régime irakien a servi les desseins de l’EI et le conflit religieux, entre chiites et sunnites, ceux de l’Arabie saoudite et de l’Iran. En Libye, à la guerre civile entre milices islamistes et tribales se superposent des rivalités internationales entre Egypte, Emirats arabes unis, Qatar et Turquie. Toutefois, l’opération militaire transnationale, réussie, contre l’EI en Libye, doit être suivie par un retour au dialogue et à la réconciliation pour éviter la pérennisation des conflits entre minorités et autorités centrales, estime Brahim Oumansour. Mais cette sécurité apparente ne règle pas les conflits sociaux latents. Dans les pays touchés par le terrorisme majoritairement musulman, il s’agit d’éviter le sentiment d’exclusion. Parmi les 8.000 djihadistes maghrébins partis combattre en Syrie depuis 2013, 6.000 sont venus de Tunisie, 2.000 du Maroc et…78 d’Algérie, où des réformes économiques ont éradiqué les bidonvilles et des programmes sociaux ont réduit la menace terroriste. En Tunisie, l’Etat et son appareil sécuritaire restent fragiles.

Loïc Salmon

En 2018, l’activité économique des crypto-monnaies s’est montée à 1.242 Mds$, dont 812 Mds$ de Bitcoins et 430 Mds$ d’Ethereums, indique Duncan Hoffman. Seulement 1,6 Md$ ont été utilisés à des fins criminelles, dont 1 Md$ volé par les hackers et 500 M$ envoyés dans les « darknets » (réseaux anonymes). Plus rapide que le blanchiment d’argent, les chantages et demandes de rançons, effectués par des hackers d’Europe de l’Est disposant d’algorithmes très sophistiqués, portent sur des cibles de haute valeur financière ou de données sensibles, des agences gouvernementales, des contractants de défense, des campagnes électorales et des organisations privées vulnérables sur le plan informatique. Les hackers « étatiques » de Russie, d’Iran et de Corée du Nord veulent des gains financiers mais cherchent aussi à créer des perturbations politiques dans les pays visés.

Terrorisme : menace transnationale et moyens financiers considérables

Sécurité : Israël et la France, face au terrorisme islamiste

Sécurité : le renseignement dans la lutte contre le terrorisme




Blocus du Qatar : l’offensive manquée

Quatre Etats arabes ont tenté, sans succès, de déstabiliser un cinquième, petit mais très riche, par la diffusion de fausses informations dans les médias et les réseaux sociaux, les cyberattaques, l’action de lobbyistes aux Etats-Unis et en Europe, les pressions diplomatiques et les sanctions économiques.

Ce quartet, composé de l’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis (EAU), de Bahreïn et de l’Egypte, a donc employé tous les moyens, sauf militaires, pour réduire le Qatar, qui a riposté et est parvenu à obtenir l’aide de l’Iran, de la Turquie et surtout… des Etats-Unis qui y stationnent 10.000 soldats sur leur base d’Al Udeid. Cette crise a été suivie attentivement par Israël, qui reproche au Qatar son soutien économique au mouvement islamiste palestinien Hamas, très implanté dans la Bande de Gaza (entre Israël et l’Egypte). Israël entretient des relations étroites avec la Russie (présente en Syrie), pour lutter contre le terrorisme islamiste, et des liens officieux avec les EAU. Comme le quartet anti-Qatar, il veut contrer l’influence régionale de l’Iran. Tout commence le 23 mai 2017 par le piratage de l’agence de presse du Qatar (QNA). Celle-ci diffuse des extraits d’un prétendu discours de l’émir faisant l’éloge de la puissance de l’Iran chiite, avec des critiques à peine voilées de l’administration américaine, et présente le Hamas comme le « représentant légitime du peuple palestinien ». Ensuite, les médias du quartet dénoncent « l’aventurisme et la traîtrise du perfide Qatar ». Or ces extraits, entièrement faux, et le piratage de QNA ont été réalisés par les EAU, comme le prouvera une enquête du FBI quelques semaines plus tard. Malgré le démenti du gouvernement qatari, la crise atteint son paroxysme le 5 juin avec la rupture des relations diplomatiques du quartet avec le Qatar, qui se voit aussi interdire le franchissement de leurs frontières terrestres et l’accès à leurs espaces aériens, avec de graves conséquences économiques. L’Iran propose alors son aide au Qatar pour contourner l’embargo. Washington appelle le quartet à la retenue, car la plus grande partie des raids aériens de la coalition internationale contre Daech, en Syrie et en Irak, s’effectue à partir de la base d’Al Udeid. Conformément à l’accord bilatéral de défense, Ankara active sa base au Qatar en y envoyant 1.000 soldats et des véhicules blindés. Le quartet n’ose prendre le risque d’un affrontement militaire direct. Mais la confrontation se poursuit. Au piratage de QNA, le Qatar répond par celui de la boîte mail du très influent ambassadeur des EAU à Washington et divulgue ses manœuvres. Par ailleurs, le Qatar pratique une diplomatie relativement indépendante, avec des rapports directs avec les grandes puissances, et une stratégie d’influence dans le monde musulman, grâce à son assise financière. Plus grand exportateur mondial de gaz naturel, il l’exporte par ses 60 méthaniers directement à partir du port Hamad, inauguré le 5 septembre 2017. Le blocus l’a incité à développer l’économie locale et un commerce maritime vers Oman, la Turquie, le Pakistan, Koweït et l’Inde. Sa réputation de soutien au terrorisme remonte à la guerre d’Afghanistan (2001-2014), quand il avait autorisé les talibans à disposer d’une représentation à Doha…à la demande de Washington ! Ensuite, des financiers, privés, du terrorisme s’y sont installés jusqu’en 2015. Toutefois, le 11 juillet 2017, le Qatar a signé, avec les Etats-Unis, un accord sur la lutte contre le financement du terrorisme.

Loïc Salmon

« Blocus du Qatar : l’offensive manquée » par le général François Chauvancy. Éditions Hermann, 330 pages. 18 €

Qatar, vérités interdites

Arabie Saoudite, de l’influence à la décadence

Iran : acteur incontournable au Moyen-Orient et au-delà

L‘Égypte en révolutions




Exposition « L’épopée du canal de Suez » à l’Institut du monde arabe à Paris

Projet amorcé dès l’Antiquité, la voie d’eau a été réalisée en 1869 pour relier la Méditerranée à l’Extrême-Orient et ainsi devenir un axe commercial mondial et un objectif militaire.

Un projet récurrent. Vers 1850 avant JC, l’influence de l’Egypte s’étend de Byblos au Sud de la Nubie, mettant en contact le Proche-Orient et l’Afrique, où circulent marchandises de toutes origines. Le pharaon Sésostris III fait creuser un canal à partir du Nil vers la mer Rouge, permettant à une embarcation de 15 m de long de transporter 30 t de fret, soit l’équivalent de la charge de 300 ânes. Le canal s’ensablant régulièrement, il est restauré vers 519 avant JC par le Perse Darius 1er, maître de l’Egypte, puis par le pharaon d’origine grecque Ptolémée II Philadelphe (282-246 avant JC). L’empereur romain Trajan (98-117) modifie le trajet du canal, qui sera à nouveau restauré en 643 par le général arabe Amr ibn al-As, conquérant de l’Egypte. Le canal se traverse alors en cinq jours. Au siècle suivant, il est abandonné aux sables du désert. En 1498, le Portugais Vasco de Gama découvre la route maritime des Indes via le Sud de l’Afrique, qui raccourcit considérablement le trajet par rapport aux voies terrestres et en partie maritimes des caravanes des « routes de la soie ». Celles-ci avaient fait la fortune de la République de Venise, qui monopolisait le commerce entre l’Orient et la Méditerranée. Pour contrer cette concurrence menaçante, la Sérénissime propose, dès 1504, au sultanat mamelouk de percer l’isthme par un canal à creuser à partir du port de Suez sur la mer Rouge, mais sans succès. En 1586, l’Empire ottoman, nouveau maître de l’Egypte, reprend l’idée et la soumet à Venise. Trop compliqué techniquement, le projet est abandonné, prélude au déclin progressif et inéluctable de la cité des doges. En 1798, à la tête d’une expédition militaire et scientifique, Napoléon Bonaparte conquiert l’Egypte, afin de couper la route des Indes à la Grande-Bretagne, en guerre contre la France. Il confie à Jacques-Marie Le Père, directeur des Ponts et Chaussées, l’étude d’un canal dans l’isthme de Suez. Ce dernier conclut que le niveau de la mer Rouge serait supérieur de 9 m à celui la Méditerranée et préconise le recours à la construction d’écluses. L’expédition d’Egypte a eu comme conséquence, en 1805, l’arrivée comme vice-roi d’Egypte de Méhémet Ali, désireux de moderniser le pays. A cet effet, il fait venir des experts français dans les domaines militaire, maritime, médical, éducatif, agricole et archéologique. Parmi eux, des ingénieurs effectuent de nouvelles recherches en 1846 et corrigent l’erreur de calcul du niveau des mers. Adeptes du « saint-simonisme », doctrine sociale, économique et politique, ils sont persuadés que les voies de communication servent à la compréhension universelle. Lorsqu’ils arrivent au Caire, l’ingénieur Linant travaille déjà sur un projet de canal direct, inspiré de celui de Bonaparte. S’appuyant sur ses travaux, l’un d’eux, Barthélémy Prosper Enfantin, fonde alors la « Société d’études du canal de Suez ». Puis il soumet à Méhémet Ali un projet tenant compte des corrections. Ce dernier n’y adhère pas, craignant les ingérences européennes que susciterait cette voie d’eau internationale. En revanche, son fils et successeur Saïd Pacha en sera convaincu par son ami Ferdinand de Lesseps, ancien consul de France à Alexandrie et à qui Linant avait communiqué son étude dès 1833.

Un chantier titanesque. En 1855, Saïd Pacha et Lesseps établissent la « Compagnie universelle pour le percement de l’isthme de Suez et l’exploitation d’un canal entre les deux mers ». La concession devait durer 99 ans à partir du jour de l’ouverture du canal. Puis le gouvernement égyptien, qui devrait recevoir chaque année 15 % des bénéfices nets de l’exploitation du canal, en deviendrait propriétaire. Les travaux, colossaux et compliqués en milieu désertique, débutent en 1859 et vont durer dix ans. Devant l’insuffisance de main-d’œuvre, le vice-roi recourt à la corvée. Chaque mois, 25.000 paysans viennent travailler sur le chantier dans de très mauvaises conditions et avec des outils rudimentaires. Plusieurs dizaines de milliers meurent au cours des premières années. Sous la pression internationale, Napoléon III arbitre en faveur de l’abolition de la corvée, mais exige une compensation financière pour dédommager la compagnie. De grandes dragues à vapeur sont alors mises en œuvre pour excaver, dégager les déblais et terrasser. Parallèlement, trois villes nouvelles sont bâties pour loger les employés de la Compagnie du canal : Port-Saïd au Nord, Ismaïlia et Port-Tawfiq au Sud. L’inauguration a lieu le 17 novembre 1869 (photo), en présence de 2.000 invités, dont l’empereur François-Joseph d’Autriche-Hongrie, de l’émir Abdelkader et surtout de l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III. Celle-ci traverse le canal à bord du yacht impérial Aigle, en référence à Napoléon 1er. Le 24 décembre 1871, le khédive (vice-roi) Ismaïl Pacha fait jouer, au Caire, l’opéra « Aïda » de Verdi, dont le livret a été écrit par Auguste Mariette, fondateur de l’égyptologie avec Champollion. La statue de la Liberté, commandée au sculpteur Bartholdi et prévue à l’entrée du canal, ira finalement à New York.

Un enjeu stratégique. Quoique théoriquement neutre, la position stratégique suscite effectivement des convoitises extérieures. En 1875, la Grande-Bretagne rachète les parts du gouvernement égyptien dans la Compagnie du canal de Suez et en devient le principal actionnaire. En 1882, elle occupe l’Egypte, qui recouvre son indépendance en 1936. Le 26 juillet 1956, le président Gamal Abdel Nasser nationalise la compagnie pour assurer le financement de la construction du barrage d’Assouan, auquel les Etats-Unis ont refusé de participer. En octobre, la « crise de Suez » qui s’ensuit débouche sur une opération militaire conjointe de la Grande-Bretagne, de la France et d’Israël. Le canal sera ensuite l’enjeu des guerres entre l’Egypte et Israël de 1967 et 1973, jusqu’au traité de paix de 1979.

Loïc Salmon

Exposition « Le voyage de l’obélisque » au musée de la Marine

L‘Égypte en révolutions

L’exposition « L’épopée du canal de Suez » (28 mars-5 août 2018), organisée par l’Institut du monde arabe à Paris, présente des gravures, tableaux, documents, photos, modèles réduits des machines utilisées pour le percement et archives audiovisuelles. Un enregistrement vidéo, réalisé à partir de la passerelle d’un porte-conteneurs, donne une idée du paysage le long du canal. De 486 navires en 1870, le trafic annuel est passé à 21.250 en 1966, où le pétrole a représenté 72,6 % du fret. Le canal, fermé pendant la guerre israélo-arabe de 1973, reprend son activité deux ans plus tard avec 5.579 navires et jusqu’à 20.795 navires en 1980. Puis ce chiffre baisse régulièrement jusqu’à 14.142 en 2000, avant de remonter à 21.415 en 2008, année record, et se stabiliser à 17.300 navires/an entre 2009 et 2014. Parallèlement, le tonnage brut des navires est passé de 4.414 t en 1870 à 33.693 t en 1930, 150.000 t en 1980, 210.000 t en 2001 et 240.000 en 2008. A l’issue des travaux d’extension du canal et du creusement d’une nouvelle voie en 2015, le trafic journalier devrait passer de 49 navires en 2014 à 97 en 2023. Les recettes, de 5 Mds€ en 2015, pourraient atteindre 13 Mds€ en 2023.




Diplomatie : prise en compte du fait religieux dans le monde

La République française recourt au principe juridique de la laïcité pour la mise en œuvre de sa devise : « liberté, égalité, fraternité ». Sa diplomatie s’appuie sur le réseau d’ambassades et de consulats, des acteurs spécialisés et des partenaires pour favoriser le dialogue interreligieux.

L’ambassadeur Jean-Christophe Peaucelle, conseiller pour les affaires religieuses au ministère des Affaires étrangères, l’a expliqué au cours d’une conférence-débat organisée, le 11 décembre 2017 à Paris, par l’Institut des hautes études de défense nationale.

Les principes. Pays laïc depuis la séparation de l’Eglise et de l’Etat par la loi de 1905, la France ouvre un poste diplomatique au Vatican dès 1920 et renoue avec le Saint-Siège (voir encadré). Le monde actuel ne se comprend pas sans le fait religieux et la diplomatie française ne peut en faire l’économie, souligne l’ambassadeur. Il convient d’abord de connaître les religions et, dans une approche globale, de discerner ce qui n’est pas vraiment de leur ressort. Il s’agit ensuite de refuser l’instrumentalisation de la religion au nom de l’universalité des droits de l’homme. Le traité européen de Westphalie (1648) a élaboré le concept d’Etat-Nation, où la diplomatie se détache du fait religieux, donc de l’influence du pape des croisades (1095-1291) à la bataille navale de Lépante contre l’Empire ottoman (1571). Pendant la conquête de l’Algérie, l’émir Abd el-Kader, en tant que chef religieux, organise la résistance contre la France (1832-1847) puis met fin au massacre des chrétiens par les Druzes en Syrie (1860). L’Occident rationaliste a été réveillé brutalement par le fait religieux, à savoir la proclamation de la République islamiste d’Iran en 1979, qui manifeste sa volonté d’influence sur le monde. Avec le slogan « L’islam est la solution » qu’il diffuse, l’Iran invente un gouvernement politico-religieux. La même année, lors de l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS, l’Occident soutient les résistants afghans, religieux, qui vont élaborer le djihadisme. Avec l’élection de Ronald Reagan à la présidence des Etats-Unis en 1980, les évangélistes et le fondamentalisme chrétien pèsent pour la première fois sur la politique américaine. Les chutes du mur de Berlin (1989) et de l’Union soviétique (1991) entraînent un renouveau du sentiment religieux en Russie…et l’apparition du terrorisme au nom de l’islam en Tchétchénie. Par sa connivence avec les autorités politiques russes, l’Eglise orthodoxe devient un instrument de leur politique. La société saoudienne s’est véritablement islamisée après la prise, temporaire, de la grande mosquée de La Mecque (1979). Son affrontement avec l’Iran, essentiellement politique, remonte au choix du chiisme comme religion d’Etat au XVIIème siècle par ce pays pour se différencier des peuples arabes. L’Inde est dirigée par le parti nationaliste hindou et la Birmanie, comme la Thaïlande, par le fondamentalisme bouddhiste. La montée du sentiment religieux en Chine la transformera en principal pays chrétien (toutes catégories confondues) dans le monde en 2030, estime l’ambassadeur.

L’organisation. La laïcité française a pris une dimension internationale, également dès 1920, avec la nomination d’un diplomate, conseiller pour les affaires religieuses, interlocuteur des différentes communautés pour le travail d’intermédiation et d’accueil, explique Jean-Christophe Peaucelle. L’ambassadeur de France au Vatican, en relation avec le Saint-Siège toujours le mieux informé, est assisté d’un prêtre. Le consulat général à Jérusalem est ouvert depuis le XVIème siècle, lorsque l’Empire ottoman confie à la France la protection des pèlerins et des chrétiens d’Alep à Jérusalem, accord codifié par le gouvernement français en 1901. Le consulat général à Djeddah assure la protection juridique des 17.000 à 20.000 pèlerins français qui se rendent chaque année à La Mecque. En outre, un protocole d’accord de coopération sur des projets humanitaires a été conclu avec l’Ordre de Malte, avec le soutien politique et financier de la France. La Communauté de Sant’Edigio a acquis un savoir-faire pour entrer dans la douleur du camp d’en face et faciliter l’adhésion de la population. Pour la recherche de solutions personnelles, elle peut s’adresser à certains interlocuteurs…à la place de la diplomatie française ! L’ambassadeur Peaucelle travaille aussi avec des chercheurs universitaires, les autorités religieuses protestantes, juives et musulmanes de France et le nonce du Saint-Siège. Garant de la neutralité de l’Etat, il coopère avec le ministère de l’Intérieur et des Cultes pour la nomination des évêques, dont l’objection, éventuelle, serait politique.

Les objectifs. Le but de la diplomatie reste la paix, sa construction et sa préservation, rappelle Jean-Christophe Peaucelle. Il s’agit d’identifier la part religieuse d’un conflit. Pour la France, très attachée à la Déclaration des droits de l’homme, chacun peut pratiquer librement sa religion en privé ou en public. Lors du conflit interne en Centrafrique entre chrétiens et musulmans, l’opération « Sangaris » a été menée de concert avec les acteurs religieux locaux, à savoir l’évêque, le pasteur et l’imam de Bangui, qui ont risqué leur vie du début de l’intervention militaire à la recherche d’une solution politique. Sans eux, « Sangaris » n’aurait pu réussir, estime l’ambassadeur. En France, l’Etat doit travailler avec les autorités musulmanes pour lutter contre le salafisme pour évaluer le discours de « déradicalisation ». Il s’agit d’accompagner l’évolution d’un islam moderne, qui rencontre des aspirations dans le monde musulman. Cela passe par le développement de l’islamologie, action presque centenaire de l’Ecole pratique des hautes études, et une offre universitaire à des étudiants étrangers musulmans. Le fait religieux compte de plus en plus dans les relations internationales. Il peut être traité avec beaucoup de liberté et d’assurance sur des thèmes concrets dans le cadre de la laïcité, conclut le conseiller pour les affaires religieuses.

Loïc Salmon

Arabie Saoudite : retour du sacré dans les relations internationales

Diplomatie : gérer les crises et déceler les menaces diffuses

Les diplomates, acteurs de la politique étrangère et représentants de la France

Responsable des relations diplomatiques de l’Etat du Vatican installé à Rome, le Saint-Siège entretient des relations avec 180 Etats. En outre, son statut d’observateur permanent sans droit de vote à l’ONU et à tous ses institutions, lui permet d’assister à toutes les réunions et de participer aux débats, afin de leur donner une dimension spirituelle et morale. Le pape, autorité suprême de l’Eglise catholique, dispose d’un gouvernement pour gérer le Vatican, la Curie. Un cardinal secrétaire d’Etat dirige la Curie et le Saint-Siège. Les agents diplomatiques, tous évêques de différentes nationalités, sont formés à l’Académie pontificale ecclésiastique ainsi que les « nonces apostoliques » (ambassadeurs) et les laïcs intervenant au nom du pape. En outre, le Saint-Siège dispose d’un réseau d’influence, à savoir les organisations internationales catholiques, composées de prêtres et de laïcs et impliquées dans les activités sociales, professionnelles et à caractère humanitaire et caritatif. Elles interviennent notamment dans les milieux de la communication et des pôles de réflexion sur la paix et le développement. Elles peuvent aussi prendre des positions « politiques », sans impliquer directement le Saint-Siège.




Terrorisme : évolutions stratégiques et sociologiques

Le terrorisme en Occident, autrefois le fait de professionnels motivés par une idéologie et qui préservaient leur vie, est devenu celui de jeunes qui y sont nés et souhaitent perdre la leur dans l’action.

Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 16 octobre 2017 à Paris, par l’Institut national des hautes études de défense nationale. Y est intervenu Olivier Roy, professeur de sciences politiques à l’Institut universitaire européen de Florence et spécialiste des religions comparées.

Recherche de légitimité. Le « djihad » (guerre sainte) concerne un territoire précis et relève d’autorités reconnues, à savoir les « ulémas » (théologiens de référence), gardiens de la tradition musulmane et qui veulent conserver le monopole de la force légitime, explique Olivier Roy. Daech se réclame des origines de l’islam pour justifier son existence. Le djihad forme un(e) islamiste global(e), détaché(e) d’une langue et d’un pays. Dans les années 1980, les volontaires musulmans d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient constituent les premiers djihadistes « globaux », combattant l’armée soviétique en Afghanistan. Les jeunes gens mineurs et même les jeunes filles peuvent s’y rendre sans autorisation de leurs parents. Le terrorisme islamiste survient dans les années 1990, quand Oussama ben Laden exclut de se fixer sur un territoire précis, trop vulnérable aux attaques soviétiques et kurdes. Sa stratégie consiste à se doter de zones sanctuarisées et de frapper les populations civiles pour établir le véritable « Etat islamiste ». S’inspirant de l’iconographie des « Brigades rouges » italiennes, Al Qaïda a pu recruter quelques centaines de jeunes radicalisés, venus chercher le « bon djihad » en Bosnie, en Tchétchénie, en Afghanistan et au Pakistan. Ensuite, des émirats islamistes sont apparus dans le Nord du Nigeria (Boko Haram) et de l’Indus, en Afghanistan, au Yémen, au Nord de l’lrak, au Mali et dans le désert du Sinaï. Il s’agit toujours de zones tribales aux liens familiaux très étroits…que le modèle djihadiste veut nier ! Daech estime que les sociétés occidentales, fragiles, seront mises à genoux par le terrorisme, aboutissement de la trajectoire d’un salafiste. En effet, la radicalisation salafiste prône une communauté de foi, qui oblige à vivre à part pour ne pas se laisser corrompre par la société. Daech a pu ainsi recruter quelques milliers de jeunes salafistes en Europe occidentale, dans les Balkans et en Amérique du Nord et même leur offrir un territoire entre Raqqah et Bagdad. Iconoclaste, il détruit tout ce qui peut rappeler le passé, y compris musulman (mosquée de Mossoul datant du XIème siècle). A partir de la culture des jeunes d’aujourd’hui, il élabore un imaginaire islamiste avec une esthétique de la violence. Les Khmères rouges et les nazis dissimulaient les exécutions, rappelle Olivier Roy. Par contre, Daech les exhibe et compte sur cette fascination pour s’opposer à un monde, où les sociétés, même musulmanes, se sécularisent sous l’influence de l’Occident. La radicalisation religieuse conduit de la violence symbolique à la violence réelle. Les jeunes radicaux recherchent l’action pour s’inscrire dans les grandes tendances géostratégiques, qui pourtant ne les concernent pas.

Profils et parcours. La radicalisation islamiste ne ressemble pas à celle des mouvements d’extrême-gauche, qui bénéficiaient du soutien de sympathisants. Pour Daech, c’est tout ou rien, souligne Olivier Roy. Ses adeptes n’ont pas de passé militant « islamo-gauchiste ». Ils comptent 65 % d’immigrés de la 2ème génération et 35 % de convertis à l’islam en Europe et 40 % aux Etats-Unis. En France, ils se trouvent parmi les jeunes Antillais et Africains de banlieue, non musulmans, et aussi parmi les Normands et les Bretons… mais pas les Corses ! Aucun n’a participé aux émeutes entre la police et les jeunes de quartiers sensibles. Malgré l’absence de passé religieux, ils croient qu’ils iront au paradis après leur rencontre avec leur modèle : Al Qaïda ou Daech. Comme les mouvements extrémistes (IRA provisoire et mafias), les entités islamistes profitent des traditions familiales, mais où les rôles s’inversent. Leur père n’étant pas considéré comme un « bon » musulman, les enfants vont endoctriner leur mère. Ils agissent souvent entre frères de sang. Lors des guerres du Daghestan (1999) et de Tchétchénie (1999-2009), des sœurs ou épouses reprennent le flambeau de leur frère ou mari, tué par la police. Depuis 2012, des jeunes femmes, volontaires ou forcées, rejoignent massivement Daech en Syrie, pour procréer ou y mourir. En effet, les jeunes radicalisés sont davantage nihilistes qu’islamistes et veulent mourir après l’attentat, réussi ou raté. Motivés par le suicide, ils se construisent une généalogie imaginaire pour devenir plus « saints » que leurs parents, dont la culture ne les intéresse pas. De leur côté, certains parents musulmans renient leurs enfants terroristes.

« Déradicalisation » difficile. Souvent petits délinquants au départ, les futurs djihadistes ont découvert la radicalisation en prison, sur internet ou auprès d’un pair radicalisé, explique Olivier Roy. La coopération européenne en matière de renseignement permet de les suivre et de démasquer les réseaux de radicalisation, malgré la difficulté à déceler l’individu isolé qui entrera en contact avec Daech trois mois plus tard. Les djihadistes occidentaux se considèrent comme des « militants », à l’exemple de ceux de l’extrême-gauche terroriste, en raison du choix qui a donné un sens à leur vie. Des mères tentent de « déradicaliser » leurs filles, revenues de Syrie et conscientes des excès de Daech. Autrefois en France, la laïcité se présentait comme une spiritualité et le communisme comme une forme de religion, tous deux porteurs de valeurs partagées. Aujourd’hui, l’appartenance religieuse redevient plus visible, mais avec des valeurs spécifiques. L’Etat peut décréter des normes, mais pas des valeurs.

Loïc Salmon

Défense et sécurité : s’organiser face au terrorisme protéiforme

Moyen-Orient : crises, Daech et flux de migrants en Europe

Géopolitique : frontières ignorées et affrontements futurs

Entre 1968 et 1990, des groupes d’extrême-gauche ont perpétré des attentats en Europe. Ainsi, en Allemagne de l’Ouest, la « Fraction armée rouge », financée et aidée par l’Allemagne de l’Est, a exécuté 34 personnes, dont Hanns-Martin Schleiyer, représentant du patronat allemand (1977) et Alfred Herrhausen, président de la Deutsche Bank (1989). En Italie, les « Brigades rouges » ont tué 84 personnes, dont l’ancien chef du gouvernement Aldo Moro (1978). En Grande-Bretagne, l’IRA provisoire a pratiqué les attentats à l’explosif contre l’amiral Louis Mountbatten (1979) et en Irlande du Nord, dont celui d’Omagh avec 29 morts et 220 blessés (1998). En Espagne, l’ETA basque a utilisé des explosifs, notamment à Madrid contre l’amiral Luiz Carrero Blanco (1973) et dans un centre commercial à Barcelone causant 21 morts et 40 blessés (1987). En France, « Action directe » a assassiné l’ingénieur général René Audran (1985) et le président directeur général de Renault Georges Besse (1986). Entre 2001 et 2015, le terrorisme islamiste a tué 232 Français en France et à l’étranger. L’attentat le plus meurtrier a eu lieu le 13 novembre 2015 dans Paris et sa banlieue (130 morts et 415 blessés), suivi de celui du 14 juillet 2016 à Nice (86 morts). Enfin en Espagne, l’attentat du 17 août 2017 à Barcelone a fait 14 morts et une centaine de blessés de 35 nationalités différentes.




Qatar, vérités interdites

Grâce à ses réserves de gaz et sa position stratégique au sein du Moyen-Orient, le Qatar a acquis une stature internationale, mais qui reste fragile pour des raisons intrinsèques.

Depuis son émancipation de la tutelle britannique en 1971, ses deux premiers souverains successifs tentent de moderniser l’émirat, tout en respectant les traditions ancestrales. La société est façonnée par les descendants des rusés bédouins, vivant d’élevage et de rapines, et des pêcheurs de perles, durs au travail et aptes au négoce. Aujourd’hui, les premiers, indolents et conservateurs, ne songent qu’à la réussite sociale et son pouvoir induit, acquis par héritage familial ou tribal. Les seconds, progressistes et ouverts sur l’Occident, comptent sur leur travail pour y parvenir. Malgré leur mépris réciproque, tous présentent deux points communs : un nationalisme exacerbé et un islam un peu moins rigoureux que le wahhabisme saoudien. En effet, les femmes ne sont pas obligées de porter le voile, peuvent divorcer, travailler (80 % des effectifs des filières de communication et la culture) et exercer des responsabilités importantes. La plupart des Qataris, ayant étudié aux Etats-Unis ou en Europe, reviennent quelques années plus tard dans un pays qu’ils ne reconnaissent pas. La généreuse redistribution de la rente gazière à la population n’incite guère à occuper un emploi, considéré comme une déchéance sociale. A ces 300.000 autochtones, s’ajoutent environ 2 millions d’expatriés, affectés à certaines tâches selon leur nationalité : ménage pour les Philippin (e)s ; gestion hôtelière subalterne pour les Indiens ; sécurité pour les Népalais ; chantiers de construction pour les Pakistanais ; postes d’ingénieurs, de techniciens de haut niveau et de cadres supérieurs pour les Occidentaux. Ces derniers, chargés de former des jeunes Qataris à diriger des équipes dans le cadre du plan de développement « Qatar 2030 », se heurtent à leur manque de motivation et à leur susceptibilité. Les coopérants militaires rencontrent les mêmes difficultés avec les officiers, difficiles à gérer et qui ont beaucoup de mal à se concentrer, sauf ceux formés à l’étranger. Les équipements militaires, ultra-modernes, s’abîment et vieillissent plus ou moins bien, en raison de la rudesse du climat et du manque de suivi de leur entretien. Pour sa défense, le Qatar s’en remet aux Etats-Unis, qui disposent de la base d’Al-Uyeded (10.000 GI’s) et de la Vème Flotte en permanence dans le golfe Arabo-Persique. La coopération se maintient, malgré l’ingérence de l’émirat dans la guerre civile en Syrie et son soutien à l’organisation terroriste Al-Nosra, filiale d’Al-Qaïda. S’estimant menacé par les guerres incessantes au Moyen-Orient, le Qatar pratique une diplomatie tous azimuts. Il soutient la confrérie des Frères musulmans, considérée comme terroriste en Egypte et aux Emirats arabes unis, et le Hamas dans la bande de Gaza. Des familles qataries ont financé des agents recruteurs pour Daech. Par ailleurs, le Qatar partage l’exploitation du vaste gisement de gaz de North Dome avec l’Iran. Ce dernier a ainsi pu contourner les sanctions internationales à son encontre, grâce aux grands commerçants qataris d’origine iranienne. La modernisation de l’Iran dans les années 1960 reste un modèle pour le Qatar, conscient d’un basculement possible de la politique américaine. En conséquence, il investit en Europe, Asie et Afrique pour devenir incontournable sur les plans économique et diplomatique.

Loïc Salmon

L‘Égypte en révolutions

Arabie Saoudite : retour du sacré dans les relations internationales

Iran : retour difficile sur la scène internationale

« Qatar, vérités interdites », par Emmanuel Razavi. Éditions L’Artilleur, 198 pages, 17 €




Océan Indien : CTF 150, synergie franco-britannique

La Force opérationnelle internationale 150 (CTF 150), déployée en océan Indien pour des missions de sécurité maritime et de coopération régionale, a été placée sous commandement français pour un 10ème mandat (13 avril-17 août 2017). Son chef, le contre-amiral Olivier Lebas, a présenté le bilan de son action à la presse, le 31 août à Paris.

Coordination. Créée à la suite des attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, la CTF 150 (11 pavillons) est déployée entre la mer Rouge, le golfe Arabo-Persique et au-delà des Seychelles. Cette zone, encadrée par le canal de Suez et les détroits de Bab-el-Mandeb et d’Ormuz, couvre 36 % de l’économie mondiale, 64 % des flux commerciaux, 55 % des réserves de pétrole et 30 % de celles de gaz. Elle est menacée par la guerre civile au Yémen, l’instabilité en Somalie et les mouvements terroristes (Al-Qaïda dans la péninsule arabique, groupe islamiste somalien Al-Shabbab et Daech). La CTF 150 est complétée par la CTF 151 pour la lutte contre la piraterie et la CTF 152 pour les patrouilles dans le golfe Arabo-Persique. Naviguant à 400 milles (741 km) au large du Kenya et du Mozambique, elle ne participe pas à la lutte contre l’immigration clandestine. Pour la première fois, elle est dirigée depuis Bahreïn, siège du commandement américain de la coalition anti-terroriste qui regroupe une trentaine de pays. L’état-major de la CTF 150, composé de 24 officiers et officiers-mariniers, a inclus des officiers belge, italien et australien et un tiers de Britanniques. Cette proportion sera inversée lorsque la Grande-Bretagne commandera la CTF 150. Le 18 août, le Pakistan a pris la relève de la France.

Missions. La CTF 150 a mené une première opération dénommée « Southern Surge » de lutte contre le narcotrafic de mi-avril à mi-juin dans le Sud de l’océan Indien. Elle y a déployé 4 frégates (les Surcouf et Nivôse françaises, 1 britannique et 1 australienne) et 3 avions de patrouille maritime (1 Falcon 50 M de la flottille 24 F détaché à Mayotte, 1 danois et 1 néo-zélandais). L’opération « Southern Surge » s’est soldée par : 25 enquêtes de pavillon ; 8 saisies de drogues estimées à 457 M€ (1.271 kg d’héroïne, 455 kg de haschich et 11,3 kg de cocaïne) ; 35 sorties aériennes (210 heures de vol). Selon l’ONU, les stupéfiants contribuent à hauteur de 50 % du financement des talibans. Originaires à 90 % d’Afghanistan, les narcotrafics suivent une route terrestre par le Pakistan, puis maritime par le canal du Mozambique vers l’Afrique de l’Est et du Sud. La lutte commence par la détection d’un navire suspect par un aéronef, suivie du décollage sur alerte de l’hélicoptère d’une frégate, de la projection d’une équipe de visite du navire, fouillé méticuleusement, et de la destruction de la drogue, saisie et identifiée. L’action de la CTF 150 oblige les trafiquants à prendre davantage de risques par des trajets plus longs, qui diminuent leurs marges bénéficiaires. A partir de mi-juin, la mousson a réduit les narcotrafics. La CTF 150 a alors concentré ses efforts sur l’opération « Khamsin » de renforcement de la présence militaire dans le détroit de Bab-el-Mandeb avec une forte contribution américaine. Pendant 78 jours, 12 bâtiments de combat y ont effectué 37 transits pour établir des cartographies des habitudes de la zone (renseignement) et lutter contre le trafic d’armes dans le golfe d’Aden. Enfin, pour améliorer la coopération régionale, l’amiral Lebas a rencontré des autorités militaires du Sri Lanka, des Emirats arabes unis, d’Arabie saoudite, du Kenya, de Tanzanie, des Seychelles de Madagascar et d’Afrique du Sud.

Loïc Salmon

Marines : outils de sécurité, du Moyen-Orient à l’océan Indien

L’océan Indien : espace sous tension

Marine nationale : opération « Arromanches » en Méditerranée et océan Indien

 




Terrorisme : Daech, propagande habile et maîtrise technique

Malgré ses déboires militaires en Syrie et en Irak, l’Etat islamique (Daech) profite de la mondialisation pour diffuser un message opposé à la communication véhiculée par l’Occident, en vue de l’hégémonie de l’islam sunnite.

Ce thème a fait l’objet d’une conférence-débat organisée, le 22 mai 2017 à Paris, par l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Y sont intervenus : Kader Abderrahim, chercheur à l’IRIS ; François-Bernard Huyghe, auteur de l’ouvrage « Daech. L’arme de la communication dévoilée » ; Asiem El Difraoui, politologue et spécialiste du djihadisme ; Mohammed El Oifi, spécialiste des médias et des opinions publiques au Moyen-Orient à l’Université Paris III Sorbonne Nouvelle.

Méthode adaptée. Daech utilise vidéos et effets spéciaux pour propager son message avec la volonté de susciter un malaise, distiller la peur et tétaniser l’internaute le plus fragile psychologiquement, afin de provoquer chez lui le déclic qui le fera passer à l’acte, explique Kader Abderrahim. La révolution technologique d’internet engendre une accélération de l’Histoire en matière de terrorisme, en touchant très vite quelqu’un sur son « smartphone » ou téléphone portable. La mise en scène de la violence avec l’esthétique cinématographique exerce un impact réel via les réseaux sociaux, moyens dont ne disposait pas l’organisation terroriste Al Qaïda.

Contenu structuré. Le terrorisme compte sur la propagande par l’effet pour exacerber une croyance de haine, rappelle François-Bernard Huyghe. Grâce à ses moyens financiers et matériels importants, Daech combine « esthétique hollywoodienne » et ambiance de jeux vidéos, avec des prises de vues aériennes à partir de drones. Dès 2001, Al Qaïda a montré des scènes d’égorgements et de massacres avec la volonté de frapper les esprits par le spectacle de la mort, au moyen de cassettes VHS à diffusion relativement restreinte. Aujourd’hui, Daech met la technologie la plus moderne au service de la théologie la plus archaïque. Sa rhétorique (art de persuader) crée un effet d’adhésion, y compris à la mort : tuer pour montrer la colère divine et mourir pour apporter un témoignage. Le martyre doit épouvanter les « mécréants » et raffermir les âmes pures. A partir du territoire et de la population du « califat » établi en Syrie et en Irak, il exerce un contrôle sur les esprits pour transformer une croyance religieuse en une foi djihadiste, afin d’encourager son camp (l’islam sunnite), puis « l’Oumma » (toute la communauté des croyants), à déclencher la bataille finale contre le monde entier. Selon François-Bernard Huyghe, cette entreprise s’appuie sur les concepts grecs « pathos », « logos » et « ethos ». Le pathos fait appel aux émotions élémentaires en mêlant l’horreur au bonheur (rendre les gens plus heureux). Le logos, à savoir la logique exprimée par les théologiens les plus fondamentalistes, consiste à démontrer, à partir d’arguments et de documents anciens, que l’action de Daech exprime la volonté divine. L’ethos, morale du bien et du mal, se résume en l’allégeance au califat par le meurtre. Il s’agit de faire le djihad (guerre sainte) et d’aller vivre en Syrie et en Irak. Tout désaccord signifie déviance ou même crime. La propagande sur les réseaux sociaux se complète par des publications écrites (60 pages), mensuelles et en plusieurs langues, alternant scènes d’horreur et cours de théologie. Toutefois, une évolution vers plus de sécurité sur les réseaux sociaux (traçabilité des filières de recrutement) se manifeste à la suite des pertes de territoire par l’Etat islamique en Syrie et en Irak (encadré). Qualité de la propagande et quantité de la production diminuent, faute de ressources. En raison des revers face à la coalition internationale, Daech réactive le « mythe de la bataille » : Dieu infligera des épreuves terribles aux djihadistes, qui gagneront alors spirituellement  après avoir perdu militairement.

Monde arabe. Les chaînes de télévision d’information continue en langue arabe limitent l’influence de Daech au Moyen-Orient, car les ordinateurs et les réseaux sociaux y sont moins répandus qu’en Occident, estime Mohammed El Oifi. Elles ont acquis une dimension politique, car trois Etats en financent l’information. « Al Jazeera », installée au Qatar et qui diffuse des séquences d’images sans interviews de personnalités, a acquis honorabilité et rationalité. La chaîne iranienne « Al Alam » utilise des images de Daech pour démontrer que son action s’inscrit dans la stratégie des Etats-Unis. Certaines de ses émissions, diffusées à partir du Liban, invitent des intervenants de tous bords pour intensifier le débat. La chaîne « Al Arabiya », basée aux Emirats arabes unis mais financée par des capitaux saoudiens, montre que Daech s’intègre à la stratégie iranienne et dévoie l’islam. Selon Mohammed El Oifi, la région ne connaît pas l’Etat de droit ni la démocratie et l’antagonisme persiste entre les populations et les régimes en place. Politiquement, Daech tire parti de l’incapacité des gouvernements à donner un sens à la vie collective et du refus d’une hégémonie étrangère.

Contre-discours possibles. La « déradicalisation » en cours, qui consiste à traiter les apprentis djihadistes comme des cas sociaux, ne fonctionne pas, souligne François-Bernard Huyghe. Des arguments comme « Ils vous mentent » ou « Vous êtes manipulé(e) », échouent également, car ce public se trouve en rupture avec l’autorité. En revanche, le blocage technique  de la propagande de Daech sur quelques sites rencontre un certain succès. En outre, son réseau peut être « intoxiqué » par de la propagande « noire » déstabilisante (fausses informations mêlées aux vraies), afin d’encourager dissidents et « repentis », mais il faut d’abord en comprendre le discours. De son côté, Asiem El Difraoui recommande : de réfléchir sur la discrimination et l’exclusion dans la société ; de décoder le détournement de phrases coraniques qui ne mentionnent que la moitié d’une « sourate » (ensemble de versets) ; d’éviter le contre-discours négatif sur la culture d’origine ; d’expliquer aux jeunes qu’ils peuvent mieux vivre leur islam ailleurs que dans l’Etat islamique ; réfléchir aux valeurs communes pour aider les repentis à se reconstruire.

Loïc Salmon

Moyen-Orient : mondialisation, identités et territoires

Terrorisme djihadiste : prédominance de la dimension psychoculturelle

Moyen-Orient : défi du terrorisme islamiste de l’EIIL

Mi-juin 2017, l’Etat islamique (Daech) ne contrôle plus qu’une petite partie des territoires conquis en Syrie et en Irak lors de la proclamation du « califat » le 29 juin 2014 (en brun sur la carte). Les combats se poursuivent en divers endroits (zones hachurées en jaune et rouge). Selon l’Etat-major des armées françaises, en Syrie, les forces démocratiques syriennes (FDS) ont lancé l’offensive pour la reprise de la ville de Raqqah, « capitale » de l’Etat islamique. En Irak, Daech concentre ses actions de diversion et de harcèlement dans l’Anbar (Ouest). A Mossoul (Nord), les forces de sécurité irakiennes sécurisent la partie Nord-Ouest et tentent de reconquérir la Médina (partie ancienne de la ville), très urbanisée et aux ruelles étroites et resserrées où Daech reste solidement retranché. Membre de la coalition internationale engagée au Levant contre Daech, la France fournit des appuis aérien (reconnaissance, renseignement et frappes) et terrestre (artillerie) aux FDS et aux troupes irakiennes au sol dans le cadre de l’opération « Chammal ».